Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 21:55
6 marelle dernier gaucheTout voyage est une aventure de l’esprit.

La connaissance par les voyages

 

 

Tout voyage se fait sur deux versants l’un extérieur, le savoir par l’appréhension matérielle, l’autre intérieur, la connaissance par l’assimilation de l’essence. La tradition maçonnique semble nous indiquer qu’il est possible de se connaître soi-même par le voyage. Mais l’homme se ment à lui-même, il ne consent que très rarement à expérimenter l’acronyme VITRIOL. Perdu dans une impasse narcissique, il recourt parfois à la médecine de l’âme par la psychanalyse, ce dont peut se passer l’initié. L’initié participe activement à la sculpture de soi. Tel un bloc de marbre qui le représente, le franc-maçon va faire surgir la forme cachée. La sculpture de soi se fait par le voyage hardi et volontaire. Il faut vouloir se connaître.

 

« Tout le monde visible extérieur est la figure du monde intérieur[1] » d’après Jacob Bohème, qui implique qu’en voyageant physiquement on découvre la topographie d’une l’intériorité. C’est le sens profond des voyages initiatiques. Se mettre en route c’est d’abord emprunter le voie, le chemin sur lequel s’effectuent les rencontres. Toutes extérieures qu’elles paraissent, dans ces rencontres c’est soi même que l’on envisage.

 

Montaigne nous dit que l’homme se forme en voyageant et nous pensons que le franc maçon redécouvre sa forme c'est-à-dire ce qu’il est, en voyageant.

Si l'on admet que le voyage induit le savoir puis la connaissance alors tous les éléments rencontrés dans les voyages maçonniques sont support de la connaissance.

 

Il faut donc analyser le phénomène de la connaissance par le voyage. Nous pouvons décomposer les effets de la découverte des éléments en trois phases. Chaque élément rencontré (terre, eau, air, feu) crée une identification par le sujet de l’objet, puis enfin une identification du sujet dans l’objet pour aboutir à une assimilation de l’objet par le sujet. C’est ce que nous enseigne la tradition opérative du travail sur la matière que nous mettons en œuvre dans nos loges. L’initiation artisanale a toujours reposé sur les voyages et l’expérience.

Cette expérience devient alors connaissance par le jeu fusionnel que nous avons décrit et la révélation à soi qui en découle.

Ainsi la rencontre de l’objet par le voyageur met en jeu un échange subtil entre matière et esprit qui vise à l’unité par identification puis par assimilation.

 

Comment définir la connaissance ? Par une vérité intégrale que l’on va chercher en voyageant vers notre centre. Nous retiendrons que par le voyage nous apprenons à être dans le monde pour sa face externe et à connaître le monde pour sa face interne. « Connaître » et « être » sont alors les deux aspects d’un seul et même état qualifié d’initiatique. C’est un des aspects du « connais toi toi-même » de Socrate.

, le voyage du maçon n’est pas sans direction. Il est « orienté » à l’Est vers la lumière. Cet Orient de lumière est dans la tradition des pèlerins, la Jérusalem, véritable centre du monde pour les croyants. Tout pèlerinage se fait vers un centre spirituel. Ce fameux centre métaphysique est dans la glose maçonnique une porte étroite. Il n’y a plus qu’un pas à faire pour franchir la frontière tout intérieure qui nous sépare de la Jérusalem terrestre à la Jérusalem céleste. C’est le sens même de l’expression maçonnique : « Bâtir son temple intérieur »

 

Découvrir le monde, le vrai sens du voyage.

 

Au 1er degré, il récapitule par les sensations les éléments constitutifs de sa présence au monde. Il réapprend par le travail assidu et répétitif à ne pas errer sans but ni titre. Au premier on lui donne un titre : apprenti, et un but : tailler la pierre brute en suivant les conseils des anciens, et le pas rectiligne.

Au 2nd degré il se réapproprie le monde et les formes qui y résident et qui contribuent à donner un horizon au plan sur lequel il évolue. Il découvre en plus de l’altérité et le partage du pain, que les formes ont une ombre et que les mots ont un sens caché.

Il y aurait donc une lumière qui permet de voir. Mais se pose alors la question de la direction du regard et de son intensité.

Doit-il être tourné vers l’intérieur au risque d’une introspection vers un moi aussi insaisissable que variable, ou doit-on porter notre regard vers cet infini aussi total qu’indéfinissable ?

Face à ces deux abîmes n’y aurait-il pas quelques identités rassurantes qui nous permettent de faire ce va et viens entre notre être aussi minuscule qu’humain et le gigantesque tableau d’une métaphysique hors du temps.

Face à cette bifurcation, commence le véritable voyage qui est celui du Gnôthi seauton des grecs : « Connais-toi toi-même », suivi de « et tu connaîtras les Dieux et le monde ».

Cette sentence confirme l’individu comme identifie à soi en son for intérieur, mais aussi aux dieux et au monde soit la totalité.

La grande question de la connaissance de soi ne peut donc se résoudre à un point de vue nombriliste et égotique. Ni même sur un plan purement administratif, car il suffirait de brandir notre carte d’identité pour nous définir.

 

Les frontières de la sagesse

 

Les rituels maçonniques offrent des solutions symboliques opérantes pour y voir clair.

Tout d’abord, nous citerons le bandeau et le voile qui nous obligent à prendre conscience de l’effort de nos sens à accomplir pour percevoir puis recevoir la lumière.

La lumière pour être reçue suppose que les fondations du maçon soient d’équerre ; c’est à ce moment que le maçon doit se voir dans un miroir. Il ne s’agit pas de percevoir une exacte vérité sur soi, car il n’y en a pas. Le miroir ne reflète qu’une image inversée de notre apparence qui n’est pas celle que nous projetons aux autres, ce qui implique que nous sommes incapables à priori de nous reconnaître et nous décrire autrement qui par l’idée rêvée que nous avons de nous même.

 

Ce « nous-mêmes » est donc un inconnu et dans le voyage intérieur que tout maçon doit entreprendre, il doit se garder d’atteindre ces profondeurs d’où l’on ne revient pas. Il est utile de s’interroger sur le sens et la profondeur du voyage intérieur.

 

L’introspection a ses limites et n’explique aucune totalité. Son seul but est d’essayer d’approfondir un moi tumultueux face a un « je » égotique et menteur et un soi en devenir. Le mûrissement de la graine en terre est une germination qui se nourrit de ses propres réserves avant de s’élancer vers le soleil. Plonger dans l’obscurité organique et onirique de notre intériorité n’est qu’un passage où il ne faut pas arrêter sa course.

Dans notre périple, la plongée dans l’obscurité suppose une remontée à la lumière c’est le grand cycle solaire attaché au phénomène microcosmique qui caractérise les petits mystères et les deux premiers degrés de la franc-maçonnerie.

Pour ne pas échouer dans notre descente suivie d’une remontée on s’attache aux outils et instruments du maçon opératif.

 

Ces outils nous enseignent que pour bâtir il faut établir un temple avec de bonnes fondations dans un sous-sol sain . Il faut donc creuser et aller à la rencontre de quelques forces infernales avec lesquelles on évitera de se mesurer en surestimant ses forces. Une fois le sol dur atteint, on peut placer les fondations. Il est inutile de creuser un puits sans fonds. Vaincre le Minotaure pour accéder à la lumière de notre centre implique ruse et méthode plutôt que force et impulsivité.

Toute recette maçonnique repose sur trois ingrédients qui tamisent nos pensées et nos actes :

- La sagesse en prenant de la distance,

- L’harmonie qui nous fait choisir ce qui est beau 

 -La force pour achever l’œuvre d’une vie.

Apprenti ou compagnon nous ne sommes pas de taille à batailler en enfer, notre ambition n’est pas de rester enterré sous les fondations du temple. Un jour viendra ou nous tenterons peut-être cette exploration avec les moyens d’action adéquats, mais il n’est pas l’heure.

 

Le retour pour construire

 

« Le chemin pour monter est le chemin pour descendre », disait Dosithée le troglodyte gnostique. Par définition tout voyage est une voie, et il existe plusieurs voies d’action qui ne reposent pas toutes par un voyage en forme de périple physique.

 

Ce voyage intérieur serait une sorte d’exil des profondeurs vers la pierre cachée VITRIOL pour les FM qui devient un mot pour le passage pour le retour. On revient riche de l’expérience et parfois de la révélation soit les deux ingrédients de la connaissance.

 

Notre vocation dans la voie initiatique de l’art royal est d’élever des temples à la vertu et plus encore notre temple intérieur. Ce temple bâti dans notre intériorité va investir la part incertaine et changeante d’un moi indomptable pour ouvrir le chemin à la lumière venue d’en haut. Le temple de Salomon accueille la divinité, c’est sa véritable fonction, être la maison de Dieu, donc le temple intérieur fait briller cette lumière dite intérieure qui est en relation avec la lumière d’en haut. Il faut prendre conscience du lien ontologique qui relie l’intérieur de soi et l’extérieur à soi.

Comme l’échelle de Jacob, il y a un sens ascendant et descendant dans la connaissance de soi. Le soi sans finalité haute nous renvoie inéluctablement à une animalité.

Ainsi la descente en notre intériorité ne poursuit pas le but psychanalytique d’une analyse qui tourne sur elle-même sans fin, ni d’ailleurs une quelconque finalité philosophique dont on connaît l’incapacité à répondre aux questions.

Il s’agit pour nous de faire une place à la lumière dans l’intérieur de notre être pour mieux l’éclairer, ou pour certains de réactiver la parcelle divine qui est en chacun de nous.

 

Pour toucher les limites inférieures du Gnôthi seauton, et démontrer qu’il peut être une maladie de l’être enfermé sous les fondations du temple. Je vais tenter d’en faire une revue objective en tachant à chaque fois qu’il est possible de donner la voie maçonnique comme une alternative fondée sur le sens transcendant de l’initiation. En définitive, le voyage en soi consiste à trouver la roche dure et stable pour établir les fondations de notre temple intérieur, en aucun cas il s’agit de creuser un puits sans fonds ni fondement.

C’est cet incapacité à définir le but du voyage qui a égaré nombre de candidats à la connaissance initiatique et leur à fait quitter nos colonnes.

 

 

 

 

Le miroir de Delphes.

 

Le Gnôthi sauton est né il y a 2500 ans à Delphes et nous fait naître détaché d’une soumission à la croyance obéissante en un soleil tout puissant. Soudain on pouvait se tourner vers l’individu et le considérer pour lui-même. L’individu[2] avait une personnalité, une puissance, des pensées et des questions qui portaient sur « lui-même[3] » et non plus uniquement sur les cycles solaires et célestes. Cette libération de l’individu fut mal comprise et l’a conduit à bien des errements.

Soudain l’homme réalise qu’il peut investir sa propre caverne intérieure, celle de ses pensées de ses finalités et du sens de son existence. Ce questionnement se détachait pour un temps du grand tout dans lequel il s’assimilait jusqu’alors. Si jusqu'à présent il n’était qu’un objet vivant et bientôt mort dans le paysage de l’univers, il prenait conscience de sa conscience et de sa pensée comme force motrice d’un monde qu’il pouvait façonner à son image. Cette image était aussi celle qu’il se faisait de lui-même et devenu bâtisseur il devait naturellement bâtir le monde comme un démiurge. Comme démiurge il s’attribua les attributs du créateur et s’éloigna plus encore du centre qu’il voulait découvrir. Cette erreur fonda les doctrines gnostiques et la théorie de la chute et du corps prison de l’esprit.

Le mythe de la tour de Babel nous a bien appris la leçon qu’on ne pouvait pas se mesurer à Dieu[4]

L’homme retourna alors, dépité, au bord de lui-même, à cette frontière première entre le dehors et le dedans, entre le ventre maternel et les grands espaces. Dans ce repli, piteusement il tenta à nouveau de conquérir cette fois-ci une intériorité bien tranquille, qu’il croyait bien à lui, hors d’attente d’une intervention divine.

Il descendit dans cette grotte, mais il faisait noir et n’avait pas encore appris la lumière. Cette méconnaissance lui fit rencontrer un autre lui-même qu’il ne put reconnaître comme tel, et incapable de discernement pris par la peur ancestrale de « l’autre », il le tua[5].

Ce meurtre eut pour effet qu’il s’installa en lui-même comme dans un pays conquis. Comme naguère dans les grandes étendues apparemment vierges de toutes habitations, il chassa le gibier puis il mit en coupes réglées ces grands espaces qu’il mesura comme un géomètre. Il chassait et cultivait dans la pénombre, les terres n’étaient pas riches, mais apparemment sans dieu ni maître. Enfoncé dans la pénombre et engourdi par le froid, il se rappela qu’il y avait aussi un monde de lumière, tout là-haut. Il eut envie de réchauffer sa peau à la tiédeur du soleil, il eut envie d’entendre le printemps chanter dans ses oreilles.

