Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 22:43

Cles de voute pierre du sommet pierre angulaire 001Loge maçonnique ou Temple maçonnique ?

Ou la Naometria maçonnique et l’apologie du centre universel lumineux.

(Note de synthèse)

Aller au Temple ou en loge semble synonyme. C’est symptomatique d’un sens évolutif qui apparente la loge et le temple dans un même dessin.

Si le Temple est la maison de Dieu, l’espace consacré, la loge est la maison du savoir-faire et du savoir-être de l’Œuvrier. Les Francs Maçons sont occupés à construire le Temple.

 Le temple est le lieu de célébration d’une religion, la loge est le lieu de transmission initiatique se rapportant à l’art de bâtir. Il se trouve que l’art de bâtir est directement lié au sacré aux lieux consacrés et religieux dont il est chargé d’illustrer le sens.

L’illustration du sens divin suppose le préalable de l’initiation. C’est ainsi que la loge et le temple ont formé un indissociable binôme initiatique et religieux.

Le Temple est l’image architecturée d’un divin archétypal dont la loge rapporte un effet miroir lisible et transmissible à l’Œuvrier. La lisibilité passe donc par la représentation mentale dont on connaît le rôle essentiel dans l’interprétation des symboles et le devoir de mémoire. Rappelons que le devoir de mémoire est ni plus ni moins un catéchisme de grade appris par cœur, découvrant les vérités fondamentales du grade et héritage scolastique de la notion de « somma ». La somma est une totalité interprétative et explicative des Saintes Écritures. Le franc-maçon héritera d’une sorte de « somma » transmise par ses aînés, consistant dans l’interprétation cohérente de l’universalité des symboles et des rites qui se déroulent dans la loge. L’interprétation restera personnelle tout en étant fondée sur une conscience collective et empruntera les chemins de la méthode maçonnique à l'image d'un plan graduel et structuré en parties successives.

Tous les symboles maçonniques ont pour finalité la recherche intuitive ou déductive d’un centre universel lumineux qui fera lien entre poussière terrestre et souffle de vie. Ce centre par son universalité peut être compris au sens traditionnel (hébraïsant, Greco-Christique, christique), associé au Temple et à la cathédrale, comme au sens humaniste (associé au Temple intérieur). Ce constat nous aidera à répondre à la question : le franc-maçon travaille dans la loge ou dans le temple ?

Ainsi, la question d’une éventuelle confusion entre le loge et le temple s’expliquerait par la nature universelle de la recherche d’un centre et d’une unité, commune aux opératifs et aux spéculatifs ainsi qu’aux courants de pensée du XVII et XVIIIème siècle.

Auparavant, la métaphysique de la lumière prônée par Denis le Pseudo-Aréopagite puis par Scots Erigène (810-877) produira ses effets dans l’apparition du style gothique qui va sortir la conscience collective de l’indistinction tellurique des modes d’expression et de pensée. Ainsi Pseudo-Aréopagite dans Hiérarchies Célestes affirme que notre Esprit peut s’élever à ce qui n’est pas matériel sous la conduite de se qu’il est. La meilleure expression artistique de cette évolution sera l’apparition de la perspective qui fait descendre le ciel sur le carré long. La représentation des tableaux de loge du XVIII et XIXème siècles portent encore témoignage de cette descente du ciel en terre par le traitement « graduel » de l’effet de perspective (accepté depuis 1330 et Giotto). Ici est représenté le non représentable : l’immatérialité du point de fuite caractérisant l’insaisissable infini et où l’observateur est renvoyé en lui-même. Il confondra son regard et son parcours final avec un centre en abîme. Ce centre en abîme est au centre de la loge.

 On comprendra alors que le principe d’élévation architectural se confonde avec l’élévation de la compréhension pour dépasser l’interprétation symbolique classique et aboutir à l’interprétation anagogique…soit une méthode interprétative, qui littéralement « conduit vers le haut » ; c’est ici l’essence même d'un message gothique classique réactualisé, dans lequel le franc-maçon opératif tends la main est passe le levier de l'interprétation anagogique au franc-maçon spéculatif.

À ceux qui s’interrogent sur la cohérence de la chaîne de transmission initiatique entre le moyen-âge et le XVIIème siècle, nous avons ici la réponse. Le message et le rituel initiatique de la lumière furent fixés par l’orientation et la déambulation dans l’église à construire puis dans la cathédrale par les opératifs porteurs d’outils et les clercs porteurs de paroles et lecteurs de l’évangile selon saint Jean. Cette déambulation « lumineuse » se faisait en regard d’un centre à atteindre. La ritualisation de l’entrée et de la sortie du bâti sacré, n’était pas liée à la religion exotérique, mais conçue comme une véritable expérience initiatique dont il nous reste de manière très visible le labyrinthe qui deviendra pavé mosaïque en loge. La déambulation initiatique dans l’église ou la cathédrale, n’était qu’un exercice vécu et pratiqué en d’autres lieux plus adéquats pour la voie artisanale. À l’époque, l’église dotée d’une voie sacerdotale complète dispensait encore cet enseignement ésotérique. Divers mouvements et confréries réunis autour d’un saint intercesseur ont  procédé à la célébration du saint dans l’enceinte même réservée au sacerdoce. Par leurs offrandes et célébrations et par les déambulations en cortège, ils ont ainsi perpétué ce message anagogique d’élaboration alchimique et de construction lumineuse jusqu'à en remettre le dépôt dans cette franc-maçonnerie de transition du XVIIem siècle puis spéculative du XVIIIème Siècle. La pratique initiatique et la transmission ne furent point perdues ou dissipées comme certains le pensent, elle survécut en divers mouvements et organisations et nous revinrent en loge spéculative.

La Loge du franc-maçon, où la forme parfaite reste une « œuvre de l’esprit », deviendra réceptacle de toutes ces variantes traditionnelles (parfois secondaires) qui expliquent et célèbrent l’alchemia de la lumière née du Centre (hermétistes, rose croix, alchimistes, gnostiques, cabalistes, astrologues, etc.). Ici l’Esprit et la lumière seront synonymes.

La « franc-maçonnerie-réceptacle », fût-elle spéculative (de "speculum" le miroir), n’aurait donc subi aucune rupture dans la chaîne de transmission lumineuse ainsi que l’affirmait René Guenon (les historiens sont dubitatifs sur ce point, car la documentation fait défaut). La franc-maçonnerie de l’art de bâtir "spéculatif" ou "en miroir" resterait la dernière organisation initiatique authentique en occident qui transmet le « savoir-faire » ritualisé et méthodique et le « savoir-être » lié à la découverte et l’expérience intérieure d’un centre universel lumineux. C’est le sens de la démarche initiatique.

 

Un état d’esprit commun, distillé dans l’inconscient collectif, abouti à une matérialisation possible d’un centre lumineux. L’homme avait la capacité de le représenter physiquement pour mieux le ressentir intérieurement. Ainsi la lumière se confondait avec le divin centre et avait un aspect créé et concret et un aspect non concret voir incréé. Le signifiant (sculpture ou cathédrale) produisait le signifié (lumière), qui à son tour devenait signifiant appelant un signifié (lumière incréée).

 Ce mouvement se traduit par une esthétique de l’élévation et du cheminement méthodique et hiérarchisé et parfois intuitif, mettant l’art de bâtir au service d’une élévation de l’âme.

 Cette élévation se structura sur le plan d’une conscience collective façonnée par l’école de type scolastique qui tente d’associer Aristote et le Christ. Ainsi s’établit au moyen âge un fond commun de vérité greco-christique, une « somma » induisant une représentation mentale alliant une métaphysique de la lumière et le principe trinitaire. Ce phénomène qui influencera l’architecte et le clerc, était déjà dessiné et mis en pratique dans les loges de constructeurs. En effet, la tradition voulait que depuis la nuit des temps le bâti sacré fut orienté en vis-à-vis de la lumière solsticiale et en direction d’un centre lumineux dédoublé en terrestre et céleste (lever du soleil et étoile du Nord). C’est cette volonté de « mise en œuvre » par imitation traditionnelle de l’école (scolastique) et du maître que va revitaliser un schéma inconscient et collectif autour de la lumière. Ce schème était déjà connu des Égyptiens. On redonne du sens à la tradition conservée dans les rites célébrant la lumière. Ces rites de célébration de la lumière ont toujours été conservés dans la voie artisanale. La chaîne de la transmission se perpétuera entre le maçon opératif « initié » à la lumière et sous la rose et le franc-maçon en quête d’une vérité universelle.

La scolastique donnera au moyen-âge une méthode répétitive et planifiée de la lectio, du discours, des arguments, du raisonnement et de la disputatio. Cette méthode se perfectionnera et aboutira à concilier les contraires dans une lecture de niveau supérieur qui donnera plus tard l’esprit de synthèse (rassembler ce qui est épars). La méthode scolastique, par imitation de raisonnement, se retrouvera en architecture et en sculpture et donc dans les loges de bâtisseurs et dans les cathédrales en construction.

Les maçons opératifs habitués à conjuguer la matière et la lumière, furent témoins de cette conscience commune fondée sur la lumière métaphysique et le ternaire qui aboutira à montrer ou démontrer par le visible l’invisible.

Le jeu scolastique consiste à donner à voir les arguments qui en architecture mènent la lumière à l’intérieur du bâti. Ce jeu se retrouvera dans l’élaboration des idées et des constructions qui devront faire apparaître les modalités de raisonnement et de planification, partant de la pierre de fondation jusqu'à la croisée d’ogives. Ainsi deviennent visibles les nervures de la construction et les dentelles de lumières, les rosaces et les arcs brisés. L’ombre colorée et diffractée de la lumière filtrée par le vitrail fit le passage entre l’apparent et le caché, laissant entendre que la lumière se décline en plusieurs niveaux subtils à partir d’un centre (distinction maçonnique du rayonnement lumineux et du flamboiement du centre). Cet état multiple projeté et manifesté sur le pavement justifie la quête d’une remontée vers la cause première.

L’architecture gothique deviendra le lieu du raisonnement structurant l’idée lumineuse et la réalisant dans l’élévation du plan sur trois niveaux et plus. Aussi l’apologie du centre (le prêche de Saint Bernard réveille dans l’inconscient collectif de la quête du centre lumineux) aboutira aux 8 croisades (1095/1270) pour sa reconquête, aussi extérieures et matérielles que vaines.

Cette reconquête du tombeau de Christ se confondit géographiquement avec celle du Temple et s’affirmera sur un fond de représentation collective de « libération du centre », et reactivera l'idée de reconstruction du Temple. Le centre, alias la Jérusalem terrestre, était le point ultime du pèlerinage chrétien. Ce centre des centres sera traduit par le géomètre par un point commun au cercle, au carré et surtout au triangle, soit le point de contact absolu entre le bas et le haut, entre la matière et l’esprit entre la Jérusalem terrestre et céleste.

   

Le centre universel se confondra avec l’unité retrouvée, soit un point de vue métaphysique qui correspondra au désir d’unité, voire de réintégration avec le principe originel. Il y aurait ainsi superposition du centre dit « initiatique » et du centre dit « religieux »; autrement dit du Temple même. Cette superposition est due, qu’on le veuille ou non, au fait que l’art de bâtir soit une voie initiatique complète qui atteint le même sommet, ou centre, que l’art sacerdotal ou chevaleresque. Ce sont trois voies initiatiques et la religion dans son versant ésotérique oublié, possédait sa méthode initiatique complète. Or ces trois voies ont le Temple en source commune.

Il semblerait que tous les points de vue concourent à la recherche d’un centre universel. On retrouve dans l’art martial de la chevalerie, à travers le Graal, l’idéal ultime d’une réalisation volontaire et maîtrisée de soi jusqu'au sacrifice du corps du combattant. Ce centre de réalisation de soi deviendra une porte libératrice pour le chevalier.

 

Qu’ils soient avoués et reconnus sur le plan de la recherche personnelle, ou déclinés dans le point de vue collectif et social, les notions d’unité et le centre ont trouvé en Franc-Maçonnerie des moyens d’élaboration qui font de la loge un athanor pour la découverte de notre Temple ou Église intérieure. Cette idée d’un centre dénommé « Temple » nous sortira de l'impasse idéologique se bornant à exclure le Temple « religieux » de la loge. Il s’agirait donc d’un Temple initiatique commun à la voie artisanale, à la voie sacerdotale et chevaleresque.

La franc-maçonnerie n’est pas une religion, car on ne célèbre pas de culte en loge, mais elle ne s’interdit pas d’étudier le nomen, la source métaphysique et la traduction phénoménale du nom de Dieu.

Je tenterai de démontrer que chaque loge quelque soit son rite héberge un Temple en son Saint, dès lors quelle abrite un espace consacré (templum), tel que le carré long et le tapis de loge ou équivalent.

Nous concentrerons notre réflexion sur les trois premiers grades, en notant cependant que dans certains degrés dits « supérieurs » la rituelie se déroule clairement dans le temple. À ces grades la question est donc sans objet, mais affirme clairement le désir de faire exister le Temple en franc-maçonnerie.

 

Les prolégomènes ainsi posés, nous tenterons de répondre en 12 points à la question : le franc-maçon travaille-t-il en loge ou dans le temple ?  (Développement à suivre)

E.°.R.°.     

Partager cet article
Repost0
9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 17:15

douleur       De la douleur à la souffrance initiatique  

 

  -Maîtrise de l’ego (1erDegré)

 

 

 « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître. Nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert » (Alfred de Musset – La nuit d’octobre)

 

La douleur n’est certes pas une fin en soi, mais il semble bien qu’elle fasse partie du parcours de l’homme dans la vie. La vie ressemble à un labyrinthe avec un début de parcours et une fin. À moins que la fin ne soit un début, il faut bien reconnaître à l’homme qui cherche depuis toujours la lumière, une forme d’endurance et d’opiniâtreté à vouloir lutter contre l’animal en lui.

 

De l’animal il a conservé la douleur, de son humanisation par les sens devenus sensations puis sentiments, il a découvert la souffrance.

 

Le franc-maçon connaît ce parcours labyrinthique par ses voyages : au contact des éléments, il a appris à redécouvrir ses sens /sensations/sentiments-émotions. S’il comprend fort bien la douleur, il s’interroge sur la nature réelle de la souffrance. Celle-ci n’aurait-elle pas un lien de cause à effet avec la perte, la privation, l’envie, l’insatisfaction, le désir inassouvi, etc.

 

Vaincre ses passions et faire des tombeaux pour les vices. Quelle est donc cette partie de nous même que nous cherchons à contenir ?

 

La souffrance est liée à la douleur c’est une évidence, comme l’âme est liée au corps. Mais il est aussi possible que la souffrance soit liée à la part insatisfaite de nous même en regard de ce que notre ego prétend nous faire paraître ou devenir. Se posera la question du rôle de l’ego mal contrôlé dans la naissance d’une souffrance qui nous éloigne de la liberté.  

 

Nous vous invitons à découvrir cette approche de la douleur qui très vite aboutira à l’exploration de la souffrance et du rôle de l’ego.(E.°.R.°.)

 

 

  (...)

 

 

De la douleur

 

Dans la constitution d’un monde humain, c’est-à-dire un monde de signification et de valeurs accessibles à l’action de l’homme, la douleur est une donnée fondatrice. Elle est sans doute l’expérience la mieux partagée, avec celle de la mort.

 

Tout d’abord, il semble opportun de revoir quelques définitions de la douleur.

 

La douleur est la sensation ressentie par un organisme dont le système nerveux détecte un stimulus nociceptif. Habituellement, elle correspond à un signal d’alarme de l’organisme pour signifier une remise en cause, de son intégrité physique.

 

La douleur est une expérience sensorielle et psychologique déplaisante accompagnée de dommages réels ou potentiels. Elle peut être physique ou morale.

 

Impression de souffrance, état pénible produit par un mal physique mais aussi une peine de l’esprit ou du cœur.

 

Processus impliqué dans le traitement de l’information. La douleur correspondrait à la composante cognitive du processus de nociception tandis que la souffrance correspondrait à la composante affective.

 

Il en existe bien d’autres. Le mot douleur dans la langue française contient une ambiguïté sémantique. Il peut signifier non seulement un état physique, mais aussi un état psychologique. On lui reconnaît des synonymes comme : mal, affliction, calvaire, chagrin, déchirement, souffrance, peine, désespoir, désolation, tristesse, épreuve, misère, détresse, tourment (grand Larousse de la langue française).

 

 

 

Historique de la douleur

 

L’histoire de la douleur s’inscrit dans les grands courants de pensées rationalistes ou mystiques qui ont divisé les civilisations au cours des siècles. Au tout début, la médecine était imprégnée de pensée magique. La douleur était vue comme une malédiction, un être maléfique, un démon, un « djinn » qui s’emparait de notre corps et le détruisait. Cela pouvait également représenter une punition, un châtiment, une expiation.

 

Les premiers « soignants » étaient des sorciers, des magiciens, des guérisseurs de toutes sortes ou des prêtres qui servaient d’intermédiaires entre les malades et les puissances supérieures.

 

Puis vint le temps des philosophes médecins qui refusèrent d’associer la douleur à une quelconque intervention surnaturelle ou divine. Il faut donc l’étudier avec intelligence et raison.

 

Les philosophes grecs vont faire porter leurs efforts sur l’attitude mentale à adopter face à la douleur. L’homme devra donc rester stoïque. Pour les stoïciens, la douleur sera donc un mal que si celui qui l’éprouve la juge ainsi. L’homme doit se soumettre avec dignité à la douleur et de fait à la loi naturelle de la mort. Cicéron affirme le rôle de la volonté dans l’acceptation de la douleur : « Qu’y a-t-il qui vaille mieux pour éloigner la douleur que de comprendre qu’elle ne sert à rien et qu’il est vain de l’accueillir ».

 

Epictète prône l’entraînement du corps face à la douleur afin d’être indifférent aux sensations et aux instincts. Hippocrate affirme quand à lui que ni la magie, ni la philosophie, ni la religion n’ont leur place en médecine. 

 

Cet ascétisme est cependant très loin des morales religieuses à venir.

 

 

 

La rédemption par la douleur

 

Au commencement de notre ère, le grand courant monothéiste influencera fortement l’approche, voire la définition de la douleur.

 

L’Ancien Testament, la Tora, est un récit plein de violences, et donc de fait, de douleurs.

 

Du péché originel, condamnant la femme à enfanter dans la douleur au Nouveau Testament et la crucifixion de Jésus se sacrifiant par amour pour effacer nos péchés, on retiendra que c’est Dieu qui envoie la douleur à l’homme pour l’éprouver ou le punir. Pour notre civilisation judéo-chrétienne, la douleur devient une fonction morale de signification ambivalente. Elle peut donc revêtir une forme salutaire permettant la rédemption de l’âme ou alors représenter un châtiment destiné à expier ses fautes. Cette notion de douleur rédemptrice restera bien ancrée dans les mentalités. Beaucoup l’accepteront et même s’en réjouiront, car elle donnera accès à la « vie éternelle ». S’infliger des douleurs pour plaire à Dieu tels les « flagellants » deviendra donc un nouveau phénomène. N’oublions pas le « cilice », un des principaux instruments des chrétiens des premiers siècles, tunique ou ceinture de crin, d’étoffe rude ou de métal portée sur la peau nue pour mortification. Le cilice est encore systématiquement porté par les membres de l’Opus Déï...

 

 

 

La douleur n’existe que de manière transitoire si elle aboutit au sacrifice. Pour de nombreuses religions, le sacrifice est une porte d’accès  au divin. Elle est un préambule nécessaire pour un passage dans un ailleurs. C’est donc pas la douleur ni le passage qui sont initiatiques, mais ce qui se passe après.

 

Dans le sacrifice, on est heureux de se débarrasser de son corps enveloppe mortelle pour accéder au monde de l’esprit ou au paradis (Christ en croix, Saint-André en croix). La douleur est donc liée au corps et à sa disparition, à  son souvenir. Ce n’est qu’un passage en regard de ce qu’il advient de l’âme et de l’esprit qui continuent leur chemin.

 

Le sentiment lié à la douleur est relatif à la perte de la vie ou à son amputation. Le samouraï, le kamikaze, les fous de Dieu du djihad sont dans cette mouvance. Le templier aussi ce qui explique son aveu pour mourir.

 

 

 

De la douleur rituélique

 

 

 

De nombreux autres exemples d’automutilations ou de douleurs auto-créées verront le jour.

 

 

 

Il faut également noter un grand nombre de pratiques « douloureuses » pratiquées par tradition religieuse ou pour marquer son appartenance à un groupe.

 

La plus connue est sans aucun doute la circoncision.

 

Des dessins rupestres datant du néolithique ainsi que des hiéroglyphes égyptiens décrivaient déjà la circoncision. Hérodote en attribue la paternité aux Égyptiens dès le Vème siècle av. J.-C. Elle représentait pour les pharaons un caractère initiatique.

 

La circoncision se justifie tour à tour par une prescription hygiénique, une renonciation symbolique au péché de chair, un rite de passage à l’âge adulte, un signe d’appartenance à une communauté religieuse.

 

L’on retrouve cette pratique dans le judaïsme, l’islam, certaines communautés chrétiennes ainsi que plusieurs religions animistes.

 

Dans le judaïsme, elle intervient au huitième jour du nouveau-né lors d’un rite fondateur, la « Brit milah » en présence de 10 hommes adultes.

 

Appelée « Khitan, Touhour ou Tahara » dans l’islam elle est pratiquée dès le 7ème jour et jusqu’à l’âge de 13 ans.

 

On la retrouve également chez les Coptes d’Égypte aux Philippines et en Afrique.

 

Elle est présente dans de nombreux pays d’Afrique noire, en Polynésie et dans la plupart des tribus aborigènes.

 

Très répandue au Canada et aux États-Unis, une récente étude américaine à récemment classé les pays en voie de développement selon le taux de circoncision des hommes !

 

 

 

Une autre pratique malheureusement encore très ou trop répandue pour des pseudo motifs d’ordre religieux se nomme excision. Une étude parue en 2013 nous donne des chiffres révélateurs. Cette étude pratiquée ces vingt dernières années sur des femmes et des fillettes âgées de 15 à 49 ans, montre certes un recul de cette pratique, mais les chiffres restent impressionnants : 98% en Somalie, 96% en Guinée, 93% à Djibouti, 91% en Égypte soit près de 140 millions de personnes concernées dont la plupart ont subi cette pratique avant l’âge de cinq ans.

 

 

 

La douleur est-elle nécessaire, voire utile ?

 

 

 

Une chose est sûre. La douleur est inévitable, qu’elle soit physique (maladie, accident….) ou psychique (perte d’un être cher, déception amoureuse, échecs…….) chacun de nous aura à composer avec elle.

 

Dans certains cas, la douleur reste un baromètre indispensable aux soignants pour pouvoir adapter des traitements afin de la soulager sans danger d’excès médicamenteux.

