D : Les 8 composantes du symbole initiatique en loge.
« Le symbole à interpréter est un fruit « formé et porté » au murissement par la branche d’un arbre planté dans un jardin « cultivé », ayant des racines qui puisent dans un terreau riche « d’archétypes ».
Nous allons détailler cette image porteuse de la production symbolique en fonction d’un milieu donné. Il convient cependant de replacer ici la triangulation saussurienne dans la cadre étudié. L’association « référent - signifiant – signifié » s’exerce dans un cadre connoté, ici celui d’une loge maçonnique. Ils constituent les 3 premières composantes sémiotiques du symbole initiatique impliquant une représentation mentale.
Les 5 suivants font un rappel à ce qui génère et contextualise la pensée symbolique, maçonnique en particulier.
1/ Le référent est l’objet réel ou l’idée à laquelle le symbole renvoie. Il s’agit de l’entité concrète ou abstraite que le symbole désigne (ex. : la pierre brute).
2 / Le signifiant est sensoriel, c’est la forme matérielle du symbole, c’est-à-dire la manière dont le symbole est perçu par les sens (notion d’apparence, phonème, dessin, mot). Il peut s’agir d’une image, d’un son, d’un mot écrit ou parlé, etc. (ex. : le dessin de la pierre brute aux contours irréguliers sur le tableau de loge ou en loge)
3 / Le signifié est le ou les concepts mentaux associés au symbole (suivant la mentalité du récepteur). Il s’agit de la représentation mentale que le symbole évoque chez l’individu. Le signifié peut-être polysémique s’il n’est pas dans un milieu contraint et intentionnel. (ex : la pierre brute image de soi pour les francs-maçons, ou le mot pierre brute)
Pour prendre toute sa valeur en matière initiatique, un symbole doit être contextualisé. Le symbole en soi se retrouve bipolarisé entre sa valeur absolue emprunt de toutes les polysémies et sa valeur orientée fonction du contexte et du lieu.
Participent à cette bipolarité et au contexte en général : Nous avons une geste représentative (4) /Cadrée par le contexte (5) / Le lieu (6) d’expression et son milieu /L’intention rituélique (7) /La sous-jacence archétypale dominante (8). Soit 8 critères en tout en comptabilisant le ternaire saussurien.
4 / LA GESTE REPRÉSENTATIVE c’est la représentation sensori-moteur qui accompagne la production symbolique. C’est « l’incorporation » du schème archétypal qui soutient la production du signifié. L’incorporation se traduit par un verbe de mouvement ou une geste imitative de celui-ci. Cette geste peut être mimée en loge ou représentée mentalement. Si elle est mimée en loge, elle est l’orthopraxie d’une orthodoxie, c’est-à-dire l’expression physique incorporant la doxa c’est-à-dire le rituel, portant l’archétype. De fait l’orthopraxie fait apparaitre un schème de mouvement ou d’action inséré et né dans l’archétype.
On peut comparer la geste représentative de l’archétype comme la branche de l’arbre portant le fruit symbolique.
5 / LE CONTEXTE culturel et LE COTEXTE non verbal : dans quel cadre est produit le signifiant, élaboré le signifié et l’image mentale. Le texte rituélique lui-même est associé au cadre.
On peut comparer le contexte à l’écorce de l’arbre.
6 / LE LIEU ET LE MILIEU : c’est l’endroit concret et sacré de production des signes, images et symboles et le rôle joué par sa centralité du lieu, ici la Loge et son centre. Le choix d’un lieu centré n’est jamais neutre.
On peut comparer le lieu ou « milieu » au cœur de l’arbre.
7 / L’INTENTIONNALITÉ issue des archétypes est individuelle et collective. Elle se caractérise par une promesse à soi, une espérance en matière initiatique.
Elle trouve sa source dans les archétypes qui irradient tous les mécanismes de représentations symboliques. L’intentionnalité indique la direction que l’on veut atteindre. Elle permet de donner le sens généralement accepté par le groupe ou la tribu, aux signes, symboles ou images, et facilite l’interprétation d’un rituel. L’intentionnalité suit le sens sensori-moteur de progression qui se traduit en loge par l’orientation de la marche vers ou en regard de la Lumière.
L’intentionnalité se nourrit des archétypes, et va impacter le symbole et sa représentation mentale individuelle et collective. Comment se traduit l’intentionnalité dans le symbole ?
