Rite de la ligne 2ème partie.
Nous poursuivons notre étude symbolique du rite de passage de la ligne équatoriale, en cours dans la marine française- Cette étude est un exercice de style sur le symbolisme appliqué à une rituellie fut-elle profane.
Approche symbolique du tampon.
Il va sans dire que l’interprétation qui suit ne perd pas de vue le côté humoristique et bon enfant d’un tel rituel même si l’on parle de bizutage des néophytes. Il existe derrière cet aspect potache une rigueur dans l’application rituelique qui doit attirer notre attention.
Ce n’est pas parce que le rite est simplement dit « de passage » qu’il n’offre pas des signes initiatiques dissimulés. Le tampon sur notre document en atteste.
Celui qui a buriné le tampon l’a fait, suivant les règles habituelles de composition d’une flamme circulaire concentrique. Le motif central doit être justement équilibré, les éléments remarquables du sujet représentés. La logique de la flamme est naturellement symbolique, car seul le symbole peut résumer et représenter un concept.
Nous avons sélectionné une série de représentations symboliques qui par analogies se complètent et se répondent.
Nous partons d’un cercle dans lequel doivent se représenter le monde d’en haut et le monde d’en bas, avec un triangle montant et descendant. Vu autrement on traduit cette relation par un axe traversant un plan, soit une croix de Saint-André avec un axe vertical en son centre. C’est l’archétype de la croix tridimensionnelle. (Nous utilisons ici les règles d’analyse en cours au REP). Enfin ramené à un navire, l'axe devient le mat central, le plan est le navire sur l'eau.
À partir de l’archétype symbolique qui précède on dérive un labarum constantinien du IV em siècle, le tampon objet de l’analyse, un arbre de vie hermétique du XVIIème siècle et enfin le l’axe mercurien ailé enlaçant de deux serpents montant représentants la cristallisation de la vie (ADN). Nous aurions pu utiliser l’arbre séphirotique. L'ancre est le symbole de l'espérance et de la fermeté. l'ancre désigne la stabilité, la solidité de la foi chrétienne. Sur les tombeaux des premiers chrétiens, elle symbolise le salut. Elle est representée au Rite émulation.
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Nous avons à l’intérieur d’un triple cercle représentant les trois sphères esprit /âme /corps (ou le ciel, la mer et la terre), un chrisme composé d’un axe représentant l’ancrage du marin. Cet axe est la stangue de l’ancre. Ce monde est sphérique et gravitationnel : équivalent du fil à plomb, une ancre relie le haut et le bas avec un cordage vital s’enroulant autour. Le cordage qui le relie à l’ancre est pour le bateau comme pour le marin une ligne de vie (la gumène).
Ce cordage part d’un anneau marquant « l’alliance » avec le ciel qui va jusqu'à la profondeur des océans. Le ciel est la partie supérieure de l’ancre formant un triangle montant, la profondeur abyssale est marquée par le triangle descendant de la partie inférieure.
Nous reconnaissons ici l’arbre de vie composé d’un axe et de deux ou plusieurs triangles montant et descendant. Le principe hermétique « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » découle de cette représentation universelle. Le haut et le bas sont deux triangles réunis par l’axe de l’ancre et entre lesquels s’enroule le serpent symbole de la vie terrestre qui s’y cristallise. Le triangle haut à pour base la traverse en bois appelée la trabe.
Formant une croix de Saint-André, nous avons une gaffe pointe en haut signifiant le pouvoir d’action sur la ligne par le chevalier des mers, qui recroise un trident symbole du pouvoir divin et les trois voies initiatiques (ou les trois mondes minéral, végétal, animal pour les tenant de la grande Nature) qui ont présidées à l’armement aquatique du chevalier.
Au croisement des trois axes et donc « en abîme » au sens héraldique et précisément au centre du Chrisme, nous avons une couronne « Exotique » dans son ramage ou plumage, marquant le bouleversement des valeurs.
Traditionnellement la couronne exprime la procuration et la légitimité divine du roi et de son action ici-bas. Le Roi agit au nom de Dieu. Ce n’est pas la couronne de Neptune ni d’Amphitrite, mais celle du capitaine de bord.
