Les Cris d’Armes des chevaliers
(Aperçu sur la chevalerie spirituelle)
L’héraldiste associe par tradition au blason le cri d’armes et la devise du chevalier.
Ces trois éléments sont l’identité extérieure et intérieure de l’homme à cheval.
Le blason authentifie nos origines par l’association des couleurs et des meubles, ces blasons sont souvent "parlant".
La devise indique ce que nous sommes venus faire sur terre en fonction d’une projection céleste.
Le cri indique la nature ultime de l’âme du chevalier. Âme qui se manifesta bruyamment lors de la naissance de l’enfant.
La voie initiatique chevaleresque est l’une des trois voies traditionnelles dûment décrites par René Guénon.
À ce titre, nombre de rapprochements sont à faire entre les voies maçonniques et chevaleresques. Les principes de tripartition de l’être sont identiques, mais s’appliquent dans des domaines superposés. C’est l’illustration parfaite des lois de correspondances.
La progression chevaleresque.
« Jusqu’à l’âge de 7 ans, le futur chevalier était laissé aux soins des femmes. Il était ensuite PAGE jusqu’à 14 ans, c’est-à-dire attaché à un châtelain, Chevalier qu’il avait fonction de servir. Sorti vers 14 ans, il était ÉCUYER, c’est-à-dire attaché à un chevalier qu’il secondait en paix comme en guerre soignant ses armes, ses chevaux, l’aidant à revêtir sa cuirasse, le secourant dans la bataille, le remontant avec l’un de ses grands chevaux s’il en était besoin, le soignant, gardant ses prisonniers, etc.
Il avait déjà de ce fait un entraînement poussé et l’emploi des armes. Lorsqu’il avait pu faire preuve de sa valeur soit à la guerre, soit en tournoi, il pouvait être armé chevalier vers 21 ans. Il était alors bachelier et avait droit de porter pennon (le pennon était un enseigne, sorte de fanion, qui se terminait en pointe). Il avait aussi d’ailleurs droit de girouette, et sur sa gentilhommière, ou château, en forme de pennon à pointe, tournait le floquet ou pennoncel.
Le plus souvent le chevalier bachelier n’était pas assez riche pour porter bannière et prenait parti sous un banneret auquel il amenait son pennon ... Mais quand il parvenait à réunir un domaine d‘au moins quatre batelles et avait un certain nombre de vassaux, il pouvait demander à porter bannière. (La bacelle équivalait à 10 mas ou ineh - mesure agraire correspondant aux labours d‘une charrue à deux boeufs).
Pour avoir la prérogative de porter bannière - qui était une marque de grande noblesse - le chevalier bachelier devait avoir servi et suivi à la guerre, avoir aussi assez de terres pour que des gentilshommes accompagnent sa bannière.
II lui fallait avoir au moins 50 hommes d’armes (25 pour combattre et 25 pour lui et la bannière garder ce qui représentait environ 150 cavaliers à cheval, sans compter les gens de pied archers, arbalétriers ou piquenaires.
Lorsqu’il réunissait les conditions voulues, le chevalier bachelier devait apporter à la première bataille où il se trouvait son pennon et présenter sa « compagnie » au connétable ou aux maréchaux qui intervenaient auprès du prince, pour que lui soit accordé le droit de « porter bannière ». Alors, on coupait l’extrémité pointue du pennon qui prenait une forme carrée ou rectangulaire et devenait bannière, d’où l’expression ancienne : « faire de pennon bannière » pour marquer le passage d’une dignité à une autre dignité plus élevée. De même la girouette du banneret prenait la forme rectangulaire ou carrée. En principe à l’occasion d’une première bataille le chevalier bachelier pouvait demander à porter bannière, à la deuxième à devenir banneret, à la troisième il pouvait aspirer à devenir haroiz qui était le plus haut degré de la noblesse seigneuriale ».
