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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 23:24
   

Après l'excellent rappel historique de Roger Dachez, nous envisagerons un nouveau point de vue justifiant la place des colonnes en loge.

La place des colonnes en loge.

Nouvelle approche (Résumé)

Pour travailler sur cette question, il faut reprendre les fondamentaux.

4 éléments doivent être pris en compte pour résoudre la problématique des colonnes.

1) Vers 1730, Jakin et Boaz n'étaient qu'une seule et même expression transmise dans le sens B-J à l'apprenti et dans le sens J-B au compagnon. On pouvait lire l’expression "dans la force il établira!", ou "il établira dans la force!" (Il existe bien d'autres interprétations qui ne changent rien à notre démonstration)

2) Bien souvent la transmission des deux grades se faisait dans la même soirée (voir en ce sens la divulgation de Samuel Prichard "masonery dissected"[1][1]). Dans tous les cas, il semble que les deux mots étaient transmis dans la même soirée, dans un sens au grade d'apprenti et dans l'autre au grade de compagnon. Ceci confirme la lecture en miroir qui précède.

3) Il faut comprendre que les colonnes sont affectées à l'entrée du temple, et donc indirectement, à la porte et à sa signification.

Pour les anciens cette porte est solsticiale. Elle évoque la course du soleil sur le plan terrestre. B indique le jour le plus long et J le jour le plus court.

Dans le temple de Salomon, la lumière venait de la porte des dieux et dans le temple maçonnique la porte est inversée. Donc le maçon entre par le soleil couchant, par la porte des Hommes. Il était logique que l'on considère un changement de plan entre la maison de Dieu qui fut le temple de Salomon et la maison des hommes marchant vers la lumière qui est le temple maçonnique.

4) La colonne du Nord est au plan stellaire la moins lumineuse et convient à l'apprenti sorti du cabinet de réflexion.

Ceci posé nous comprenons que ces 4 éléments vont nous aider à comprendre le positionnement des colonnes B et J en fonction de la lecture de la lumière, car c'est la lumière que nous sommes venus chercher dans le temple maçonnique.

Des quatre points qui précèdent, chaque rite se définira en fonction de la lumière terrestre et céleste qu'il accorde à l’apprenti.

Rappelons qu'il y a trois mondes en loge, celui de l'homme (V.I.T.R.I.O.L et l'étoile à cinq branches), celui de la terre et du plan terrestre (le pavé mosaïque et les bornes solsticiales et l'Orient) et celui du ciel et du plan céleste la voûte étoilée, la polaire et l'axis mundi du fil à plomb). A ces trois mondes correspondent les trois axes de la loge.

Voici ce que nous révèle Prichard en 1730 :

Au grade d'apprenti:

Q -Donnez-moi le mot?

R -Je l'épellerais avec vous.

Q-B

R-O

Q-A

R-Z

Q-donnez-m'en un autre

R-JAKIN

Au grade de compagnon dans la même soirée :

Q-Lorsque vous êtes passé sous le porche, qu'avez-vous vu?

R-Deux grandes colonnes.

Q- Comment se nomment-elles?

R-Jet B, c'est-à-dire Jakin et Boaz.

Les deux mots sont donnés aux deux grades!

La vision "orientée"des colonnes du temple de Salomon se fait toujours en regardant l’Est. Ce qui nous donne à gauche et au Nord Boaz et à droite et au Sud Jakin.

La signification de B-J était confirmée comme dans un effet miroir par la signification de J-B. Cet effet miroir faisait partie du corpus initiatique en tant que changement de "point de vue". Faut-il rappeler que la lecture en langue sacrée se fait de droite à gauche? Or J est à droite et B à gauche, en Hébreux (langage sacré) on devrait commencer par J la lecture des colonnes ! En suivant ce raisonnement Prichard nous apprends que l' apprenti à une lecture élémentaire des deux colonnes. Condamné au silence pour la non-maîtrise du langage sacré, ne sachant ni lire ni écrire (en langage sacré), il fait une lecture en langage vulgaire des colonnes. Ceci donne la lecture B-J de droite à gauche en regardant l'Est. A l'inverse le compagnon fait une lecture pertinente en langage sacré qu'il commence à maîtriser, soit de droite à gauche: J-B

Trois événements vont entraîner un bouleversement dans la représentation et l’orientation des colonnes :

- En changeant l'entrée du temple, de l'entée à l'Est nous sommes passés à l'entrée à l'Ouest. Il fallut reconsidérer le sens de la lecture des symboles en fonction du point de vue humain et du positionnement géographique du lecteur. Ce changement dans l’entrée du temple va obliger nos prédécesseurs à « retrouver » le sens et l’intensité de la lumière terrestre et céleste.