Il y avait une forte pente pour sortir de la caverne, il n’arrivait pas à la franchir. Il fallait être deux pour y arriver. Il était seul et enfermé en lui-même. Libre loin du regard de dieu, seul et perdu dans sa propre pénombre telle était sa situation.

Il se rappela le moment ou il avait tué son autre moi qui finalement était aussi son hôte. Cet hôte était donc son frère.

Esseulé par son orgueil meurtrier, emprisonné en lui-même il ne retrouva le chemin de la lumière que lorsqu’il fut réveillé par son psychanalyste qui lui réclamait ses honoraires…

 

Cette fable pour expliquer qu’à l’intérieur de nous même il est possible que nous ne soyons pas chez nous. Quand nous nous y aventurons, il faut ménager cet autre nous même qui y réside et s’arranger avec lui pour en sortir indemne.

Il n’y a pas de vrai miroir pour nous aider pas plus que d’Oracle fiable pour nous prédire. Tout miroir inverse notre image de droite pour gauche[6], et l’Oracle a un langage inaccessible à l’apprenti et au compagnon.

Se ménager pour exister n’implique pas un renoncement à se connaître[7]. L’ignorance de notre intériorité interdit toute progression initiatique. Il faut simplement pour entrer en soi user de la bonne méthode et ne pas se prendre pour un apprenti sorcier. C’est ici qu’intervient de manière fort efficace la méthode maçonnique qui enseigne le bon usage des outils et que nous avons déjà longuement développée[8].

 

L’introspection n’est pas une fin en soi. C’est juste un passage considéré comme un exercice difficile où il est tentant de se mentir, une étape du voyage en somme.

Le voyage intérieur ne doit pas être sans retour, c’est donc un périple autour de son propre centre, une boucle descendante puis montante.

 

Peut-on être soi-même le seul sujet d’étude ? Quels moyens symboliques nous fournit la franc-maçonnerie ?

 

Faut-il rappeler que depuis la nuit des temps nous chassons en tribus et cultivons en collectivité. L’individu est donc une notion récente.

L’observateur et l’observé ne sont a priori qu’une seule et même personne ; il n’y a aucune distance entre eux et l’intérieur est sans lumière.

De l’autre nous ne percevons que notre propre écho déformé.

Cette déformation nous oblige à mentir pour donner plus de corps à cette image flouée. Tel Narcisse nous ne résistons pas à notre image quitte à la travestir pour nous autoséduire.

 

Avec quel instrument faut-il voyager ?

 

Il faut donc pour intervenir dans notre caverne intérieure et s’appuyant sur une aide qui nous permettre de descendre et de remonter à la surface et même plus haut encore vers le zénith.

La corde à nœuds pourrait nous y aider.

En effet elle exprime une solidarité fraternelle entre les maçons et la frontière entre le terrestre et le céleste, traduit les cycles et l’étendue de la manifestation. Ne peut-elle nous aider à remonter graduellement vers la lumière lorsque nous aurons trouvé la base de nos fondations ?

En ce sens la corde à 13 nœuds qui servait aux mesures de l’espace, devient une échelle qui sert à monter et à descendre. La corde à nœuds permet la mise en œuvre des plans tracés à la règle et au compas. Le compas s’appuie toujours sur un centre, ici intérieur qui est le but même de notre voyage.

Le compas traduit la gradualité de la corde à nœuds par son ouverture d’angle progressive signifiant le niveau de conscience et d’éveil et le changement de plan par la superposition et l’entrelacement successif du compas et de l’équerre. La superposition indique un dessus et un dessous et évidemment un plan intermédiaire sur lequel s’échoue l’écume du quotidien et des apparences. En loge ce plan intermédiaire est représenté par le pavé mosaïque.

Lorsque nous descendons en nous, la corde à nœuds forme une boucle descendante et nous partons découvrir l’esprit sous la matière comme le compas sous l’équerre.

C’est ici le secret symbolique du périple autour du centre intime.

Nous avons l’instrument pour notre descente, il nous faut maintenant trouver de l’aide pour garantir notre retour et la méthode.

 

Qui peut donc nous aider dans ce voyage intérieur ?

 

Les candidats sont nombreux, la pythie de Delphes fut la première à s’intéresser à nous, mais son langage ésotérique était incompréhensible et inaccessible, comme est pittoresque celui de nos diseuses de bonne aventure, divinatoire celui de nos marabouts,  consensuel celui des gourous new-âges et autres sectaires.

Cette aide doit être sincère et profonde par sa nature particulière et fraternelle et désintéressée. Nous allons rencontrer cet autre nous même qui n’est autre que notre frère jumeau. En plus d’une méthode et de bons outils, il nous faut une échelle avec des barreaux qui organise la descente et la remontée graduelle. Il nous faut aussi une lumière pour voir et reconnaître cet autre nous- même dans les replis obscurs de la terre.

Les frères, les grades ou degrés et la lumière et les outils sont l’apanage de cette société initiatique appelé franc-maçonnerie.

Cet autre nous-mêmes est le frère oublié qui a les mêmes rands grades et qualité que les autres Frères de la loge.

 

La franc-maçonnerie nous fournit les éléments de base pour explorer notre intériorité sans tomber dans une aventure narcissique ou psychanalytique. Nous ne sommes plus seuls face à nous même nous avons le recul de la collectivité des anciens, les outils symboliques et l’épée flamboyante. Nous pouvons entreprendre cette aventure en confiance. Nous allons tenter de sortir de nous même pour nous contempler. L’analogie est le meilleur système pour nous contempler.

Rappelons que nous sommes appelés à tailler une pierre qui est brute et rugueuse, puis une fois taillée nous devons plonger au cœur de cette pierre pour en découvrir le centre absolu, où peut être réside l’esprit.

Nous retrouvons les trois phases :

-  Appréhender la pierre en la travaillant,

-  S’identifier à la pierre en la formant,

- Devenir la pierre qui devient l’image de notre intériorité par l’esprit.

L’esprit au cœur de la pierre fait lien avec le cœur du vivant.

Le travail que nous fournissons sur la matière nous identifie aussi sûrement que les marques des maçons opératifs sur la pierre finie. Voilà en vérité le seul miroir fiable qui n’inverse pas notre image. C’est le miroir de notre tradition artisanale, fondement de l’art royal et voie d’accès à tous les centres.

C’est un exercice qui peut se dupliquer à différents niveaux, ce qui est la base de toute métaphysique. Chaque niveau à un centre ou un cœur jusqu’au grand tout.

 

La franc-maçonnerie héritière des opératifs appelle à la réalisation « opérante » c'est-à-dire que l’acte et la pensée doivent concorder. C’est ici la grande force de l’initiation dans la voie artisanale, elle se veut opérante à l’intérieur comme à l’extérieur.

 

Trouver ce fameux lien entre l’intérieur et l’extérieur est un exercice difficile, mais gratifiant. Il permettra par les mêmes moyens de mettre en relation le microcosme et le macrocosme et plus simplement de faire le chemin qui sépare l’individu de son centre et du centre des centres[9].

 

Le chemin en question est long, il n’est rien d’autre que le rayon contenu entre les deux branches du compas et qui part d’un centre ontologique rayonnant ou flamboyant vers un endroit d’une circonférence où notre monde se tient. On le voit, la géométrie nous assigne une place sur la circonférence, à la frontière entre le dedans et le dehors.

 

Cette frontière est une porte qui donne d’un côté sur notre monde manifesté et de l’autre sur la lumière ordonnatrice[10].

 

À ce stade de compréhension, il faut retenir que la fameuse connaissance initiatique se résout par notre capacité à prendre conscience (par l’ouverture de notre compas) de l’identité entre le point originel et le point de la circonférence que nous sommes, par le parcours et l’étendue du rayon. Le rayon géométrique et flamboyant symbolise la connaissance.

 

Nous sommes le parcours que nous réalisons.

 

Nos actes nous définissent comme une signature sociale, nous sommes donc ce que nous faisons, du moins sous l’angle des apparences. C’est ici une première base pour définir la topographie de notre intériorité. Nos réalisations sont la partie émergée de l’iceberg. Certains pensent que l’acte n’est parfois qu’apparence et que nous devons nous en méfier des faussaires. Il y aurait donc tromperie.

Nous voulons apparaître sous un jour idéal à la société qui nous juge et nous qualifie. Nous maquillons donc notre « Etreté » derrière des conventions et des faux semblants. Nous nous cachons alors derrière un masque social. Ce masque[11] ou ce voile devient initiatique lorsque nous l’enlevons. Il signifie notre incapacité à voir.

 

La réalité de ce que nous sommes est donc différente de l’apparence, tout en étant relative à l’observant lui-même qui est renvoyé à son propre mensonge. Pour voir l’autre aussi bien que nous même, il faut avoir en commun l’expérience initiatique. On comprend alors l’intérêt à suivre un parcours maçonnique dans une collectivité d’initié, qui par l’expérience acquise va marginaliser le risque d’erreur d’orientation dans notre voyage.

Si l’objection du mensonge à soi doit être prise en compte, il ne faut pas désespérer de l’effectivité de l’acte lui-même. Même s’il se réalise sous couvert d’un faux semblant social, il est possible que notre intériorité se convertisse après confession à l’œuvre réalisée, à condition qu’il s’agisse véritablement d’une Œuvre, à savoir un travail de perfection de l’âme.

 

Le tailleur de pierre finit par être la pierre elle-même, et c’est sur ce principe mimétique que nous devrions tendre, vers la concordance entre notre intériorité et nos réalisations ouvrières. « L’Œuvrier » ne rends pas la pierre plus rugueuse, il la taille, la polie et la lisse. Muni du maillet et du ciseau, il cherche la perfection du geste dans la communion de l’esprit et de la matière[12].

 

Quand est-il de cette part sombre qui réside dans notre boite à os ?

 

Toute cette part inavouable à la société constitue plus encore le fondement de notre intériorité, nos réalisations sont des contributions au lien social et à la reconnaissance d’autrui.

Dans notre voyage intérieur, il faudra tenter de s’attarder sur la dichotomie des vices et des vertus, car nous sommes venus en franc-maçonnerie pour faire des tombeaux aux vices et des temples à la vertu. C’est le concept de perfection morale et d’éthique qui prend le dessus.

L’option maçonnique opérative repose sur l’écho intérieur de la réalisation extérieure. Le maçon tailleur de pierre devenait lui-même une des pierres de la cathédrale, et la cathédrale entrait en lui. De même, le maçon spéculatif sculpte son intériorité au fur et à mesure de ses réalisations, c’est un va et viens permanent. Les réalisations qui sont les siennes sont parfois spéculatives et expriment son intériorité sous la forme de planches. La vérité de ce travail se retrouve dans le comportement social du maçon qui en fonction de son état d’avancement dans la sculpture du soi, va rayonner et influencer son entourage.

Notre voyage aboutit ainsi à la mise en relation entre l’être et l’agir.

 

 

De l’acte à la parole.

 

La réalisation matérielle ne permet pas toujours d’expurger de tous les vices, les continents de notre intériorité. Il faut pour cela entrer en dialogue avec cette autre, celui de l’intérieur. C’est donc la parole qui prend le relais du travail sur la matière brute.

La franc-maçonnerie fait une grande place à la parole au niveau de la transmission. Cette transmission se fait discrètement et symboliquement de bouche à oreille, un peu comme une confession. Les mots choisis[13] sont alors aussi opérants que la taille de la pierre elle-même.

 

Les mots sont des remèdes aux maux. Ils apaisent l’âme et soignent les conflits intérieurs comme extérieurs. Les mots ne sont pas uniquement la médecine de l’âme, ils entraînent celui qui les prononce comme celui qui les entend dans une réalisation conceptuelle. L’idée précède la réalisation et la transformation de soi. L’idée et l’image portée par les mots deviennent l’expression d’une volonté. Cette volonté est une action par définition ou un début de réalisation, qu’elle se situe dans notre intériorité ou au grand jour social.

La parole soigne et transmet, elle est une condition suspensive à la vie humaine qui s’impose face à l’animal qui est en nous.

 

La franc-maçonnerie propose de puiser dans les livres dits sacrés toute la sagesse nécessaire à l’exploration de soi. Elle nous dit que l’apprenti est dans l’imitation du maître avec lequel il va forger son tour de main.

Entre les grands textes et l’exemple des anciens, l’apprenti sécurise son « connais-toi toi-même », il n’est pas livré à l’errance solitaire.