La tripartition
Le cri est l’expression de l’intériorité d’un corps relié à sa fondation. L’identité de l’être ressort par la bouche du chevalier comme un expire au moment ultime du combat. Le jeter de corps dans la mêlée de la bataille, au milieu d’une forêt de lances et d’épées, dissocie les trois éléments constitutifs de l’être en les identifiant. Le corps d’arme se meut au milieu de ce magma dissolutif du chaos originel, l’esprit sort par la bouche du combattant[1]pour rejoindre l’épée tenue à main droite, et l’âme désespérée de cette séparation crie son veuvage.
Le corps du chevalier sera enfant de l’âme veuve de l’esprit. Nous retrouvons ici les deux expressions maçonniques : fils de la Veuve pour l’âme et fils de la lumière pour l’esprit.
Le jeter du corps dans la bataille est relaté en Loge lors de l’initiation maçonnique ou l’impétrant se trouve le cœur transpercé dans les épreuves circumambulatoires, et lors du jaillissement de la lumière au milieu d’une forêt d’épées tendues vers son cœur. Les deux voies initiatiques, artisanales et chevaleresques ont en commun la tripartition de l’Être : corps, âme et esprit.
L’intériorité habitée
Le cri plus qu’un élément d’identification recoupe les fondements de la tradition, en rendant parfaitement visible la structure interne à tout être. C’est ici l’idéal chevaleresque qui identifie le veuvage de l’âme comme la fameuse dame, moteur principal de la quête chevaleresque. L’âme anime le corps de matière comme la Dame anime la quête du chevalier.
Ainsi « Ma Dame » est Notre Dame pour les chevaliers du Temple, la dame de la deuxième paire de gants pour le maçon sont la Veuve, ici assimilée à Marie dont Hiram est le fils.
Il faut lire en effet en langue sacrée Hiram de droite à gauche, ce qui nous donne Mari (H). Le « e » muet est remplacé par le H bien connu du REP par sa symbolique développée dans le grade de Chevalier de Saint-André. Ce H est, en plus d’une clef hermétique, le Hé du tétragramme divin exprimant le fameux « souffle » sur la surface des eaux explicitée dans la genèse. De ce souffle naîtra la différenciation par la volonté principielle.
Le souffle comprenait l’anima qui produisit l’animus, mais cet anima pour l’homme créé à l’image de Dieu, s’accompagnait d’une parcelle indivise de l’esprit au point de se confondre l’une à l’autre. En effet, l’esprit-principe ne pouvait être accueilli dans le corps sans présence de l’âme anima.
L’expérience initiatique du cri.
Tout le travail initiatique d’éveil consiste à faire prendre en compte par notre conscience des trois éléments constitutifs de l’être (corps, âme, esprit), en l’associant chacun aux trois axes de la loge. C’est au centre de cette croix tridimensionnelle que doit se réaliser l’Unité.
Ce cri fait donc le pendant de l’âme dans le domaine de l’entendement ésotérique. Il est miroir révélateur de l’âme et de son volontarisme à accueillir l’esprit. C’est une signature des tréfonds de l’être.
Comme il existe une signature céleste de l’esprit du chevalier dans les cieux, qui est celle de son nomen chevaleresque découlant de la devise, il existe une signature terrestre de l’âme. C’est le cri.
Ainsi l’homme devenu chevalier, identifie les trois parties de son être.
Son nom d’appartenance corporel au terrestre par la prise du nom de son fief ou de sa terre ou de sa famille, son « cri d’arme » qui est en vérité son « «cri d’âme », et son nomen d’ordre ou devise, traduction céleste de sa personnalité en regard de l’esprit-lumière.
L’inscription céleste de son nom se fait aussi par l’appartenance de ce dernier à un ordre chevaleresque. La fonction de l’ordre chevaleresque est de fixer l’ordonnancement triparti de l’Être et la dévolution successorale, c’est le rôle de l’armorial.