La seule chose stable fut que les apprentis restent assis au Nord!

- Les colonnes se sont retrouvées à l’intérieur du Temple maçonnique.

- Un troisième événement va compliquer le sens premier de la lumière par la dissociation du couple J-B (B-J en sens vulgaire).

La séparation de l'expression en deux mots distincts et séparés pour l'apprenti et le compagnon s'opéra lors de l'arrivée du grade de maître vers 1730. Il fallut individualiser les corpus de trois grades distincts. On sépara les jumeaux signifiants et marqueurs de la porte solsticiale. Ils étaient de même naissance solaire et on donna à l'un la volonté divine (Jakin) et à l'autre la volonté des hommes (Boaz). Cette dichotomie rappelle la porte des Dieux et la porte des hommes.

La controverse de 1753

Peu de temps après l'instauration du grade de maître, un faux problème vient polluer le raisonnement de nos anciens: la controverse des anciens et des modernes. Les "Anciens" constitués en Grandes Loge accusaient les "Modernes " de 1717 d'avoir inversé les mots suite aux divulgations publiées.

Jusqu'a cette polémique artificielle, le choix de Jakin ou Boaz pour l'apprenti ou le compagnon fut sans intérêt majeur dans l'esprit des maçons de l'époque. Ce fut une affaire de convention suite à la séparation du corpus entre l'apprenti et le compagnon. C’est un choix qui relève d'un « point de vue » au sens spatial et initiatique. Il s'agit donc d'un problème de "lumière".

On donna à ce choix une importance polémique pour se distinguer du voisin, en voulant se montrer plus légitime, voire même plus régulier, etc...

Ce problème d'ego et de rivalité entretenait la confusion autour de la notion d'inversion des colonnes et des mots.

Il n'y a en réalité ni erreur ni illégitimité dans le positionnement de B et J dans les trois systèmes connus. Chacun a sa propre cohérence à condition de connaître leur raisonnement fondé la lumière terrestre et céleste que l'on veut répartir entre les colonnes.

Le Rite Écossais Primitif ou Early Grand Scottish Rite est présent dans les premières loges régimentaires à Saint-Germain-en-Laye dès 1688. Il est simple et composite, car synthèse des pratiques Écossaises et Irlandaises.

Antérieur dans sa pratique à la création de la Grande Loge de Londres, il est l'exemple parfait d'un positionnement croisé des colonnes en fonction du J au Sud Ouest pour le Second Surveillant qui surveille la colonne Nord de l'apprenti et du B au Nord Ouest pour le Premier Surveillant qui surveille la colonne Sud.

Ce "croisement" vise à conserver la lumière la moins forte et la moins longue pour l'apprenti. En regardant son surveillant, l'apprenti assis au Nord voit le solstice d'Hiver où le jour est le moins long.

Le REP à conservé le sens premier de la transmission en miroir et met en place cette clef hermétique dans la loge par le croisement des colonnes en X sur le plan du Hékal. Ce miroir met en correspondance la lumière terrestre et la lumière céleste dans le cycle des petits mystères. Nous avons ainsi un moindre éclairement pour l’apprenti qui est doublement garanti.

Ainsi la colonne J au Sud-Ouest par le jeu du miroir en X est "placée pour" la colonne Nord des apprentis. Les apprentis sont abrités du soleil trop vif, et c'est aussi pour cela que tout en étant placés au Nord moins lumineux au plan stellaire, ils sont affectés au paiement de leur salaire, par le second surveillant, à la colonne J positionnée au jour le plus court au plan solaire.

Le REP combine ainsi parfaitement la théorie de la lumière à l'intérieur de la loge par le croisement horizontal du monde stellaire et du monde solaire.

J'invite donc les cherchants, à reconsidérer les rites des trois premiers degrés, en fonction du système adopté pour la lumière des apprentis.

Je pense que les rites dits anciens (REAA) sont en conformité solsticiale avec le temple de Salomon .

B au Nord Ouest est le marqueur du solstice d’été et offre le jour le plus long aux apprentis. On justifiera cette situation par le fait que le jour le plus long donne le soleil le plus haut qui n'éblouit pas... l'argument se discute.

Les rites dits "anciens" sont simplement solsticiaux. Il n’y a aucun croisement ni effet démultiplié dans la loge ou à l’extérieur de celle-ci. La lecture des colonnes se fait dans le sens B pour l'apprenti et J pour le compagnon. Ces rites justifient pleinement la célébration des fêtes solsticiales dans la lignée des deux saints Jean. Sans croisement lumineux nous restons avec ces rites dans un alignement, une dimension symbolique et philosophique des mythes anciens préchrétiens. Le croisement "hermétique" n'interviendra qu'a niveau supérieur au grade de Maître (signe et contre signe etc.)