Nous apprenons par l’imitation silencieuse et par l’exemple puis par le discours après avoir épelé, mais la parole devra être validée par la réalisation qu’elle soit extérieure et matérielle (le miroir) ou intérieure et intime. Faire ce lien implique un voyage de l’esprit, en dessous et au-dessus du plan courant, puis de bâtir notre Œuvre. C’est ce qu’on appelle la réalisation de soi.

 

Finalement le maçon ne sera que ce qu’il fera de lui dans ses voyages et sa rencontre avec lui-même. L’exercice de la planche et du morceau d’architecture implique les trois conditions préalables à la parole opérante : La méditation sur les livres de Sagesse, la mesure de soi dans un honnête examen de conscience, et l’écriture en tant que réalisation opérative structurée et pensée.

 

C’est ainsi que le franc-maçon rend sa réflexion opérante, par sa parole qui devient agissante et par des actes qui lui ressemblent.

E.°.R.°.

 

 



[1] De la signature des choses en 1622.

[2] À un certain point de vue on peut estimer que la notion de démiurge est liée aux prémisses de l’individualité et de sa puissance agissante dans un périmètre donné.

[3] Ce « lui-même » associé à la puissance naissante de l’individu à pu introduire la linéarité du temps et la sortie des cycles en passant de la matérialité corporelle à l’immatérialité spirituelle, seule façon d’échapper à la mort.

[4] Nous explorons cette notion dans RDM1 : « Le pavé mosaïque face à la tour de Babel »

[5] Le meurtre du frère ce double est un principe récurant dans la mythologie et dans les religions. Abel et Caïn, Remus et Romulus, sont des exemples « frappants » à différents niveaux.

[6] L’inversion de l’image profane explique aussi bien la présence que l’absence du miroir dans les rites initiatiques maçonniques. Pour son inversion horizontale de l’image de soi, il n’est pas prescrit au REP. Suivant les rites l’inversion horizontale prévaut, jusqu’aux colonnes ce qui peut créer une confusion certaine.

[7]Au REP lors de l’introduction de l’impétrant, il lui est demandé :

Le Vénérable — Nous ne pouvons pas vous admettre témérairement parmi nous sans avoir pris des renseignements sur votre moralité et les principes qui ont jusqu’ici guidés votre existence. Quelles garanties nous donnez vous de votre discrétion et de la droiture de vos intentions ? Et surtout qui vous a renseigné sur ce lieu ?

Le Profane - (doit se réclamer d’un membre de la Loge qui sera son parrain)

Tous les Frères - Nous ne le connaissons pas !!!

Le Vénérable - Monsieur, votre démarche nous parait bien hasardeuse ! Et surtout bien suspecte. Nous avons lieu de croire que vous n’êtes venu ici que pour surprendre nos secrets et d’en faire ensuite un objet de dérision. Pour suppléer au défaut de garanties que vous n’êtes pas en état de nous donner, nous pouvons nous assurer de vos principes et sonder les replis de votre coeur par des épreuves physiques et morales violentes auxquelles nous allons vous soumettre. C’est pourquoi, Monsieur, persistez-vous toujours, et vous sentez vous la force de résister à ces épreuves que l’on vous prépare. ???

Sonder les replis du cœur et de soi consiste au-delà de l’épreuve des éléments à préparer l’impétrant pour une plongée en soi. Quant au parrain nous ne le connaissons plus sous sons apparence profane car il a entamé son chemin initiatique qui le transforme intérieurement peu à peu.

 

[8] Pour compléter, voir RDM 2 « La méthode maçonnique ou l’entrée en la matière » P 52 et « L’ennéade des outils » P 64.

[9] Pour aller plus loin sur le centre des centres, voir RDM 3 « Développement cosmogonique du centre » P 135.

[10] La lumière ordonne le chaos précédant le temps des cycles « Ordo ab chaos ».

[11] Bien plus que le jeu des masques de la tragédie grecque, le masque à certains rites, offre une puissance symbolique peu égalée. Voir « Le Hoodwink » RDM 1 P81

[12] Ici, comme dans la totalité de ce travail, il y a un rapport d’équivalence entre l’esprit et l’essence et entre le corps et la matière. S’agissant de l’individu qui se cherche nous avons choisi la tripartition du cops de l’âme et de l’esprit, car nous pensons que l’âme à quelque lien avec l’essence. L’esprit est une sous partie de l’essence.

[13] Voir « Les mots semences » RDM 1 P 78 et « Perfection et reconquête du langage initiatique » RDM 3 P 57 à 70.

Partager cet article
Repost0
12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 10:40

L’Arbre Cosmique (extrait de l’ouvrage Axis Mundi -Ed. du Maçon)

Dans l’étude générale de l’Axis Mundi, des rapprochements sont tentés par l’auteur, dans le but de démontrer l’universalisme du symbolisme axial avec pour modèle de base la roue à sis rayons, autre image de l’hexagramme. Il est question ici d’un passage sur le symbolisme de l’arbre.

 

 

 

P

our appréhender toutes les conséquences de la roue à six rayons[1], il faut aborder le symbolisme de l’arbre cosmique qui en est dérivé. Cet arbre cosmique est constitué de trois racines dans la partie basse correspondant aux trois rayons inférieurs de la roue. Les trois branches correspondant aux trois rayons de la partie supérieure de la roue, reliant racines et branches. Un trait équivalent à la longueur d’un rayon se substitue en guise de tronc au point central de la roue à six rayons.

A

insi l’hexagramme est composé de six branches et d’un point central, tout comme la roue de six rayons. Le point central ici est constitué par un tronc de l’arbre que l’on peut assimiler à la présence de l’homme reliant le monde manifesté au monde non manifesté, dès lors qu’il se tient géographiquement sur un point tellurique fort, ou qu’il possède la connaissance initiatique ultime.

 

L

’homme dans cette situation devient trait d’union ou plus précisément pontifex[2] entre ces deux mondes. Ce lien entre le domaine terrestre et Dieu se retrouve dans la mythologie germanique dans le Bilfrost[3], gigantesque pont en forme d’arc-en-ciel reliant le Midgard, demeure des hommes et le Asgard domaine des dieux germains. Cette notion de pontife recoupe l’idée d’universalité des pouvoirs spirituels et séculaires entre les mains d’un même sage « Le grand pontife ». Elle suggère aussi l’existence géographique d’un principal centre axial sur terre et de ses dérivés décentralisés.

L’arbre cosmique confirme la relation réciproque : « ce qui est en bas et comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas »[4]. Il s’agit là du principe d’analogie qui fonde la démarche symbolique, permettant l’extrapolation entre le symbole « signifiant » dans un monde perceptible et donc parfaitement représentable, et sa projection « signifiée » dans un plan supérieur de la pensée, difficilement exprimable, mais respectant les principes d’harmonie entre l’univers livré aux sens et les mondes extrasensoriels. La ligne de partage ou plan de réflexion est occupée par l’homme médiateur (tronc[5]), le monde souterrain synonyme de matière est occupé par les racines qui se nourrissent de la matéria prima, grâce à l’intervention du ciel au travers les branches. C’est aussi l’homme placé entre son passé et son avenir, riche de fruits spirituels en devenir pour les plus féconds et sans feuilles ni fruits pour les autres. Les branches, situées dans le domaine aérien au contact avec le ciel relèvent de l’esprit, de l’essence, du divin, du non visible.

 

L’identité entre le tronc et l’homme, trait d’union entre le ciel et la terre, a fait l’objet des fondements ontologiques de la Chine impériale. L’empereur de Chine a toujours été considéré depuis l’origine comme le médiateur. Tous les cinq ans, le fils du ciel rendait visite à l’empire du Milieu jusqu’en ses confins en suivant la route du soleil. Il se déplaçait dans un char carré représentant la terre surmontée d’un dais circulaire représentant le ciel, rendant visite aux cinq pics sacrés représentants les quatre points cardinaux et le centre ou culmine symboliquement la montagne Kouen Louen « nombril du monde[6] ». Plus tard ce rituel se perpétua par une déambulation dans le temple du calendrier (Ming Tang) dont la base était carrée et le toit circulaire, inaugurant rituellement les saisons et les mois à partir d’un centre activateur. L’irradiation partant du centre jusqu’aux confins de l’espace manifesté crée l’harmonie et la grande paix.

 

L’homme initié est censé par son savoir, faire le lien entre ces deux univers, macro et microcosme.  Le tronc se superpose à l’axe nord-sud, censé faire le lien entre le I majuscule de la figure, représentant l’Unique vertical et le X des quatre rayons représentant la terre cardinale en sa surface, la matière, la multitude.

Le symbolisme polaire ainsi décrit n’est pas sans rappeler le symbolisme maçonnique du fil à plomb. L’arbre par sa verticalité symbolise l’axe du monde, ses racines plongent dans l’univers souterrain et obscur, son tronc organise autour de lui la surface de la Terre et par ses branches il rejoint le ciel. La prépondérance du ciel sur la mécanique ainsi décrite explique que la kabbale dans la symbolique de l’arbre séphirotique situe les racines de l’arbre dans le ciel et les fruits qu’il produit sur la terre, c’est le principe de l’arbre inversé, attestant la causalité réciproque de la terre et du ciel. Cet arbre inversé se retrouve dans les Upanishads de la tradition hindoue « Le monde est comme un figuier perpétuel dont la racine est élevée en l’air et dont les branches plongent dans la terre ». Les racines qui sont dans le ciel représentent le principe, l’ampleur de la manifestation étant représentée par les ramures et les feuilles. L’arbre inversé est l’exemple caractéristique du principe d’analogie réciproque, fondant le rapport d’identité entre les différents mondes et ceci au moyen du tronc médiateur. L’arbre à palabre africain ou l’arbre (un chêne) au pied duquel Saint Louis rendait la justice sont des arbres sacrés représentant l’arbre cosmique qui relie la terre au ciel. C’est aussi l’arbre de la conscience totale de Bouddha. On rappellera que l’arbre, symbole vertical est présent dans la Bible par analogie avec l’homme debout sur la terre. L’arbre de Vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal[7], planté au centre du jardin d’Eden au moment de la création, confèrent l’éternité à ceux qui se nourrissent de leurs fruits.

L’arbre est fait de bois, tout comme la croix du christ et la croix de Saint André présente dans le Chrisme. C’est le bois de la vie par la sève et du sacrifice par le sang. Produit du ciel et de la terre par la photosynthèse (action descendante) et par la sève nourrissante au plan corporel et cognitif (action ascendante), la sève nourriture devenant « connaissance ».

 

L’homme dans sa sagesse à su exploiter au mieux cette notion axiale. Les populations primitives asiatiques, nord-américaines et arctiques construisaient leurs habitations autour d’un poteau central assimilé à l’arbre du monde[8] qui relie la terre au ciel et au pied duquel avaient lieu les sacrifices. (En l’absence de mât, c’est une colonne d’air qui rempli cette fonction, la fumée du foyer indiquant la fonction axiale et ascendante, on parlera alors de cheminée cosmo tellurique.)

 

Le ciel ou voie lactée, représenté par la tente dans laquelle est pratiquée une ouverture centrale facilite la communication ascendante et descendante[9]. En loge nous retrouvons la même configuration : la Voie lactée, la terre pavée (pavé mosaïque), et l’axe de communion et de communication en direction de l’hôtel du vénérable sis à l’Orient entre le soleil et la lune. La mythologie nordique vénérait Yggdrasill, l’arbre cosmique qui reliait les différents mondes de la mythologie germanique.

 

Situé au centre du monde, faisant le lien entre le monde chtonien et ouranien, ce frêne géant avait trois puissantes racines qui plongeaient sous le Midgard[10], le pays des hommes, jusqu’aux enfers où régnait la déesse Hel. Le feuillage montait jusqu’au royaume des cieux.

 

L’arbre médiateur organisait la cosmogonie scandinave tout en protégeant les neuf mondes. L’arbre était toujours vert, car il puisait sa force dans la source Urd du dieu Mimir garantissant la sagesse éternelle et c’est en ce sens qu’il est synonyme d’arbre de vie.

 

 

Il est intéressant de rappeler que Odin et ses frères créèrent les premiers humains en donnant la vie à deux troncs d’arbre, le frêne pour l’homme et l’orme pour la femme. Le symbolisme axial de l’arbre fait donc bien le lien entre l’homme créé, par nature microcosmique et l’univers macrocosmique. Le caractère cosmogonique de l’Yggdrasill est clairement énoncé dans le texte de l’Edda :

 

 « Je sais que se dresse du nom d’Yggdrasill,

 

Un frêne baigné de blancs tourbillons ;

 

Delà viens la rosée qui dans le val s’égoutte ;

 

Toujours vert il se dresse au dessus du puits d’Urde[11].