Au plan hermétique on peut faire les mêmes rapprochements entre l’âme et l’esprit : la Dame est la reine qui attend le Roi-Soleil, de leur mariage né l’homme fruit du ciel et de la terre, de l’eau et du feu. L’homme par son mercure fait l’alliance des opposés. Cet homme est l’androgyne, l’Adam original, celui d’avant la chute. Les ordres de chevalerie par leur culture de la Dame font tous cette tentative de réunification, aucun n’y fait exception (ordre de Saint André du Chardon, ordre de la toison d’or, ordre du Temple, etc.).
À bien des égards les textes anciens nous éclairent sur l’intérêt au combat de ces cris : La Chanson de Roland[2]est un témoignage très caractéristique des coutumes de la chevalerie. Nous y retrouvons les exemples du cri de combat, du cri de guerre, du cri féodal et déjà du cri royal ou cri national utilisé comme « cri à la rescousse »et « cri de ralliement ». Sans esprit inventif je reprendrai les études historiques existantes sur ce sujet, et notamment celle de H. DE BUTTET, en les réinterprétant sur un plan initiatique.
Le cri s’est distingué en sous-classifications :
- le cri primitif - considéré comme le plus instinctif, c’est une vocifération proche de l’animalité qui lutte pour conserver son statut d’homme triparti. Le cri anime et amplifie l’instinct et l’agressivité au combat, c’est l’âme qui est en souffrance sous la torsion du corps et le siège des armes transperçantes.
On comprend qu’il doit impressionner l’adversaire par sa fureur. Son caractère enveloppant et hypnotique lui donne un aspect collectif qui peu être accompagné d’instrument de musique. L’effet enveloppant se traduisait dans un esprit de corps collectif. Sa contagion était telle qu’elle faisait oublier la peur de mourir. C’est à la puissance de ce premier cri engageant les corps que l’on pouvait déterminer la détermination à s’oublier et donc l’issue du combat, les Romains s’en servaient au contact final comme une explosion d’adrénaline[3]
- le cri de guerre – ou slughan, variante du cri primitif, il a ici un sens extérieur précis. Le corps expire un lien particulier qui exprime l’appel de l’âme à l’endroit de l’esprit. On exprime un nom, une idée, une invocation, une prière, un mot d’ordre doté d’un sens premier apparent et un second secret.
Le cri de guerre des Romains est : feri ! (frappe !). Ils frappaient en effet du plat de leur épée sur leur bouclier symbolisant la voûte crânienne et la voûte étoilée. Les Grecs criaient « allahla » ou (« allahli » d’où le terme de chasse hallali. Le vieux cri de guerre celtique « Torr he brenn » (casse la tête) remonte très loin, peut-être à l’âge des cavernes ! La frappe du bouclier fait sortir l’esprit de la boîte crânienne, le torr he brenn ouvre la boîte crânienne.
Ce positionnement en rapport à la sortie de l’esprit par le sommet du crâne formera le cimier du heaume qui outre ses couleurs parlantes signifie la sortie sans peur et sans reproche (l’âme pure et légère[4]) de l’esprit du corps. On en retrouve la trace dans les cris de guerre des Irlandais « a boo » (à la victoire) qui figurent au cimier des armoiries des Desmond et Mac Carthy. Le cri de guerre antique de l’Écosse le « slughan »ou slogan se retrouve dans le cri de clan des Mac Donnel, Mac Alpine, Mac Gregor, et d’autres encore.
Le cri de guerre des Cosaques « Huraj ! » dont est issu le « hurrah ! » remonte aussi fort loin il signifie « au paradis » et l’acclamation écossaise Houzza houzza houzza ! des loges militaires écossaises de l’époque Stuartiste marque cette continuité.