 

« Il y a des maux qui sont absolument nécessaires pour savoir ce qui se passe exactement….On est plus capable de comprendre qu’il y a des souffrances utiles. On est des hêtres humains, on n’est pas encore des clones ….» La douleur a une utilité et « en insensibilisant la souffrance, on insensibilise le jeu des sens, on suspende le rapport au monde » (Le  Breton, 1995).

 

Cette citation du professeur David Lebreton * se vérifie tout particulièrement dans le cas d’une femme sur le point d’accoucher.

 

Sous péridurale, le problème réside dans le fait que la femme ne ressent plus suffisamment les signes de son corps pour faire correspondre les poussées à bon escient. Il faudrait donc mieux doser les antalgiques de façon à rendre cette douleur plus acceptable sans pour autant totalement la faire disparaître.

 

La douleur est également un garde fou nous empêchant de nous exposer à certaines situations, car nous savons que nous aurons à payer en souffrance le prix de nos actions.

 

 

 

Dans certains cas également, la souffrance psychique se révèle tellement intense qu’elle débouche sur des douleurs physiques. Ici la souffrance créerait la douleur. Nous aurions ainsi une douleur suscitée par quelques mécanismes biochimiques ou psychologiques inconnus.

 

Citons le cas d’une pathologie qui prête à controverse dans le milieu médical, la fibromyalgie.

 

Après avoir été considérée comme un syndrome, cette maladie caractérisée par un état douloureux musculaire chronique (myalgies diffuses) étendu ou localisé à des régions du corps diverses se manifeste notamment par une allodynie tactile et une asthénie (fatigue) persistante et pouvant devenir invalidante.

 

Une moyenne mondiale de 2 à 10 % (selon les pays) de la population des « pays industrialisés » est touchée par cette maladie (2 % de la population américaine avec une prédominance féminine nette).

 

En France un rapport gouvernemental de 2007 donne une prévalence française estimée à 3,4 % chez la femme et à 0,5 % chez l’homme.  Il y a enfin, en dehors de tout contexte médical, la douleur acceptée pour sa valeur initiatique.

 

 

 

La douleur initiatique

 

 

 

Toute initiation passe par un certain nombre de rites et d’épreuves qui  rendent effective la dichotomie Douleur/Souffrance.

 

 

 

Ceux-ci se déclinent en enseignements, cérémonies et épreuves. De nombreux rites qui seront dans la grande majorité des cas des rites de passage imposeront aux impétrants des épreuves douloureuses.

 

Présente dans les rites initiatiques de nombreuses sociétés traditionnelles, cette douleur est une mémoire d’autant plus chevillée dans la chair qu’une marque désormais bien visible signe l’apparence physique de l’initié. Subincision, limage ou arrachage des dents, amputation d’un doigt ou d’un membre, scarifications, excoriations, brûlures, tatouages, etc. sont autant de pratiques douloureuses qui laisseront des traces indélébiles sur les corps, mais aussi dans les esprits. L’épreuve marque et « transforme » littéralement l’être. À la modification extérieure de l’apparence correspondent un prise de conscience et une métamorphose du regard.

 

 

 

Cette douleur est l’encre de la loi commune écrite directement sur le corps de l’initié. Elle atteste la mutation ontologique de ce dernier, le passage par exemple d’un univers social à un autre. Elle bouleverse d’un trait l’ancien rapport au monde et la trace corporelle avec la douleur qui l’enracine signifiera la gravité de l’engagement.

 

La douleur devient alors source d’honneur. En surmontant la part physique et sa conséquence psychique appelée souffrance, le nouvel initié démontra son courage, sa virilité et la force de son engagement. Mais il restera toujours un enseignement discret dans toute épreuve vécue.

    

 

Pour être vrai, il faut avoir subi une épreuve initiatique

 

 

Comment ne pas parler de ces rites de passage plus communément connus sous les termes de « bizutage, bachotage (ou bahutage), usinage » ou autres.   

 

Que se soit dans les armées, dans certaines administrations, dans des corporations ou dans les grandes écoles, ces rituels ont  pour but de faire adhérer le futur initié à des valeurs communes à cette catégorie de personnels. Cela va les conforter dans ce sentiment d’appartenance à une collectivité. Après une période d’apprentissage, de tests et d’évaluation, ils sont prêts à franchir le pas et passent donc de l’état « d’apprenti » à celui d’initié.

 

Il va de soi que certaines pratiques dégradantes ainsi que des traitements sexistes ou cruels doivent être bannis de ces rituels. Malgré que la loi interdise ce type de rituel, il est évident qu’un grand nombre subsiste après avoir fait cependant l’objet de modifications tendant à les rendre plus acceptables.   

 

À la différence d’un bizutage subit et exagéré qui humilie et avilie la confiance en soi, un rite de passage bien ordonné et bien compris ne sera plus une épreuve douloureuse pour le candidat. Au contraire cette épreuve renforcera son identité et l’ancrera dans sa culture. Elle lui donnera un sentiment de fierté d’appartenance au groupe et lui offrira la reconnaissance du groupe. Elle viendra enrichir son estime de soi. Mais ici on perçoit que le rite de passage strictement social ne débouche que sur la reconnaissance des autres où l’ego reste dominant. Ce n’est pas une véritable initiation lumineuse, c’est un passage sociétal.      

 

 

De l’initiation

 

 

  Selon Mircea Eliade, historien des religions.

 

 

On comprend généralement par initiation un ensemble de rites et d’enseignements oraux, qui poursuit la modification radicale du statut religieux et/ou social du sujet à initier. Au-delà de ce but général, il est possible d’identifier des fonctions plus spécifiques. On peut ainsi distinguer trois types d’initiations traditionnelles : les initiations tribales (ou de puberté) qui permettent le passage de l’enfance à l’âge adulte ; les initiations religieuses qui ouvrent l’accès à des sociétés secrètes ou à des confréries fermées ; les initiations magiques qui font abandonner la condition humaine pour accéder à la  possession de pouvoirs surnaturels. Bien que toutes appartiennent à la catégorie générale des rites de passage, on doit éviter de les confondre avec n’importe lequel de ces rites.

 

En effet, l’initiation présente la spécificité de rendre possible un double passage : il s’agit d’une part de faire passer le néophyte de la vie infantile à la société des hommes, et, d’autre part, de le faire passer de la vie profane à la vie sacrée. Alors que la première transition peut être l’objet des rites de passage, la seconde est propre à l’initiation, donc on peut dire qu’elle est plus qu’un rite de passage. Plus qu’un changement de statut social, elle représente en effet une nouvelle naissance par le passage à une ontologie transcendante.      

 

Encore faut-il comprendre cette transcendance de façon assez large puisque l’initiation est un acte qui n’engage pas seulement la vie religieuse de l’individu, dans le sens moderne du terme « religion » - il engage sa vie totale.         

 

Il me paraît intéressant de dire quelques mots sur une initiation ritualiste très explicite : la danse de soleil.   

Ce rituel (de type chamanique) est pratiqué par plusieurs tribus indiennes d’Amérique du Nord et dans certaines traditions mexicaines. Il représente un moment très important dans le parcours initiatique des chamanes.

 

Chaque participant se présente devant « l’homme médecine » qui lui pince une partie de la peau de sa poitrine, lui pratique une incision de façon à pouvoir lui glisser une baguette en bois ou en os qui sera reliée à l’aide d’une lanière en cuir à un mât.

 

Le participant doit ensuite se libérer en tirant sur cette lanière en courant vers le poteau puis se jetant en arrière avec « la rapidité d’un cheval de guerre et la férocité d’un lion » dans une tentative d’arracher les broches de sa chaire.

 

Ces lanières représentent les rayons de lumière émanant du Grand Esprit. Le mât est le grand esprit, ce que nous interpréterons de manière initiatique comme « l’axis mundi » qui relie le haut et le bas.

 

Simplement, l’initiation chamanique reste dans un ordre inférieur et touche uniquement aux moyens d’action sur les êtres et les choses (magie cérémonielle) et aux communications avec un ailleurs fait d’esprits et d’ancêtres intercesseurs.

 

 

L’initiation chamanique et l’initiation maçonnique ne sont pas de même nature.

 

La démarche chamanique repose sur une communication interprétative avec la grande nature, d’un certain point de vue sa technique est proche du Mage… Ce n’est pas ici la préoccupation de la franc-maçonnerie qui s’occupe des progrès de l’humanisation de l’homme et de la découverte de l’unité principielle pour certains ou de la recherche de la vérité pour d’autres.imagesCAZG31D3.jpg

Les deux lanières sont la droite et la gauche en toutes choses et particulièrement dans le chemin horizontal de tout homme, doit-il aller à droite ou à gauche ?    

La libération des deux lanières fait que l’homme échappe au  choix binaire pour être homme libre sur le chemin. L’homme n’est plus la marionnette suspendue au bon vouloir des esprits et démons.   

En général, en deux ou trois heures, le participant parvient à se libérer, mais il existe de nombreux cas où il est nécessaire de doubler, et même de tripler ce temps.

 

Comment doit-on appeler dans ce cas précis les ressentis de cet «exercice » ? Douleur, car physique ou souffrance, car il n’est pas impossible que cela soit accompli en état de transe ?

 

En tout état de cause, ces douleurs ou souffrances sont assumées comme des épreuves indispensables à la transformation mystique qui n’est pas obligatoirement initiatique.

 

Les autorités américaines interdirent la Danse du Soleil et autres rites tribaux en 1881. La pratique continua cependant dans la clandestinité jusqu’en 1934, date à laquelle l’interdiction fut levée par « l’Indien Reorganization Act ».

 

Nous en venons à considérer que l’animation des sens par les épreuves de types initiatiques animent les sens et donc les sensations dans un sens remontant jusqu’au cerveau. Un état d’épreuve corporelle produisant la douleur physique crée un état d’âme et un état d’esprit. À partir d’un simple état d’âme naît la souffrance psychique qui dans le sens descendant se transforme en une douleur physique.

 

Il s’agit maintenant d’étudier le sens descendant de la souffrance, de l’âme à la douleur physique.

 

 

 

Approche Maçonnique du sujet

 

Avons-nous, nous francs-maçons soufferts, avons-nous aussi ressenti des douleurs, des souffrances, et aujourd’hui, souffrons-nous encore ?

 

Pour répondre dans un ordre chronologique, il nous faut tout d’abord nous replonger dans notre cérémonie d’initiation.

 

 

Nous avons été introduits les yeux bandés dans une petite pièce, puis notre accompagnant, après avoir fermé la porte nous a autorisés à enlever ce bandeau Il faut garder en mémoire que le but de l’initiation par l’épreuve est de plonger l’impétrant dans un certain état corporel, puis dans un état d’âme et pour finir dans un état d’esprit. C’est la perception de ces trois états qui donne à l’homme la conscience de son unité en rapport d’une totalité.    

Souvenons-nous, comme nous étions seuls dans ce cabinet noir éclairé par une faible lumière.    

Souvenons-nous également de ce crâne, ces ossements, ce morceau de pain, ce sel, ce mercure et ce « V.I.T.R.I.O.L. ».    

Cela nous effrayait quelque peut, mais ce n’était pas fini ! Le but sous-jacent de cet effraiement était d’affecter la partie secrète qui motive nos agissements et nos comportements. Cette partie secrète de nous-mêmes est appelée « l’ego ». L’homme est prisonnier de son ego comme le guerrier de ses deux lanières qui font de lui une marionnette. Dans le cabinet de réflexion, nous devons piéger notre ego, le rendre secondaire et servile à notre volonté, pour enfin trouver notre liberté. C’est ici le tombeau de nos vices et de notre prétention à paraître.    

Plusieurs fois, cette voie devant la porte nous invective, nous parle de ces objets qui doivent « nous suggérer des réflexions sérieuses sur le néant des choses d’ici bas ».    

Elle nous parle de résolutions, de penchants (égotiques), d’Ordre, de ténèbres et pour finir elle nous annonce « Monsieur, on vient vous chercher pour vous faire subir de violentes épreuves, physiques et morales. Êtes-vous encore disposé à les subir ? » (C’est ici que l’ego devrait vouloir fuir l’épreuve, mais un sentiment intuitif nous pousse à vouloir nous libérer de nos liens et déterminismes égotiques).    

Prenant notre courage (libératoire) à deux mains nous répondons que oui et la cérémonie continue.    

Après avoir juré de garder le silence, s’être rebandé les yeux, notre accompagnant va nous faire enlever nos emblèmes égotiques ;  montre, gourmette, chaîne, mais aussi notre veste, fait enlever un bras de la chemise, relever une jambe du pantalon, ébouriffer les cheveux, et même chausser je ne sais quelle pantoufle ! Notre ego est mis en situation de défaite et de résorption laissant la place au « je » dégagé du « je suis ».    

Puis viendront les questionnements, les trois voyages, l’eau, l’air et le feu, une pointe d’acier sur le cœur.    

Le serment ensuite, à genoux la main sur le Livre, la pointe d’un compas sur la mamelle gauche suivi des trois coups de maillet sur l’œil du compas.    

Cette pointe transpercera la carapace de l’ego pour inonder notre cœur de lumière, c’est la sortie de la caverne socratique.    

Et c’est seulement à ce moment que le Vénérable nous donnera la Lumière libératrice du « Je » et qu’enfin notre appréhension va laisser place à notre renaissance à une nouvelle vie. « Je suis » est mort ou maîtrisé, que vive le « Je »libre !    

Bien évidemment nous n’avons pas, à proprement parler, souffert de cette cérémonie. Peut être pouvons nous reconnaître que certes nous avons été déboussolés, que nous avons perdu nos repères, peut être même que nous avons eu peur, mais c’est suite à cette initiation que nous allons comprendre que pourtant nous sommes des souffrants. C’est la part parasitaire et égotique du « je » qui fut impacté.

 

Nous sommes des souffrants

 

Nous sommes des souffrants, car il nous faut maintenant faire table rase de ce que nous ou plus précisément notre égo, pensions juste. Il va nous falloir faire sacrifice de notre amour-propre (ego), de nos préjugés (ego), de nos quêtes individuelles des choses matérielles au détriment de l’autre (ego). Il va falloir œuvrer sans fin afin de trouver la vraie Lumière sans se décourager par les obstacles (mis en place par notre ego), car, si l’homme a perdu la Lumière par l’abus de sa liberté (égotique), il peut la recouvrer par une volonté ferme et inébranlable dans la pratique du bien (sans ego). Il faudra pour cela réprimer nos passions et réfréner nos désirs (qui dans les deux cas sont égotiques). Il va nous falloir unir l’esprit, l’âme et le corps pour être à la hauteur de toute chose et ainsi espérer parvenir à la Lumière du vrai Orient, car, jusqu'à présent, notre ego nous voilait la vraie lumière.

 

On peut donc dire que la Franc-maçonnerie, et ce, quel que soit l’obédience ou le rite, est une certaine forme d’antalgique aux turpitudes de la vie moderne (l’initiation par l’épreuve permet d’endormir les puissances de l’ego). La vie maçonnique correspond à mon sens, à une certaine forme de thérapie plus que jamais nécessaire aux hommes minés par la douleur de vivre, la peur de vivre, du lendemain , de la maladie, de l’angoisse, de cette peur existentielle, de cette « longue maladie » comme le disait Platon.

 

Notre quête initiatique va nous permettre de s’affranchir des passions en suivant un cheminement intérieur même s’il est semé d’embûches. En « visitant l’intérieur de la terre » et en pratiquant le rituel, nous allons nous ouvrir à la Lumière de l’ici-maintenant, dégagée de la gangue égotique. Suivre le rituel va nous permettre d’en comprendre les symboles qui vont nous parler directement au cœur sans intermédiaire parasite et favoriser le silence intérieur.

 

La mort initiatique et bien sûr la renaissance qui en découle, nous permet de dépasser notre « petit moi » et c’est notre travail intérieur qui nous permettra de réaliser l’interdépendance de tous les phénomènes et ainsi donc de nous unir à tous les êtres et à tout l’univers.

 

C’est tout le travail accompli pour équarrir cette pierre brute qui transformera ce monde de souffrance en un asile de paix, de bonheur et de fraternité, grâce à la culture de l’amour et de la connaissance, représentées par les deux colonnes du Temple. L’épreuve la douleur et la souffrance vont exiler l’ego dans un rôle subalterne.  Le maçon sait désormais que l’ego existe et qu’il doit le contenir, car il ne pourra jamais le faire disparaître. Au final c’est un maçon libre qui persévère dans sa marche vers l’Orient et c’est son ego qui souffre de ne plus être aux commandes.

 

Véritable science de l’esprit, la Franc-maçonnerie, universelle, n’impose aucune conversion et respecte toutes les croyances. En s’appuyant sur la tradition, la transmission, la connaissance de soi, l’initiation et la recherche dans la vérité dans une approche non dogmatique, elle n’a pour but que la perfectibilité et la liberté de l’homme.  

bouddha 

On pourrait faire un parallèle avec le Bouddhisme, car de nombreux points communs les rapprochent. Si le Bouddhisme dit qu’intérieurement l’homme a la nature de Bouddha et qu’il peut la réaliser en la débarrassant de ses différents voiles (égotiques) et ainsi se libérer progressivement de l’illusion (égotique), la Franc-maçonnerie fait référence à la pierre brute qu’il convient de tailler, de dégrossir, de travailler afin de la rendre cubique ou parfaite. Cependant, cette perfection n’est pas celle du « je suis », mais celle du « Je »    

Une chose est sûre, cette quête de la Lumière nous permet de soigner cette maladie de l’ignorance pour trouver la réponse à la question de Socrate « Connais-toi toi-même ».    

Encore faut-il admettre qu’être Maçon en Loge, c’est aussi l’être en son Temple intérieur et dans tous les actes de la vie quotidienne. La métamorphose de la substance purifiée est révélatrice de l’essence...

Luc Seb.°. R.°.L.°. "Ecossais de la sainte Beaume"

  

Sources : *Wikipédia Wiktionary – David Lebreton Anthropologie de la douleur, Paris, Métailié, 1995 – De la violence II, F. Héritier, éditions Odile JACOB, 1999 – Halshs-00119421, version 1, 9 dec2006 – Configurations relationnelles de la douleur, Michel Houseman CNRS – Fabrice Hervieu-Wane, une boussole pour la vie, les nouveaux rites de passage, Albin Michel 2005 – Mistral soignant n°22 – François Saint Pierre, chef de projet à l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la Santé –  hemato-icl.fr – psychobiologie.ouvaton.org –

 

* David Le Breton (né le 26 octobre 1953) est professeur à l'Université de Strasbourg, membre de l'Institut universitaire de France et chercheur au laboratoire Cultures et Sociétés en Europe. Anthropologue et sociologue français, il est spécialiste des représentations et des mises en jeu du corps humain qu'il a notamment étudiées en analysant les conduites à risque.

 

*A noter l’excellent passage sur la question de l’ego en franc-maçonnerie dans « L’arbre séphirotique maçonnique » par Rabi Zied Odnil éd Shekinah (ER°).

 

       

 

Partager cet article
Repost0
4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 22:36

Nous avons conclu dans les deux articles précédents au caractère non initiatique du rituel de passage de la ligne équatoriale.  

Nous commenterons les quelques rithèmes insuffisamment développés dans ce rite pour le rendre initiatique.  

 

Un rituel limité.

La ligne impose une limite que l'on franchit ou pas.

Ici le dépassement se fait dans la soumission qui démontre la "valeur" et la "discipline" du Neo.

La perte de sens d’orientation et la perte de valeur sont mises en scène et contrôlées dans un vieux rituel de la Royale. Il nous rappelle certains épisodes et épreuves préalables à l’initiation maçonnique. En Franc-maçonnerie le franchissement de la porte basse et les circonvolutions les yeux bandés, participent de la perte des anciens repères profanes. Il y a cependant une différence fondamentale entre le passage de la ligne et l’initiation maçonnique : en franc-maçonnerie nous avons un contenu initiatique structuré et graduel sous l’égide de la lumière qui s’oppose au rituel de la ligne. La graduation "chevalier de la mer" et "dignitaire des océans" correspond à des passages supplementaires de la ligne sans enseignement spécifique. Le rituel de la Royale implique un état d’humanisation inversé comme principe et aboutissement. C’est un rituel de formatage tribal, de calibrage et d’agrégation au groupe, ce n’est qu’un rite de passage nécessaire à l’unité combattante.

 

  passage ligne

 

(Le rithème du chaudron ou de la bassine n’est pas sans rappeler les fonds baptismaux. On remarquera l’humour du graveur dans cette illustration : le baptême se fait par le fondement et non pas par le chef ce qui démontre à nouveau l’inversion du sens, voir son caractère rétrograde sur le plan de l’humanisation).

 

Le rite de la ligne ne va pas jusqu'à l’initiation, mais la prépare comme l’épreuve du cabinet de réflexion le fait en Franc-Maçonnerie. Par comparaison nous pouvons avancer que le rituel de la ligne s’arrête au dénudement du genou et de l’épaule et ne va pas jusqu'à la lumière. Il n’y a pas la reconquête des états inférieurs suivi de la recomposition élémentaire de l’être jusqu'à la métamorphose du regard par la lumière. Ce n’est donc pas un rituel initiatique, mais un rite de passage au sens propre comme au sens symbolique.

 

Cette limitation dans l’ambition spirituelle de ce rite de passage s’explique par la connaissance d’un seul élément : l’eau. Alors que la franc-maçonnerie s’appuie sur la totalité élémentaire(terre,eau,air,feu) et sa quintessence.

 

L’initiation est toujours graduelle et permet le passage dans un état supérieur débarrassé des scories.

Elle correspondrait pour le marin à l’accès aux grades au combat par le sang versé. Ici l’eau salée devait avoir pour « essence » le sang.

En vérité l’élément eau et sel deviendrait sang du véritable chevalier de la ligne. Rien dans le rituel ne le fait apparaître. À défaut de lumière, et s’agissant de chevalerie, le Néo aurait pu intégrer la notion de sacrifice pour le passage au-delà de la ligne. Le sacrifice est un élément initiatique fort, en maçonnerie comme en chevalerie. Ici, il n’y a pas de sacrifice, mais plus simplement un renoncement à l’individualité par la crainte mise en scène et l’épreuve avilissante. En effet plutôt que de privilégier le mime du sang versé, on badigeonne le Neo de pseudo nourriture avariée qui s’apparente à des excréments. Puis de divers produits gluants et collants à la peau comme à l’esprit.

 

Le baptême[1]   par l’annonciateur est une purification. Le baptiste annonce la suite en s’effaçant devant celui qui est plus grand que lui (l’évangéliste). Symboliquement le baptême par l’eau permet de passer d’un rivage à l’autre, ici d’un hémisphère à l’autre, passant de l’Ancien Monde au Nouveau Monde et de l’Ancien Testament au Nouveau Testament. Mais le rituel n’annonce aucune « Bonne nouvelle », ni aucune perspective en dehors du groupe. La purification par l’eau salée renvoie à l’univers clos du bateau et à ses règles implacables.