 

De là, fort savantes, sont venues des femmes,

 

Trois de cette salle sous l’arbre placée,

 

Qui firent les lois fixèrent le sort

 

Et la vie des hommes, la voie des mortels. »

 

 L’arbre du monde est commun à la plupart des traditions, il est chêne pour les Celtes, tilleul chez les Germains, figuier dans la tradition hindoue.

 

 

(Représentation de l’Yggdrasill, arbre cosmique.)

 

 

A titre accessoire on remarquera que si l’arbre a des vertus axiales sur terre, en mer c’est le mât du navire qui remplit cet office. Il suffit de relire l’Odyssée d’Ulysse. Le périple initiatique d’Ulysse durant les dix années qui suivirent la guerre de Troie. Au cours de ce voyage, ses compagnons durent l’attacher au mât du bateau, symbole axial relié au divin, pour l’empêcher de succomber au chant des sirènes, symbolisant l’attrait de la matérialité. Le sens ésotérique de ce passage implique que l’initié dans ses voyages en redécouvrant préalablement les états inférieurs de son être doit lutter pour privilégier au final le sens premier de sa quête à savoir la conquête des états supérieurs. Notons au surplus que dans la confrontation avec le Cyclope, Ulysse et ses compagnons utilisent un pieu rougi au feu pour aveugler le cyclope durant son sommeil. On ne peu s’empêcher d'établir une correspondance entre le mât et le pieu, l’épisode des sirènes étant la vengeance de Poséidon pour l’infirmité du cyclope.

 

 

 

Ulysse attaché au pied du mât pour échapper au chant des sirènes.

 

 

L’arbre séphirotique s’identifie à l’arbre de vie reliant ciel et terre, en passant par les trois monts des émanations, des créations et des formations pour aboutir au monde des formes au-dessous duquel se situe le monde souterrain des enfers et de l’arbre de mort.

 

 

L’arbre séphirotique s’exprime en loge de la manière suivante : la colonne[12] du septentrion est celle de la rigueur (sagesse, grâce, victoire.) Elle correspond à l’idée de chute biblique d’Adam, celle du midi consacre la miséricorde (Intelligence, force et gloire) et correspond à la réconciliation de l’homme, en recherche de lumière, avec son créateur et enfin celle du milieu est celle de l’équilibre axial ouvrant la voie céleste. Cette colonne part de l’entrée du royaume « Malkuth » assimilée à la porte du temple et au couvreur, jusqu’a  la couronne « kether[13] » représentée à l’orient, suivant les rites, par l’hexagramme, le pentagramme, le triangle, surplombant la personne du vénérable. La voie du milieu dite voie céleste et celle qui est axiale et polaire, la colonne de la rigueur et celle de la miséricorde n’agissant contrairement a leurs apparence que dans le plan horizontal territoire de reconquête du moi appelé aussi microcosme.

         Notons enfin que l’arbre de vie et ses innombrables feuilles qui symbolise la création et les êtres est situé d’après la Genèse au centre du paradis d’où partent les quatre fleuves l’ensemble représente les 6 points cardinaux. En relisant l’Apocalypse de Saint-Jean, on retrouve le pendant polaire de l’arbre de vie dans le livre sacré scellé de sept sceaux surmontés de l’agneau et duquel partent aussi quatre fleuves. Ce livre sacré c’est aussi le « Liber mundi » des Roses- Croix, Liber Vitae de Saint Jean.

Ici chaque feuille du livre et chaque caractère (sacré) de celui-ci sont censés aussi représenter l’espace crée sans nombre, la manifestation et son espace, sous l’égide des sept sceaux. On rappellera que le chiffre sept symbolise la croix tridimensionnelle, mais aussi l’hexagramme et son centre. Dans les deux cas, le centre de la figure représentant l’unité génératrice du tout.

         A l’évidence l’hexagramme dans sa plénitude symbolique décrit et suggère en quatre dimensions l’inclusion du microcosme dans le macrocosme.              

 

Er.:Rom. :

 



[1]              Symbole solaire, la roue peut être aussi à 4 rayons représentant les 4 points cardinaux, à 8 rayons symbolise la régénération et implique le mouvement circulaire autour d’un moyeu immobile..

[2]              L’homme constructeur de ponts. Lire René Guenon « Le roi du monde ».

[3]              Cet unique point de passage était gardé par le dieu de la lumière Heimdall.

[4]              Expression tirée de la table d’Émeraude attribuée à Hermès Trismégiste dans la tradition hermétique.

[5]              Le tronc est un élément constitutif de l’homme, du sacrum à la fontanelle passe un axe fluidique, particulièrement sollicité dans la pratique du yoga.

[6]              L’ésotérisme chrétien approche le nombril comme centre de l’Homme, dans l’image de Saint Andrée en croix. Le nombril le relie à la terre nourricière par le cordon ombilical. Il est donc en croix X représentant les quatre points cardinaux. L’axe passe de la terre au ciel par son centre de gravité. L’ensemble constitue une croix tridimensionnelle.

[7]              Genèse 2,9. Ces deux arbres constituent les deux latéraux de l’arbre séphirotique, dont le tronc principal se situe à équidistance.

[8]              Mircea Eliade « Traité d’histoire des religions ».

[9]              Le rite vaudou haïtien reprend ce symbolisme : la demeure de l’éternel est représentée par une tente dressée autour d’un mât, le « poteau mitan »

[10]             « La demeure du milieu ».

[11]             Ce puits est le pendant de l’arbre dans les états inférieurs, au-delà des racines qui s’y abreuvent. Ce puits est favorable aux oracles comme l’omphalos et la pythie en Grèce.

[12]             Notons que la colonne, l’axe, le mât, l’arbre sont parfaitement synonymes dans le symbolisme axial.

[13]             Malkuth et Kether sont à rapprocher des extrémités du tronc humain, sacrum et fontanelle.

Partager cet article
Repost0
17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 19:16

Principes d’action maçonnique

 

Pourquoi être franc-maçon en loge symbolique[1] ?

 

Chaque franc-maçon veut donner un sens à sa vie maçonnique.

 

Le sens est à entendre à tous points de vue, qu’il soit intellectuel, concret et pratique, qu’il corresponde à une manière d’être, de penser, de s’exprimer et le cas échéant d’agir en citoyen maçon.

 

Le sens dépend de l’identité rituelique dans laquelle il évolue, c’est donc une affaire de sensibilité et de choix. Les chemins sont différents, mais les outils et les moyens mis en œuvre sont identiques.

La franc-maçonnerie s’attache à transmettre et préserver des valeurs qui sont moteur de progrès spirituel et moral de l’humanité. Nous savons que ce vœu emprunte différentes voies pour se réaliser. Leurs différences, qui sont de véritables richesses, n’ont pas à être jugées, car elles sont l’expression souveraine de chacun de nous.

La branche la plus métaphysique, la plus spirituelle ou la plus religieuse, offre à la branche la plus humaniste, la plus sociale et matérialiste, la possibilité de se réaliser, et inversement. Chacune va puiser, discrètement sans doute, les éléments qui lui manquent pour achever ses travaux.

Le chantier est long et on a besoin de tous les ouvriers maçons qui veulent contribuer au Chef-d’œuvre.

Quelle est la pensée première qui justifie l’entrée en franc-maçonnerie ?

 

Le désir de comprendre, de percer un mystère et de participer à quelque chose de grand et noble comme une cathédrale pour l’humanité, qui repose sur une connaissance de soi et un agir individuel qui soit à finalité sociétale ou spirituelle.

En un mot il s’agit de lever le voile sur ce qu’on appelle les mystères de la Franc-maçonnerie.

 

La Question

 

C’est d’abord une réponse à une partie des questions existentielles qui reposent sur le « pourquoi suis-je sur terre » et le « comment l’homme est arrivé sur terre ». La présence de l’homme « animal pensant » sur terre pose de grandes questions.

S’agissant de l’origine de l’homme sur terre, la franc-maçonnerie moderne ne donne aucune réponse. Elle tâche de ne pas s’exposer, ni de se confronter à la religion. L’homme est un animal pensant qui en fonction de son bagage, de sa tribu et de sa religion, a pu trouver une réponse satisfaisante à cette angoisse. Globalement la réponse se situe dans les trois ordres. Elle est religieuse, raisonnante et sociale, raisonnante et scientifique.

Qu’importe finalement la réponse au comment, chacun est libre d’y répondre en fonction de ses convictions. Ceci explique les différences rituéliques et obédientielles en nos rangs, ce qui quelque part est aussi une grande richesse. Pourtant elle reprend, dans ses rangs, souvent à l’insu des obédiences, une ancienne tradition qui parle à son cœur, celle de l’Hermétisme et de la Gnose.

La science cachée n’a rien à voir avec l’obscurantisme justement dénoncé, elle conserve son attrait, y compris chez les plus sociaux d’entre nous.

Ce sont de grands schémas polymorphiques et péri-religieux qui supportent bien l’adaptation au pragmatisme du temps présent, sous le regard attentif de la Tradition.

 

La réponse

 

Dans la recherche de la pensée originelle qui définit la Tradition, on doit s’interroger sur les différences qui caractérisent l’homme face à l’animal. Cette question doit logiquement élever plus encore le coté spirituel du cherchant.

La première recherche et la seule qui compte vraiment concerne les origines de l’homme. La réponse est souvent donnée comme divine ou surnaturelle. Elle peut être aussi le fruit d’une lente sélection naturelle mêlant hasard et nécessité. Quoi qu'il en soit vous ne rencontrerez aucun franc-maçon dénier à un autre frère ses convictions sur le « comment ». Cette question est habilement rangée sous le vocable du Grand Architecte De l’Univers, appellation suffisamment vague pour offrir la plasticité nécessaire à chaque sensibilité.

 

Pour le franc-maçon, le comment se limite aux conséquences dûment constatées plutôt qu’aux causes divines. C’est ainsi qu’on obtient une forme d’unanimité dans le constat seulement.

Symboliquement c’est une affaire de terre et de ciel, de matière et d’esprit. Il s’agit de faire ressortir l’esprit emprisonné dans une gangue de matière, belle allusion à l’homme prisonnier de son animalité. Voilà donc une réponse universelle qui du moins pour les occidentaux à l’avantage d’être adaptable.

C’est donc sur cette base qu’un constat est dressé : l’homme lutte en permanence contre son animalité. Ce fond d’animalité se caractérise par les mauvaises tendances qui sont notamment : la cupidité, les bas instincts, l’injustice, le fanatisme et l’ambition.

Le recul de l’humain face à l’animal suggère la perfectibilité de l’homme et le développement de ses qualités dont l’éthique est la meilleure expression.

 

 

La conscience pour soi

 

L’homme est traditionnellement considéré comme un médiateur entre la terre et le ciel.

Il ne s’agit pas pour le franc-maçon de déterminer l’origine de son arrivée sur terre, mais plutôt de savoir comment il peut y vivre en améliorant lui-même et ses semblables. Le franc-maçon reconnaît de fait une transcendance particulière dans son être et son agir.

Sortir du chaos qui l’entoure et pour lequel il porte une responsabilité certaine, tel est l’enjeu. Plus qu’un enjeu, il s’agit pour le maçon d’un projet.

Conscience, esprit, raison sont les soubassements de l’éthique. Son agir est immédiatement lié à son esprit qu’il doit travailler. Sa matière représentée par son animalité reste autonome dans son évolution. L’esprit se travaille comme la flamme d’une bougie lutte pour luire dans les ténèbres. C’est un travail permanent que de cultiver son champ et arracher la mauvaise herbe. C’est donc l’esprit qui peut donner du sens au fait d’être au monde.

Il faut donc mettre de l’ordre en soi avant de proposer quoique ce soit à la société.

L’esprit est en chacun d’entre nous, il est donc sous notre gouverne, sans qu’il soit nécessaire de s’en remettre à une puissance extérieure. Cette autonomie de la volonté n’explique pas comment l’esprit est venu à l’homme. Sur ce point chacun se réfère à ses convictions. C’est ici que repose la grande supériorité de la franc-maçonnerie :

Face au chaos avéré, qui n’est que la conséquence d’une perte d’esprit et de raison chez l’Homme, il s’agit de retravailler assidûment et constamment son esprit. Ainsi la tendance animale de l’homme sera reléguée au second plan.

C’est tout un programme qui demande une progressivité dans sa mise en œuvre qu’on appelle l’initiation graduelle. C’est ce qu’on appelle aussi la méthode maçonnique

 

La croyance en quelque chose de grand

 

Il existe trois grands courants qui mettent en œuvre un schéma directeur et une mise en œuvre adaptée à une sensibilité type :

- Le courant déiste repose sur un grand principe créateur indéterminé et inconnaissable. Il n’y a ni Dieu nommé, ni prières. L’homme se dépasse par la transcendance.