Le cri de guerre, on le voit n’est plus le hurlement primitif de survie, mais est devenu un mot slogan. Il deviendra une incantation vivifiant le culte des ancêtres, intercesseurs au travers du ciel. Cette pratique fut conservée au rite écossais : les loges maçonniques au moins une fois l’an font l’appel les Frères passés à l’Orient éternel[5]. Dans les combats tribaux, les ancêtres se joignent à l’appel des vivants pour œuvrer à la victoire.
Souvent le cri invoque les secours du ciel, le nom d’un chef, celui d‘une ville, le souvenir d’une victoire. Nous relatons deux épisodes de l’Ancien Testament ou l’aide du ciel est clairement exprimée, le cri entre en vibration avec la musique :
La première ville que trouvèrent les Israélites, après le passage du Jourdain, fut celle de Jéricho. Josué, par l'ordre de Dieu, fit faire à son armée le tour de la ville, une fois par jour, pendant six jours de suite. Des prêtres, portant l'arche, précédaient les hommes de guerre. Au septième jour, on fit sept fois le tour de la ville ; au dernier tour, les prêtres sonnèrent de la trompette, et le peuple jeta de grands cris « Jéricho,… » : à l'instant les murailles tombèrent, et chacun entra par la brèche qu'il avait devant lui. Tous les habitants furent passés au fil de l'épée. Ce cri d’arme fut repris au moyen âge par de nombreuses lignées.
Les 300 Hébreux prirent chacun une trompette d'une main, et de l'autre un vase de terre renfermant un flambeau ; ainsi armés, ils descendirent la nuit dans le camp des Madianites. Au signal donné, ils brisent les vases et sonnent de la trompette en criant : « Le glaive du Seigneur et de Gédéon ! » Les ennemis se croient surpris par une puissante armée, ils s'enfuient de toutes parts, et se tuent les uns les autres sans se reconnaître. Cent vingt mille Madianites périrent. Le cri d’arme « Gédéon,… » fut aussi repris à maintes reprises.
Depuis Constantin, les chrétiens invoquent Dieu, la Vierge, les Saints : ce sont des cris d‘invocation[6] pour le salut du combattant on ouvrait ainsi le passage de l’esprit vers le ciel.
- Adiuta ! criait un officier. - Deus ! répondait toute la troupe.
Ce fût, l’invocation personnelle de Clovis à Tolbiac . L’abbé Merlette, pense que ce fut le cri de guerre royal puis impérial qu’avaient gardé les Mérovingiens et les Carolingiens. Selon lui « Diex aïe » serait le cri authentique de Roland et de Charlemagne.
Au XIe siècle le cri des Anglais est « Croix de Dieu ! », celui des Normands « Dieu nous garde ! ».
Au XIIIe siècle les troupes de don Pedro d’Aragon contre les Mores d’Espagne, avant le combat s’agenouillent. Après une brève prière, ils frappent le sol de leur lance en criant : « Desperta ferro ! » (Fer réveille-toi !) et se précipitent sur l’ennemi en criant :
« A Gur ! » (À Dieu !). Pour les connaisseurs l’allusion à la lance rédemptrice de Longinus est évidente. En réveillant le fer et par la frappe, on réveille la voie du cœur ou réside l’âme qui héberge l’esprit, et en frappant le sol on réveille les âmes errantes des ancêtres morts au combat. Ce fer va percer le centre de l’adversaire lui libérant l’esprit et envoyant son âme en terre. Donc la voie du centre est l’ultime lieu pour de séjour des âmes (centre de la terre) et pour l’envol de l’esprit (centre ontologique).
Au XVe siècle les Moscovites crient « Dieu et le Grand Prince ! » Formule encore féodale inférant une hiérarchie entre le divin et l’opératif royale comme on le retrouve dans les anciennes formules des loges militaires stuartistes du XVIIeme siècle : « Dieu Grand Architecte de l’Univers ».
Les deux cris, cri primitif et cri de guerre, furent employés simultanément, le premier pour la torsion de l’âme et le second pour l’ouverture du chemin pour l’esprit.