Le message d’Amour qui est repris par les principes de la Franc-maçonnerie dans les termes mystiques Foi Esperance et Charité, ou pour son aspect "extérieur" et fondateur "Sagesse Force et Harmonie" est dégénéré en Soumission, Intégration et Ordre. (Cette règle prévaut dans tous les bizutages). "Honneur-Patrie" et "Valeur-Discipline" sont inscrits  depuis l'Empire sur les cartouches des bâtiments de la Royale, confirmant les valeurs chevaleresques et intégratives ainsi que et l'idéal commun. Mais ici le cartouche "Honneur -Patrie" a disparu de l'horizon, reste "Valeur - Discipline" à bord.

Le rituel ne met pas en avant l’aspect "lumineux" du changement d’étoile ou de pôle. Nous expliquons cette absence comme une perte de vue de l’horizon terrestre. Cet adombrement de l’humain confine ce rite au passage vers l’inférieur des possibilités humaines. Il n’offre aucun élargissement ou libération de l’esprit. Il ne forge aucun "idéal" de type chevaleresque. Il se résume à un conditionnement. 

La condition de marin est confortée dans son élément de base (l’eau) sans ouverture à un nouveau Pôle ou Testament en dehors de l’Arche. Dans ce rituel nous restons dans les eaux d’en bas où flotte l’Arche du groupe.

(...) 

Aperçus compagnonniques et chevaleresques

On peut aussi voir dans le symbolisme du passage de la ligne équatoriale un triple symbole compagnonnique inversé avec des développements pseudo-chevaleresque :

 

1)       Celui de l’émancipation du compagnon par le pas de côté qui le fait sortir de la « ligne rectiligne » de l’axe Est Ouest. Cette ligne dont s’affranchit le compagnon est strictement d’orientation Ouest-Est, ce qui est aussi la « ligne équatoriale » dont il est ici question. Cette analogie troublante est donc de nature à qualifier cette tradition de la Royale comme un élément coutumier dérivé d’une véritable tradition initiatique primordiale que la franc-maçonnerie a su conserver depuis trois siècles sans l’expliquer vraiment sur un point de vue hémisphérique.

 

2)       Le deuxième point relève d’éléments compagnonniques : le voyage et plus précisément le périple est le propre du compagnon opératif. Le compagnon s’émancipe et va faire son tour de France, de même le marin ne craint plus une limite-frontière qu’il croit franchir dans son tour du monde.

 

3)       Se pose le problème de l’étoile. Le compagnon suit l’étoile flamboyante traditionnellement dessinée tête en haut, le chevalier des mers à vu l’étoile tête en bas au sens propre et corrélatif à l’hémisphère Sud,  suivant le principe de reflet inversé entre ce qui est en haut et en bas. Ces deux étoiles ont deux significations différentes. La première est « visible » et oriente la marche du compagnon ou du bateau, la seconde est souvent associée à la Venus comme étoile des Rois-mages qui va dans l’hémisphère Nord comme dans l’hémisphère Sud. La relation à la seconde est de fait relative à l'observateur et implique l’abandon de la polaire absolue.  Il existe une "sympathie" entre le mage et cette étoile. Cette sympathie relève des possibilités d’action de l’homme dans son environnement.(Comme du capitaine du navire qui abandonne la polaire pour sa propre étoile). Nous passons de l'absolu fixe, au relatif mobile. Donc l'étoile comme la lumière s'apprecie dans un domaine suprahumain fixe ou absolu et dans un domaine infrahumain relatif. 

 

4)       La gaffe de l’épreuve est la lance d’un chevalier non pas en quête, mais en capacité à passer « sous » la ligne. Avec une gaffe on attrape et on soulève en attirant à soi. Le néo ne transperce pas il soulève les replis de l'océan. Son Graal est la coupe hémisphérique dans laquelle il tombe, réceptacle de l’intériorité commune au groupe et lieu de la chute collective. C’est aussi le baptistère du fondement. Il se rend mettre du voyage dans le monde d’en bas.

(…)

 

 

Il convient d'aborder les potentialités non exploitées ou oubliées par ce rite.

   

 

   L’étoile et le chemin intérieur

Les voyages terrestres du compagnon et maritimes impliquent de tout temps la connaissance des étoiles pour s’orienter, et particulièrement la plus indispensable, celle du Nord, mais la véritable bonne étoile du pèlerin est Vénus et donc le pentagramme. Cette étoile « révèle » au voyageur sur chemin, sa véritable personnalité, elle implique la connaissance de soi et donc le voyage intérieur entre la Lune et le Soleil, la réflexion retro-centrée et l’action rayonnante. Nous verrons qu’il existe un lien direct et structurel entre l’étoile du Nord et la ligne équatoriale.

C’est l'étoile qui montre le chemin aux Rois Mages et accompagne chaque pèlerin sur le chemin et qui par extension populaire, fait que chaque être à sa bonne étoile. Cette bonne étoile est aussi la découverte que chacun d’entre nous possède une aptitude à découvrir une partie de lui-même qui se situe hors du monde matériel. C’est plus qu’une aventure psychanalytique, c’est une révélation céleste à soi. C’est donc une extension de l’aspect corporel dans un domaine plus éthérique. Cette extension à l’essence de soi, hors la matérialité, donnera à l’homme, selon certaines théories, cette fameuse relation extracorporelle avec le divin et ses intermédiaires. Cependant le rituel de la ligne dont nous avons lecture, n’offre pas un tel développement.

 

Repolarisation de l’individu et la révolution.

  Pour ce rituel de la ligne, nous aurions pu titrer « Dépolarisation de l’individu ».

Ainsi le voyage extérieur se traduit par analogie inversée, en un voyage intérieur.

C’est le secret du voyage initiatique qui aboutira à la connaissance de soi.

Le voyage devient alors labyrinthique : le pèlerin parcourt la lieue de Jérusalem au cœur des cathédrales pour en atteindre le centre, comme le navire tire des bords pour remonter au vent jusqu’à la source (le port d’attache).

Or nous constatons que le franchissement de la ligne équatoriale est matérialisé ici par le soulèvement d’un cordage flottant. On ne passe pas la ligne, on passe sous la ligne.

Passer sous quelque chose implique l’intériorisation matérielle de la Ligne (voir nos explications sur la gaffe).

Ce passage « en dessous » donne accès à un hémisphère inversé. Cette relation dans l’inversion des deux hémisphères est, symboliquement, une inversion des mondes. L’Occident et l’Orient s’en trouvent bouleversés et disparaissent avec la polaire.

On peut dire au moment du franchissement de la ligne que les marins ont littéralement « perdu le Nord ». Tout leur comportement ritualisé le démontre. Plus encore la disparition des rivages Orient/Occident fait disparaître tous les lieux saints et montagnes sacrés. Il n’y a plus d’Orient au sens maçonnique.

L’inversion des sens correspond à la tradition dramaturgique de la « fête des fous » appelée aussi « fêtes des innocents » le jour de la sainte Anne[2]   . Cette fête nous renvoie dans le moyen-âge gothique sommet  initiatique des loges opératives dont l’exercice pratique d’élévation spirituelle fut les cathédrales.  Avec la fête des fous, l’ordre établi se retrouve inversé, la critique de l’autorité est libérée et chacun pouvait se déguiser et défiler dans la cathédrale en se moquant du clergé[3]  .

Le charivari à bord se rapporte à une immersion et au passage sous la surface des eaux. Ceci explique une inversion des valeurs, une perte de la polaire et du sens hiérarchique. Le tout est vécu par l’équipage comme une catharsis des forces passionnelles et souterraines qui se font jour dans les lieux confinés ou retirés du monde connu. L’apparente révolution à bord serait une involution collective.

.

 passage-de-la-ligne-.jpg 220px-Miniature Fête des Fous  

 

(Charivari au XIVème siècle et  La nouvelle Loi à bord.  Dans les deux cas, la caricature et le déguisement marquent l’inversion de l’ordre établi.) 

 

De la fête des fous au passage de la ligne il y a bien des points communs :

 

Le fou révèle et caricature la nature humaine par le fondement. Par le mime et le rire, il évoque sans crainte l’inversion en tout.

La fête des fous au moyen âge dépasse le simple défoulement et évoque une autre hiérarchie et d’autres repères.

Il est caractéristique que le charivari à bord et la fête des fous servent la même étoile, qui n’est pas la polaire.

La fête des fous commence à la naissance du Christ et s’arrête à la découverte par les Rois-mages de l’enfant roi grâce à une étoile.

La naissance du Christ est un passage de la ligne symbolique : «  l’incarnation de l’Esprit saint » se déroule le 25 décembre (naissance du Christ) et dure jusqu'à sa reconnaissance par les 3 Rois Mages suivant l’étoile, le 6 janvier.

 

C’est le début du « comput » de l’ère chrétienne, le décompte est positif depuis, en revanche pour les années antérieures, le décompte est en valeur inversée précédé du signe moins. Ceci nous ramène symboliquement au point de basculement entre le plus et le moins (ou entre le haut et le bas...).

Nous avons dans ce rite maritime une « fête des fous »ou « fête des innocents neos », qui s’organise avant le passage en compte à rebours et après le passage en nouvelle ère pour le baptisé.

Nous retrouvons ce passage à la nouvelle ère dans la Pessah juive où la traversée de la mer Rouge  marque le passage de l’Égypte de l’esclavage à la terre promise. Les élus et les fils d’Israël ne peuvent avoir de perspectives hors du groupe. Il y a un changement de statut : les enfants d'Israël sont passés du statut d'esclaves à celui de fils d’Israël. La sortie d'Égypte est un rite de passage grâce au bâton de Moïse qui partage les eaux et ouvre d’Ouest en Est un passage au sec. Avant ce passage il n’y avait pas d'existence ni pour la collectivité ni pour l’individu, chacun était individuellement esclave en Égypte. On passe donc à une souveraineté individuelle qui s’abandonne à l’esclavage à une souveraineté collective dans la destinée. Il y a une forme de libération dans l’appartenance au groupe qui marche vers son monothéisme et son destin. Cependant le rituel de la ligne se réfère à l’intégration au groupe sous couvert d’un dieu païen. L’intégration au groupe s’accompagne donc d’une régression historique et symbolique.

Le comput fonctionne à l’envers. le Néo est plongé dans une valeur de temps négative associée à une régression.

 

De la liberté à l’appartenance par recentrage :

Sur un bateau il est trop dangereux de perdre le cap en laissant de simples matelots barrer le navire. Le Cap est conservé par ceux qui savent s’orienter sans la polaire.

Les néophytes subissent les épreuves pour apprendre de nouveaux repères plus spécifiques. Ils devront perdre leurs repères de l’Ancien Monde (Honneur et Patrie, perte de l'honneur porteur des valeurs hautes de l'individu, et le de Patrie avec ses valeurs constitutionnelles et légales qui protègent la liberté individuelle).

Délibérément on perd le Nord et l’autorité d’un Centre extérieur au navire (légalité continentale, Centre spirituel) pour intégrer un Centre plus restreint et plus confiné qui est celui de l’autorité à bord.

Ce qui est remis en cause ici c’est la qualité d’homme ne dépendant que du Nord.

Mais nous avons compris qu’il n’existait pas d’étoile fixe dans le ciel pour se substituer à celle du Nord. Il ne peut donc y avoir élévation céleste de l’esprit identique pour tous dans l’autorité d’une étoile. Le rituel ne montre aucune étoile, et le sextant fait le point sur la disparition de la polaire. Nous en déduisons que chacun risque de suivre sa bonne étoile, ce qui est un facteur d’anarchie qu'exprime le charivari à bord. Il va falloir établir un nouvel ordre.

 

Ce bizutage va réduire l’apparence de l’homme à une condition servile. C’est précisément une inversion du sens commun et une restriction de sentiment d’indépendance et d’individualité hors d’un tout réduit.

Par le truchement du « passage en dessous », l’humanisation s’en trouve remise en question comme une marche en arrière de l’humanité, faisant la distinction entre ceux qui ont subi et ce qui subissent. On revient à un système archaïque qui fait de l’Arche et de « l’Archè » une fin en soi oublieuse de l'individu multiple. On voudrait en effet que les individus soient réduits à un seul corps, probablement celui de la Génèse. La causalité première semble résider dans l’arche.

Je pense que la causalité première peut se retrouver dans l'arche de Noé, et les aspersions d'eau salée évoquent le déluge, mais il manque le retour de la colombe un rameau d'olivier dans son bec pour annoncer la nouvelle terre, et le mont Ararat n'est pas à l'horizon. 

arche-noe-colombe-dessin.jpg  (Le rituel ne la ligne enferme la perspective à l'équipage, la liberté promise par la colombe n'est pas de mise)

 

Bien entendu cette inféodation apparente est ressentie comme libératrice, car on fait partie enfin du groupe. C’est ici la seule issue possible, il n’y a aucun rivage visible à l’horizon. Ce groupe se substitue à l’individu dans l’élaboration de la pensée de chacun.

On peut voir dans ce rite le désir de mettre en avant le chemin parcouru entre l’état  individuel inadapté et l’état d’homme libéré dans un groupe. Ce nouveau marin raisonne désormais en membre d’équipage et non plus en individu. La nouvelle perception du collectif restreint au centre d’autorité du navire est corrélative de l’exploit du changement de monde. Cet exploit ainsi ritualisé devient une expérience marquante. 

Sur le navire devenu arche, le marin ne peut se détacher de l’équipage.

Cette découverte brise les protections et les limites de l’homme isolé. L’instinct grégaire trouve ici sa récompense que le rituel de passage conforte. Le franchissement de la ligne est alors vécu comme un véritable affranchissement, l’individu n’est  plus prisonnier de lui-même et de son ego. Insidieusement il échange son libre arbitre égotique qui peut être dangereux sur un navire, contre un passeport pour appartenir à la communauté des vrais marins. Enfin, il est dans une communauté d’expériences et d’égrégores partagés. C’est l’exemple typique du processus d’intégration selective que certains pourraient qualifier de sectaire. ( Ce que combattent les francs-maçons, est ce faux semblant de libération par inféodation du corps et de l'esprit).

Cette nouvelle situation de l’individu vis-à-vis du groupe et de son centre de commandement est cependant une garantie pour la fiabilité et la solidité du groupe en situation difficile ou de survie.

 

    Le paradoxe: Nouveau Monde, ancien Centre.

Nous avions déjà connu dans le monde maritime la découverte du franchissement de la ligne séparant l’Ancien Monde du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492. Certes la ligne n’était par équatoriale, mais longitudinale. Ici le Nord n’était pas perdu, ce qui l’était, c’est le centre spirituel auquel on devait se référer. Désormais la référence de l’Ancien Monde disparu à tel point qu’à mi-chemin, au milieu de l’Atlantique, Christophe Colomb fit patienter son équipage par une énigme symbolique : Comment faire tenir un Œuf debout ?  On fit tenir debout un œuf en écrasant l’un de ses pôles, tout un symbole quand on sait qu’il pouvait s’agir pour l’époque de l’œuf du monde. L’un des mondes, l'inferieur, serait contraint et écrasé par l’autre considéré comme supérieur.

Le Centre ou Pôle spirituel des marins était Jérusalem et Rome. Sur ce nouveau continent plutôt que de découvrir un nouveau Centre, on décidât de l’imposer par la force, ce qui explique l’attitude inconsciente des conquistadores.

 Les conquistadores, venus pour l’or, ont fait une croisade inversée et n’ont libéré aucun lieu saint. L’inversion consistant ici, en l’asservissement des âmes et la quête d’un or matériel et sanglant. On choisit d’imposer un pôle spirituel autre et donc un  nouvel ordre établi , de l’Ancien Monde dans un Nouveau Monde.

Inadéquation du Centre spirituel implique la mise en servitude d’une civilisation. Cette mise en servitude est le sort réservé aux indigènes colonisés comme aux jeunes matelots « Neos ».

Les indigènes comme les Néos devaient s’adapter ou disparaître.

ColombNouveauMonde.jpg  (Colomb impose par l'érection de la croix, un Centre spirituel dans le Nouveau Monde)

 

Les nouveaux repères et Nouvelle Loi

La perte du Pôle ou du Centre Spirituel implique une perte des repères et une perte du bon sens. De cette perte naît une expérience collective et individuelle, que l’on subi ou que l’on fait subir et que l’on réanime à chaque passage de ligne. Ceci peut être vécu comme une libération ou comme un déchirement.

C’est dans tous les cas la découverte d'un monde inconnu, qui remet en question les valeurs établies. Il s’en suit une confrontation entre deux systèmes légaux et deux Centres spirituels.

Ceci aboutira à la grande controverse de Valladolid où notre bon clergé ibérique, sous la houlette de Charles Quint, s’interrogea longuement sur la manière d’imposer à un peuple innocent (aussi innocents que les Neos ), dotés d’une conscience collective structurée et centralisée, des règles soi-disant civilisatrices.

On retrouvera la récurrence du problème confrontant : Nouveau continent /humanisation / ancien Centre, dans l’attitude des colons australiens en regard des peuples autochtones, ou des colons blancs en Afrique du Sud. On glissera de l’esclavage aboli par les Anglais en 1833 à l’apartheid aboli en 1991, etc. A chaque fois se pose la question de l'hégémonie d'un centre spirituel et légal sur l'autre.

Dans la microsociété du Navire, il n’y a pas esclavage, mais il y a confrontation entre les repères des néophytes et ceux des marins aguerris ou plus précisément « amarinés » du Sud  ou « au parfum[4]   » du Sud.

 

Au bout du voyage, au-delà de la limite du connu, c’est l’inconnu que l’on rencontre qui s’agisse d’un Nouveau continent, ou d’une autre humanité, et plus encore la découverte d’un continent intérieur ou d’un autre soi-même. Curieusement, le nombre et le collectif se retrouvent parfaitement hébergés dans l’individu grégaire. C’est ce que l’on appelle « l’esprit de corps » propre au groupe de combat, ou aux organisations corporatistes ou initiatiques. C’est grâce à cet égrégore que les plus grands combats démocratiques furent menés. Mais la version noire de ces égrégores produisit les pires atrocités pour l’humanité. Il faut être prudent sur cette notion.

Nous reconnaissons l’importance de cet esprit de corps dans les rites profanes ou initiatiques.    

L’infériorité numérique du groupe se compensait au combat par la détermination provoquée et entretenue par l’égrégore. L’homme ne s’appartient plus il appartient au groupe et à ses frères d’armes. On entendait dans les combats d’antan l’appel aux ancêtres pour venir combattre en esprit au côté des soldats. L’appel de cette nature s’appuie sur l’égrégore. Le cri d'arme du chevalier entrant dans la mêlée est de même nature.

La vaillance, le courage et le détachement sont symptomatiques de l’emprise de l’égrégore...

 

 L'épreuve de la Chute 

Une autre question est posée par le rite de la ligne ;

La ligne, nous la comprenons comme une limite entre la demi-sphère supérieure et la demi-sphère inférieure.

L’Iliade et l’Odyssée et Héraclès nous ont fait connaître les colonnes d’Hercules au-delà desquelles le monde chutait dans l’abîme. Les anciennes cartes maritimes attestent de cette idée de chute ou de terra incognita.

La chute et l’abîme sont associés à l’inconnu, et parfois aux enfers. Depuis Déméter et Perséphone, nous savons qu’il est possible à l’initié de descendre dans l’inconnu au plus profond de soi et d’en remonter en respectant certaines conditions.

On n’est jamais sûr de pouvoir passer la ligne, il y a toujours un Sphinx pour tuiler Œdipe, un cerbère pour garder la frontière. Le passage est associé à l’épreuve de la descente.

abime.jpgchutes-.jpg 

 ( La limite exterienre d'un monde connu rejoint l'abime de nos pensées et de notre representation mentale. Cet au-delà reste à decouvrir, l'équipage doit se preparer à faire face.) 

L’abîme et la limite

Franchir la ligne, c’est donc  « tomber » littéralement dans la limite. Je dis tomber dans la limite, car l’homme ne peut aller plus loin que son imagination le porte. (Il reconnaît cette impossibilité dans ce rite en passant sous la ligne). La limite de l’homme sera toujours la ligne-frontière de sa représentation mentale. C’est pour cela que certains philosophes affirment que Dieu n’existe que si l’homme est là pour le concevoir sur l’écran de son imagination.

Ainsi le cartographe et le géomètre s’entendent pour mesurer la planète. Ils contiennent et dessinent le monde à l’intérieur d’une cage faite d’abscisses et d’ordonnées, de latitudes et de longitudes. Ainsi nous vivons « sous » telle ou telle latitude. Notre monde est issu pour partie de la tutelle géométrique et n’autorise pas la vision de l’inconnaissable ou de l’innommable.

Tomber dans la limite, sans pouvoir aller au-delà c’est ce que nous faisons dans le rêve. C’est la porte d’accès aux autres mondes qui habillent et protège notre idéal d’existence.

Ainsi La limite est du domaine de l’homme : elle s’y associe en tant que quantité en tendant vers l’infini sans jamais l’atteindre vraiment, condamnant l’homme à sa condition terrestre. C’est la représentation de l’homme en croix dans le pentagramme, ou la tête ne touche pas le sommet de l’étoile.

Franchir la limite, ou plus précisément s’affranchir de la limite n’est pas possible dans le domaine numérique et quantitatif, ce n’est possible que dans le domaine qualitatif.

C’est alors le « hors limite » dépassant les contingences, qui permettrait d’affleurer l’infini. Nous serions alors dans le domaine des grands mystères rendant l’homme égal du tout.

L’homme se cofondant avec l’infini se superpose à la totalité. C’est dans ce dernier cas la représentation suivante : l’homme inscrit dans le pentagramme lui-même centré dans l’hexagone central de l’hexagramme. On l’appelle l’hexagramme pentalphique. L’homme s’y intègre non pas en temps que quantité nombre et mesure, mais en temps que qualité, où du corps exhale l’esprit.

De tout cela le rituel du franchissement de la ligne équatoriale est amnésique .

 

Le point, le cercle et le basculement

Le marin franchissant la ligne tombe dans la limite.

Partant d’un point de vue hémisphérique vu du pôle Nord, le marin part d’un centre connu pour tenter d’aller au-delà de la périphérie-circonférence. Il est impossible d’aller au-delà.

Au-delà de la ligne équatoriale, il s’approche de plus en plus du pôle Sud.

Faisant ainsi un parcours inversé, il rejoint le point caché et opposé au Nord. Ce point caché et opposé est généré par l’axis Mundi. Ainsi franchir la ligne veut dire tomber dans la limite de l’être qui l’amène à avoir la connaissance intime et inversée du réel. Nous sommes très proches de l’abîme dans lequel nous voulons plonger pour avoir la connaissance de soi.

Cette constatation nous amène à considérer « La ligne » comme la circonférence-limite d’un monde connu et apparent. C’est la limite du monde connu qui donne accès au centre secret en soi.

Donc la ligne est ici un Lieu de basculement comme le point de conjonction du sablier. Le lieu du basculement est en fait une porte qui permet la chute ou la remontée. Le point de conjonction est le point en abîme ou le point d’intersection des mondes. Pour le marin l’emprise de l’étoile du Nord trouve sa limite dans la ligne équatoriale. Symboliquement au-delà de la ligne, nous serions sous l’emprise d’un autre ciel et d’un autre Pôle, celui d’un monde symboliquement inversé.