- Le courant laïque fortement impliqué dans la cité, situe sa réponse du comment dans l’unique raison humaine, chacun est libre de créer des liens dans le domaine de l’esprit pour son devenir après la mort. Ce qui compte c’est le progrès de l’humanité.

- Le courant théiste qui reconnaît la croyance en une intervention divine et qui recoupe le projet des trois grandes religions monothéistes. Le salut est recherché en faisant le bien, ceci constitue l’accomplissement personnel. C’est la base de la morale chrétienne et des anciens devoirs.

 

Je suis convaincu que la grande majorité des maçons se considèrent des trois courants, leur sagesse étant fondée sur l’esprit de synthèse.

Voilà la grandeur du franc-maçon du XXIe siècle, être soi dans un esprit de synthèse.

 

Résoudre le pourquoi par une croyance quelle qu’elle soit, ne remet pas en cause l’état des lieux et la culture de l’esprit face au chaos. Le schéma commun à tous les maçons reste intact. Il faut agir avec le discernement et la conscience d’un tout. C’est le devoir qui nous appelle ici bas, on ne peut pas rester les bras croisés. L’initiation est une sensibilisation de l’esprit face à la matière, de l’humain face à la bête et de la connaissance de soi.

Se connaître soi-même pour agir juste dans son idéal de grandeur, voilà la direction.

 

 

Le Schéma et les voies mises en œuvre

 

Pour les compagnons traceurs que nous sommes, le grand dessin c’est d’abord de conjuguer une ébauche personnelle et un plan collectif.

Le grand dessin conditionne la mise à disposition des moyens.

Quel est le schéma ?

Il s’agit du progrès spirituel et moral de l’humanité, en faisant remonter la responsabilité individuelle.

Pour faire progresser le niveau humain en chacun de nous, en gardant la main sur la société qu’il a créée et dont il est seul responsable, il faut prendre en compte l’autre comme composante de base de la société et non soi-même. C’est le principe de l’altruisme et de la fraternité.

La condition préalable à cette mise en œuvre est que pour atteindre ce grand dessin, encore faut-il atteindre un degré d’évolution spirituelle suffisant.

La réalisation personnelle est donc un point de passage obligé.

 

Les deux niveaux d’élévation

 

Dans une première version, cette réalisation peut suffire et constituer en soi le projet, car le rayonnement du maçon sur la voie de la réalisation spirituelle est tel, dans une société donnée, qu’il envahit et infuse la société par toutes les zones de contact qui s’offrent à lui. Ainsi,la réalisation personnelle devient un accomplissement spirituel avec d’éventuels développements religieux et infuse toute la société.

L’inconvénient de cette approche est qu’elle risque de s’arrêter en chemin, dans une réalisation personnelle égocentrée, avec un rayonnement faible, confidentiel, mais de qualité.

La deuxième version du projet franchit le cap de la réalisation spirituelle de l’individu agissant par infusion pour atteindre l’action par perfusion. Il s’agit dans ce cas d’agir concrètement dans une action ouverte et tendue au plan sociétal.

Le travers de cet interventionnisme sociétal est d’oublier la dimension spirituelle de l’initiation et de ravaler les loges à des sociétés caritatives ou politiques.

Les obédiences et les rites sont les expressions de ces deux tendances : construire l’individu et, ou, construire la société par infusion ou par perfusion.

 

L’homme est donc au centre du progrès de l’humanité et de la fraternité universelle. L’homme est en danger face à l’animal qui est en lui. L’humanité régresse en certains points du globe et parfois même au pied de notre immeuble.

Les ténébreuses périodes de notre histoire peuvent ressurgir au gré d’un bulletin de vote !

 

Retrouver le chemin de l’esprit et donc de la spiritualité à base humaine ou divine est un moyen efficace pour faire progresser l’homme face à son animalité. Cette option ne remet pas en cause l’acquis de la spiritualité divine, mais disons qu’elle est pragmatique, à effet immédiat sans attendre un quelconque salut.

Transmettre des valeurs nées de l’esprit, ce qu’on appelle une morale, face à une déliquescence, doit être notre préoccupation. Cette morale est d’essence chrétienne, car fondée sur l’amour du prochain.

On le voit parfaitement dans les affaires, les mœurs, la bioéthique, il existe une déontologie, les lois ne se font pas sans foi ni éthique.

Pour y parvenir, il faut désirer l’élévation dans l’acte même. Ainsi l’initié par son élévation spirituelle se reconnaît à ses actes élevés.

L’être et l’agir se suivent et l’individuel se diffuse dans le collectif.

 

En réalité, il n’y a pas de véritable réalisation spirituelle égocentrée, elle finit toujours par rayonner et se diffuser, c’est le principe du flamboiement de l’étoile. On peut affirmer qu’il n’y pas de société harmonieuse sans désir d’harmonie chez l’homme. Hors l’harmonie conjuguée à la sagesse et à la force est l’expression même de l’esprit maçonnique.

 

C’est ainsi que les francs-maçons font évoluer sur plusieurs générations une société, sans avoir la prétention de se l’approprier ou de la diriger.

 

L’exemple

 

La transcendance appliquée au temporel (« ici et maintenant ») sans faire nécessairement l’abstraction d’un au-delà, implique un commencement et une finalité à l’action de chacun.

Le commencement est la traduction littéraire du terme « initiation », la finalité répond au « pourquoi être un homme sur Terre ». L’exemplarité est de mise pour soi et dans le regard des autres. La conquête individuelle de l’espace spirituel devient sociétale. C’est donc par l’exemplarité que nous pouvons faire progresser ce grand H que nous retrouvons dans certains hauts grades. Ce grand H naît de la part grandissante de spiritualité chez le maçon. C’est la progression de l’esprit sur la matière.

 

Ce passage sur terre se doit d’être utile et producteur de sens. Le franc-maçon ne se réfugie pas dans l’inaction aussi passive que coupable. Le devoir l’appelle. Ce devoir n’est pas religieux, mais il peut le compléter efficacement, d’autant qu’il doit ne jamais se relâcher au risque d’une chute dans les ténèbres. C’est ainsi que le progrès s’installe au plan spirituel et moral puis matériel et sociétal. C’est donc de la condition humaine dont il s’agit, en dépendance et en responsabilité de son environnement. La notion de progrès de l’état humain doit intégrer l’environnement de l’homme avant l’homme lui-même.

 

L’étincelle

 

La spiritualité maçonnique n’est pas à confondre avec la spiritualité religieuse, même si elle la complète avantageusement.

Elle se situe au service de l’homme dans un progrès réel et puise dans les moyens qu’il est apte à découvrir en lui, sans intervention divine. Dieu n’est donc pas appelé à la rescousse pour étalonner les problèmes, on ne peut se contenter de s’en remettre à lui, nous devons prendre nos responsabilités. C’est ici que se situe la transcendance maçonnique. Trouver l’esprit qui est en nous n’est pas une mince affaire. C’est toutefois le but de l’adage socratique « connais-toi toi-même » qui permet d’ouvrir le chemin de l’esprit. Le déclenchement du processus est personnel et personne ne connaît vraiment la recette pour le généraliser. Seule la méthode maçonnique universelle garantie à l’individu la mise sur la voie, déjà empruntée par les anciens, à lui de faire le reste du parcours.

L’étincelle repose non pas sur la logique ou le raisonnement, mais sur le ressenti strictement individuel. Pour y parvenir, le maçon participe à la construction de son propre projet et apprend à se découvrir. Il apprend à construire ses questions après un long silence et à élaborer ses réponses de manière ordonnée. Il apprend l’art de vivre du maçon qui induit un comportement d’ouverture et d’écoute.

Apprenant chemin faisant qui il est, il apprend à penser par lui-même et éveille une conscience personnelle dans ses choix. C’est la prise de conscience, moment tant attendu, car point de départ du cheminement spirituel. Il est, il pense par lui-même et il choisit le chemin.

Il n’est plus un mouton. Sa pensée est libre, il est responsable, il suit un chemin de lumière.

 

La connaissance

 

Comprendre soi et le monde c’est se mettre sur la voie de la connaissance et non pas du savoir.

On est dans le domaine de la suggestion plus que de l’enseignement. L’intuitif a une place prépondérante sans oublier la raison. Quelque part la démarche fondée sur l’imagerie symbolique et mythique permet à l’impétrant de rentrer dans un for intérieur qui lui était inconnu. C’est une progression par analogie qui donne une perspective à plusieurs sorties.

La multitude de portes ainsi crée, remet en cause la certitude du moment et offre une remise à plat du sujet à traiter que l’on croyait achevé. Le principal sujet de l’initiation est une rencontre avec soi même. C’est à chaque fois le changement de point de vue, d’angle d’attaque du sujet considéré qui donne du relief à d’autres développements. L’ouvrage n’est jamais achevé même sur des sujets cent fois rebattus. C’est l’échange en milieu collectif qui crée ce phénomène. Le doute et la rupture des certitudes permettent de réengager le sujet traité sous un jour nouveau et l’échange fournit de nouveaux éléments pour un nouveau point de vue.

 

La ritualisation

 

La technique pour aboutir à cet enrichissement repose sur une rigueur ritualisée.

La réunion des maçons ne se fait pas n’importe comment. On abandonne ses métaux sur les parvis pour entrer dans un ordonnancement maîtrisé, dans un temple image recréée d’un monde où les cycles de la nature sont présents. Suit ce qu’on appelle l’ouverture des travaux basés sur un rituel toujours identique, qui permet au maçon de lâcher prise avec le monde profane et d’entrer dans ce for intérieur qu’il partage avec d’autres, soit un espace-temps particulier et sacré.

Enfin il y la méthodologie de la prise de parole, avec le Vénérable pour trait d’union, rigoureuse, égale et limitée pour tous, où l’écoute domine l’expression. Debout à l’ordre c'est-à-dire avec la maîtrise de ses pulsions et passions, chacun s’exprime avec la certitude d’être entendu.

 

Vient la fin des travaux où chacun s'est enrichi du miroir offert par l’autre.

La progression par degré et par grade permet de refaire sans arrêt le même chemin de l’esprit en découvrant à chaque fois de nouvelles pépites.

 

C’est une progression par cercles concentriques qui au fur et à mesure du temps, s’élargissent sans fin. L’étendue de leur diamètre signifie l’état d’avancement dans l’étude du champ des possibles pour chacun. Cette donnée est personnelle, mais elle se ressent lors des prises de parole, où l’on voit très bien la progression graduelle se faire chez chaque maçon, en fonction de la qualité et la profondeur de ses réflexions. Sur ce point il n’y a pas de mise en concurrence d’un maçon envers un autre. Une émulation se crée naturellement en voyant les autres progresser dans leurs analyses et réflexions.

 

Cette méthode ritualisée permet de penser autrement et de rompre avec les lieux communs. L’horizon est plus large en maçonnerie qu’au café du commerce.

 

Le phénomène est possible si on a converti son regard, ce qui est le propre de la cérémonie d’initiation. Cette cérémonie particulière marque comme une borne sur notre parcours, un avant et un après. Tout ceci est symbolique et physique.

 

C’est le corps et ses cinq sens qui informent le cerveau qu’un événement hors du commun se produit, c’est la conscience qui se saisit de l’instant pour mieux le goûter et c’est enfin l’homme qui découvre d’autres horizons. Tout est fait pour éveiller notre esprit.

À l’issue de cette cérémonie où lui a été présentée la lumière, commence un long et difficile chemin vers cette lumière.

La vie du maçon est aussi à l’extérieur du temple et son comportement sera maçonnique, c'est-à-dire empreint de cette quête et de cette recherche d’écoute et de perfection de l’homme. Son comportement se veut exemplaire pour mieux infuser la société, sans prosélytisme aucun. Enfin pour mieux franchir les crispations et les positions définitives qui sclérosent et abêtissent les individus et la société, le maçon privilégiera la pensée ternaire à la pensée duale et manichéenne. L’homme est naturellement binaire, le maçon est ternaire. Ainsi fait, il ouvrira devant lui des portes inattendues qui feront le succès de sa démarche d’ouverture à l’autre. La conciliation des contraires est une attitude payante, car dynamique et elle offre toujours plus de perspectives qu’une simple alternative. L’opposition naît de la différence, mais la différence nous enrichit et nous renforce sans nier l’autre.

 

Les principes de l’art royal devront être appliqués. Cimenter et unir les pierres entre elles c’est le but premier du rite et du rituel. Respecter les règles de construction qui nous sont transmises depuis la nuit des temps et dont le rituel est le servant et la mémoire. C’est ce qu’on appelle les règles de l’art. L’exigence passe par le souci du travail bien fait et du bel ouvrage, pour mieux se construire soi même. Tailler puis polir sa pierre prend alors toute sa signification.