La mort au combat était libératrice dès lors que l’on respectait son engagement et sa parole, ce qui est conforme à l’idéal chevaleresque. Cette mort par l’engagement des trois dimensions de l’être est de même nature que la mort sacrificielle du saint sur la croix par crucifixion. En chevalerie initiatique le grand principe du vouloir mourir et de pouvoir renaître. Après la mort il y a renaissance. La vie du chevalier et une vie éveillée[7] et tout entière tendue vers le but de son engagement et de sa parole. C’est ce qui le distingue du commun des mortels et justifie son statut.
(…)
- les cris d’armes du chevalier - du Xe aux XVe siècles - qui est très caractéristique des usages de cette époque. La chevalerie se structure dans la tradition de la veillée d’armes, du serment et de l’adoubement. Le cri se modifie en fonction du lien hiérarchique et du ralliement au combat. Chacun donne à l’expression une relation à Dieu aux saints, au nom des ancêtres intercesseurs qui sont parfois confondus avec celui des terres de leur chef. Cette relation devient identitaire et qualifiante.
Le chevalier banneret et son cri.
Le cri devient une expression féodale réservée au chevalier banneret, ce chevalier aîné de famille est un chef militaire ayant droit de porter bannière. Il y avait doncjusqu’au XVIIème siècle, autant de cris d‘armes que de bannières. Le cri peut être inscrit sur la bannière. C’est le héraut d’armes qui l’annonçait. On retrouvait la bannière et le cri sur le blason. L’aîné portait blason plein et sans brisures.
Le blason est la prolongation hermétique de l’intériorité de l’être, il décrit la part impérissable de l’être et la définition de la personnalité combattante.
Le cri expression de l’âme fait ouvrir le chemin vers le ciel pour l’envol de l’esprit et vers le centre de la mêlée en effrayant les adversaires.
La devise définit le nom céleste du chevalier.
Par le cri, la devise et le blason, c’est l’âme, l’esprit et le corps du chevalier qui se dessine dans les cieux.
Il est prêt au déjà l’inscription céleste du transport de l’esprit. Alors le foudroiement joue aussi bien sur l’adversaire que sur le chevalier mettant celui-ci dans un état particulier.
Il y a donc dans le cri d’arme un aspect ascendant qui est une voie pour le retour de l’esprit et un aspect descendant consistant au foudroiement de l’adversaire par le percement de l’armure. La foudre associée à l’épée, ou à la lance qui transperce s’associe à l’intime expiré dans un souffle pour envoyer l’adversaire dans l’autre monde. En cas d’échec au combat, la voie de l’ascension de l’esprit lui est ouverte.
Le roi de France - le premier des seigneurs - avait son cri : Montjoie, qui deviendra Montjoie Saint-Denis, et prendra le caractère de cri national unique.
D’où les expressions françaises du vieux langage : "aller au cri" pour exprimer le rassemblement identitaire des vassaux sous ses ordres pour aller à la guerre.
Notons que tous les gentilshommes n’avaient pas le droit de cri. Ils devaient se rendre au cri du banneret.
Les seigneurs français portant bannière avaient leur cri, qui était inscrit sur leur bannière. Le cri était un moyen de commandement: il servait à donner le signal du combat, à rallier les hommes d’armes dans la mêlée confuse du champ de bataille à cette époque de combat individuel. Le cri d’armes d’un banneret était le cri du corps d’armée qu’il commandait, et de toutes les bannières ou pennons qu’il pouvait avoir sous ses ordres.
Les bannerets choisissaient généralement l’un d’entre eux, celui qui leur semblait le plus qualifié pour une bataille. Le cri de guerre était alors celui du commandant en chef choisi.
Quelle était la forme des cris d’armes ?
Le cri de l'occident s’est formé en orient sur le centre religieux des origines : celui bien connu, de Godfroy de Bouillon à la première croisade : « Dieu le veult ! Dieu le veult ! ».