C'est encore un point escamoté par le rituel.

Ce rite du passage de la ligne par ses absences ou insuffisances symboliques reste un simple rite de passage et d'agrégation au groupe. II possède en lui des développements potentiels qui pouvaient le rendre initiatique, ce qui pose la question de son origine historique et de la connaissance initiatique ses premiers auteurs... Un rite  initiatique peut se dégrader, sous l'action profane, en simple rite de passage.  Se pose ici le problème de la modification ou modernisation des rituels qui trop souvent tendent vers une simplification profane.

E.°.R.°..

      à paraître dans RDM7 


[1]   Le nom du Baptême vient du geste qui le réalise: baptiser signifie « plonger », « immerger ». La plongée dans l'eau signifie pour celui qui demande le baptême (le catéchumène), son union au christ dans sa mort et sa résurrection. Il est comme une « nouvelle créature » dans le rite de la ligne, il s’agit d’une inféodation au groupe.

[2]    On élisait un évêque, et même dans quelques églises un pape des fous. Les prêtres, barbouillés de lie, masqués et travestis de la manière la plus folle, dansaient en entrant dans le chœur et y chantaient des chansons obscènes, les diacres et les sous-diacres mangeaient des boudins et des saucisses sur l'autel, devant le célébrant, jouaient sous ses yeux aux cartes et aux dés, et brûlaient dans les encensoirs de vieilles savates. Ensuite, on les charriait tous par les rues, dans des tombereaux pleins d'ordures, où ils prenaient des poses lascives et faisaient des gestes impudiques.(wp)

[3]   On célébra aussi l’âne qui portait le Christ le 28 décembre et le 6 février la fête des Rois (mages) était l’occasion d’un joyeux charivari dans le bas clergé. Le passage de la ligne avait eu lieu !.

[4]   Au parfum de la rose qui est le centre absolu pour les initiés sub rosa.

Partager cet article
Repost0
28 septembre 2013 6 28 /09 /septembre /2013 17:42

   tampon de la ligne -copie-1 

Rite de la ligne  2ème partie.

Nous poursuivons notre étude symbolique du rite de passage de la ligne équatoriale, en cours dans la marine française- Cette étude est un exercice de style sur le symbolisme appliqué à une rituellie fut-elle profane.

 

Approche symbolique du tampon.

Il va sans dire que l’interprétation qui suit ne perd pas de vue le côté humoristique et bon enfant d’un tel rituel même si l’on parle de bizutage des néophytes. Il existe derrière cet aspect potache une rigueur dans l’application rituelique qui doit attirer notre attention.

Ce n’est pas parce que le rite est simplement dit « de passage » qu’il n’offre pas des signes initiatiques dissimulés. Le tampon sur notre document en atteste.

Celui qui a buriné le tampon l’a fait, suivant les règles habituelles de composition d’une flamme circulaire concentrique. Le motif central doit être justement équilibré, les éléments remarquables du sujet représentés. La logique de la flamme est naturellement symbolique, car seul le symbole peut résumer et représenter un concept.

 

Nous avons sélectionné une série de représentations symboliques qui par analogies se complètent et se répondent.

Nous partons d’un cercle dans lequel doivent se représenter le monde d’en haut et le monde d’en bas, avec un triangle montant et descendant. Vu autrement on traduit cette relation par un axe traversant un plan, soit une croix de Saint-André avec un axe vertical en son centre. C’est l’archétype de la croix tridimensionnelle. (Nous utilisons ici les règles d’analyse en cours au REP). Enfin ramené à un navire, l'axe devient le mat central, le plan est le navire sur l'eau.

                 6                                                                                                        

 

À partir de  l’archétype symbolique qui précède on dérive un labarum constantinien du IV em siècle, le tampon objet de l’analyse, un arbre de vie hermétique du XVIIème siècle et enfin le l’axe mercurien ailé enlaçant de deux serpents montant représentants la cristallisation de la vie (ADN). Nous aurions pu utiliser l’arbre séphirotique.  L'ancre est le symbole de l'espérance et de la fermeté. l'ancre désigne la stabilité, la solidité de la foi chrétienne. Sur les tombeaux des premiers chrétiens, elle symbolise le salut. Elle est representée au Rite émulation. 

 

 

. Laborum.jpg     tampon de la ligne

     27.jpg          37.jpg                                                                                                                

 

Nous avons à l’intérieur d’un triple cercle représentant les trois sphères esprit /âme /corps (ou le ciel, la mer et la terre), un chrisme composé d’un axe représentant l’ancrage du marin. Cet axe est la stangue de l’ancre. Ce monde est sphérique et gravitationnel : équivalent du fil à plomb, une ancre relie le haut et le bas avec un cordage vital s’enroulant autour. Le cordage qui le relie à l’ancre est pour le bateau comme pour le marin une ligne de vie (la gumène).

Ce cordage part d’un anneau marquant « l’alliance » avec le ciel qui va jusqu'à la profondeur des océans. Le ciel est la partie supérieure de l’ancre formant un triangle montant, la profondeur abyssale est marquée par le triangle descendant de la partie inférieure.

 Nous reconnaissons ici l’arbre de vie composé d’un axe et de deux ou plusieurs triangles montant et descendant. Le principe hermétique « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » découle de cette représentation universelle. Le haut et le bas sont deux triangles réunis par l’axe de l’ancre et entre lesquels s’enroule le serpent symbole de la vie terrestre qui s’y cristallise. Le triangle haut à pour base la traverse en bois appelée la trabe.

 

Formant une croix de Saint-André, nous avons une gaffe pointe en haut signifiant le pouvoir d’action sur la ligne par le chevalier des mers, qui recroise un trident symbole du pouvoir divin et les trois voies initiatiques (ou les trois mondes minéral, végétal, animal pour les tenant de la grande Nature) qui ont présidées à l’armement aquatique du chevalier.

 Au croisement des trois axes et donc « en abîme » au sens héraldique et précisément au centre du Chrisme, nous avons une couronne « Exotique » dans son ramage ou plumage, marquant le bouleversement des valeurs.

 

Traditionnellement la couronne exprime la procuration et la légitimité divine du roi et de son action ici-bas. Le Roi agit au nom de Dieu. Ce n’est pas la couronne de Neptune ni d’Amphitrite, mais celle du capitaine de bord.

« Couronnant » le centre, une couronne, un zodiaque « indigène » et donc de l’autre monde, marque le changement de centre légal et spirituel. C’est l’illustration de la dépolarisation des hommes et de leurs systèmes référentiels. Ainsi l’horizon terrestre de l’hémisphère Nord cède la place à un horizon maritime en relation avec un nouvel horizon céleste.

 

On remarque que le centre de la croisée du chrisme correspond au centre « intérieur » de la couronne, on peut évoquer ici la notion d’ordre intérieur. Ce centre intérieur peut s’atteindre par la plongée sous la ligne de l’équateur. Ce passage dans l’épreuve permet non pas de dépasser la circonférence pour aller « au-delà » mais plutôt d’atteindre le centre de soi. Nous resterions ainsi dans le monde des petits mystères.

 

 La couronne est le symbole du pouvoir royal « indigène » qui s’exerce par délégation du Dieu tutélaire représenté par le trident de la Connaissance (pouvoir Sacerdotal, Royal et Artisanal) et dont le moyen d’action sur son royaume sera la gaffe (pouvoir artisanal du marin) qui permet le passage sous la ligne. Ledit territoire sera défendu par le chevalier (pouvoir Royal).

Le Roi est l’envoyé de Dieu. Sur l’arche flottante sur le Nouveau Monde des eaux « intérieures » c’est le Capitaine-Roi.

Le chevalier des mers agira par délégation du Roi est sa lance sera une gaffe. Il sera artisan devenu chevalier comme en franc-maçonnerie dans les grades de transition où le maçon porte la truelle et l’épée pour la defense d'un centre spirituel.

 

Enfin en Alpha nous avons le Soleil et en Oméga la Lune affirmant l’empire des cycles ancestraux et de leurs rôles sur les éléments et leurs transformations (marée évaporation cristallisation, etc.). C’est aussi l’expression des deux lumières, la solaire et la mariale.

Deux étoiles sont présentes en symétrie, la première serait l’étoile des initiés (polaire) la seconde celle des mages (sud), mais étant placées à l’est et à l’ouest au plus bas sur l’horizon, elles représentent deux mondes différents avec deux horizons symétriquement opposés. L’étoile sous la ligne de partage des eaux marquée par le Soleil et la Lune est une allusion à l’inversion du système référentiel. Vue de l’hémisphère Nord cette étoile des antipodes (sous la Lune) devrait être représentée par un pentagramme inversé (étoile des mages),  c’est soit une erreur du graveur dénotant un point de vue profane soit que le rituel de passage ne permet pas d’accéder aux voies d’actions.

 

Le cheminement descendant du marin se fait donc entre Lune et Soleil jusqu'à « connaître » les deux étoiles qui sont mises pour les deux hémisphères et les deux mondes. Si la Polaire est connue, il n’y a pas d’étoile du Sud remplissant la même fonction de guide, ou de point fixe dans la mouvance. Donc cette étoile, ce point fixe, est dans l’Arche elle-même, au pied de son mat central. Elle s’incarne dans celui qui donne le cap, le Capitaine seul maître après Dieu.

Cette étoile est celle des voies d’actions propres à l’homme sur le groupe, relative à la potentialité cachée de l’homme.

 

Symboliquement le capitaine couronné « connaît » le chemin pour le passage et pour le retour. Il est le mage et suivant le trident, le « trois fois mage » qui suit l’étoile avec laquelle il entre en « sympathie ». Cette nouvelle étoile aux antipodes ou à l’inverse de celle du Nord et complète la connaissance de l’homme cheminant sur les mers intérieures et les océans dans le but de relier deux rivages, celui du haut et celui du bas…

 

Malheureusement, si le tampon révèle globalement la potentialité initiatique du symbole du passage de la ligne, le rituel semble dégrader l’intention initiale dans une démarche autarcique au groupe, de nature finalement descendante, relatant les potentialités grégaires de l’homme réuni autour du Mage ou sorcier.

La rituellie serait ici de nature chamanique, relative aux états inférieurs de l’être plutôt qu’initiatique.

En effet un rituel initiatique s’attache, après une descente, à une remontée vers la lumière et à l’élargissement de l’esprit. C’est ici le point de vue du franc-maçon qui se retrouve frustré de ne pouvoir poursuivre le rituel plus loin et plus haut.

 

Nous envisagerons, dans une prochaine parution, les différents aspects du rituel de passage de la ligne, en tachant de décrypter sa finalité profane ou initiatique.

L’intégralité du texte paraitra dans la RDM n°7

E.°.R.°.

Partager cet article
Repost0
22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 00:00

Le passage de la ligne...      

Tampon de bord attestant de mon passage de la ligne –

avec le soleil et la lune…       tampon-de-la-ligne-.jpg
     

Le passage de la ligne

 

Il y a 20 ans, j'effectuais mon service militaire dans la marine. En signant un engagement de deux ans, j'ai eu l'opportunité d'être embarqué outre-mer sur un aviso escorteur, le commandant Bory. Durant ce temps, j'ai par trois fois franchi l'équateur, la ligne mythique séparant les deux hémisphères.

 

Dans le sens nord-sud, ce moment a été à chaque fois l'occasion d'un rituel bien connu par tous les marins, appelé « passage de la ligne », ou encore « baptême de la ligne ». 

C'est ainsi que je suis passé de l'état de Néophyte, à celui de Chevalier de la ligne et enfin, lors de mon troisième franchissement, à celui de Dignitaire des mers du Sud.

 

J'avais vécu cet événement comme un bizutage éprouvant la vaillance des marins, voire une manière de souder l'équipage. Même si, comme vous allez vous en rendre compte, ce baptême n'était pas une partie de plaisir pour les néophytes, j'en ai tiré une certaine fierté, car par ce passage j’étais reconnu des anciens marins. Je faisais partie d'une confrérie de métier.

C'est le passage de jeune matelot à celui de marin, comme il existe le passage d'adolescent à celui d'homme. 

 

Bien plus tard, après mon entrée en F :.M :., ce baptême, ce passage de la ligne a eu un nouvel écho en moi. À travers le prisme du symbolisme, je me suis aperçu que ce que j'avais vécu n’était pas dénué de sens, et cela malgré les apparences. J’y ai retrouvé des similitudes avec l'univers maçonnique, même s’il s’agit d’un passage et non pas une initiation. *

*commentaires

 

Mise en condition

 

Impossible de passer à travers, tout marin qui franchit pour la première fois la ligne de l'équateur doit être « baptisé » afin d'expier tous ses péchés d'avant... Dans la marine Nationale, les festivités durent quatre ou cinq jours (dans la marine marchande un seul jour).

La hiérarchie à bord est chamboulée. Il n'y a plus de grades, il n'y a plus que deux catégories de marins, les néophytes et les dignitaires.

Il est très mal vu, et cela pourrait briser sa carrière, qu'un jeune officier essaie de se soustraire à ce rituel. Il en va de même pour d'anciens marins ayant effectué leur travail en métropole, se retrouvant en fin de carrière néophyte.

L'ordre établi n'a plus lieu et c'est un temps suspendu, inversé, qui débute ; un carnaval en pleine mer. Coupées du reste du monde, en vase clos total, les épreuves se déroulent 24 heures sur 24.

Il est possible de faire une comparaison avec les rituels de puberté des tribus primitives où les futurs hommes sont privés de nourriture, mis à l'écart de la tribu, et soumis à diverses brimades. Pour les religions non occidentales, la mort n’est pas une fin mais un rite de passage, selon Micéa Eliade : « La grande initiation ».

Durant quatre jours, les « néos » sont préparés psychologiquement à leur baptême. Malmenés, ils doivent manger à même le sol des repas immondes. Privés de nourritures saines, leurs sens sont altérés en étant bâillonnés, attachés, les yeux bandés des heures durant. Il leur est interdit de regarder ou même d'adresser la parole à un dignitaire sans son autorisation. Ils sont marqués sur le front d'un « N. » pour rappeler leur état.

J'y retrouve des similitudes avec le moment où, dans le cabinet de réflexion, le profane n’est plus rien, mis à l’écart, sous terre.

 

Cette mise au ban de la société est là pour signifier le passage du matelot à une partie du monde inconnue.

Tout comme certains peuples archaïques qui teintent leurs corps en blanc, les corps des matelots seront recouverts de farine à la fin de la cérémonie finale signifiant l'état cadavérique.

Pour s'élever, il faut toucher le fond, passer de l'immonde à la pureté.

Quatre jours à veiller sans fin, à répondre aux ordres les plus absurdes, et à connaître la souffrance qu'ont connue les vieux marins.

Le sentiment du moi, équivalent de la mort, s'efface devant le sentiment d'appartenir à une communauté, à un tout. L'espace temporel devient espace initiatique.

 

Cette épreuve d'avant baptême est à mettre en parallèle aux voyages de l'apprenti. Il nécessite une transformation du soi, une découverte de son moi profond. Ce chaos psychique symbolise le chaos précosmogonique avant la création du monde.

 

C'est ainsi que j'ai vu des « grandes gueules » s'effondrer devant ces brimades, des colosses pleurer la nuit leurs mamans, et d'autres à l'allure fragile supporter les épreuves sans faillir.

 

Dans l'histoire

 

Le rituel du passage de la ligne remonte aux premières traversées de la marine à voiles. En ce temps-là, en plus de donner un nouvel état aux jeunes matelots, cela venait exorciser les peurs du franchissement de la limite d'un monde totalement inconnu. Un inconnu bien réel, déboussolant car les marins perdaient leurs repères d'étoiles et leur nord. La peur de tomber dans le néant était réelle ; un monde inversé avive les plus grands fantasmes.

À cette époque, il semble que le rituel était limité à l'immersion par des seaux d'eau de mer.

Une purification par l'eau dont le principe est bien connu, l'eau, unique élément et seul horizon pour les marins pendant des semaines.

 

Ce passage devait leur faire prendre conscience d'un ailleurs, d'un Nouveau Monde. Ce rituel était certainement la réponse au mythe universel de la fin du monde qui n’est jamais définitive, elle est généralement suivie d’un Nouveau Monde régénéré. Et pour marquer les esprits, il faut bien signifier ce passage. Pour que le marin soit imprégné de ce passage, il va devoir endurer mille épreuves. Dans la marine de tourisme, parfois il existe une petite cérémonie de passage de l'équateur où l'on propose aux passagers de boire une gorgée d'eau de mer... Il est évident que cela devient du folklore et n'a plus aucun sens.

Peu à peu, dans la « royale » ce rituel s'est apparenté à un Carnaval, sans pour autant en perdre son sens initial.

Le rituel que j'ai vécu a été peu à peu codifié dans la marine française sur les premiers navires modernes. J'ai retrouvé le texte du discours de Neptune reproduit par le magazine officiel de la Marine nationale, Col Bleu.

Je suis sûr que certains éléments ont perduré depuis le XVe siècle, âge d'or de la marine à voiles et de la découverte du Nouveau Monde. L'élément principal conservé est la présence de Neptune et Amphitrite dans le rituel.

La réactualisation d'un mythe, nous retrouvons là un thème que nous avons abordé précédemment dans le texte intitulé « le sacré et le profane ». (voir Revue Du Maçon n° 5)

 

La convocation

 

La cérémonie du passage de la ligne est largement théâtralisée. Quelques marins hors cérémonie assurent la sécurité minimale, mais le pouvoir est confié aux anciens suivant leur expérience dans les mers du Sud. C'est ainsi qu'un vieux bosco prendra la place du commandant, le maître d'armes se travestira en Amphitrite, un timonier deviendra Neptune, etc.

Car pour avoir le droit de franchir la ligne il faut en demander l'autorisation au Dieu des mers Neptune (Poséidon).

 

Une nouvelle épreuve attend les néophytes.

Un jour avant le passage, ils doivent venir chercher leur convocation pour se présenter devant Neptune.

Cette convocation, un bout de papier de quelques centimètres, est placée entre les fesses d'un facteur, rôle joué généralement par un homme d'équipage bien charnu, lesquelles fesses ont été au préalable enduites d'aliments dont les dates de consommation ont été largement dépassées. Pour compliquer la tâche, la missive doit être collectée, les mains attachées dans le dos, comprenez avec la bouche et les dents.

 

Jour du passage

 

Le réveil se fait avec un cinglant « Tremblez, Néophytes... ». L'ensemble des « néos » se retrouvent à l'avant du navire où ils doivent essuyer des heures durant un grain, annonçant l'entrée dans le royaume de Neptune et de son épouse Amphitrite. Ce « grain » est symbolisé par des jets d'eau de mer bien réels déversés sur les matelots à l'aide de lances à incendies.

Au point de passage exact de l'équateur, le bateau s'arrête et le plus jeune néophyte aidé d'une gaffe soulève la ligne imaginaire afin que le bateau puisse passer dessous et verser dans l'autre hémisphère.

Puis Neptune et Amphitrite montent à bord pour vérifier que tous les marins sont bien des dignitaires. Il est facile d’y  voir la similitude avec la couverture d'un temple maçonnique.

Neptune lit alors le discours suivant :

 

« En ce... jour de l'an de grâce..., moi, Neptune qui suscite les tempêtes et commande les flots, je vous souhaite la bienvenue, o fiers navigateurs. Vous ayant aperçus dans la flamboyante ondée du majestueux Phoebus, "Mercure", rapide messager m'annonce l'audacieuse intrusion de votre nef aux confins de mon royaume. Et la fidèle Iris m'informe que vous êtes l'équipage de... et que vous venez de France. Soyez mes hôtes d'un jour ». (du Commandant au matelot, Neptune saluera toutes les catégories de personnel du navire).

« Mais que vois-je?

Quel est cet infâme troupeau de bestiaux !! Sont-ce des néophytes que vous m'offrez donc là? Oh !! Vile multitude, craint mon regard divin, Craint mon juste courroux ! Infâmes pourceaux, inclinez-vous devant ma majesté !
Abjecte engeance qui ose souiller ces lieux sacrés et en cet état paraître
Tremblez ! Tremblez Néophytes 

Vous allez subir un baptême purificateur qui permettra peut-être de passer de l'état de non-être à celui de Chevalier des Mouillés, Colorés et Enfarinés. Gendarmes, veillez que pas un n'en réchappe. Juges soyez implacables, faites passer ma justice sans faiblesse. Cireurs et infirmiers mettez de la couleur et appliquez les potions. Fiers sauvages de la tribu des Oula Oula Sa Fait Bobo, noyez-les tous, je reconnaîtrai peut-être les miens. Boulangers, appliquez la blanche pulvérence et humectez-la bien de l'ovoïde produit de nos sociétés aviaires. Il faut que ça colle.
Quant à vous, heureux mortels, profitez pleinement de ce jour de liesse. Je vous souhaite agréable compagnie et plaisirs raffinés. Ma divine protection vous accompagnera jusqu'au terme du voyage. Et peut-être même qu'il fera beau le jour de l'arrivée.
Bonne mer et bon vent !
Venez, chère Amphitrite, que vos chastes paupières dévoilent vos beaux yeux afin qu'ils se réjouissent de cette intronisation salée.
Et maintenant que la fête commence, car tel est notre bon plaisir ! »

 

Le baptême

 

L'un après l'autre, les matelots vont passer devant plusieurs ateliers symboliques encadrés par les gendarmes.

Le Juge qui va signifier une sentence suivant les fautes à expier de sa vie d'avant.

L'avocat, pas toujours de bonne foi, viendra amoindrir ou alourdir la sentence.

Les néophytes devront baiser les pieds de la belle Amphitrite.

L'évêque aidé des enfants de chœur viendra en aide aux condamnés en leur donnant la communion et l'absolution.

L'infirmier procédera à la visite médicale et à l'ingurgitation des potions nécessaires à l'entrée dans les mers du Sud.

Les barbiers raseront les « néos » de très près.

Les mécanos et les cireurs enduiront les corps des infâmes de graisse et de cirage.

La tribu des sauvages installés dans une piscine d'eau de mer a pour mission de faire boire la tasse par trois fois aux matelots en les immergeant, longtemps, longtemps.

Le néophyte sorti de la piscine est confié aux boulangers qui l'enduisent copieusement de farine.

 

Je vous l'accorde, on est loin d'une spiritualité d'élévation, et pourtant...

Je suppose que de telles pratiques existent dans tous les corps militaires.

Là encore, on peut voir une légère similitude avec une loge maçonnique et ses postes  d’officiers.

Je ne suis pas ici pour dire si un bizutage est bon ou mauvais, mais pour faire partager mon vécu.

Ce moment a compté pour moi, je pense en avoir retiré le bon message.

Par la suite, cela a soudé l'équipage, et quelques brebis galeuses ont été découvertes. Nous avons été confrontés, durant cinq jours, à des conditions difficilement acceptables dans un autre contexte, mais nous étions fiers d'être Chevaliers des mers. Pouvoir compter sur l'autre, c'est une nécessité en mer ; en cas d'incendie ou d'avarie, rien ne sert de composer le 18 ou le 112 pour appeler les secours, l'équipage ne peut compter que sur lui-même. 