« Couronnant » le centre, une couronne, un zodiaque « indigène » et donc de l’autre monde, marque le changement de centre légal et spirituel. C’est l’illustration de la dépolarisation des hommes et de leurs systèmes référentiels. Ainsi l’horizon terrestre de l’hémisphère Nord cède la place à un horizon maritime en relation avec un nouvel horizon céleste.
On remarque que le centre de la croisée du chrisme correspond au centre « intérieur » de la couronne, on peut évoquer ici la notion d’ordre intérieur. Ce centre intérieur peut s’atteindre par la plongée sous la ligne de l’équateur. Ce passage dans l’épreuve permet non pas de dépasser la circonférence pour aller « au-delà » mais plutôt d’atteindre le centre de soi. Nous resterions ainsi dans le monde des petits mystères.
La couronne est le symbole du pouvoir royal « indigène » qui s’exerce par délégation du Dieu tutélaire représenté par le trident de la Connaissance (pouvoir Sacerdotal, Royal et Artisanal) et dont le moyen d’action sur son royaume sera la gaffe (pouvoir artisanal du marin) qui permet le passage sous la ligne. Ledit territoire sera défendu par le chevalier (pouvoir Royal).
Le Roi est l’envoyé de Dieu. Sur l’arche flottante sur le Nouveau Monde des eaux « intérieures » c’est le Capitaine-Roi.
Le chevalier des mers agira par délégation du Roi est sa lance sera une gaffe. Il sera artisan devenu chevalier comme en franc-maçonnerie dans les grades de transition où le maçon porte la truelle et l’épée pour la defense d'un centre spirituel.
Enfin en Alpha nous avons le Soleil et en Oméga la Lune affirmant l’empire des cycles ancestraux et de leurs rôles sur les éléments et leurs transformations (marée évaporation cristallisation, etc.). C’est aussi l’expression des deux lumières, la solaire et la mariale.
Deux étoiles sont présentes en symétrie, la première serait l’étoile des initiés (polaire) la seconde celle des mages (sud), mais étant placées à l’est et à l’ouest au plus bas sur l’horizon, elles représentent deux mondes différents avec deux horizons symétriquement opposés. L’étoile sous la ligne de partage des eaux marquée par le Soleil et la Lune est une allusion à l’inversion du système référentiel. Vue de l’hémisphère Nord cette étoile des antipodes (sous la Lune) devrait être représentée par un pentagramme inversé (étoile des mages), c’est soit une erreur du graveur dénotant un point de vue profane soit que le rituel de passage ne permet pas d’accéder aux voies d’actions.
Le cheminement descendant du marin se fait donc entre Lune et Soleil jusqu'à « connaître » les deux étoiles qui sont mises pour les deux hémisphères et les deux mondes. Si la Polaire est connue, il n’y a pas d’étoile du Sud remplissant la même fonction de guide, ou de point fixe dans la mouvance. Donc cette étoile, ce point fixe, est dans l’Arche elle-même, au pied de son mat central. Elle s’incarne dans celui qui donne le cap, le Capitaine seul maître après Dieu.
Cette étoile est celle des voies d’actions propres à l’homme sur le groupe, relative à la potentialité cachée de l’homme.
Symboliquement le capitaine couronné « connaît » le chemin pour le passage et pour le retour. Il est le mage et suivant le trident, le « trois fois mage » qui suit l’étoile avec laquelle il entre en « sympathie ». Cette nouvelle étoile aux antipodes ou à l’inverse de celle du Nord et complète la connaissance de l’homme cheminant sur les mers intérieures et les océans dans le but de relier deux rivages, celui du haut et celui du bas…
Malheureusement, si le tampon révèle globalement la potentialité initiatique du symbole du passage de la ligne, le rituel semble dégrader l’intention initiale dans une démarche autarcique au groupe, de nature finalement descendante, relatant les potentialités grégaires de l’homme réuni autour du Mage ou sorcier.
La rituellie serait ici de nature chamanique, relative aux états inférieurs de l’être plutôt qu’initiatique.
En effet un rituel initiatique s’attache, après une descente, à une remontée vers la lumière et à l’élargissement de l’esprit. C’est ici le point de vue du franc-maçon qui se retrouve frustré de ne pouvoir poursuivre le rituel plus loin et plus haut.
Nous envisagerons, dans une prochaine parution, les différents aspects du rituel de passage de la ligne, en tachant de décrypter sa finalité profane ou initiatique.
L’intégralité du texte paraitra dans la RDM n°7
E.°.R.°.