Souvent les familles criaient simplement leurs noms de leurs ancêtres. C’est le cas d’Acigny, d’Aspremont, les Duras, les Joinville, les Gamache, les Kergorlan, les Rubempré et bien d’autres crient le nom de l’ancêtre qui personnifie l’âme en terre et l’esprit intercesseur.
Souvent y est jointe une invocation :
- « à Dieu »
- Les invocations à Notre Dame sont nombreuses :
« Bourbon Notre Dame ! » est le cri de Navarre, Notre Dame au Seigneur de Coucy ! est celui bien connu des Sires de Coucy.
De même on crie : « Cergy Notre Dame, N. D. Sancerre ! N. D.Guesclin ! (c’est le cri du connétable Bertrand de Guesclin) Bourbon Notre Dame ! N. D. Belle Val ! Notre Dame Ribeinont crie le seigneur de Bousiers ...
-Les invocations aux saints intercesseurs sont courantes : « Montigny Saint Christophe ! » (C’est le cri des Heuchins d’ostrevant). Saint Aubert ! (c’est le cri des Graincourt en Artois). Saint Pol ! (celui des d’Hautecloque). Les Pindray crient : Meltes Saint André ! ; les Saint Yrieix : « Saint Yrieix à moi ! » ; les Vienne en Bourgogne : « Saint-Georges au puissant Duc ! ».
-Parfois est évoqué le souvenir des croisades et de la lumière du Levant : les Blondel, les Crouy, les Chanel crient : « Jérusalem ! » - les Chauvigny crient « Chevaliers pleuvent Jérusalem»
-La fidélité au roi n’est pas de reste:
(pro rege ! pro rege !).
-Les cris des noms de villes ou de forteresse :
En Picardie, et en Artois, les kmewal, les Ollehain, le Vidame de Picquigny, les Ranchicourt crient « Boulogne » ; il est vrai qu’ils en portent les armes.
Les comtes de Kimberley, en Grande- Bretagne ont conservé jusqu’à nos jours pour cri d’armes « Azincourt » en souvenir d’une victoire contre la France.
Le cri était parfois le reflet des meubles d’un blason de donc de la personnalité du chevalier, ce qui explique le cri des comtes de Flandres « Flandres au Lyon ! »– Les Waudripont portent deux lions adossés dos à dos ; leur cri est :
« Cul à cul Waudripont ! ». Les Wandelancourt crient « Mon aigle ».
Un épisode peut être l’origine de la formule d’un cri : en 1495, à la bataille de Formone Charles VIII appelle à son secours un seigneur de la maison de Montoison dont le cri et la devise deviendront « à la rescousse Montoison ! » ; le cri des Morialine « la rescousse Morialine » a une origine semblable.
Enfin, nous retrouvons les cris primitifs et cris de combat sans doute les plus anciens dans les cris d’armes.
- des Chasteler : Pring ! Pring ! (tue ! tue !)
- des comtes de Bar : au feu ! au feu !
- des Altvillars : Halaac ! halaac ! (à la bache !)
- des Carbonnel d’Hierville : Huc ! huc ! Carbonnel !
- des Coligny : « haut la lance Pillot ! »
- des Contamine : à moi !
- des Coucy : N. D. au Seigneur de Coucy !
- des d’Eternac : main droite !
- des Grant de Vaux : « Tenons ferme ! »
- des Keranguat : « Défends-toi ! »
- des Tournon : « au plus dur ! »
La bannière réglait le mouvement des troupes pendant le combat.
En cas de déroute le ralliement se faisait autour de cette bannière.
Les cris d’armes étaient poussés au moment de donner l’assaut, ou pour rallier la troupe ; il l’était aussi pour soutenir le banneret en danger, ou pour le délivrer s’il était pris : c’était « le cri à la rescousse ».