 

Après mon entrée en F :. M :., ces instants enfouis dans ma mémoire ont resurgi sous un nouvel angle. 

 

Le passage – limite

En ritualisant le passage de l'équateur, les marins ont sacralisé ce moment. En revivant les mêmes brimades que leurs aînés, les jeunes matelots entrent ainsi dans la grande lignée des marins qui sont allés au-delà des mers, vers l'autre monde. C'est ainsi pour toutes les fêtes annuelles, elles réactualisent un mythe et ainsi nous plongent dans un temps suspendu. La question qui se pose est celle de la ligne et de la limite…Que se passe-t-il au-delà ?

 

  Chr.°.Mart.°.   

 

 

 

Commentaires (premiere partie) :

 

Le rite est l’indispensable vecteur de la transmission de la tradition ésotérique ou exotérique.

 

Un rite à pour fonction de révéler au cherchant, une voiesacrée s’il est initiatique ou de rendre compte d’un certain état humain s’il est profane. Il implique un ordonnancement, un processus dramatique précis,  pourvu de sens. Sa fonction consiste à faire voir ou ressentir les chemins qui conduisent aux états supérieurs de l’être. Ainsi il est recherché le dépassement des limites strictement humaines individuelles ou égotiques.

Un rite peut entraîner la mise en œuvre de plusieurs rituels (D’ouverture des travaux, de fermeture des travaux, de tenue funèbre, de tenue solsticiale, d’augmentation de salaire, d’exaltation, etc.), Les rituels peuvent se décomposer en rithèmes (baptême par l’eau, ou par le feu, recomposition élémentaire, mort-renaissance, ingestion, transpercement, marche, envol, descente, etc.). L’ensemble mis en œuvre agit sur des leviers subtils conscients ou inconscients qui selon René Guenon sont susceptibles de transmettre une influence spirituelle.

Un rite initiatique se fonde sur une expérience, un vécu in situ, induisant une métamorphose du regard associé à un recommencement, mais le rituel est dit « de passage » s’il y a un vécu commun d’intégration et le sentiment d’appartenance  à un groupe ou à une classe sociale. Le rite réduit à un rituel de passage correspond généralement à un continuum sociétal et profane.

Le rite initiatique infère un ou plusieurs rituels de passage, mais un rituel de passage isolé n’est pas nécessairement initiatique.

Le rite comprend une succession de rituels qui se jouent en fonction d’une période de l’année et/ou en fonction d’un lieu approprié. La période et le lieu ont pour but de faire revivre un processus ontologique pour l’initiatique, ou une mise en situation ad hoc pour le rituel de passage. Ainsi le rituel de la Saint Jean d’été est un rituel de passage de la lumière solsticiale strictement initiatique pour les francs-maçons qui l’intègre dans un rite maçonnique des loges de Saint Jean. Ce rituel de la Saint Jean est alors une partie du rite maçonnique qui va justifier l’orientation de la Loge calculée en interdépendance avec la place des colonnes marquant le couché du soleil au solstice d’été et d’hiver. Vécu dans les campagnes et particulièrement en Provence ce rituel bien que traditionnel et ancestral n’était pas initiatique pour ceux qui le vivaient. Il n’est alors qu’un vestige fragmentaire de rituels initiatiques antiques bien plus vastes. Il est rendu à une dimension sociétale intégratrice ou l’on démontrait la bravoure des jeunes gens en sautant au-dessus du feu. Il était un repère traditionnel coutumier de type « ritus » pour le basculement des saisons et en ce sens porte un message exotérique de première importance.

 

Le rituel de passage s’attachera à faire passer l’individu d’une rive à l’autre. Il y aura donc un avant, et un après.

Assister ou être acteur d’un rite c’est participer activement à la transmission de celui-ci. Son but est le réveil ou l’éveil d’une conscience individuelle dans un rapport au collectif. La participation collective à un rite d’éveil de la conscience crée un phénomène de cohérence et d’osmose entre les individus.

De cette participation collective, née ou émane un égrégore, c'est-à-dire une entité mentale consistant en une mise en commun d’un ressenti fondé sur l’expérience individuelle partagée.

Ainsi l’individuel intègre le collectif. Par voie de conséquence l’expérience devient collective.

 

L’expérience commune et corporatiste d’un rite de passage est la signature de l’adhésion de l’individu au groupe et de l’acceptation de ce dernier par l’institution. Cette expérience d’adhésion mutuelle se fait par une ou plusieurs épreuves ritualisées, institutionnelles et ancestrales, et constitue un rite de passage essentiellement corporel. Son but est d’intégrer l’individu dans une chaîne de transmission.

Ainsi l’intégration au collectif se fait à deux niveaux : horizontale en intégrant l’individu au groupe ici présent,  verticale en intégrant l’individu à ceux qui ont précédés dans le temps et à ceux qui suivront.

L’intégration se fera par l’élément qui caractérise le groupe, ici l’eau de mer considérée comme le « vêtement » de la sphère maritime. L’aspersion par l’eau salée remplit une double fonction d'enveloppement et de coagulation.

C’est en éprouvant le corps par ses sens  et par voie de conséquence son « état d’âme » que l’on imprime au plus profond de soi la notion d’appartenance et de conscience partagée. Nous savons que le passage de l'experience à la conscience se fait par les sens qui activent l'âme.  De l’expérience partagée par l’eau de mer on passe à la conscience partagée qui est symbolisée par le sel qui va cristalliser. La cristallisation représentant un état de conscience commun.

L’épreuve « sabre » l’innocence des « Néos-néophytes »représentée par l’eau douce du Jourdain (d’où l’expression marin d’eau douce ???).

On fait appel aux Dieux représentatifs de cet élément (Neptune et Amphitrite), avec l’assistance des représentants « carnavalesques » des trois castes initiatiques : l’autorité sacerdotale (évêque), la chevaleresque (gendarme) et l’artisanale (boulanger). Chaque autorité est revêtue de son habit symbolique. (Le lien entre Neptune et les trois voies initiatiques se fait par le trident présent sur le tampon.)

Donc un rite qu’il soit de « passage » ou « initiatique », infère derrière la notion d’épreuve et parfois d’humiliation apparente et d’appréhension, une vérité cachée. La peur, l’éblouissement, les larmes, les épreuves en général sont les bornes d’un processus d'élaboration alchimique interne.

Cet aspect doit être considéré comme vital pour l’équipage. Il met en balance l’individu et le groupe embarqué vivant en milieu confiné et affrontant les éléments. C’est ici que nous pouvons faire une distinction claire entre un rite initiatique et un rite de passage. Ce qui est en cause, c’est la capacité de progression de l’humanisation de l’homme.

Pour un simple rite de passage, cette humanisation consistera à l’abandon de l’innocence du néophyte dans l’épreuve pour assumer son rôle social dans et pour la tribu. Sur le fond il s’agit de servir une utilité collective relative à la survie du groupe entraînant un abandon de souveraineté individuelle. Ici la maison est commune et chacun s’affaire à la survie collective. On est dans une recherche de protection.

Pour un rite initiatique, l’épreuve sous-tend une recomposition. L’humanisation de l’homme s’accompagne d’une élévation spirituelle. Après une mort symbolique, il ne perd rien de sa souveraineté individuelle, mais consacre sa réflexion et son action à grandir vers la lumière. Ici chacun participe dans sa maison à l’œuvre commune. L’initiation maçonnique est une initiation individuelle dans une cadre collectif, chacun s’affaire à l’humanisation de l’Homme par divers moyens, dont la spiritualité. On est dans le construction d’une Œuvre perçue sur un plan de réalisation individuelle dans une perspective de libération ou de délivrance. Cette Œuvre est la reconnaissance des chemins de vie qui mènent à l’Unité.

Un simple rite de passage (tribal corporatiste et opératif) ne doit pas aboutir à grandir l’individu en dehors de l’Œuvre du groupe (exemple la cathédrale à bâtir). L’individu est dévoué à l’œuvre du groupe organisé. Le groupe est l’unité et son Œuvre est à son image. L’individu n’existe qu’au service et au renforcement du groupe. La vie s’envisage et se célèbre dans son unité de base qui n’est pas l’homme, mais le groupe.

Inversement un rite initiatique (franc-maçonnerie spéculative) va faire grandir l’humanisation de l’individu en regard et grâce au groupe. Dans ce denier cas l’individu devient le Tout et son gardien-bâtisseur (reconstruction du Temple de Salomon). Les deux aspects sont complémentaires c’est d’ailleurs le seul moyen de réconcilier les opératifs et les spéculatifs. La sacralité et la spiritualité fut-elle laïque sont de puissants moteurs de transfert du corpus agissant des rites et rituels.

C’est sur ce mode opératoire groupe /individu que se sont élaborés les Rites maçonniques primitifs de transition. On tenta d’allier le groupe et l’individu tendant vers l’esprit élargi. Ce fut la tentative louable, de transmettre les sciences traditionnelles pour les mettre au service d’un humanisme fin connaisseur de la tradition. La scolastique et son trivium – quadrivium constituaient déjà une échelle initiatique où l’homme restait architecte de sa vie et de son ascension vers le visage du divin, l’humanisme l’émancipa du groupe et de la lecture dogmatique. Les différents courants de la science hermétique virent se déverser dans l’athanor de la loge. Apparurent les tendances rationalistes et les tendances magico-occultes qui émargèrent la démarche spirituelle (sans la perdre de vue).

Il n’en demeure pas moins que la démarche initiatique est une réflexion spirituelle basée sur la Vie. Cette « réflexion » telle un miroir met en relation le haut et le bas dans une relation de causalité que l’initié devra décrypter.

« Il n’y a pas d’autre initiation que la vie » disait Robert Ambelain.

(…)

Avant d’aller plus loin, il convient de fixer le problème de l’humiliation et du bizutage dans le rite de la ligne.

Il y a de très beaux rites de passage qui sont mal joués par des acteurs qui ne les ont pas compris. Le rudoiement du corps a pour but d’atteindre l’âme et l’esprit, mais il est inutile d’humilier pour faire grandir. Ainsi on se bornera à remettre en cause l’aspect rayonnant ou apparent du corps et touchant au plus prés la source de son rayonnement. Ce qui peut expliquer le dévêtement partiel, le poignard sur le cœur, etc. Au plan initiatique, cette source sera approchée et activée par le réordonnancement des 5 sens, le néophyte prendra conscience de l’existence d’un corps périssable et d’une âme qui l’anime et assimilera la lumière à l’esprit.

Le rite de passage non initiatique rudoie le corps pour que le groupe s’en empare, la scarification tribale comme le tatouage en sont des stigmates extérieurs.

Inversement en matière initiatique nul besoin d’humiliation qui anéantirait la présence de l’humain dans l’homme. Mais cependant le respect du devoir peut aller jusqu’au sacrifice de soi. Le sacrifice n’est pas une humiliation et correspond à un passage ultime.

Toutefois les véritables épreuves vécues au front appelé « ligne de front », sur mer comme sur terre, dépassent allègrement le stade du bizutage. L’individu incapable de « passer la ligne »n’a probablement pas sa place dans un groupe en situation de combat. Le dépassement psychologique s’associe à une survie qui ne se conçoit pas en dehors du groupe et qui probablement élimine plénitude égotique et l’individualisme.

Pour finir l’humiliation est un sentiment temporaire pour le néophyte qui sera vite remplacé par le sentiment d’appartenance. C’est ici la preuve qu’un rite de cette nature n’est pas initiatique, car il ne débouche pas sur l’élévation spirituelle. Enfin le sentiment d’humiliation de restera dans l’esprit que de ceux qui n’ont fait qu’assister au rite sans le vivre comme expérience ce qui est théoriquement impossible, car tous ceux qui franchissent la ligne doivent vivre cette épreuve. Il ne reste plus que ceux à qui on le raconte qui le verront comme humiliant, car ils n’appartiennent pas au groupe des chevaliers des mers.

(…)

Outre la définition des critères distinguant un rite initiatique d’un simple rite de passage, il convient de découvrir le sens caché du pseudo « dépassement » de la ligne en regard du périple.

Il s'agit du problème non pas de la « ligne », mais de la « limite » et de ce qui se passe au-delà ou plus précisément après.

Si je passe la ligne-frontière, j’aborde un monde inconnu.

Se pose alors la problématique du système référentiel adapté à un nouveau milieu. Ce système référentiel est le fruit de la représentation mentale à partir d’une « connaissance » transmise. Le système référentiel du véritable marin est différent de celle du néophyte. Cette différence justifie le rite de passage qui « réaligne » les systèmes référentiels.

Si un système référentiel sert à l’individu comme au groupe à se situer dans espace-temps et dans un univers donné, alors il nous faudra parler du Nord. (Et du rite du passage corrélatif du cercle polaire !)

L’élément clef du passage de la ligne repose sur une dépolarisation/repolarisation. (Représentée sur le tampon par la présence de deux étoiles)

La représentation mentale intègre de manière dissimilée le changement de pôle et de repère.

Ce changement implique le changement de loi, l’inversion symétrique des sens en regard du plan équatorial et de l’axe Nord-Sud. On assiste alors l’extériorisation de l'imaginaire et intériorisation du réel (charivari des valeurs), et bien sûr à la mise en abîme de l’homme parcourant le grand schéma avec notamment la notion de chute et de remontée (représentée sur le tampon par l’ancre et son cordage serpentiforme équivalent de l’axe ou du fil à plomb).

 (…)

Il sera intéressant d’établir des ponts et des symétries.
Mais peut-on s'affranchir d'une limite ou ne fait-on qu'y tomber? Celui qui repassera la ligne dans l’autre sens sera nommé chevalier des mers voir dignitaire...    

N’est pas chevalier qui veut !

Dans notre prochaine publication nos développerons ces différents aspects, "au fil de l’eau", en commençant par l’analyse de la flamme-tampon attestant du « passage ».

ER (suite prochaine parution)

 

 

1)Il existe traditionnellement trois voies initiatiques qui sont la voie sacerdotale, la voie royale, la voie artisanale.

2) En tant qu’expérience mentale et physique de partage  entre frères, l’égrégore subsiste dans chacun des participants après la tenue en loge et se régénère à chaque tenue.

 

 

Votre blog en version mobile

Vous pouvez consulter votre blog depuis votre mobile !

Votre blog est optimisé et compatible avec tous les téléphones du marché. Vous pouvez consulter votre blog directement à l'adresse suivante :

http://www.ecossaisdesaintjean.org/m/   

Partager cet article
Repost0
13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 23:40

 OUVERTURE DES TRAVAUX AU REP    

Devoir de mémoire portant sur l’ordonnancement du monde, la rénovation de l’Œuvre, la marche des cycles de la Vie.

 

(L’ouverture des travaux sera principalement traitée dans la profondeur ésotérique du « commencement ». Il existe d’autres interprétations.)      

 

 

 

Ouvrir, c’est commencer, c’est découvrir le secret de la vie et du monde, tenu à couvert derrière la porte du Temple.

La Loge reste un lieu d’élaboration d’un soi identifié à l’Œuvre à accomplir. Cette Œuvre suit des plans devenus lois et règles que les compagnons du Devoir, fils de la lumière et enfants de la Veuve s’attachent à exécuter…

Chaque ouverture des travaux est une genèse pour soi et en soi. Il s’y joue le mystère de la lumière Johanique, créée et incréée, née de la ténèbre originelle et ordonnatrice du Chaos. Le mystère se rejoue là sous nos yeux à chaque ouverture des travaux…

Le franc-maçon est attentif à une Nature plus ésotérique que jamais et dont il tente de percer les mystères de l’origine et du retour. Pour lui la nature est la grande matrice et suivant sa sensibilité manichéenne ou théosophique s’assimile au Divin lui-même. La grande nature est synonyme d’origine et de commencement. Ainsi il l’observe renaissante comme lui-même au contact de la lumière. Le franc-maçon oriente la loge et met en scène les cycles lunaires, solaires et solsticiaux. Il imite le mouvement des sphères planétaires et astrales, étalonne et mesure la matière et l’harmonie des formes, codifie son langage secret en fonction de la parole originelle, élabore un tableau de loge qui est l’arcane du grade écrit en symboles, établi les correspondances qui le mèneront dans la verticalité du Principe.

Le rituel d’ouverture montre à l’apprenti ce qui est caché au-delà des apparences profanes et qui concerne l’origine du monde et de la conscience humaine.

 

L’ouverture se fait en trois étapes : 1) l’arrivée des Frères et de la Lumière primordiale en loge, 2) l’ouverture de la loge,

3) l’ouverture des travaux.

Ces étapes sont marquées par la frappe maillet(1) du Vénérable répété par les Frères Surveillants.  Le maillet symbole de l’autorité et de l’ordre, rappelle aux Frères qu’ils doivent suivre avec humilité et rigueur(2) les préceptes de la Franc-maçonnerie. Un triple coup ébranle la tranquillité de la loge et va animer l’espace. Rappelons que la loge en matière organique est une cavité qui protège et héberge un organe(3) vital. Ce point n’est pas sans intérêt pour qualifier la production(4) de la loge et l’identification de l’individu à un groupe organique(5) qui invoque, élabore et travaille(6) à la lumière de l’initiation.(Qui, faut-il le rappeler, est au REP la lumière de Vie de Saint-Jean l’évangéliste.)

 

Le Vénérable - À l’Ordre mes Frères; aidez-moi à ouvrir la Loge générale d’Apprenti. Frère 1er Surveillant, quel est le premier devoir d’un Maçon en Loge?

Le terme de loge générale(7) vient du lieu de réunion universel des maçons opératifs au moyen-âge où l’art de la construction sacrée est enseigné au sein d’une corporation qui grâce au devoir qui l’anime a obtenu le privilège de sa liberté. Cette liberté s’envisage sur un double aspect : la liberté de circuler dans et hors de l’espace sacré et la liberté de penser dans le temporel et l’intemporel. Le maçon est homme de devoir, héritier des Anciens Devoirs et Obligations du Régius en 1390 et du Cooke en 1410 et conserve en mémoire la première phrase des constitutions d’Anderson de 1723 « Un maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la loi morale ».

 Le local où ils se réunissent doit être aménagé à l’image du cosmos afin de permettre la préparation d’un évènement de première importance : la réception de la lumière et la lecture du plan(8). Cet aménagement « universel ou général » est une mise en ordre au milieu du chaos profane.

Il s’agit d’ouvrir les travaux en loge qui logiquement vont suivre l’ouverture de la loge.

 Ouvrir la loge c’est s’ouvrir soi-même, ouvrir son esprit, accepter de créer une brèche(9) dans notre moi égotique qu’une lumière venue d’en haut viendra éclairer. Ici la lumière initiatique (ou lumière vitale) viendra illuminer et donc « animer(10) » notre âme (premier degré).

Le Vénérable demande le concours de tous les Frères pour parvenir à cette ouverture difficile qui évoque la recréation du monde et l’ouverture de soi.

Ensuite il demande quel est le premier devoir d’un franc-maçon en Loge. Le rituel parle de « premier devoir » laissant entendre qu’il en existe d’autres, mais que celui-ci à un lien avec la loge générale.

 Les devoirs qui sont les siens découlent de ces deux libertés liées à la corporation du métier qui ne doit pas s’entendre au sens vulgaire, mais au sens symbolique. La « corporation du mestier » est l’incorporation(11) de l’homme à une voie initiatique travaillant à la transformation de la matière jusqu’au chef d’Œuvre.

Il semble que le devoir ici soit le principe opératif de la loge dans sa mise en fonctionnement. Tous les Frères sont tributaires d’un devoir qu’il conviendra de définir. Évidemment le rapprochement se fait avec les compagnons du Devoir qui au nom du Devoir, et donc de leur liberté, ont fait fleurir les plus beaux édifices d’Europe. Le devoir s’exprime à tous les niveaux, dans le fonctionnement de la loge comme aux postes occupés par chacun. Alors le devoir devient charge(12)et suppose alors une vocation dans l’oubli de soi.

L’honneur et l’orgueil d’occuper une fonction ou de tenir un maillet disparaissent à l'aune d’une charge à accomplir au profit de la loge. L’ego de l’individu va disparaître dans les obligations personnelles et collectives de la charge occupée. Rappelons que le devoir peut aller jusqu’au sacrifice de la vie comme le souligne la légende des Quatres Couronnées.

 

Le 1er Surveillant - Vénérable c’est de voir si la Loge est couverte extérieurement, et si nous sommes tous intérieurement Maçons et membres de celle assemblée.

Les travaux vont se dérouler à couvert, car avant d’être capable d’agir à l’extérieur il convient de rassembler les énergies à l’intérieur de la loge et donc à l’intérieur de soi.

Le premier devoir est donc de nous protéger de toute interférence profane afin d’apercevoir ce qui existe en nous. L’univers est si vaste que nous ne pouvons l’embrasser du regard, il nous reste la ressource de regarder à l’intérieur de nous-mêmes. C’est ainsi par analogie entre l’intérieur et l’extérieur et entre ce qui est en bas et ce qui est en haut que nous aurons une vision des règles et des plans utilisés par le Grand Architecte de l’Univers(13).

 

Le Vénérable - Faites y pourvoir. Mes Frères, quittez l’Ordre et prenez place

Cet ordre provient de l’Orient, il dit de se mettre en route vers le chemin de la réalisation de soi, en prenant sa place dans le grand ensemble ou chacun participe.

 

Le 1er Surveillant - Frère Terrible, vous avez entendu l’ordre du Vénérable. Assurez-vous si le Temple est à couvert(14) et si nous sommes à l’abri de tout profane.

Voici la preuve que le titre d’officier est lié à un office et non pas à un privilège. L’office s’inscrit dans l’ordre naturel des choses, l’officiant doit rétablir l’ordre au milieu du chaos profane.

Le Frère terrible va ouvrir la porte. Le symbolisme est très important, car il indique le passage entre deux états, entre deux mondes, entre le connu et l’inconnu, le profane et le sacré(15).

Cette porte est le passage qui permet d’accéder à une réalité supérieure. L’accès doit être refusé aux profanateurs potentiels qui sont ceux qui ne sont pas de la loge (ou qui ne travaillent pas en loge).

Les Frères Surveillants vont faire le tour de la loge en inspectant les colonnes.

Ils commencent leur tournée d’inspection en marchant sur l’Occident, lieu du coucher du soleil, en portant à main droite et sur le cœur le maillet de l’autorité qu’ils incarnent. Symboliquement, ils descendent dans la ténèbre du couchant pour remonter vers l’Orient très éclairé. Cette descente suivie d’une remontée est le signe de tout mouvement initiatique : il faut descendre aux tréfonds de soi pour enfin remonter à la vérité.(16)

Ils se croisent à nouveau, à l’Orient et redescendent prendre leur stalle pour éclairer de cette lumière orientale leurs colonnes respectives.