Avoir la conscience du tout c’est aussi placer sa pierre dans l’édifice. Celle-ci est aussi indispensable que les autres. L’œuvre individuelle consistant en la construction de soi, participe directement à l’œuvre collective. La construction de la cité peut se faire sans prosélytisme.

 

 

Construire l’exemplarité

 

Nous avons vu que le schéma directeur et les moyens à mettre en œuvre consistent en une solution globale pour répondre à l’attente générale du maçon, qui souhaite progresser dans le monde de l’esprit.

Cette voie spirituelle serait une vaine appellation, s’il n’était fait aucun écho à cette volonté.

L’écho se situe dans l’acte du quotidien d’un maçon de base.

On attend un retour de cet engagement personnel.

Le retour dépend de l’attitude remarquable et exemplaire du maçon. L’attitude se projette à deux niveaux, l’intérieur et l’extérieur.

À l’intérieur c’est l’éthique de chacun qui sert de baromètre à l’attitude exemplaire.

À l’extérieur c’est la morale qui régit les règles de vie sociale qui va reconnaître l’exemplarité de l’acte ou de l’attitude.

La pierre que nous taillons se décrit sous ces deux angles de vue qui font sa beauté. La pierre pour elle-même à sa beauté propre, mais son utilité se trouve dans l’œuvre d’ensemble. La relation entre le relatif et le général nous ramène à l’échange indispensable entre l’éthique et la morale.

Finalement nos comportements sont dictés par les lois qui sont la production de la morale, élaborée elle-même dans les limites d’un ressenti personnel appelé éthique.

La proposition ici énoncée peut aussi être inversée dans le sens du personnel au collectif.

 

Avant la loi, la morale et l’étique, il me semble que les notions collectives et individuelles soient parfaitement intégrées dans toute société initiatique. Être initié implique de se connaître soi-même, pour en réalité, être socialement admis par les autres. L’Ego rencontre l’Alter Ego. La vérité tant recherchée est en soi et doit être validée par le collectif. Ce double rapport à soi et aux autres est producteur du comportement bon ou mauvais.

Le bien et le mal et l’effort de synthèse sont les bases mêmes de l’enseignement maçonnique à travers les mythes. C’est le cheminement maçonnique qui garanti la transmission des éléments ontologiques, eschatologiques et du vivre ensemble.

Les mythes connus du franc-maçon sont donc des réceptacles immémoriaux de sagesse et de vertu. Dans un cadre cosmogonique, ils mettent en scène la vertu et donnent à choisir par acteurs interposés entre le bien et le mal. L’explication symbolique évite de tomber dans un manichéisme outrancier.

La méthode pour garantir la transmission s’appuie sur les rites. Les rites sont la mise en pratique de l’enseignement des mythes et valorisent la dimension symbolique. C’est à travers le symbole ritualisé que le mythe s’exprime dans une société initiatique. Ainsi on peut expliquer la production de l’inconscient collectif, soubassement de l’éthique et du sens.

 C’est cette particularité qui fait du franc-maçon un homme de la grande tradition et du grand avenir. Cette tradition est porteuse de sens pour déterminer l’action du maçon.

À la question : quel sens à donner à notre engagement dans la franc-maçonnerie, je répondrais qui faut suivre la tradition, et le cadre général de la rituélie.

Le comportement exemplaire du maçon dans la société implique la responsabilité de celui-ci dans ses choix. Constamment il tend vers l’universel en évitant la vérité d’un temps et d’une circonstance.

 

Cette recherche de l’universel le ramène à une notion religieuse au-delà de la mort et à une notion temporelle et sociale pour le temps qui lui reste à vivre. Sur ces deux cycles, il doit avoir cette conscience vertueuse, c'est-à-dire avoir l’habitude du bien !

Le « ici et maintenant » et « l’au-delà » doivent entrer en résonance.

 

La notion de choix est la base de l’engagement maçonnique. Être dans une vérité vertueuse et solidaire, plutôt que dans une forme d’opportunité prédatrice est un axe valable.

 

Le choix personnel, lié à sa propre éthique, liée le cas échéant à « l’au-delà » de la vie, doit rejoindre l’intérêt de la communauté fondé sur la morale et la loi confrontées à une réalité triviale.

 

D'après les travaux des loges sur les thèmes : « Utilité sociale du franc-maçon », et « Le franc-maçon et l'animal », ainsi que les travaux de Jean François Pluviaud :  « Discours de la méthode maçonnique » éditions Véga

 

Eri\Rom\



[1]              Il faut différencer les trois premiers degrés des grades supérieurs qui suivant les obédiences et les rites, ont des objectifs différents, par leurs fondations et leurs natures, que ceux que nous exposons ici.

Partager cet article
Repost0
30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 00:00

L’ennéade traditionnelle des outils, et la gradualité

 

La franc-maçonnerie avec ses trois grades établit une progressivité dans l’acquisition des connaissances. Après les 4 épreuves purificatrices de l’initiation, l’apprenti apprend le métier de la taille de la pierre et pour cela il apprend le bon usage des outils. Traditionnellement c’est l’échelle (ou les marches) qui sert d’archétype à la progressivité de l’enseignement. Cette échelle est celle de la Scala philosophorum, échelle à neuf degrés représentant les neuf outils et instrument de la réalisation et de perfection de soi. Cette échelle ascendante et descendante est décrite par Robert Ambelain dans « La symbolique maçonnique des outils » et nous en faisons ici une interprétation adaptée à notre étude.

Notons qu’il existe différentes hiérarchies dans l’ordonnancement des outils. Suivant les rites et il est courant d’étudier le symbolisme des outils deux par deux du fait de leurs interactions et de leurs complémentarités. Ainsi on étudiera volontiers les couples maillet et ciseau, le niveau et la perpendiculaire, et bien sûr l’équerre et le compas.

 

 

 

Les 9 instruments-outils du maçon de tradition suivant la tradition hermétique-alchimique des rituels Ecossais. Le maçon est préalablement accoutré comme il se doit, d’un tablier et de gants, quel que soit le grade. Il est donc en situation de travail tant physique, psychologique et symbolique. Ceci constitue un préalable sans lequel l’usage d’outils et instruments perd toute valeur initiatique. N’oublions pas que le temple maçonnique est une "imago mundi", une reproduction symbolique de l’univers dans sa totalité tant microcosmique que macrocosmique. Cette double représentation fait de l’échelle ascendante et descendante un axe de progression que nous pourrions appeler « axis Mundi ». Ainsi, la loi des correspondances vient à s’appliquer naturellement et le monde macrocosmique devient agissant sur le monde microcosmique, et inversement. Ce double flux irrigue la totalité du système initiatique. L’idée reste de progresser sur soi pour rejoindre la totalité et l’universalité. L’action sur soi n’est donc pas sans effet sur l’univers et inversement.

 

Les instruments de l’apprenti sont :       

                                       1° Maillet

                                       2° Ciseau

                                       3° Levier

 

Les instruments du compagnon :    

                                       4° Perpendiculaire

                                       5° Niveau

                                       6° Equerre

 

 

Les instruments du maître maçon :

                                       7° Compas

                                       8° Règle

                                       9° Truelle

 

Cette ennéade est encadrée en sont point de départ par l’initiation dont le processus initial se caractérise par la vêture de l’oeuvrant (le tablier et les gants), qui va transformer la pierre brute, jusqu'à la polir en pierre cubique à pointe et se termine par la légende palingénésique d’Hiram, consistant au relèvement du maître intérieur. Notons enfin que les lois de correspondances se retrouvent interprétées non seulement dans le sens vertical macro- microcosme, mais aussi dans le sens horizontal purement microcosmique où sont données des équivalences entre les éléments, les couleurs, les sens, les vertus, les arts libéraux, les nombres, les planètes. Ces équivalences sont censées réinsérer l’être dans un ensemble d’interactions globales.

 

 

L’apprenti réalise la connaissance et la prise de conscience du Soi. C’est une renaissance à soi. L’apprenti s’identifie avec la pierre brute en phase de transformation par le travail.

Les vices de la pierre brute sont ceux de la nature profonde de l’apprenti.

 

Il s’agit donc d’inventorier ses propres vices. Ce sont les aspérités, défauts de la pierre, le tout constituant le Soi, et d’amener un processus de travail vertueux pour dégrossir, polir et rendre une forme carrée, puis cubique.

Les instruments permettent d’accomplir ce type de travail, à la fois d’investigation de l’esprit et de réalisation technique.

L’apprenti maçon observe, réfléchit, prend conscience des émotions, des passions, et de tout ce qui anime sa propre personnalité, sa propre conscience. À ce stade ce sont les pulsions primaires, propres à l’état évolutif de l’enfance qui déterminent irrévocablement le futur de sa personnalité, le caractère et les modalités comportementales.

Nos défauts découlent d’une énergie vitale déviée qui ne permet pas au Soi de se développer comme individu et d’interagir harmonieusement dans la société.

 

Ce sont les ressorts de la passion, des émotions et des impulsions primaires qui doivent être gérées, freinées, contrôlées et selon les cas modifiés. C’est dans ce cadre général que nous aborderons l’ennéade des outils.

 

Avant d’aborder la neuvaine, il faut en définir le socle.

 

Le tablier représente la vêture initiatique de l’apprenti. Le tablier est associé à l’élément Terre, qui indique aussi l’abîme ou la profondeur du cabinet de réflexion, grotte de laquelle en remontant, il prend conscience de sa corporalité.

Le tablier est associé à l’élément terre dont l’impétrant s’extrait avec cette retenue et cette crainte face à la lumière. En découlent l’avarice pour le vice et la prudence pour vertu.

On voit par cette association que le symbole est complexe, mais correspondance dans ses tenants et ses aboutissants.

Dans l’échelle philosophique, tout se tient et tout est cohérent.

 

L’apprenti utilise trois outils qui sont des aides pour sa progression :

 

-Le maillet symbole de la volonté agissante, emblématique du pouvoir et de l’intelligence, s’associe à l’élément eau, au vice de la gourmandise, et ayant pour vertu cardinale la tempérance.

 

-Le ciseau symbolisant le discernement dans l’action et l’efficacité, est associé à l’élément air, au vice de la luxure et pour vertu cardinale la justice.

 

-Le levier[1] symbole de l’effort dans la réalisation et donc de puissance, est associé à l’élément feu, au vice de la paresse et à la vertu cardinale de la force.

 

L’apprenti, en gravissant les trois premiers degrés de cette échelle à neuf barreaux, effectue paradoxalement une plongée dans se profondeurs secrètes qui sont ni plus ni moins les états élémentaires et inférieurs de l’être. Son état est prénatal, sa naissance se fera dans le monde de la matière. C’est donc la force, l’inconscient et l’instinct qui constituent son socle identitaire

 

Le compagnon travaille à l’inverse, sur une pierre déjà dégrossie par l’apprenti, débarrassée de ses aspérités disgracieuses et pourtant non finie. Nous ne sommes plus dans les profondeurs du soi, mais sur une horizontalité contemporaine. Cette horizontalité permet la rencontre et l’enrichissement de tous les compagnons évoluant sur le même plan. Il pratique la géométrie et l’art du trait, il connaît l’usage du niveau et du fil à plomb pour construire des murs.

Son objectif est d’obtenir une pierre parfaitement taillée, au volume régulier du cube. Ainsi la taille du compagnon met en valeur non seulement la surface dans sa finition, mais aussi son volume dans un élan ascensionnel. De l’horizontalité le compagnon passe à la verticalité. Cet élan ascensionnel de la troisième dimension est représenté par la pointe de la pierre cubique qui n’est autre qu’une pyramide surplombant un cube. L’ensemble réunit en son sommet la totalité du cube et de la pyramide soit du quaternaire[2] et du ternaire. Nous ne sommes plus dans les états inférieurs de l’être, mais dans le monde de l’âme qui donne le souffle à la vie.  Le compagnon se situe concrètement dans l’édification d’un mur du temple dont il est qu’une partie indispensable.

Si les vices de l’apprenti sont vitaux, ceux du compagnon sont des maladies de l’âme. Il doit les combattre, s’il veut atteindre son accomplissement ascensionnel. Ce sont des maladies qui avilissent et rongent la psyché, en amenant le compagnon sur la pente de l’abrutissement et de la violence envers lui et envers les autres.

Viennent en aide au compagnon les instruments suivants :

 

-Le niveau qui symbolise la sérénité dans l’application, mais aussi l’égalité, a pour vice l’envie et pour vertu de la charité.

 

-La perpendiculaire ou fil à plomb symbolise la profondeur dans l’observation, mais aussi l’équilibre, et à pour vice la colère et pour vertu l’espérance

 

-L’équerre qui est la rectitude dans l’action et la justice, à pour vice orgueil et pour vertu la foi.