Par la promesse qui est un engagement à réalisation future qui s’associe au schème directionnel. L’objet de la promesse n’est visible qu’au moment de la réunion des deux parties de la tesselle, la partie visible du symbole et la partie invisible.
On peut comparer l’intention au tronc de l’arbre qui s’engage et croît vers la Lumière ou pour le promettant, la promesse d’une Lumière « illuminatrice ». La promesse est faite à lui-même ce qui est la caractéristique de la promesse initiatique : établir une base de progression temporelle personnelle et à l’issue du parcours chacun constate sa propre évolution. Il y a donc une partie de l’individu qui demeure dans l’état premier et une seconde partie qui voyage mentalement vers la réalisation, vers le passage du moi au soi.
Cependant la promesse à soi est faite dans le cadre redondant de la loge et sous le regard des FF et SS qui surabondent le mouvement et le légitime. Dans ce cadre légitimant, le soi est découvert à partir du moi, ce qui explique que dans les mythes collectifs on dédouble souvent le héros « symbolum » en masculin-féminin (Passif statique/ actif circulant) reliés par la même promesse-intention : ex. L’Homme passif et Prométhée actif (fil de la vie), Ariane « passive » et Thésée actif (fil d’Ariane), Pénélope « passive » et Ulysse actif (fil de trame) . Les deux bouts du fils sont les deux morceaux de tesselle du symbole qui réalise sa promesse dans le temps en se réunissant : ainsi le symbole est diachronique et cyclique, car dépassant la temporalité en se réalisant : Passé et futur se retrouvent dans le présent.
8 / Les ARCHÉTYPES sous-jacents : Les symboles signes et images sont alimentés par un contexte culturel apparent et relativisés en regard du lieu, mais reçoivent de l’inconscient collectif l’influence des archétypes. On dit que l’archétype est la source de l’intentionnalité. Les mythes sont à cet égard des réservoirs d’archétypes fabuleux qui conservent une puissante sous-jacence contemporaine.
On peut comparer les archétypes aux racines de l’arbre. Il faut se rappeler le vieil adage en droit romain lorsqu’il fallait déterminer à qui appartiennent les fruits d’un arbre planté à la limite non loin d’une clôture « les fruits pendent par leurs racines ». Suivant l’endroit où se développaient les racines, on déterminait qui pouvait cueillir les fruits.
Cette détermination du droit romain à relier le fruit à sa racine repose sur un bon sens imprégné d’une dimension archétypale faisant état d’une corrélation entre le bas et le haut. Le fruit-symbole se trouve en corrélation avec la racine archétypale et le germe initial.
On remarquera une relative symétrie entre les branches visibles et les racines invisibles confirmant s’il en était besoin la double dimension invisible et verticalisante du symbole initiatique.
La vocation d’un fruit mur tombé en terre et de reproduire la relation racine fruit par la germination. La germination deviendra le tronc intentionnel se développant hardiment vers la Lumière, reliant les racines aux branches et aux fruits. Le symbole nait de ce processus de maturation dans le temps qui fait que le fruit redevient la graine qu’il n’a jamais cessé d’être.
L’arbre aux symboles - Représentation contextuelle de la production du symbolisme maçonnique
Contexte maçonnique impactant l’interprétation symbolique – ou l’arbitraire du signifié :
Le contexte matériel – solennité – triple voie – Lumière – circulation de la parole
Le contexte culturel – apprentissage du langage, connaissance du monde symbolique- Imago Mundi du Tableau de Loge. Gestalt.
Le contexte du groupe - surabondant et confirmant l’intention archétypale.
Le contexte du lieu – séparé du profane, à l’abri des regards profanes. Rayonnement lumineux de l’Orient.
Le contexte temporel - hors du temps (midi minuit ou immobilité du centre des centres).
Le cotexte ritualisé - geste expressive – Premier travail de l’apprenti, serment, évocation, invocation
L’ensemble du contexte est dirigé par une intention (tronc) nourrie par l’archétype.
Suivront le mois prochain la seconde partie consacrée à la plasticité du symbole, ses capacités agrégatives et sa polysémie graduelle (II) pour aboutir dans une troisième partie aux combinatoires symboliques dans la loge maçonnique tirées des Tableaux de loge (III).
ER R:.L:. "La Lumière Ecossaise" à l'O:. d'Ollioules www.glsrep.fr - 4eme Lundi.