Les surveillants réfléchissent la lumière du Vénérable comme la Lune(17) réfléchit celle du Soleil. Le rapprochement de la descente dans les ténèbres et de la remontée à la lumière se retrouve dans l’entrée et de la sortie du cabinet de réflexion. Ce cabinet est dit de réflexion moins pour des raisons philosophiques que pour préparer au réfléchissement(18) à l’intérieur de soi d’une lumière que nous découvrons en Loge.

C’est donc un vrai privilège que nous offre la Franc-maçonnerie : voir en soi la totalité lumineuse du créé et de l’incréé. C’est ce qu’on appelle, découvrir la pierre cachée(19).

 

Le Frère Terrible - Frère 2e Surveillant, annoncez au Vénérable que la Loge est à couvert et à l’abri de tout profane.

Le Frère Terrible avant d’annoncer que la loge est à couvert a regardé à l’intérieur de lui-même, a agi et a écarté le profane en lui. Il nous invite à en faire de même.

Le secret est là, écarter le profane en soi permet de recevoir la lumière. La tradition parle d’un chemin à suivre. C’est pour nous inciter à un double mouvement intérieur et extérieur.(20)

Le Frère Terrible se met à l’ordre, l’épée à main droite pointe en l’air et garde sous le menton. Son positionnement dans l’axe de la lumière Orientale et son épée émettrice permet le dosage lumineux des colonnes en fonction des besoins de chaque frère. À chaque tenue ce frère interroge notre intériorité et écarte en nous le profane.

 

Le 2e Surveillant - Frère 1er Surveillant, la loge est à couvert extérieurement, et tous les Frères sur ma Colonne sont membres de cette assemblée

Cet ordre est répété au Vénérable par le Premier Surveillant. La parole circule comme l’énergie en loge de l’Orient à l’Occident et inversement. Soit, de l’esprit à la matière, du créateur à la création ; c’est une mise en harmonie qui implique le corps de chaque maçon dans la mise « en » ordre. Cette parole en tant qu’énergie créatrice circule, s’ordonne et porte le souffle de la vie. Ce souffle est une information qui n’a d’effet que si nous y sommes « ouverts », réceptifs. D’où l’expression « aidez-moi à ouvrir la loge ». Nous ne devons pas assister au rituel, mais assister le rituel. Nous y participons en nous levant et en nous mettant à l’ordre : par l’inspire et l’expire d’un corps à l’ordre, nous vivons le rituel, nous devenons le rituel.

L’ordonnancement sera visible dans le tableau ou tapis de loge posé sur le pavé mosaïque. Le pavé sous-jacent suggère l’alternance de la montée et de la descente du corps mis à l’ordre et de l’esprit mis en éveil. La circulation des flux(21) et des paroles entre l’Orient et l’Occident implique une notion de vécu et d’entendement de ce qui est exotérique ou ésotérique. À chaque situation une double interprétation s’invite. La première relève de l’attitude physique et de la description des apparences, la seconde relève d’une intériorité qu’on appelle l’éveil.

 

Frère 1er Surveillant, où se tient le Vénérable en Loge?

Le 1er Surveillant - À l’Orient, Vénérable.

Le Vénérable - Pourquoi, Frère 2e Surveillant?

Le 2e Surveillant - À l’exemple du Soleil qui commence sa carrière par cette partie du globe, de même le Vénérable s’y tient pour ouvrir la Loge et mettre les ouvriers à l’Œuvre.

La place du Vénérable est définie entre le Soleil et la Lune, soit incorporée dans la limite de l’univers « tangible(22) ». Sa position est haute en regard des colonnes du Nord et du Midi. Sa lumière est Aurorale, il attendra Midi plein pour « former et décliner le Verbe ». Tout ce qui est mis en place se fait pour accomplir l’Œuvre suivant la lecture du Plan.

 

Le Vénérable - Frère 1er Surveillant, à quelle heure s’ouvre une Loge régulière d’Apprenti?

Le 1er Surveillant - À midi, Vénérable.

Le Vénérable - Frère 2e Surveillant, quelle heure est-il?

Le 2e Surveillant - Midi plein, Vénérable.

Après la loge Générale et donc « Universelle », on parle d’une loge « régulière », qui donc est conforme à la loi et à la règle. Il y a une relation indéfectible entre ces deux notions. L’Universel(23) aux deux premiers degrés,  concerne l’Homme et se rapproche du latin « omnes » soit « tous » qui devient le Tout ou la totalité. Cela veut dire que l’Homme est la mesure de l’univers, il est donc à l’image du Tout et inversement le Tout est en lui.

Est « régulière » la loge qui suit la règle et qui à pris la mesure du Tout par ses membres. La règle est ici la loi universelle de la création. Donc l’Universel associe l’Homme à la Loi-Principe. Plus tard au grade de maître on parlera de « Loge Royale » en référence à la voie à suivre pour l’exaltation qui nous fera passer des petits mystères aux grands mystères.

C’est au Sud et à Midi que l’on perçoit la lumière la plus intense. L’homme y reçoit le maximum de la transmission énergétique. L’apprenti bénéficie de cet apport vital, lui qui, assis dans le froid septentrional, fait face à ce Sud encore lointain.

En travaillant à midi, le maçon est dans l’harmonie éclairée du cosmos. Il fait corps avec la création solaire dont il semble procéder.

À ce point sommital, il est hors du temps, dans l’instant suspendu de l’éternité. Puis, la marche cyclique reprendra son cours jusqu’à minuit, l’exact inverse de midi, soit le point suspendu dans les ténèbres et le silence(24).

La marche de l’apprenti sera donc une dynamisation de ces deux points sommitaux. Ce sera la marche de la vie renaissante partant de la Ténèbre et du silence vers un lieu plus éclairé.(25)

 

À midi plein tout est prêt pour que survienne un évènement :

 

Le Vénérable - Frères 1er et 2eme Surveillants, puisqu’il est midi plein et que la Loge est couverte, il est temps de l’ouvrir et de mettre les ouvriers à l’Œuvre. Annoncez sur vos Colonnes respectives que la Loge qui était fermée et qui est couverte va être ouverte par les Signes ordinaires. (L’annonce est répétée)

SUIVENT LES TROIS COUPS DE MAILLET du Vénérable puis des deux Surveillants.

 

Cet ordre est répété par le Second Surveillant qui s’adresse à la colonne du Nord puis le  Premier pour le Midi.

Le MIDI est « plein », en plénitude lumineuse, prêt à illuminer notre intériorité. C’est  un travail d’accouchement par le Verbe. La gestation dans un ailleurs céleste se termine pour aboutir dans un présent terrestre. Au travail gestationnel et ontologique succédera le travail dans la matière.

L’accouchement de la lumière se mime par trois coups de maillet par trois. OOO

Ici est formé et décliné le verbe créateur, on lui donne une forme dans le monde matériel et dans les trois états de perception humaine lié à la forme : le physique, le psychique et le spirituel. (Il existe d’autres états qui se détachent de la forme).

Cette « formalisation » est donc distincte de l’informe illisible et non visible. C’est le Verbe qui, installé dans la Loge, nous donne  l’image du Monde manifesté et différencié.

Ici la loge est ouverte pour accueillir la lumière.

 

Après l’ouverture de la loge commencera l’ouverture des travaux. Les maçons sont au travail et à l’Œuvre. Le travail sera individuel et collectif avec une tension, une concentration particulière appelée vigilance qui fera que l’acte individuel s’intégrera parfaitement à l’Œuvre collective. Avec persévérance, l’apprenti refera le travail mal exécuté jusqu'à avoir son « mestier en main ». Nous passerons de l’individuel au collectif afin de transformer une loge, qui est le lieu d’élaboration de l’Œuvre, en temple qui sera la maison de la lumière. L’affection des frères et l’Œuvre menée de mains de maître construira cet égrégore qui caractérise le travail individuel dans un cadre collectif. Cet égrégore est un dépassement de l’addition des âmes de chaque maçon pour une entité collective de Frères au sein de laquelle circulent l’énergie créative et l’influence spirituelle.

Accomplir son devoir de maçon consiste donc à mettre au service de l’Œuvre le savoir-faire qui donne accès au savoir-être(26), qui s’appelle aussi connaissance de soi. D’ailleurs le franc-maçon ne se reconnaît pas à son savoir, mais à sa façon d’être et d’agir dans une relation au tout. Enfin cette relation au tout va s’exprimer par des signes qualifiés d’ordinaire, c'est-à-dire ceux qui relèvent de l’ordonnancement du monde selon le grade. Ces « signes ordinaires» du grade sont un langage, la signature extérieure de l’état d’avancement de l’éveil initiatique de l’apprenti dans le Hékal et de l’ouverture angulaire et spirituelle du compas situé au Debhir.

 

Le Vénérable - Mes Frères, évoquons cette lumière que nous sommes venus acquérir en la Franc-Maçonnerie. Frère Maître de Cérémonies et frère terrible, préparez-vous pour votre office selon les usages.

Ici va commencer la déclinaison du Verbe par le Vénérable Maître.

Acquérir la lumière se traduit par « Querir » la sagesse la beauté et la force. Il s’agit d’une Quête. C’est un but inatteignable assorti d’une méthode que nous propose la franc-maçonnerie. Les voiles du mystère initiatique se lèvent par cette méthode qui nous propose un cheminement graduel.

Le frère Maître des Cérémonies frappe le sol avec sa canne comme Moise avec son bâton, Hermès avec sa baguette et le pèlerin avec son bourdon sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. La canne symbolise l’axe du monde qui relie la terre au ciel. Le Maître des Cérémonies véritable ordonnateur de la loge va ensuite prendre la flamme primordiale à l’Autel du Vénérable pour illuminer les lumières d’ordre. Le Vénérable prononce ces trois phrases :

 

Le Vénérable - Que la Sagesse préside à nos travaux.

 - Que la Beauté les orne.

- Que la Force les achève.

 

La lumière triplement déclinée se manifeste dans le Hékal « dans l’ordre architectural » conforme au plan (d’où leur appellation « lumières d’ordres ») par la Sagesse la Beauté et la Force,. A l’inverse pour rejoindre la lumière l’initié « Œuvrera » en Sagesse Beauté et Force et pour qu’il y ait « Œuvre » chaque terme s’appliquera sur les trois plans physique, psychique et spirituel. Le chemin descendant et comme le chemin montant. La lumière est donc trine comme le chemin de l’esprit conciliant les oppositions dans la matière.

 

Tout s’effectue suivant un plan et un ordonnancement immuable, tel que prévu par les rites et rituels. C’est la traditionnelle lumière « trine » qui se met en place faisant apparaître les formes.

La lumière se « manifeste » sur toutes les lumières d’ordre en descendant du ciel. Les paroles prononcées sont l’expression humaine et les coups de canne sur le sol en sont la répercussion terrestre et tellurique. La canne qui se lève, touche le ciel par un bout et frappe la terre par l’autre bout. L’homme est en charge d’harmoniser les énergies et les formes au moyen de la sagesse, de la beauté et de la force.

Suite à l’allumage des lumières d’ordre, les flambeaux des deux Frères Surveillants sont aussi allumés.

La petite flamme qui brille désormais devant les deux surveillants leur confère le pouvoir d’éclairer la colonne de chaque « côté » de la porte, car la vraie connaissance n’est pas celle que l’on garde, mais celle que l’on transmet. Ce qui n’est pas donné est perdu.

C’est cette lumière qui va éclairer le maçon dans l’usage de son libre arbitre.  Nous commencerons à transmettre nous-mêmes lorsque nous aurons trouvé notre voie. C’est ainsi que cette petite flamme viendra éclairer notre chemin jusqu'à l’édifice commun, puis un éclairage total réapparaîtra.

Le Vénérable se trouve au centre des croisées lumineuses, recevant et distribuant la lumière faisant de lui l’intermédiaire entre l’ignorance et la connaissance. Cette lumière si précieuse sera escortée par l’épée du frère terrible qui est le seul à pouvoir lever l’épée symbolisant la vigilance du chercheur de vérité(27).

 

Le Vénérable - Mes Frères, debout et à l’ordre             

Ceci est un ordre donné qui ne demande ni confirmation, ni réplique, car c’est l’annonce d’une vérité nouvelle.

Le Vénérable se lève pour accompagner et parfaire l’union de tous les Frères. L’ordre chasse le désordre.

À l’ordre, c’est la main droite sous la gorge qui semble contenir le bouillonnement des passions qui s’agitent dans la poitrine et qui préserve ainsi la tête. Se mettre debout et à l’ordre c’est être prêt pour l’alliance avec le Grand Architecte de l’Univers, car ce qui va se passer ici, en un lieu et un temps sacrés, appartient à l’histoire et à la franc-maçonnerie, mais pas à l’homme lui-même. Ce dernier est un dépositaire chargé de transmettre.

C’est ainsi que, ne possédant rien pour lui-même, le franc-maçon lorsqu’il se sépare de ses Frères à la fermeture des travaux est soumis au serment de garder le secret et ceci depuis son entrée en franc-maçonnerie. Il ne peut divulguer ce qui ne lui appartient pas et qui le dépasse.

La position debout fait du franc-maçon un intermédiaire entre la terre et le ciel. Les pieds en équerre en terre, la tête dans le ciel, il réunit en lui le matériel et le spirituel. Il ne lui reste plus qu’à ouvrir les portes de son cœur par l’acclamation écossaise et la triple batterie à l’unisson.

 

La tradition initiatique rassemble ainsi tous les frères épars pour une élévation commune vers le Grand Architecte de l’Univers, mais sans jamais se substituer à l’exotérisme religieux qui est en dehors du champ couvert(28).

.

Le Vénérable — À la Gloire du Dieu Tout-puissant, Grand Architecte de l’Univers; au nom et sous les auspices de La GLSREP travaillant au Rite Écossais Primitif, en vertu des Anciens Devoirs et des Pouvoirs qui me furent conférés en fonction de ma charge, je déclare ouverts les Travaux en Loge d’Apprenti…

L’œuvre consistant en l’ordonnancement du chaos en vue d’accueillir la lumière est accomplie par le positionnement de l’esprit et de la matière à la lumière de l’Évangile de Saint-Jean, il ne reste qu’à l’annoncer à la Loge haut et fort. C’est une verbalisation qui, venant de l’Orient, est une imitation(29) du Verbe premier.

Ce verbe semble transiter par Dieu Tout Puissant, puis par le Grand Architecte de l’univers puis enfin par le Maître de la Loge qui place l’équerre sur le compas le tout irradié par le Livre.

Cette déclinaison de la source en trois hiérarchies semble établir un principe démiurgique. En réalité le REP est historiquement témoin de l’arrivée en Loge de la notion de GADLU. Ce dernier s’est accolé au Divin considéré comme le Principe sans prétendre à une démarche démiurgique. C’est un témoignage historique de l’universalisme transreligieux, voir Noachite qui suivi l’apport Andersonien de 1723 et 1737 et celui de De La Tierce des années 1743. Notre rite a conservé la trace de ce passage.

 

Par cette invocation la communion parfaite vient de s’opérer dans un même Amour et une même Connaissance. L’initié au milieu de tous ses Frères les voit avec les yeux du Grand Architecte. Chacun dans l’invocation qui précède doit se rappeler qu’il ne travaille pas à sa propre gloire. Il doit utiliser son cœur pour servir l’autre. Ainsi, construire le temple n’est pas seulement bâtir une personnalité réceptive à une grande vision, mais aussi élever un nouvel Être au-delà du monde visible(30).

 

Le Vénérable - Mes Frères qui êtes à l’Orient, la Loge d’Apprenti étant ouverte vous invite à reprendre vos places

Cette formule sera répétée sur les colonnes suivant le principe de la triple voie(31).

Qu’elle est la place du franc-maçon ?

Chaque maçon à une place et un rôle à jouer dans l’ordonnancement de l’Univers. L’homme n’est pas seul, il participe d’un Tout « ad orientem ». Il sait que l’on veut et que l’on peut ordonner le Chaos. Cette certitude provient du rôle qu’il joua en loge afin de rendre lisible le grand dessin. Gageons qu’il puisse établir pour lui-même un dialogue entre ce qui est en haut et ce qui est en bas.

Le franc-maçon travaillant en loge essaye jour après jour de bâtir un temple intérieursous le « sol salutis » (sous la lumière du salut). Les colonnes ne seront jamais assez hautes pour rejoindre le ciel. Le toit de la loge est une voûte étoilée démontrant le lien permanent entre le ciel et ses deux luminaires qui sont le Soleil et la Lune et le carré long symbole de la matière.

C’est à partir de ce carré long que les francs-maçons décidèrent de bâtir la Loge puis le Temple.

Les francs-maçons travaillent à remplir cet incommensurable espace de leur amour fraternel. Ce sera la voie royale.

 

Le cosmos est donc présent en nous(32). Nous sommes partagés entre la pesanteur gravitationnelle qui nous attache à ce sol terrestre et l’aspiration à s’élever spirituellement. C’est ici que l’ésotérisme de l’ouverture de la Loge nous apprend quelque chose de lumineux sur nous-mêmes et l’univers.

Notre destin semble passer par la brèche ouverte dans l’espace et le temps. L’ouverture de la loge donne bien accès à la grande universalité outrepassant le regard profane.

(…)  ER     

1)En tant que volonté affirmée dans la matière, le coup de maillet s’assimile au LOGOS qui concrétise la Pensée initiale en Parole. La vibration sonore rappelle celle qui fut organisatrice du Tohu Bohu, appelée manifestation. Ce verbe créateur s’exprime en premier par le fiat lux (« Iehi Aor ») G,I,3. Dans l’ordre nous avons : 1er la Pensée à l’intérieur du Principe originel, qui est l’entrée en Loge, en 2nd nous avons le Verbe vibratoire ou Parole qui exprime la Pensée initiale par la frappe du maillet, 3ème, ledit Verbe ordonne et éclaire l’informel par la Lumière.

2)Le maillet de l’autorité devient rigueur dans son application constante. A tous ceux qui cofondent la rigueur du maillet et la rigueur de la faux, je rappelle que la franc-maçonnerie s’attache à la construction suivant la lecture lumineuse des plans, plus qu’à la destruction. La rigueur ne peut être associée à une quelconque sanction. Le rite écossais primitif n’est en aucune façon un rite noir ; c’est un rite lumineux synonyme de vie. Le REP est métaphysique, accepte l’ésotérisme, mais pas l’obscurantisme mortifère. La Lumière provient de la Ténèbre et chassera les ténèbres. Les deux termes n’ont rien de commun d’où la confusion dans certaines interprétations erronées d’un occultisme fondé sur les ténèbres.

3)En ce sens, le cerveau et le sang sont respectivement « logés » dans le crâne et le cœur.

4)La loge à une production spirituelle ou matérielle dans un but spirituel : construire le temple.

5)La franc-maçonnerie « organise » l’initiation individuelle dans un cadre immémorial et collectif.

6)Nous pouvons dire Ora et Labora en lieu et place de l’invocation et du travail. En cabale phonétique on retiendra que l’élaboration est l’association du spirituel par la prière (Ora-oratoire) et de la matière par le labeur (labora), qui nous donne lab-oratoire.

7)Général et Universel s’entend de la plénitude des facultés de l’homme libre, non asservi à un maître ou à un vice, qui se relie par le devoir de mémoire aux lois universelles dont la connaissance fera de lui un homme réalisé.

8)La lecture des Plans fourni par le Divin à David et mis en œuvre par Salomon, est à la voie artisanale l’équivalent des Tables de la Loi fournies par le Divin à Moise pour la voie sacerdotale.

9)Dans la tradition maçonnique, la brèche pour l’esprit est au niveau de la fontanelle et pour l’âme au niveau du cœur percé par l’épée et le compas. Dans tous les cas c’est un « objet rayon » qui fait pénétrer la lumière à l’intérieur.

10)L’animation du corps composé des éléments de base tels que l’eau et la boue, séchée au soleil et à l’air est ce fameux souffle qu’insuffle le divin dans les narines d’Adam. Ce souffle est donc l’âme d’après la Genèse.

11)L’incorporation est l’assimilation de son corps et de son esprit à l’une des pierres de lumière du temple.

12)Il y a une assimilation troublante entre le fait d’assumer sa charge, et le fait de porter la croix. Nous avons d’un côté une pesanteur matérielle normale dans une initiation portant sur la transformation de la matière qui devra être rendue au niveau subtil du chef d’œuvre et la croix portée qui est synonyme de l’avènement ultime de l’abandon du corps de matière pour l’esprit.

13)C’est ici la fameuse logique reliant l’homme au Monde ou à l’Universel (synonyme de Général). C’est le fil de l’analogie et de la correspondance qui est un invariant commun à tous les ésotérismes et qui existe de manière certaine depuis plus de 20 000 ans. On voit dans la caverne de la période Solutréenne, une femme préhistorique tenant en main un quart de Lune barrée de 14 traits, associant le cycle lunaire à celui de la femme. Donc la vie dans sa durée est liée au temps céleste. L’homme est donc en rapport avec le tout.

14)On retiendra la parenté entre l’expression « à couvert » et le verbe « tuiler ». Il s’agit dans les deux cas de se protéger du regard profane, celui de l’extérieur à la loge et celui de l’intérieur de nous même. C’est toujours un couvreur qui place la tuile.

15)La franc-maçonnerie n’a jamais opposé le profane au sacré ni l’exotérisme à l’ésotérisme. Au contraire la science du premier s’enrichit de la « connaissance » du second. Il ne peut y avoir d’ésotérisme fiable sans le rattachement à une base exotérique reconnue. Simplement le niveau d’interprétation sera différent, mais pas nécessairement opposé.

16)C’est ici l’illustration du principe universel de l’analogie inverse, comme le sceau de Salomon, l’arbre inversé, le sablier. L’initié devra voir l’image inversée en soi, unifiant ainsi les contraires en complémentaires. Cette démarche inclut la notion cyclique, le recommencement, le premier qui devient le dernier, etc.

17)On notera qu’autrefois la lune n’était pas positionnée à l’Orient, mais à l’Occident, accentuant le principe réfléchissant des Surveillants.

18)Nous retrouverons dans l’image donnée par un miroir une image inversée décrivant une réalité d’une autre nature.

19)La fameuse pierre cachée du cabinet de réflexion deviendra chez le bâtisseur la pierre rejetée. La pierre est support du sens ésotérique.

20)Le pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle pérégrine tout autant à l’intérieur de lui.

21)Cette notion de flux quasi imperceptible relève du domaine subtil qui est le tissus asubstantiel de l’être. Le subtil participe de la matière et de l’esprit et se retrouve dans la forme. Il interagit entre les objets ou les sujets. L’égrégore en est un exemple. C’est aussi la rosée céleste du rose-croix, le feu secret intérieur de l’alchimiste ou l’influence astrale de l’astrologie de tradition. Le subtil se lie à l’état supérieur de l’être et se révèle par signatures et des correspondances.

22)Soit celui de la tangente, celui de la périphérie, née du Logos central. Il devient alors centre secondaire rayonnant, car détenteur de l’épée flamboyante dans le monde de la loge.

23)C’est aussi par cette explication que l’on parle d’une franc-maçonnerie universelle, ce qui n’a rien à voir avec un communautarisme nivelant d’idées sans relief ontologique.