 

Le compagnon s’exerce dans les trois dimensions de la matière. Il recherche la beauté de la taille et fait entrer le subconscient et le sentiment dans son travail. Dans l’exécution de la tâche, il est né à lui-même.

 

Le Maître travaille traditionnellement sur la planche à tracer, espace à 2 dimensions, sur laquelle il dessine et projette.  Il possède l’art de la géométrie et de la représentation en trois dimensions. Sa représentation devient conceptuelle. Il sait faire les calculs mathématiques, et passer d’une dimension à l’autre. C’est en ce sens qu’il connaît les grands mystères. Son monde est l’esprit, sa vision est globale. Il a seulement 3 instruments opératifs la règle et le compas, avec lesquels il peut tracer chaque type de ligne droite ou courbe et tracer des figures polygonales. Il sait utiliser la truelle, l’instrument de l’harmonie, de la perfection et de l’unification qui donne sens à l’ensemble bâti. C’est l’expression de sa sérénité et de sa bonne volonté, avec lesquels il maintient la paix et la sérénité de sa loge en aplanissant les divergences.

 

Les vices du maître sont dans la sphère de l’esprit. Il n’y a plus de point commun avec le compagnon, si ce n’est le symbolisme constructif. Ce qu’enseigne la légende du 3° grade concerne la régénération de la vie, de toutes les facultés physiques ou psychiques de l’initié, et plus particulièrement le relèvement du maître intérieur qui sommeille en nous.

 

 

Pour l’aider dans sa tâche, le Maître utilise les instruments suivants :

 

-La règle symbolise la régularité dans l’application et la rectitude, a pour vice l’aveuglement et pour vertu l’intelligence.

 

-Le compas symbolise la précision dans l’application, mesure dans la recherche de la vérité, a pour vice la folie et pour vertu la sagesse.

 

-La truelle symbolise la perfection, a pour vice l’erreur et pour vertu la réintégration c'est-à-dire la prise de conscience supérieure d’une complète totalité.

 

Les vices du maître sont ceux qui amènent à l'aliènement collectif, à l’extinction de la lumière intérieure de l’esprit : contre-initiation, aveuglement et folie. Ce sont les forces obscures qui créent le Maître Noir  illustré par l' Holocauste et à la folie nazi d’Hitler, les génocides perpétrés par Staline et par Pol Pot, le génocide arménien de la part des Turcs en 1910, aux explosions atomiques et des centaines d’autres terribles exemples. En plus petit aspect, mais non moins dangereux, ces vices engendrent des personnes dédiées à la suprématie, à la destruction, à la violence verbale, mentale et physique envers les autres. L’initié saura les détecter et se tenir à l’écart.

Pour conclure, le maître évolue dans le domaine de la sagesse en mariant conscience et raison. Il est sorti du travail de la matière, pour intégrer le domaine de l’esprit.

(…)

 

Extrait de la Planche commune franco-italienne « Lumière Ecossaise » à l’O\ D’Ollioules et «Acacia » à l’O\d’Asti. 

Eric R\ et Walter Mu\

 

 

 

 

 

[1]              Nombreux sont les rites qui réservent le maniement du levier au compagnon, il s'agit en effet d'un instrument de levage dont l'usage peut être destructeur. Son usage ou son mésusage est révélateur de l'état d'esprit du maçon. Il ne peut être mis entre les mains d'un apprenti débutant sans surveillant. Le bon usage du levier à la suite de l'action du Maillet et du Ciseau sur la pierre, ouvre la passage au grade de compagnon. C'est un instrument de transition et de translation.

[2]              Le quaternaire n’est qu’un développement du binaire.

Partager cet article
Repost0
25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 10:49

CRANE.JPGLe crâne du franc-maçon

 

…ou ma rencontre avec Adam, premier opératif portant un tablier, forcé de gagner sa vie à la sueur de son front

 

Le crâne est présent dans le cabinet de réflexion[1], il assiste silencieux à la rédaction de notre testament philosophique. Il est témoin de notre entrée dans les petits mystères. Nous le retrouvons plus tard au tableau de loge du Maître en tant qu’acteur de notre exaltation aux grands mystères. Nous tenterons une approche qui lie le symbolisme du crâne dans l’ésotérisme chrétien à sa perception maçonnique.

 

Pourquoi lier les deux ? Simplement parce que l’ésotérisme chrétien a toujours dépassé la dimension religieuse pour toucher aux racines de la tradition première.

Nombre de manuscrits maçonniques font une référence expresse au crâne appelé « boîte d’os ».

 

Le symbole prend toute son épaisseur lorsque vers les années 1735 s’installe dans les rituels de loge, le grade de Maître. La greffe est liée à la légende d’Hiram et au mystère de la triple voie. Le mot nouveau, objet de la quête, est prononcé de manière aussi décomposée que le corps de l’intéressé.

A cette relation triangulaire dans la découverte de la parole perdue s’ajoute bien évidemment la résurrection des corps qui passe précisément par le médium des restes humains, laissant entendre que les os avaient des potentialités latérales occultes.

 

Le crâne est le symbole des symboles par excellence, cette raison devrait suffire à son étude.

Chacun peut constater que c'est la partie impérissable du corps. Un a priori se greffe alors sur le paradoxe de la mort et de la « survie » du crâne. Le terme survie est choisi précisément s’agissant d’un état qui dépasse le cycle de la vie et qui déborde sur le cycle de la mort. Le crâne en particulier et l’os en général sont des médiums physiques et mentaux de la vie et de la mort voire même de la résurrection. Il sert de support aux trois états correspondants aux trois royaumes : celui des vivants, celui des morts et le paradis.

Le crâne se trouve au sommet du squelette et plus précisément de l’axe formé par la colonne vertébrale. On considère qu’il est le siège de l'âme, tout comme la grotte, la caverne et le cairn sont des demeures de l'Esprit. Le crâne est donc avec le cœur un réceptacle de vie, mais il symbolise aussi la mort physique, étape par laquelle il faut passer pour renaître à un niveau spirituel supérieur.

L’image du crâne inonde l’infra conscience de chacun et il suppose l’idée de finitude de la vie et la naissance du destin. Plus qu’un symbole c’est un verdict auquel chacun tente de se soustraire. Fuite aussi inutile que futile, car ce rappel à la fin des corps de chair introduit la survie de l’esprit. La futilité de la fuite n’implique pas la futilité de la vie.

 

Entre le corps et l’esprit se situe l’âme, idée aussi incertaine et faible que l’esprit survivrait au corps.

Cette tripartition chrétienne pose le problème des résidus humains survivants au décès clinique. Ce problème est parfaitement illustré par la grande épopée des reliques qui marqua aussi bien le christianisme que le bouddhisme. On peut légitimement s’interroger sur les fondements d’une telle tradition.

 

Le rattachement à la tradition des reliques de chacune des doctrines poursuit à mon avis deux objectifs. Le devoir de mémoire et le principe résurrectionnel.

 

Le devoir de mémoire[2] bien connu de francs-maçons implique l’attachement à l’objet en général et aux restes humains en particulier. Saint-Thomas-d'Aquin dit « les objets n’ont de valeur que s’ils conduisent au Christ », « inquantum ducunt ad christum. ».

La résurrection des corps fut l’innovation d’un christianisme conquérant. Poursuivre le chemin en esprit diffère de l’idée de renaître au jour du jugement dernier. Être proche d’une relique d’un saint ou la posséder dans son église assura au culte chrétien notamment, une fréquentation et une abnégation des fidèles. Les reliques sont le fonds de commerce de l’église du Moyen-Âge et particulièrement de l’époque gothique. Nombre de constructions furent financées par le commerce des reliques ou leur mise en valeur en exposition payante auprès des fidèles. Le mercantilisme lié aux reliques développa l’attrait du résidu osseux auprès des croyants et fut l’assise matérielle de l’autorité spirituelle des évêques et du Pape face au pouvoir temporel des rois. Être roi de droit divin imposait que l’on consacrât ces derniers en présence du Pape et des reliques. L’abbaye de Saint-Denis est le témoignage irréfragable de la lignée des reliques.

En ce lieu sont enterrés 153 rois et reines de France dans la lignée mérovingienne, carolingienne, capétienne et des Bourbons. Ils venaient se faire remettre les attributs de leurs pouvoirs temporels par le légat du Pape, soit la couronne et la pourpre, en présence des ancêtres et de la Sainte Ampoule[3].

 RELIQUE.JPG

 

L’objet devient sacré et se chargeait naturellement de la force mentale et psychique de ses admirateurs. Qu’elle fût authentique ou pas, elle devient ce que les prières et incantations voulaient qu’elle fût. C’est ainsi que les objets ou les lieux se chargent des flux spirituels qui les caractérisent. Ces « chargements » portent sur l’objet d’orfèvrerie (le reliquaire), le reste humain (l’os fragmenté, cheveux, ongles) et le lieu (l’église ou la cathédrale). Ils se conjuguent pour devenir puissance agissante dans la vie du croyant.

Les trois phénomènes conjugués du résidu humain du saint, de la représentation précieuse du reliquaire et du tellurisme du lieu, amplifient le pouvoir de transport et de communication dans les mondes intermédiaires.

Il s’agit bien d’intermédiation entre l’homme et le divin. Au même titre que les anges sont messagers divins, les reliques en appellent au défunt, comme si la mort ne l’avait pas complètement atteint et qu’il pouvait encore intercéder pour nous. Le défunt par ses reliques se trouvait à cheval sur la frontière de la vie et de la mort.

La médiation était le but premier de la vénération des reliques. Face à cette valeur sacrée de la relique officielle, demeure le reste osseux de proximité immédiate qui par son caractère anonyme est fuie comme on fui la mort qu’il représente. Celui-ci n’est pas mis en valeur, il est caché dans les replis de la terre. Hormis certaines professions on se garde bien de fréquenter des ossements.

Le rappel à la mort des ossements justifie leurs présences dans le cabinet de réflexion. Tout ce qui est vivant sur terre finit par mourir sans complètement disparaître. Par le jeu de la putréfaction reste le squelette qui finit par blanchir. Sans crémation le corps laisse une trace bien identifiable. D’instinct on s’interroge sur notre propre fin dont on peut juger de l’esthétique.

C’est tout l’art des « memento mori » ou cabinet de vanité que de rappeler cette échéance. Le christianisme auto flagellant met en avant la tripartition du monde avec le paradis, l'enfer, et la terre. Derrière le thème de la chute se profile le salut de l'âme. Ce système amène la mort au premier plan des préoccupations.

Dans ce contexte, un but moralisateur chrétien s’impose à l’opposé aux thèmes grecs et romains. « Souviens-toi que tu mourras », la phrase était répétée par un esclave au général romain lors de la cérémonie du triomphe dans les rues de Rome.

Debout derrière le général victorieux, un serviteur devait lui rappeler que, malgré son succès d'aujourd'hui, le lendemain serait un autre jour. Le serviteur le faisait en répétant au général qu'il devait se souvenir qu'il était mortel, c'est-à-dire « Memento mori »[4]. Une destinée glorieuse n’efface pas la mort. Les Grecs face à la mort avaient imaginé le thème du « carpe diem ». D’après Horace, cette mort devait nous inciter à vivre pleinement : « Maintenant il faut boire, maintenant il faut frapper la terre d'un pied léger ».

S’il existait une vie éternelle après la mort, il fallait en profiter maintenant parce qu'il n'y aura dans ce monde futur ni boisson ni danse.

Vivre le temps présent dans l’oubli de l’au-delà ou vivre l’au-delà dans le temps présent ?

 C’est toute la question qui oppose la philosophie grecque au point de vue doctrinaire de l’église. La franc-maçonnerie comme les mythes d’Eleusis[5] autrefois, réussit l’exploit de lier les deux approches dans le grand cycle de la vie et de la mort, tout ce qui périt finit par renaître (symbole de la faux et du blé, mais aussi du sablier.)

L’homme ne se résout pas à sa fin, non pas par manque de sagesse, mais parce qu’il imagine qu’il subsiste quelque chose d’irréductible dans ses derniers restes. Il enterre ses défunts et prévoit ce qu’il faut pour sa nouvelle vie, une épée, des bijoux, des vivres une barque solaire, etc. Il va jusqu'à ériger des pyramides, un tertre, un cairn pour l’honorer et le protéger. Le corps décédé conserve, via sa part irréductible qui est le crâne, une potentialité d’existence dans un état autre, différent et invisible. Cette invisibilité aux vivants se traduit par l’enterrement ou la mise en caverne. Cette dissimulation est à la fois un retour à la matrice, mais surtout la version terrestre de la montagne céleste. Les monts sacrés sont des lieux de contacts et de médiations avec le céleste, la cavité souterraine[6] est le même symbole dans un ordre inférieur. Ainsi céleste, terrestre, et subterrestre sont pris dans un même axe-chemin : L’Axis Mundi.