Les rites dits "modernes" sont de nature stellaire (J au Nord, second surveillant au Nord).

J est le marqueur du jour le plus court dans le temple de Salomon. J est ici inversé dans le soucis du ralliement de la borne du solstice d'Hiver au Nord moins éclairé . Cette inversion n’est pas une erreur, c'est un "alignement céleste". J est mis pour le Nord comme au REP quel que soit sa position géographique.

On donne cependant à l'apprenti la lumière la moins forte et la moins longue comme au REP. Le Nord stellaire est toujours le moins lumineux sur le temple de Salomon qui sert de modèle originel. Il y a cependant inversion (et non-rupture) du sens solsticial entre les colonnes de Salomon et celles du temple maçonnique (ce n’est pas le cas au REP). Au nom de cet alignement du terrestre sur le céleste, le croisement ne se fait pas à l'intérieur de la loge comme au REP, mais sur les parvis des deux temples. C'est un "point de vue des parvis" donc "extérieur" ou exotérique.

Est-ce que ce croisement sur les parvis incite à un travail en loge différent par rapport aux loges travaillant dans le croisement intérieur ou aux loges travaillant dans l’axe solsticial strict ?

Nous constatons que ces rites par nature infèrent une vision extérieure, exotérique et humaine (social, sociétal RF, religieux RER etc…). Nous sommes dans une universalité humaine où le symbole participe du progrès et du perfectionnement de l’homme au plan social et humaniste ou au plan religieux. Nous ne saurions dire si cette approche trouve sa source dans l’orientation des colonnes en fonction d'un croisement "extérieur" qui favoriserait une lecture exotérique. Cette affirmation serait probablement abusive, mais il est possible que les rites aient une influence sur les travaux.

Les rites modernes sont donc stellaires avec croisement « extérieur » des colonnes.

Le Rite Écossais Primitif confirme le Nord stellaire du siège des apprentis et leur affecte une colonne J au Sud Ouest conforme au principe solsticial du temple de Salomon.

Le REP est donc solsticial avec croisement « intérieur » des colonnes.

Le Rite Écossais Primitif a conservé la vision croisée des colonnes à l'intérieur de la loge. C'est un miroir qui met en rapport le plan céleste (Nord) et le plan terrestre (jour le plus court).

A l'évidence il y a un rapport tracé dans le Hekal entre ce qui est en haut et ce qui est en bas. Cette vision « ésotérique » se traduit dans le choix de J pour l'apprenti. C'est un choix qui n'est fait qu'en rapport à la nature de la lumière traversant deux plans.

La lumière son origine et sa manifestation est le propre des mots J et B. Ces mots qui intègrent le "lumineux" dans l’humain et bénéficient de la double lecture croisée ou de lecture dans les deux sens en vue de faire l’Unité.

Ici l’unité est perfection.

C’est ainsi que l’expression au REP « Dieu tout puissant » sera dédoublée vers 1730 de « Grand Architecte de l’Univers » faisant la relation entre le Principe et sa manifestation ou son organisation. L’aspect religieux exotérique est dépassé, sans être exclu. Ce qui est mis à l’honneur, c’est un point de vue principiel. Les deux expressions coexistent au REP pour des raisons historiques et n’ont pas été changées depuis, en raison de leur capacité à appréhender l’aspect métaphysique et hermétique dans leurs dédoublements croisés.

Ce système hermétique et métaphysique fut « placé » dans les loges de transitions opératives puis dans les loges militaires sous l'influence cultivée des chevaliers de Saint-Lazare et de Saint-André. Les membres de ces deux ordres chevaleresques présents en loge se firent reconnaître comme « Maîtres Écossais ». Ils meublaient les Orients à la belle époque de transition des Stuarts. Leurs connaissances en matières traditionnelles et hermétiques étaient reconnues, mais parfois incomprises des vénérables en place.

Ils furent absorbés par l'Ecossisme français, qui en perdit partiellement le sens en sortant de la filière primitive. Mais les grades de Maître Parfait Écossais et de Chevalier de Saint André offrent une saisissante illustration de ces principes.

Ainsi on touche du doigt ce que peut signifier un rite Stuartiste.

Dans un prochain article, nous poursuivrons notre exploration du système du croisement intérieur en décrivant ses effets dans la relation entre le Debhir et le Hékal. Nous tenterons, en concluant, de donner une définition à ce système de correspondance symbolique en loge maçonnique.

 

E.°.R.°.



 

   

   


   



[1]Et l’ouvrage de René Desaguliers « Les deux grandes colonnes de la franc-maçonnerie » ed Dervy complété par Roger Dachez.

     
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