24)C’est ici la loi des correspondances inversées qui trouve à s’exprimer de Midi à Minuit, mais aussi dans l’hexagramme, ce qui est en haut et ce qui est en bas, etc. Cette antithétique implique ce que l’on appelle la loi du retour qui harmonise les contraires dans un habile complément. C’est ainsi que les premiers seront les derniers, et que tout mouvement atteignant son extrême se converti dans son opposé apparent. Ainsi les deux Saint-Jean et l’Ancien et le Nouveau Testament se retrouvent symboliquement assimilés à la course de la lumière entre les deux solstices que nous représentons en loge par les deux colonnes J et B.

25)Nous retrouvons cette symbolique dans le renversement du sablier.

26)Ainsi les outils du grade présents au tableau de loge, trouvent à exprimer leur sens ésotérique superficiel en regard du temple à bâtir, et un sens ésotérique second en regard de la construction de soi. C’est ce que consacre le passage du savoir-faire au savoir-être. Il y a toujours un sens ésotérique lié à la forme (ici le temple) et un autre consacré au fond (ici concernant l’homme et la puissance créatrice).

27)On raconte qu’on a retrouvé derrière les murs des commanderies templiers d’étranges pièces sombres sans ouverture hormis la lourde porte d’accès. Des tentures blanches ornaient les murs et sur l’autel vacillait une petite flamme. Cette petite flamme était gardée nuit et jour par un templier en prière, car la flamme ne devait jamais rester seule et le moment venu de la relève la bougie était changée. Ainsi la flamme brillait sans interruption afin d’éclairer l’homme dans les ténèbres.

28)La voie religieuse en Occident est exotérique, la voie initiatique est ésotérique.

29)Le mimétisme correspond au devoir de mémoire prescrit par les Statuts de Schaw de 1599.

30)C’est aussi le développement de la faculté de double vue qui permet au maçon de voir au-delà des apparences.

31)Ou triple parole qui anime les deux colonnes Nord et Sud en plus de celle du milieu Est Ouest. La triple voie est un écho dans la matière duelle de la puissance originelle. La parole trine étant liée à la lumière, on comprend que les maillets soient associés à une bougie, que l’on retrouve en Sagesse Beauté et Force autour du tableau de loge. La triple voie induit la lumière trine.

32)Dans nos rituels on retrouve les grandes options de la philosophie : pythagoricienne par la loi des nombres et des proportions,  platonicienne par la notion d’essence, où le concret n’est que le reflet de l’idée, mais aussi les principes du monde des formes et les différents plans de l’être face à l’unité, etc.  Cet ensemble varié trouve à s’exprimer dans l’ésotérisme de base du franc-maçon. La version humaniste et sociale de la franc-maçonnerie viendra équilibrer cette recherche et la discipline de l’arcane, en s’assurant que le sens caché apporte un progrès pour l’humanisation de l’Homme, et que le retour dans la Lumière ne soit pas sans effet dans le monde profane.

 

 

Votre blog en version mobile

Vous pouvez consulter votre blog depuis votre mobile !

Votre blog est optimisé et compatible avec tous les téléphones du marché. Vous pouvez consulter votre blog directement à l'adresse suivante :

http://www.ecossaisdesaintjean.org/m/      

 

Partager cet article
Repost0
25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 00:00

 (Nous surlignons pour favoriser une lecture rapide, ER)

C’est par trois grands coups que nous sommes entrés en franc-maçonnerie, c’est ce que nous indique le catéchisme de l’apprenti. Cette affirmation est confortée dans la plupart des rites continentaux inspirés des modernes, à l’exception du REAA où il faut frapper deux coups et du RFM où il faut frapper un coup. Rien dans les anciennes divulgations ou les anciens rituels ne conforte l’absence des trois grands coups. Nous en conclurons que dans le but de se différencier et de donner à la tenue rituelique un aspect moins trinitaire, certains rites ont voulu marquer une différence dès l’instant ou le profane est amené à la porte du temple.

L’aspect trinitaire n’est pas le seul problème généré par les coups à la porte, celui de la place de cet épisode dans le processus initiatique n’est pas sans intérêt. Pour certains rites, le cabinet de réflexion n’est pas l’épreuve de la terre partant du principe que l’homme existe tel qu’il est, ledit cabinet devient chambre de réflexion, pour d’autres ce n’est pas le cabinet de réflexion, mais la chambre des réflexions (RFT) donnant une part plutôt méditative et philosophique à ce passage dans l’isolement.

 Nous resterons sur les principes du REP qui considère que les trois grands coups frappés à la porte du temple se situent entre la recomposition subterrestre du corps et son animation par les sens et les émotions dans les épreuves dextrocentrées, pour finir dans l’illumination de l’esprit.

Une fois de plus, face à la porte et au moment de frapper les trois coups, nous nous interrogeons sur le sens profond du rituel qui comme la porte qui va s’ouvrir, offre un aspect extérieur et moral et un aspect intérieur et ésotérique. La porte offre en effet à celui qui la fait ouvrir le sens « caché » de ce qui s’y trouve conservé à l’abri des regards profanes.

Les trois coups sont liés au sens secret de la porte et à la nature profonde de la sortie du cabinet de réflexion. Tous les rites n’entrevoient pas la même intériorité dans le sens à donner à cette « translation ».

Quels que soient les chemins empruntés par les différents rites maçonniques, ils aboutissent tous devant la porte du temple.

Dans le développement qui suit nous ne perdrons pas de vue le principe de dé-corporation avec l’idée de la mort du vieil homme, et nous n’oublierons pas que le REP privilégie l’interprétation en miroir entre ce qui est « extérieur » et ce qui est « intérieur ». C’est sous cette double condition que nous pouvons valablement étudier le sens à donner aux trois grands coups appelés aussi les trois coups distincts, qui sont une opération rituelique de la « lumière trine » appliquée au candidat qui va demander la lumière. Nous ne perdrons pas de vue le sens du mouvement général de l’initiation caractérisée par les trois verbes du catéchisme Demander, chercher et frapper. Ce mouvement abouti à réintégrer le centre de soi-même et de découvrir qu’il se superpose au centre des centres.

 

 

 

I)                 L’histoire, le rythme et l’intensité 

Dans le sens des trois grands coups, nous avons le rituel de la loge mère écossaise de Marseille de 1751 qui est d’après nos recherches et les affirmations de Robert Ambelain l’une des souches du REP du moins pour les deux premiers degrés. Nous avons aussi le Wilkinson de 1727, « la Maçonnerie disséquée » de Samuel Prichard de 1730, « la Réception d’un Frey maçon » de 1737, « l’Ordre des Francs-Maçons trahis » de 1742, « le Sceau Rompu de 1745, « the Three Distinct Knoks» de 1760, « Jachin et Boaz » de 1762. En sens contraire : un seul coup dans la Parfait Maçon de 1744, dans le guide du maçon de 1804 (REAA), deux coups dans le Rite Français de 1858 et 1887.  À noter que le Nécessaire Maçonnique du rite français de 1817 et le Nécessaire Maçonnique du rite écossais de 1817 optent tous les deux pour les trois coups.

Tout porte à croire en l’antériorité historique des trois grands coups pour entrer en loge. La question subsidiaire repose sur le rythme de ces coups, ils peuvent être réguliers ou irréguliers.  On apprécie l’irrégularité « profane » au sens du rythme et de l’intensité en regard de la pratique des maillets. S’ils sont dans le rythme des maillets, cela veut dire que celui qui frappe à la porte est déjà franc-maçon. Si le rythme ou l’intensité n’est pas celui du rite, cela veut dire qu’une présence étrangère à l’ordre est derrière la porte. Ainsi nous voyons tantôt le maître de cérémonie frapper à la porte pour le compte de l’impétrant ( REP, R Emulation, RFT) qui assiste de tous ses sens auditifs à cette scène, soit nous avons l’impétrant qui frappe lui-même à la porte (RER, RY), les yeux bandés se faisant guidé dans la frappe par le Maître de Cérémonie ou par l’expert. Mais nous ne leurrons pas le cherchant n’est jamais livré à lui-même il est toujours guidé dans ses pas, sa marche, ses coups et ses réponses.

 Nous en conclurons que la frappe à la porte par trois grands coups est une manière extérieure d’exprimer son désir de rentrer dans les mystères de l’ordre maçonnique. Cette manière extérieure s’exprime aussi bien au sens propre qu’au sens figuré.

De nos jours les trois  grands coups sont requis au REP, au RER, à la SOT le RFT, le RY, un coup au REAA,deux coups au RFGO et un nombre non déterminé au RAPMM. S’agissant des trois coups s’ils sont égaux dans leurs intervalles, ont dit qu’ils sont le reflet d’un principe trinitaire et triunitaire, les trois coups égaux formant l’unité ; s’ils sont inégaux deux plus un, ils signifient le processus du passage du monde binaire profane vers la découverte de l’unité sacrée. La différence n’est pas anodine si nous considérons que les maillets vont rythmer et mettre en phase l’égrégore de la loge. Dans le premier cas, le principe est révélé, dans le second on le découvre.

 

 

A)Quand débute l’initiation ? 

Débute-t-elle à l’entrée dans le cabinet de réflexion ou au moment de l’entrée en loge ? C’est en répondant à cette question que nous établirons la nature réelle des trois grands coups.

Il existe une initiation « extérieure»  fondée sur l’évidence de la mort,  de l’espoir et du cycle éternel basée sur une recomposition élémentaire.

Il existe une initiation « intérieure» de nos sens activés par les éléments. Nos sens deviendront créateurs d’émotions et  berceau de l’âme.

-         Dans la première est « extérieure » et individuelle celle du cabinet de réflexion, c’est une démarche existentielle née de la possible mort à soi-même qui nous fait comprendre la nature des éléments qui nous compose. C’est donc l’épreuve de la terre faisant apparaître le principe de vie et sa dissolution élémentaire, et la notion même l’existence matérielle. Est sous-tendue l’idée d’une décomposition et recomposition organique du corps. La recomposition se fait par agrégation des éléments alchimiques autour d’un centre que nous découvrirons dans l’acronyme V.I.T.R.I.O.L.  Dans le cabinet de réflexion nous entrons sans frapper, car nous accédons à une intériorité propre à tout homme face à l’idée de la mort. C’est un simple « mémento mori» avec des indices précieux sur la manière profane de se percevoir. Ces indices sont incompréhensibles et sans effets sans la lumière du temple. Cette épreuve de la terre est insuffisante, car elle ne révèle que la vanité des prétentions liées au matériel et au corporel et ne fait pas apparaître les autres éléments constitutifs de l’Être. Le but de l’initiation est de prendre conscience de toutes les composantes de l’être.

-          La seconde est intérieure dans un cadre collectif, c’est une purification ou plutôt une rectification alchimique des sens d’un corps recomposé sorti du cabinet de réflexion. Ce corps recomposé des quatre éléments n’a pas de vie s’il n’est associé aux 5 sens, et les 5 sens n’ont aucune cohérence s’ils ne sont animés par une âme coordinatrice. Celle-ci va se situer graduellement au-dessus des sens, des sensations, des sentiments et enfin des émotions. Le Maître de Cérémonie viendra heurter et frapper à la porte du cabinet qui nous retient, activant ainsi la recomposition matérielle de notre être. Ce réveil du corps tiré de sa dissolution dans le vitriol, appel l’âme et l’esprit à le compléter…

 

Ce supplément d’âme demandé par le corps,  fait que l’homme se détache de l’animal en élaborant des sentiments et des émotions reliées à une causalité supérieure. Ces émotions se traduisent dans un ordonnancement qui fait prendre conscience à l’homme de sa dimension et de son altérité. La relation aux autres âmes crée le sentiment humain et la possibilité de fonder une famille une société puis un temple et une spiritualité.

C’est donc dans l’idée de bâtir quelque chose, outrepassant la simple état de vie, qu’apparaît enfin une dimension spirituelle. Cette dimension verticalisante, se traduira par l’accueil par l’âme et par le corps recomposé et purifié d’une troisième composante appelée « Esprit ». Le corps l’âme et l’esprit sont les composantes propres à toutes les initiations spirituelles qui spiritualisent la relation au monde et à l’homme dans leurs communes origines et destinées. Nous ne sommes plus très loin de la recherche de la cause première.

Il existe incontestablement une corrélation entre la tripartition de l’Être, la lumière trine et les trois grands coups. C’est ce que nous tenterons de démontrer.

Retenons simplement que l’initiation au REP et aux rites qui frappent trois coups à commencé par la recomposition élémentaire du cabinet de réflexion. Ici l’initiation est déjà installée sur ses bases lorsque le demandeur-cherchant « pris en main » par le maître de cérémonie se retrouve yeux bandés devant la porte. C’est le MDC qui frappe à la porte 3 coups pour le compte du demandeur devenu cherchant puis frappeur !

Nous comprenons qu’a chaque coup est attaché un verbe et que l’association des trois verbes va nous rapprocher du Verbe créateur.

 

 

B)De l’extérieur à l’intérieur. Problème de la verbalisation. 

En effet le demandeur cherchant est face à sa réponse qui se trouve de l’autre côté de la porte. Symboliquement Il faut FRAPPER trois fois sur trois portes pour trois ouvertures sur l’intériorité.

A ce DEMANDEUR, CHERCHANT  nous allons lui ouvrir la porte d’accès aux mystères de l’intérieur.

Le demandeur a les yeux bandés, il est muet et il est tenu en main. Il n’a aucune autonomie. Il va donc s’exprimer et donc verbaliser par l’entremise de son interprète le Maître de Cérémonie. Cette verbalisation sonore est réduite aux coups sur une porte. Ces coups sont le seul langage connu de l’extérieur comme de l’intérieur, c’est un langage véritablement universel qui demande la permission d’entrer. On verbalise la demande d’entrer en frappant à la porte.

Au REP le futur initié est amené devant la Porte d'Occident du temple. Il est en tension entre l’avant et l’après. Il se prépare à un passage entre l’extérieur et l’intérieur qui du fait des yeux bandés se passe à un double niveau : celui du corporel par le déplacement guidé de sa personne, et celui de l’imagination activée par l’obération d’un sens.

Cet épisode nous donne la première représentation mentale de l’impétrant. Pour la première fois dans son parcours il met en phase l’agir (trois coups) et l’image intime (ce qui est derrière la porte). Soit l’extérieur et le corporel et l’intérieur psychique. Ceci sera une habitude durant la totalité de son parcours maçonnique.

Au REP le futur initié a les yeux bandés, le maître de cérémonie frappe trois grands coups à la porte et attends la réponse du frère terrible qui est à l’intérieur du Temple. On dit qu’il frappe en profane par des grands coups, car il accompagne un non initié. On parle simplement de trois grands coups qui ne sont différents de ceux habituellement frappés que par leur intensité sonore (au REP). C’est l’intensité du coup porté qui annonce l’arrivée d’un profane et non pas comme a d’autres rites la déstructuration du rythme. Nous avons ici la réponse à l’intensité des coups.

On découvrira dans le catéchisme le sens caché de ses trois grands coups :

« Demandez et vous recevrez (la lumière), cherchez et vous trouverez (l’entrée du temple de lumière ou la vérité), frappez et on vous ouvrira (les sens secrets des symboles, ou le livre fermé ou de la porte des mystères de la franc-maçonnerie donnant accès au Centre).

Soyons clairs, les coups relatent la triple verbalisation du demander chercher frapper.

Nous comprenons d’emblée que ces coups, en regard de leurs trois significations, ne peuvent pas être irréguliers dans le rythme au risque de déséquilibrer les trois verbes, et donc la verbalisation entre l’extérieur et l’intérieur. Si cette demande n’était pas équilibrée la porte ne s’ouvrirait pas. Ce qui est excessif et non mesuré est donc l’intensité qui déroge aux habitudes de la loge.

Au REP le rythme sera régulier et l’intensité forte pour se conformer au catéchisme.D’autres rites privilégient l’arythmie à l’intensité. Notons pour conclure que le qualificatif « grand » rend compte de l’intensité mais aussi de l’importance, de la signification haute des coups quant à la cible qu’ils visent qui n’est autre que le Verbe.

 

 

 

Après les trois coups portés par procuration le demandeur décline son identité.

L’association de l’identité déclinée à la demande d’entrer dans le temple doit retenir notre attention.

La porte du temple devient par association de circonstances notre propre porte. La porte est donc identitaire ! Cette assimilation de la porte à son propre accès intérieur est la conséquence immédiate de l’acronyme V.I.T.R.I.O.L.

Cependant nous constatons qu’au REP  (contrairement à d’autres rites) ce n’est pas le demandeur qui frappe à la porte, mais le Maître des Cérémonies (idem R Emulation , RFT REAA.

Donc l’opération de frappe n’est pas physiquement faite par l’impétrant, mais cela reste une expérience initiatique vécue par le demandeur. C’est son accompagnant de confiance qui l’amène à bon port sur la porte inconnue du temple. Il ya a une relation de fusion entre celui qui demande et le guide. Nous retrouvons cet aspect de mise en confiance sur le chemin à suivre dans l’allégorie du Bon Pasteur : « C'est moi qui suis la porte : celui qui entrera par moi sera sauvé », Le maître de cérémonie est celui qui rassemble et guide vers le centre. Il va aller jusqu’au bout de sa mission d’accompagnement en agissant pour le compte du candidat.

 Une demande formulée pour son compte est une extériorisation de la volonté par le principe de la procure. Cette extériorisation de l’acte et de la volonté dans la personne du MDC (procuration) a pour corollaire une intériorisation de la représentation mentale de la scène. Les yeux bandés, le demandeur assiste à sa propre demande et à ses conséquences comme dans une scène où il serait son propre spectateur.

Cette « dé-corporation » face à une porte est le premier exercice initiant la connaissance de soi en étant spectateur de sa propre démarche et de sa propre entrée. Assister à sa propre entrée en loge est plus édifiante que celle d’un acteur maladroit, d’une scène non comprise. L’incompréhension de la scène résulte souvent de l’acte dont on ne comprend pas le sens, occupé que l’on est à l’accomplir sans le vivre pleinement. Au REP on privilégie le ressenti d’un esprit en plein éveil. En vérité l’intérêt de cette démarche est de découvrir sa porte intérieure qui est celle du temple de l’homme.

En conséquence, l’expérience de dé-corporation qui rend le candidat spectateur de sa propre demande, va faire place à l’incorporation de la porte du temple autrement dit à la découverte en soi d’une porte pour faire entrer la lumière.

 

 

A)       Mise en scène de l’intégration 

Voici la scène telle quelle est prévue par les rituels du REP.

Le MDC tient le futur initié par le bras,

Le Maître des Cérémonies frappe trois grands coups à la porte du Temple. « O »     « O »    «  O » (Il frappe en qualité d’initié accompagné d’un profane donc par trois grands coups qui dérogent à l’intensité habituelle, ils sont forts et espacés)

Le Frère Terrible — Frère 2ème Surveillant, annoncez au Vénérable qu’on frappe à la porte du Temple en Profane.

Le 2ème Surveillant - Frère 1er Surveillant, on frappe à la porte du Temple en Profane.

Le 1er Surveillant — Vénérable, on frappe à la porte du Temple en Profane.

Le Vénérable — Frère Terrible, voyez qui frappe ainsi à la porte du Temple et écartez tout Profane qui oserait venir troubler nos travaux.

Le Frère Terrible frappe de l’intérieur du Temple en Apprenti : «  O O O » »

Le Maître de Cérémonies de l’extérieur lui répond de même : « O O O »

Le Frère Terrible - Frère Maître de Cérémonies, pourquoi frappez-vous ainsi?

Le Maître des Cérémonies - Annoncez au Vénérable que c’est un Profane qui demande la faveur d’être reçu Maçon et d’être admis à nos Travaux.

Le Frère Terrible — - Vénérable c’est un Profane qui demande la faveur d’être reçu Maçon et d’être admis à nos Travaux.

Le Vénérable — Frère Terrible, demandez à ce Profane son nom, ses prénoms, son âge, son lieu de naissance, qui étaient ses père et mère et sa religion.

On voit que dans cette procédure d’introduction en loge la présence d’un profane en demande n’est pas une surprise, il n’y a pas lieu de s’armer comme au REAA d’épée pour s’en défendre, nous sommes en conscience dans un  rituel dit d’initiation ou tout est annoncé et programmé. Personne n’est surpris par la frappe à la porte. Mais la porte ne s’ouvre pas immédiatement, car il faut mettre en résonnance ce qui se passe de part et d’autre de la porte. Une deuxième série de frappes en miroir (en réponse) entre l’intérieur et l’extérieur va y pourvoir. J’insiste sur l’effet miroir de cette réponse qui justifie les trois coups de la demande. Elle sera « régulière » dans l’intensité et le rythme et donc au diapason de l’égrégore de la loge. C’est donc cet effet miroir de l’intérieur à l’extérieur qui va débloquer le processus d’initiation en autorisant un non-initié à entrer accompagné et « pris en main » ou « maintenu ». Cette réponse est un écho purifié de la présence profane. On fait déjà entendre au candidat la régularité de la frappe !.

 

 

B)    Le processus hermétique d’intégration intérieure

 

L’effet miroir des deux fois trois coups réguliers de l’intérieur vers l’extérieur nous donne un indice capital sur le principe de symétrie analogique qui nourri les premiers grades du REP. Cette symétrie joue aussi bien entre les parvis et le Hékal qu’entre le temple et l’intimité du maçon. Le miroir est une clef hermétique majeure qui donne la relation entre le haut et le bas, mais aussi entre l’extérieur et l’intérieur..

Maintenant que nous avons perçu la notion de porte intérieure à soi même il faut bien souligner qu’elle s’associe parfaitement avec l’intérieur du Temple. Toute porte fait la frontière entre l’intérieur et l’extérieur.

Il est donc logique et nous l’avons démontré que le premier acte intérieur soit un non-acte qui aboutit à une représentation mentale de haut niveau qui est elle-même de nature intérieure. Ainsi avant le début de la cérémonie dans le temple,  c’est par la représentation mentale inconsciente que nous nous intériorisons le sacré d’un temple en trois niveaux :

1)    le niveau matériel d’une porte est imaginé

 

2)   le niveau corporel d’une porte d’entrée dans notre intériorité

3)   le niveau intérieur d’une vérité et d’une lumière en soi qui se déclinera entre âme et esprit,

Nous allons retrouver cette stratification des niveaux dans le catéchisme de l’apprenti. D’un constat de correspondance entre extérieur et intérieur nous allons déduire le sens intérieur et le sens extérieur des choses et des symboles. Soit l’ésotérisme et l’exotérisme. Ainsi le fait de frapper à la porte séparant l’intérieur de l’extérieur les yeux bandés est déjà un acte plein de sens. Le fait qu’il soit fait pour notre propre compte par un initié dont la fonction est de nous guider sur le chemin est encore plus symbolique.

Celui qui sait nous montre où frapper en nous et comment, pour y faire entrer la lumière !