L’usage du cri d’armes, cri féodal, fut aboli. Les ordonnances de 1534 et de 1557 ont même imposé le silence lorsque le combat collectif démarre. On ordonna la jetée dans la mêlée qui n’en était plus une. Charles VII et ses compagnies d’ordonnances, base de l’armée royale contribuèrent à ce changement.
Alors on n’observe jamais au plus grand silence que dans les armées lorsqu’on est sur le point d’en venir aux mains, car on est attentif aux ordres des officiers, on entend le bruit des tambours, des trompettes, des timbales, mêlé à celui des armes à feu quand le combat commence.
Les cris d’armes particuliers ont aussi été abolis à la création des compagnies d’ordonnance. Cela a dispensé les bannerets d’amener leurs vassaux au service ordinaire, les bannières et la qualité de banneret même disparaissent de nos institutions. L’armée royale est créée, l’époque féodale est close, la Monarchie va centraliser tous les pouvoirs, et les derniers grands féodaux disparaîtront un jour sous le couperet de Richelieu. Le duc d’Epernon mourra en 1661 : alors commencera vraiment le règne du Grand Roi, Louis XIV.
Mais si la féodalité s’éteint, l’art héraldique survit et maintient la tradition. Les cris d’armes se retrouvent souvent avec des devises dans les blasons de quelques anciennes familles, inscrites au cimier de leurs armes dans la forme où ils étaient jadis écrits sur les bannières et où les lançaient les hérauts d’armes à l’occasion des tournois pour annoncer les chevaliers qui entraient en lice.
Le cri Royal : Montjoie Saint-Denis !
Nous ne pouvons manquer d’esquisser ici l’histoire du cri royal qui était à l’origine un cri seigneurial - celui du premier des seigneurs - avant de devenir cri unique, cri national. Le cri royal « Montjoie Saint-Denis » a fait l’objet de bien des Orderic Vital dit qu’en 1119 les Français ayant entendu le cri d’armes des Anglais qui venaient à eux crièrent Mont-Joye qui est le cri d‘armes de notre nation – « sed ingressi, tersa vice clamarerunt ». Le même cri se retrouve à Antioche en 1191. D'après la Chronique des Flandres, en 1214, à la bataille de Bouvines, Philippe Auguste ayant eu son cheval tué sous lui, cria « Montjoie » à haute voix et fut aussitôt remonté sur un autre destrier.
L’origine de « Montjoie » a fait l’objet de nombreuses recherches, depuis des siècles et d’hypothèses passionnées. On a prétendu qu’il remontait à Clovis - l’étymologie même est incertaine ; on ne peut retenir l’explication qu’en donne l‘Auteur de la Chanson de Roland,.. le « meum gaudium » a fait couler beaucoup d’encre.
Dans le vocabulaire médiéval le montjoie est un mont, ou un tas de pierres élevé à dessein, peut-être simplement le tertre sur lequel le prince est placé pour suivre la bataille, et plante sa bannière études - mais son origine n’est pas connue avec exactitude.
Il faut remarquer que l’invocation Saint-Denis à été ajoutée au cri d‘armes du roi à partir de l’époque où l‘oriflamme a été levée. L’oriflamme était la bannière militaire de l’abbaye de Saint-Denis. Ce monastère était en droit d’armer ses vassaux pour défendre ses terres.
Nous savons qu’en 1249, au siège de Damiette, c’est le cri de Montjoie Saint Denis qui retentit quand, à la suite de Saint-Louis, les chevaliers chrétiens sortent des vaisseaux pour se jeter dans UR combat très dur contre les Infidèles.
Le Montjoie-Saint-Denis sera encore crié à maintes reprises : à Furnes en 1292, à Azincourt en 1415, au siège de Montargis en 1426 à Pontoise avec Charles VII en 1441 ... mais les historiens et chroniqueurs ne le mentionnent plus depuis ... et on ignore ce qu’elle est devenue.