On peut cependant relever une différence de point de vue entre la porte du temple qui permet de rentrer dans la lumière et la porte intérieure à soi que l’on entrouvre pour faire entrer la lumière jusque dans notre centre. L’homme n’est pas un démiurge il ne peut que recevoir et transmettre. Il ne crée pas la Lumière. Il va la chercher dans un lieu consacré et dédicacé à cet effet lumineux. Ce lieu de lumière fut conçu comme la maison de Dieu. Ce Temple de Salomon demeure la référence architecturale de la réception de la lumière et de sa diffusion dans ses trois parties qui sont le Debhir, le Hékal et l’Ulam, soit dans une transcription anthropomorphique du Temple : l’esprit, l’âme et le corps.

 

C)   Où frapper en nous ?

À l’évidence les trois grands coups frappés sur une porte s’adressent à trois entrées en soi. Nous retrouvons ces trois entrées dans les trois maillets frappeurs du VM du 1er et 2nd S mais aussi dans la légende d’Hiram. Hiram perd la vie par les trois coups assenés par trois outils ou instruments dévoyés, sur trois sorties pour le corps pour l’âme et pour l’esprit.

Sur un plan symbolique, nous pouvons affecter les trois coups à la porte sur les trois strates qui humanisent l’homme :

-         La première concerne nos sens corporels et en premier lien l’audition, une vibration entre dans notre corps. Elle est intériorisée, tout comme la vue et les autres sens qui sont sans repères visuels « extérieures »

-         Le deuxième s’adresse à l’émotion induite par l’acte solennel et mystérieux, elle concerne l’animation du corps autour de cet événement, l’augmentation du rythme cardiaque, la tension musculaire et l’appréhension de ce qui va se passer. C’est ici l’âme qui « réagit » aux coups sur sa porte. Elle est littéralement mise en vibration par les émotions et en phase avec la volonté d’enter dans la lumière. La porte d’entrée de l’âme animatrice du corps est le cœur. L’intelligence de ce cœur est vibratoire, on la dit « cardiaque ».

-         Enfin un troisième niveau est frappé, c’est celui qui entraîne l’imagination et la représentation mentale, c’est donc l’esprit, analytique, discursif ou synthétique qui projette la « dé-corporisation » de l’expérience en regardant son corps et son âme être mis en vibration par cette rituellie. Il y a pour la première fois dans le parcours maçonnique une tentative de séparer ou du moins de distinguer, le corps et l’esprit, comme un premier exercice.

Il y aurait ainsi trois centres en soi qui seraient frappés, celui du corps atteint par la vibration ici sonore (elle pourrait être lumineuse, tactile, olfactive, etc), celui de l’âme atteinte par le sens concerné ici l’audition. Elle est issue de l’émotion générée par les sens dans le corps. Il y a mise en phase de l’âme et du corps. Enfin intervient le troisième centre, celui de l’esprit qui verticalise et réuni les zones du cerveau activées par les sens, dans la recomposition d’une image mentale cohérente.

Voici résumée la signification des trois coups dont on nous dit qu’ils sont « grands » au REP ou « distinct » dans la divulgation « the three distincts knoks »,veut dire distincts ou tranchés, voir séparés ou formels. Cette mise en valeur des coups se fait plus au regard de l’importance des centres qu’ils vont réveiller chez ce profane accompagné..

On notera que la tripartition de l’Être rend l’homme sensible aux multiples de 3 et que le raisonnement précédent vaut pour tout système ternaire dans ses modalités symboliques. Autrement dit le ternaire maçonnique et son tri-unitarisme doit nous permettre de découvrir le centre en soi et le centre du Tout.

 

 

D)Acte volontaire codifié aux trois effets 

Les trois coups frappés par procuration ou par soi-même ont une fonction d’apprentissage du code universel du franc-maçon, il en sera de même avec l’épellation où pour la première fois on souffle au futur maçon la lettre à prononcer. Nous aurons le même processus imitatif dans l’exécution des pas et des gestes.

Nous sommes indiscutablement dans un processus mémoriel d’apprentissage par imitation de ceux qui savent. On marque par les trois grands coups EXTERIEURS et par leurs réponses INTERIEURES le principe de mise en phase des trois niveaux :

- celui de l’individu au groupe,  (du cabinet de réflexion à la loge)

- celui du corporel à l’intellectuel (imagerie mentale)

- celui de l’intellectuel à la représentation mentale ternaire ou triangulée, en partage avec la structure de la Loge ou du Temple, le langage des trois coups et la lumière trine.

Sur ce dernier point nous reviendrons  dans une prochaine étude sur la différence existant en trois coups à intervalles réguliers ou progressifs.

Au REP la représentation mentale de l’acte de frapper et d’entrer va activer le corps dans son souffle intime appelé par les anciens l’âme et va exaucer le niveau de notre pensée par la spiritualisation de l’acte lui-même faisant la part belle à l’esprit.

Pour les rites qui excluent les trois grands coups, la signification s’arrête au premier stade celui de la mise en harmonie de l’individu au groupe. Ou avec les deux coups on se situe dans l’utopie au sens noble (représentation mentale) appliquée au groupe social.

 

 

 

Hormis l’effet miroir des trois coups frappés régulièrement qui répondent aux trois grands coups « extérieurs », nous allons vivre l’intégration de la périphérie au centre par les trois voyages dextrocentrés. On pourra analyser ce phénomène comme une agrégation au groupe de l’intérieur ou comme une réintégration centripète au centre lumineux.

Mais avant l’intégration de cet élément extérieur, il est nécessaire que le profane soit passé par une série de questionnement.

Le Frère terrible au REP fait le relais entre la porte Ouest conçue comme le cercle extérieur et le centre représenté par le Maître de Loge. C’est donc par l’interface du Frère terrible-expert que s’organisera le questionnement identitaire. Ce questionnement porte sur les trois parties constitutives du candidat ne sera qu’une synthèse des trois grands coups portés à la porte du temple

 

A)Le questionnement identitaire et le premier gnôthi seauton 

Le questionnement sur l’identité et l’origine parentale ou religieuse du candidat n’est pas qu’une simple formalité. Ici se résume la totalité du parcours profane pour aller jusque dans le temple. Le testament philosophique à permis au REP de réfléchir sur les trois niveaux d’intégration de l’être envers les siens, la société et le cosmos. Mais cette triple interrogation n’était qu’une amorce à la découverte de soi en trois étapes.Nous mettons entre parenthèse nos ajouts :

« D. Comment avez-vous été introduit en Loge (dans votre temple intérieur)?

R. Par trois grands coups (par trois réveils)?

D. Que signifient ces trois coups?

R. Demandez (en vous), vous recevrez;(la lumière) Cherchez (en vous), vous trouverez (le chemin); frappez (en vous), et l’on vous ouvrira (les trois portes de l’être).

D. Que vous ont produit ces trois coups?

R. Un Expert, qui m’a demandé mon nom, mes prénoms, mon âge, mon pays, et si c’était bien ma volonté d’être reçu Maçon? »

 

En demandant au candidat de décliner son identité, on lui demande de répondre profondément à la question : qui es-tu ? 

Le fait de le dire qui on est entraîne une prise de conscience à l’instant même d’entrer à l’intérieur du Temple comme de soi-même. Nous l’avons démontré, la porte est la même.

L’état civil est la synthèse des trois enquêtes et du passage sous le bandeau. Il est racinaire, on fait apparaître ses géniteurs et ses racines sociales qui animent et son corps, il est aussi une indication sur sa spiritualité qui donne un sens à son âme, car on demande sa religion. Donc nous pouvons affirmer que la question-réponse pour entrer dans le temple repose sur la connaissance élémentaire et minimale de soi. Ceci implique un état du corps (géniteur et filiation), un état d’âme qui penche vers le complément d’âme apporté par le groupe initiatique et un état d’esprit (croyance ou pas) une spiritualité affirmée ou en voie de construction. Nous avons donc ici un état des lieux de l’Être. Nous voyons intuitivement ce que la loge peut compléter dans cet état de l’Être.

Ce sont les trois ressorts invisibles du questionnement identitaire fait par le Vénérable pour le compte de la Loge comme pour le compte du candidat.

Ce questionnement identitaire du « connais-toi toi-même », n’a de valeur dans ses réponses qu’a l’issue d’un parcours mental et physique en trois temps qui sont résumés dans le catéchisme de l’apprenti à propos des trois grands coups :

 

B)« Demandez, Cherchez, Frappez » et Le Verbe. Le retour au centre 

Nous revenons sur les trois verbes du catéchisme que nous qualifierons de « centripètes » et intégrateurs.

Le Verbe créateur nous est inaccessible, nous ne pouvons que l’approcher. Nous ne pouvons qu’épeler ou n’utiliser que des verbes  « centripètes » manifestant notre volonté de réintégrer le centre.

Dans le grand mouvement des idées métaphysiques et religieuses, l’homme cherche son centre immobile, celui de la quiétude et de plénitude ultime où ni le temps ni la contingence n’ont de prises. L’effet miroir appelé aussi loi des correspondances nous dit que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas : donc ce centre en soi correspond au centre du Tout.

Il n’est pas dans le privilège de l’homme de posséder le Verbe divin. Il doit se contenter des éléments de sa « manifestation » par l’épée flamboyante et le maillet d’un coté, et par la déclinaison verbale de l’agir de l’autre. Nous avons ainsi les trois coups qui sont associés aux trois états de l’être et aux trois verbes du retour.

D. Que signifient ces trois coups?

R. Demandez, vous recevrez; cherchez, vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira.

 

Nous avons compris que l’intégration en loge et l’intégration au centre lumineux autrement dit symboliquement la réintégration de l’homme au paradis perdu. Il s’agit pour chacun de revenir à cet état édénique.

 

 Les verbes sont l’expression d’une démarche active et volontaire pour revenir au centre.

1)   La demande est un acte volontaire et persistant, on veut intégrer à soi une réponse. C’est un désir qui s’affirme !

 Il faut la formuler par écrit et verbalement on n’entre pas en franc-maçonnerie par hasard. La demande se fait à une autorité supposée supérieure à soi,. Non pas que la loge soit hiérarchiquement et socialement supérieure, mais que la demande faite à la loge est faite aussi à soi-même dans une intimité supérieure à son état d’existence. Nous revenons ici à cet état de dé-corporisation propice à une prise de conscience. de notre tripartition  (nous en retrouvons les effets dans le testament philosophique qui prépare la mort du vieil homme.)

C’est ici l’effet miroir du rituel qui joue à plein sur la demande à soi et aux autres. Elle se traduit par la persistance et des examens successifs par enquêtes et bandeau jusqu'à la déclinaison identitaire de ce que nous sommes vraiment, à la porte du temple. Sur la base d’une demande faite à une position hiérarchiquement avancée sur le plan initiatique, la question de la porte de la loge ou du Temple se posera à nouveau. S’il s’agit de la loge, le système égalitaire qui la gouverne sous l’égide des modernes ne pourra répondre à ce lien hiérarchique. Par contre c’est dans l’intériorité que ce lien hiérarchique va s’imposer. Au contraire, si nous frappons à la porte du Temple, alors la hiérarchie s’impose à nous depuis l’Ancien Testament. Le Temple de Salomon est inégalable et non reconstruit. Il représente l’archétype de la maison de Dieu. 

L’esprit de la demande trouve ici un écho de première importance. J’en viens à la demande que vous avez formulée pour entrer en franc-maçonnerie : avez-vous souhaité intégrer un groupe de réflexion qui ne s’inféode qu’à ses propres expectatives et où chaque maçon bâtit comme bon lui semble l’aléa de ses pensées ? Où avez-vous souhaité rechercher un rapprochement sérieux avec le grand schéma des origines et rechercher la voie qui mène à la source ?

Dans tous les cas les murailles ne seront plus reconstruites, et les pierres serviront à bâtir des ponts, sans doute entre les peuples, mais plus sûrement avec celui qui tient le compas.

 

2)   Chercher n’est pas la réponse à une énigme comme si l’on comparaissait devant le sphinx. C’est tout simplement chercher le chemin qui conduit au temple, mais aussi ce chemin de lumière ou de vérité qui est tout autant extérieur ( la loge) qu’intérieur et archétypal (le temple de Salomon devenu temple intérieur). On comprendra dès lors que le chemin se dessine à chaque bifurcation. Chacun aura donc son chemin, chacun marche vers l’idée qu’il se fait de ce qui est juste beau et bon. Chercher en soi le chemin qui sera semé d’embûches, fait de nous un pèlerin de l’esprit. Or un pèlerin de l’esprit est un homme qui vit son désir d’exaltation confronté à ses tentations. Le RER résume parfaitement cet aspect par les termes nous serons « cherchant persévérant et souffrant ». 

 

 Nous pouvons estimer que celui qui cherche s’inscrit dans une perspective de découverte de ce qui est au-delà des apparences. C’est donc un certain regard qui s’affirme jusqu'à se retrouver intériorisé face à la porte.

Il faudra un travail constant et opiniâtre pour rester sur ce chemin et enfin atteindre la porte. L'Évangile selon Saint-Jean nous parle d’une porte et d’un chemin difficile à trouver: « Entrez par la porte étroite, large en effet est la porte et spacieuse est la route qui mène à la perdition et nombreux sont ceux qui s'y engagent. Qu’elle est étroite la porte et qu'elle est resserrée la route qui mène à la vie, et peux nombreux sont ceux qui la trouvent. » Il semble donc évident qu’à l’égal du pèlerin, il faille demander et chercher son chemin qui n’est autre qu’intérieur.

 

3)   Frapper est ici l’objet même de l’entrée dans le temple maçonnique et intérieur. Nous avons vu que la frappe à la porte par trois coups s’adresse à la totalité tripartite de l’Être soit le corps, l’âme et l’esprit. En loge la frappe légale se fait par le maillet qui ouvre le cœur à la lumière par la frappe  de la tête du compas. La frappe éveille ou réveille, elle met en alerte et en ordre, c’est l’appel d’une insondable profondeur.

Si l’acte est physique, son écho et psychique et spirituel. Pour ouvrir la porte intérieure il faut une clef, la clef est l’écho intérieur à cette frappe extérieure ! ce sont trois coups cette fois-ci réguliers et harmonieux au  comme le centre d’où ils proviennent.

 

La frappe de haut en bas, liant le Verbe venu du haut, à la manifestation de l’ici bas, sera une seconde nature dans le processus initiatique du maçon. On l’illustre dès son admission par son premier travail sur la pierre. Knock est un cognement, un coup, une frappe. C’est aussi l’idée de heurter de bouleverser ce qui est établit pour activer un nouvel état. 

 

On retrouve l’intégralité des trois coups associés aux trois verbes et aux trois états de l’Être qui ont en commun le même centre. Le mouvement général est bien celui d’une intégration au centre lumineux au sens métaphysique du terme, et l’Évangile en général se laisse interpréter dans ce sens assez facilement.

L’acceptation est réitérée plusieurs fois dans les Évangiles.


 

C)   Acceptation par le gardien du seuil 

 

Par ces trois coups associés aux trois verbes marquant le désir du retour au centre, on répondra positivement :

 

Matthieu 7 :7 ; Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira.

Matthieu 7 :8 ; Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe.

Luc 11 :9 ; Et moi, je vous dis : Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira.

Luc 10 :10 : Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe

 

Il semble donc qu’à chacun, une réponse positive peut être faite. Les conditions doivent relater un état d’esprit : La demande doit être persistante, elle fait apparaître la recherche d’un chemin de lumière et enfin la volonté doit s’engager jusqu’à l’épreuve de soi faisant naître des sentiments profonds.

(C’est l’état de « l’homme de désir » au RER, qui infère aussi une notion de souffrance et de tension en regard des vices qu’il doit combattre.)

La réponse de la Nouvelle Alliance qui est donnée est une lumière faite homme.

Elle est structurée tant au plan intérieur qu’extérieur par les trois coups et les trois verbes. Ils provoquent le réveil de l’être (corps âme esprit) et ce ne sera pas le fruit d’un hasard ou d’une attitude passive. Cette réponse évangélique est intégrée au catéchisme maçonnique.

C’est toute la méthode maçonnique que nous retrouvons résumée à la porte du Temple. A l’évidence par les trois coups notre rituel voit plus loin que de simples préoccupations morales ou sociales. Ce qui est visé au terme de notre initiation c’est de comprendre ce que signifie la réintégration de l’Être en son propre centre.

Cette méthode universaliste et œcuménique est fondée sur une Esperance active, une foi maçonnique qui est celle des bâtisseurs de cathédrales, et l’intégration charnelle de la notion de partage, de solidarité et de fraternité. Nous retrouvons les chemins d’une initiation qui ne sépare pas l’homme de la fraternité à laquelle il appartient, ces critères typiquement occidentaux seront repris dans les grades supérieurs et notamment dans la chevalerie Rose Croix (Foi, Espérance et Charité)

Qu’y a-t-il derrière la porte ?

Bien plus qu’une assemblée de maçons célébrant la lumière

Bien plus qu’une loge pratiquant un rite traditionnel moderne ou ancien

 

Autre chose de plus fort et de plus intérieur et une méthode d’exaltation de l’être.

Le rapport au Temple qu’il fut celui de Salomon ou de notre intériorité renoue avec l’échelle ascensionnelle qui nous mène vers ce centre divin.

Finalement les trois grands coups nous montrent le chemin de l’intérieur. C’est le second secret de sagesse après celui du centre en soi révélé par l’acronyme. C’est le secret qui révèle le lieu et les étapes du passage vers un centre un jour peut-être illuminé par l’esprit.

En frappant à la porte de la Loge et du Temple, nous souhaitons secrètement acquérir les moyens et la connaissance qui nous permettront une réintégration dans le Jardin d’Éden. Cet accès passera par l’humanisation grandissante de l’homme de vérité qui sommeille en nous. Ce réveil se traduira par le relèvement du maître intérieur.

Nous savons ce qu’il nous reste à faire.

Catéchisme caractéristique des Anciens Devoirs de la maçonnerie opérative anglaise, daté de 1760 et intitulé « Les Trois coups distincts ». Les « Trois Coups Distincts » est la divulgation d’une cérémonie dialoguée sur la base du devoir de mémoire qui aurait été pratiquée par les loges des Ancients.

Extrait

Degré d’apprenti

« Le maître : Y a-t-il un lien qui nous unit, mon frère ?

Réponse : Oui vénérable.

Maî.: Quel est ce lien mon frère ?

Rép.: C’est un secret.

Maî.: Quel est ce secret, mon frère ?

Rép.: La maçonnerie.

Maî.: Alors je suppose que vous êtes maçon.

Rép.: Mes frères et mes compagnons me reconnaissent et m’acceptent comme tel.

Maî.: Pouvez-vous me dire quel genre d’homme un maçon doit-il être ?

Rép.: Un homme né d’une femme libre.

Maî.: Où vous êtes-vous d’abord préparé pour devenir maçon ?

Rép.:Dans mon cœur.

…………..

Maî.: Comment avez-vous été admis ?

Rép.:Par trois coups distincts.

Maî.: Qu’est-ce qu’on vous a dit ?

Rép.: Qui va là ?

Maî.: Qu’avez-vous répondu, mon frère ?

Rép.: Quelqu’un qui demande à prendre part au bienfait de cette très respectable loge dédiée à saint Jean, comme ont fait beaucoup de frères et compagnons avant moi.

________________________________________________________________

Le sceau rompu en 1745 dans sa critique du Secret des Francs maçon précédemment publiés.

« A la page 68, quand il s'agit d'introduire le candidat dans la chambre de réception, il est vrai que le parrain frappe trois coups à la porte, mais l'Auteur ne marque pas que le premier des Surveillant frappe aussitôt trois coups sur le maillet du second, & que celui-ci lui répond par autant de coups sur le sien ; omission, comme on voit des plus importantes. »

…………………………………………………………………………………………

« D. Comment vous y a-t'il introduit ?

R. Par trois grands coups.

D. Que signifient ces trois grands coups ?

R. 3 Paroles de l'Ecriture Sainte : Frappez, on vous ouvrira ; Parlez, on vous répondra ; Demandez, on vous donnera. »

___________________________________________________________________________

 

RITE FRANÇAIS 1788 : DU CATECHISME DU GRADE D'APPRENTI DU RECUEIL DE LA MACONNERIE (1788) 

 

D. Que signifient les trois grands, coups ?

R. Trois Paroles de l'Écriture-Sainte, Frappez, on vous ouvrira ; Cherchez, vous trouverez ; Demandez vous, recevrez. (inversion)

D. Que vous ont-ils produits ?

R. L'ouverture de la Loge.

D. Lorsqu'elle a été ouverte, qu'est-ce que l'Expert a fait de vous ?

R. Il m'a remis entre les mains du second Surveillant.

________________________________________________________________

Rituel du marquis de Cages 1763

Extrait :

 Le Terrible sort de la loge et va trouver le récipiendaire en lui disant :

Monsieur, c'est donc vous qui vouliez apprendre les secrets des maçons et être admis parmi eux.

Lorsqu'il a répondu, il lui dit :

Armez-vous de patience et de courage !

Puis il lui fait quitter tous les métaux comme argent, boucles, agrafes, boutons de manche, habit, puis il lui fait mettre le bras droit nu, et il lui bande les yeux et lui met le soulier gauche en pantoufle et le genou droit découvert.

En cet état, il le conduit à la porte de la Loge en lui disant :

Monsieur c'est ici qu'il faut montrer de la fermeté et ne vous étonner de rien.

Puis le Terrible frappe trois coups à la porte ce qui est le frapper de l'apprenti. Le 2 eme Survts.·. ayant entendu frapper, frappe sur le maillet du 1er et le 1er sur le sien, le maître sur l'autel, alors le 2 eme Survts.·. dit au 1 er :

Vénérable frère 1er Survts.·., on frappe à la porte du temple en apprenti

et le 1er dit :

Vénérable Maître on frappe en apprenti à la porte du temple.

alors le maître dit :

Vénérable frère 1er Survts.·., envoyez voir qui frappe à la porte du temple par le vénérable frère 2eme Survts.·.

Le 1 er le dit au second et le second va à la porte où il frappe en apprenti. Le Terrible répond, le 2eme répète et ouvre en disant d'une voix grosse et contrefaite :

Que demandez-vous?

Le terrible répond :

C'est un profane qui demande d'être reçu maçon.

Le 2ème Survts.·. ferme brusquement la porte et revient frapper sur le maillet du 1 er et le premier sur le sien, le Maître sur l'autel alors le 2ème Survts.·. dit au premier :

Vénérable frère premier Survts.·.

c'est un profane qui demande d'être initié dans nos sacrés mystères et de voir la Lumière.

Le premier dit au Maître et le Maître dit:

Vénérable frère 1er Survts.·., envoyez le Vénérable frère 2ème Suvts.·., lui demander son nom, son âge, sa qualité et sa religion et si ce n'est point par esprit de curiosité qu'il demande d'être initié parmi nous.

Le 1er le dit au deuxième et le 2eme va à la porte du temple où il frappe en apprenti. Le terrible répond.

Le 2ème répète et il ouvre en di

Partager cet article
Repost0