Celui qui portait l'oriflamme avait le titre de « porte-oriflamme » c'était la plus haute dignité de l'Armée, et une charge préférée à toute autre.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le cri d'armes « Montjoie Saint-Denis »n'était pas attaché aux portes-oriflamme, mais au roi d'armes.
Le roi d'armes était alors un personnage de la maison du roi, dont la charge était importante. Depuis Louis le Gros, il était le porte-parole, l'ambassadeur du roi ou du commandant en chef.
Monté sur un cheval blanc afin de pouvoir être facilement reconnu, tenant à la main une masse d'armes ou un bâton à manche de velours violet semé de lis l'or et surmonté d'une couronne fermée (ancêtre du bâton de maréchal) placée à la tête des hérauts et poursuivants d'armes - il était désigné sous le nom de Montjoie.
Ainsi après la bataille d'Azincourt, nous rapporte Monstrelet, Henri V d'Angleterre vainqueur de cette journée parcourut le champ de bataille où gisaient tant de chevaliers français, vaincus surtout par ses archers. Il fit venir le Montjoie, roi d'armes de France qui était prisonnier, pour lui demander le nom du château qu'il voyait près de lui. - Azincourt ! répondit celui-ci, et c'est de ce nom que fut baptisée la célèbre bataille qui sonna le glas de la chevalerie française.
L'époque féodale est révolue, la Monarchie s'affirme, le cri national au combat devient « France ! France ! » et « vive le roi »
Il deviendra plus tard avec Napoléon « Vive l'Empereur ! »
Beaucoup plus tôt avait été poussé un cri d'armes international, un cri Européen : le cri de l'occident : celui bien connu, de Godefroy de Bouillon à la première croisade : « Dieu le veult ! Dieu le veult ! ».
(…)
(Rescrit de synthèse sur base P de Buttet et E.°.R.°.)
[1]On voit dans cette image les Kérubims gardien de l’arbre de la connaissance, armés d’une épée sortant de la bouche.
[2]« Après le désastre de Roncevaux, Charlemagne conduit les Français au combat pour venger la mort de Roland. Les deux troupes - françaises et sarrasines – se rencontrent aux cris de Montjoie d‘un côté (du nom de Joyeuse, l’épée de Charlemagne) de Précieuse de l’autre (du nom de l’épée du roi païen) Ce sont des cris de combat féodaux et nationaux. Nous en parlerons plus loin. Mais après que Naimes ait tué Malprime, son adversaire, la bataille devient terrible. L’émir fait donner toutes ses réserves, ses troupes accourent de toute part :
les unes braient et hennissent, les autres aboient comme des chiens : les cris primitifs accompagnent l’attaque des troupes barbares devantlaquelle plie l’armée des chevaliers français ... »
[3] « Tite Live assure qu’aux cris des soldats de Scipion les oiseaux tombaient morts du ciel. »
[4]La pesée de l’âme des Égyptiens se retrouve comme une obsession dans le pardon de la confession. L’âme légère permet le retour vers Dieu, l’âme lourde fait le séjour aux enfers.
[5]Faut-il le rappeler la chaîne d’union et horizontale avec tous les FF présents sur les colonnes et à l’Orient, mais elle est aussi verticale avec les Frères de l’Orient Éternel. Ce point est indispensable à la transmission de l’influx spirituel.
[6]D’après Ferdinand Lot dans son étude sur la langue du commandement de l’armée romaine et le cri de guerre française au Moyen Age ...
Il aurait retrouvé dans les manuels militaires byzantins – notamment dans le Strategicon de l’Empereur Maurice, les commandements latins du 6e siècle. Le cri de guerre impérial, de l’Empire chrétien nous apparaissent comme une invocation d’ouverture du passage et d’intersession.
[7]La veillée qui précède l’adoubement est littéralement un éveil initiatique ou il est appris la naissance céleste après la mort.