C’est dans l’os, dernier témoignage de son passage sur terre que ce situe la part résiduelle de l’être. Ainsi l’os est d’une nature autre qu’un simple amas calcifié. La porosité moléculaire du tissu osseux et le pouvoir de représentation mentale qu’il déclenche suggèrent que le reste humain est habité par une forme indéfinissable de présence, entité dégénérée et errante de l’âme ou de l’esprit humain. Face à l’os et plus précisément face au crâne et ses orbites énigmatiques, une présence se dessine…

Quant il est dit « la chair quitte les os » dans la légende d’Hiram ou que le cadavre « pue » ou « commence à sentir », il me semble qu’allusion est faite à la présence d’entité liée à l’os. Ainsi il n’est pas complètement mort, il reste quelque chose de lui qui est d’une nature différente de la chair agissante. Des restes s’exhale quelque chose qui met en éveil nos cinq sens et plus particulièrement notre instinct. Il est possible aussi de faire le rapprochement avec le principe alchimique du solve et coagula, soit la dissolution des chairs pour une nouvelle recomposition de ses éléments[7]. Il y aurait ainsi une purification par la terre, du moins pour notre Hiram. C’est l’œuvre au noir,[8] la matière prend la couleur et l’apparence de la Mort. Les restes osseux sont le précipité de l’être. L’enterrement de l’impétrant dans les replis de la terre est l’accomplissement de son « Œuvre au Noir ». Là, hors du temps, il doit se « morfondre », c'est-à-dire se fondre et se dissoudre dans la mort.

Face au principe de la décomposition organique, il existe une autre tradition qui s’appuie non pas sur l’élément terre, mais sur l’élément feu. L’incinération du corps et la calcination étaient supposées purifier le corps et libérer l’âme qui repart vers sa source lumineuse. Le « Caput mortem » est bien signifiant et rayonnant dans le cabinet de réflexion. Il contenait le cerveau, donc la vie s’y cachait. Purifié, ce crâne rectifié-purifié par l’Oeuvre, mérite d’être calciné. Le crâne et la cendre représentent une seule et même matière, à deux stades de son élaboration. Le Livre de la Toison d’or nous annonce le processus : 

 

« Notre corps deviendra premièrement cendre puis sel et après par ses diverses opérations devient enfin le Mercure philosophale, c’est-à-dire, que le métal doit être calciné, réduit en sel et enfin travaillé en sorte qu’on en fasse le mercure philosophal. ».

 

 

 La légende d’Hiram suivant les rites, propose le transfert de l’esprit d’un corps à l’autre ou du moins l’évocation de la poursuite de l’œuvre inspirée par l’idée du relèvement du maître devenu Hiram. Ce qui est retrouvé dans le reste d’un cadavre c’est une parole qui à défaut d’être prononcée par le décédé peut être qu’épelé par trois frères. L’absence de prononciation en une seule fois n’implique pas la méconnaissance du mot. Simplement il ne peut être prononcé dans ce monde, il appartient à un autre état, supérieur c’est certain. Cette différence d’état de l’existence est validée en franc-maçonnerie par le fait d’épeler, par lettres ou par syllabes.

Donc l’état du corps et le langage pratiqué suggèrent la présence d’un autre état de l’existence.

Le témoignage de cet état réside dans l’os et plus précisément dans le crâne. La médiation entre deux mondes est donc plus que soulignée par le relèvement du maître, fut-il intérieur. De l’horizontalité qui est le domaine des petits mystères, on passe à la verticalité axiale. C’est aussi le passage de la porte basse à la porte étroite. Ce maître squelette est le témoignage d’un autre soi dans une dimension différente et sans chair. C’est l’apanage des grands mystères de mettre en avant la superposition des niveaux d’existence par les différences d’états, de signes ou de langages. C’est une chance que la franc-maçonnerie de tradition ait conservé la mémoire des portes d’accès grâce à l’interprétation symbolique.

 

Le crâne a ceci de particulier qu’il diffère des autres ossements par la forme et sa fonction.

 

C’est avant tout une boite. Une boite d’os pour les anciens francs-maçons dans laquelle était dissimulée une clef, la clef de la loge, autrement dit la clef du temple de Salomon, donnant l’accès au Saint et la vision du Saint des Saints. Ce lieu dissimulé au regard profane, conduit aux vérités supérieures.

 

Il convient donc de poursuivre notre recherche dans les manuscrits anciens des loges opératives d’Angleterre et d’Écosse à une époque où l’hégémonie de la Grande Loge de Londres puis d’Angleterre n’avait pas encore épuré les précieux fonds archaïques et primitifs de nos rites maçonniques.

La relation au Crâne et à l’os est faite constamment avec l’arrivée du mot de maçon à l’issue des statuts de Schaw[9] de 1599.

 

Il est intéressant de constater que déjà certaines loges accueillent des maçons acceptés en leur sein. Ces maçons acceptés sont fort utiles pour la survie des loges, mais ils sont pour la plupart plutôt cultivés et sensibilisés au rosicrucianisme[10] et à l’hermétisme alchimique. C’est d’ailleurs une grande mode dans les cours européennes que de s’intéresser à cet ésotérisme. Il ne sera pas étonnant de retrouver dans les manuscrits maçonniques de l’époque, des traces de leurs apports.

 

A la lecture des manuscrits, on constate que le crâne est associé au secret contenu dans une boîte dont il faut trouver la clef. Cette clef, finalement semble n’être ni d’or ni d’argent, symboles respectifs de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel, mais d’ivoire. L’ivoire ou la corne a toujours été considéré comme une matière semi-précieuse et hautement symbolique.

Cette matière n’est rien d’autre qu’une référence à une excroissance de l’os dont on connaît les pouvoirs depuis la nuit des temps.

L’ivoire est tiré des dents et des cornes ou défenses. Les cornes sont une excroissance de l'os frontal des cervidés, elles sont ramifiées et évoquent les branches des arbres et finalement la couronne d’un roi.

Cette couronne fait le lien entre le ciel et la terre, avec l’homme roi couronné[11] pour médiateur. La clef d’ivoire ouvre cette médiation axiale à partir du crâne.

 Support « latéral » d’une réalité qui dépasse l’apparence d’une vie profane, puissance rayonnante du résidu humain, condensé ou même précipité du corps de l’âme et l’esprit, support de résurrection future, le crâne représente les forces occultes qui soutendent l’action de l’homme sur son destin.

 

La clef seule ouvre la loge et la loge ou le temple est apparenté au crâne cavité-caverne et boite à secrets. Nous rejoignons ainsi la légende grecque de la boite de pandore, qui une fois ouverte fait échapper les esprits maléfiques qui rendront l’homme à sa jalousie et à son envie.

 

Nous citons 5 manuscrits anciens qui font apparaître une relation entre la boite d’os, la clef-langue et le cœur.

 

 

 

 

 

 

 

Le manuscrit des archives d'ÉDIMBOURG (1696)

Q. 13 : Où trouverai-je la clef de votre loge ?

R : A trois pieds et demi de la porte de la loge, sous un parpaing et une motte verte. Mais sous le repli de mon foie, là où gisent tous les secrets de mon coeur.

 Q. 14 : Qu'est la clé de votre loge ?

R : Une langue bien pendue.

 Q. 15 : Où se trouve la clef ?

R : Dans la boîte d'os.

Le Manuscrit CHETWODE CRAWLEY (1700)

 Q. 13 : Où trouverai-je la clef de votre loge ?

R : A trois pieds et demi de la (porte de la) (3) loge, sous le parpaing et une motte verte.

Q. 14 : Qu'entendez-vous par un parpaing et (une) motte verte ?

R :   J'entends non seulement sous un parpaing et (une) motte verte, mais sous le repli de mon foie là où gisent cachés tous les secrets de mon cœur.

Q. 15 : Qu'est la clef de votre loge ?

R :   Une langue bien pendue.

Q. 16 : Où se trouve la clef de votre loge ?

R :   Dans la boîte d'os.

 

Le manuscrit DUMPHRIES : 1710

Q : 10. Où repose la clef de votre loge ?

R : Dans une boîte d'os recouverte d'un poil hérissé.

Q : 11. Donnez les caractéristiques de votre boîte.

R : Ma tête est la boîte, mes dents sont les os, mes cheveux sont le poil, ma langue est la clef.

Le manuscrit DE TRINITY COLLEGE 1711

Q : Où gardez-vous la clef de la loge ?

R : Dans une boîte d'os, à un pied et demi de la porte de la loge.

Q : Quelle distance y a-t-il du câble à l'ancre ?

R : Autant que de la langue au coeur.

Le manuscrit WILKINSON 1727

Q : Où gardez-vous vos secrets en tant que Maçon ?

R : Dans une boîte d'os qui ne s'ouvre ni ne se ferme sans clef d'ivoire ; neuf pouces ou une boucle à ma bouche (la clef d'ivoire est pendue par un câble de neuf pouces ou une boucle. Ce câble ou boucle est la langue.)

 

Nous conclurons que si la langue est la clef, alors la prononciation du mot est la connaissance. Encore faut-il que la connaissance puisse investir la boite crânienne pour en ressortir en mot prononcé, mais d’après notre tradition, la clef du langage de la connaissance passe par le cœur[12].

Le Crâne est le lieu de conjonction et d’embouteillage des cinq sens. Nous constaterons que cette boite est certes reliée à l’extérieur, mais reste hermétique et sombre lorsque l’on se place à l’intérieur. Nous touchons alors à la limite étriquée d’une boite protectrice chargée d’interpréter le monde et d’accumuler du savoir dans le cadre de la survie. Le cœur heureusement se chargeant de la vie, élabore la connaissance qui donne une vision fulgurante d’un tout.

 

Toute la question ésotérique sera de démontrer que le cœur et le crâne vont pouvoir se rejoindre dans une unité de langage[13]. (...)

 

  (...)

Il nous faut maintenant détailler cette boite d’os et rechercher dans la qualification de ses parties constitutives, des analogies symboliques avec la tradition maçonnique.

 

  CRANE2.JPG

 

 

Topographie symbolique du crâne :

 

 

La boîte crânienne (ou neurocrâne) comprend deux parties constitutives d’un monde en soi. (Nous utilisons la documentation éd Wp Mars 2011, pour adosser nos commentaires symboliques.) :

 

La voûte crânienne (ou calvaria qui à la même racine que le calvaire sur lequel le Christ fut mis en croix et crucifié) formée de plaques osseuses telles des continents, soudées entre elles par des sutures interdigitées extrêmement solides. La voûte qu'elle fût étoilée comme dans une loge maçonnique ou le tombeau d’un pharaon représente le ciel face au plancher du crâne.

 A la naissance, les os de la calvaria sont séparés par les fontanelles, qui permettent la croissance de la boîte crânienne. Certains y voient une image de la porte étroite, comparée au chakra coronal, c'est-à-dire la fontanelle des bébés, par laquelle la conscience (purifiée après tout le trajet de la colonne vertébrale et l'éveil des divers nœuds d'énergie qu'elle supporte) s'échappe au moment de la mort physique.

 
 On notera que c’est sur cette fontanelle que nombre de cérémonies maçonniques imposent l’apposition de l’épée flamboyante en vue de la transmission.
La fontanelle est rouverte l’instant d’un éclair par l’épée rayon[14].

Elle devient clef de voûte et pierre du dôme, lieu du croisement de l’épée sur la tête. C’est aussi un chakra axial qui fait le lien entre la terre et le ciel. Il est intéressant de souligner que la voûte protectrice des regards profanes est présente dans certains grades supérieurs. Dans les légendes européennes et asiatiques, le crâne humain est un homologue de la voûte céleste. Il est une caverne en miniature qui, elle-même, est une représentation en miniature du Ciel.

Comme le cerveau, schématiquement la voûte comprend quatre parties ou pôles, nous sommes donc dans une quadripartition polaire qui nous relie à l’anthropomorphisme cosmogonique. C’est une image du monde que le crâne nous propose. Quatre zones significatives sont à retenir : la zone frontale, à l'avant (formée des os frontaux, ethmoïdes, sphénoïde et percé de cavités pneumatiques creuses : les sinus) ; le pariétal droit et gauche, latéralement (os pariétal et temporal) formant les tempes, zones les plus fragiles de cette boîte ; l'occipital à l'arrière (os occipital).

Le plancher (ou base du crâne), formé de trois fosses crâniennes, il est à noter que Hiram au REP se trouve dans la fosse-cavité, il reste donc deux autres fosses pour Hiram de Tyr et Salomon, correspondantes aux trois montagnes sacrées ou sont enterrés ces trois sages. Ainsi la voie ascendante est balisée tant pour les profanes par la montagne que pour les initiés par la fosse :

 

 

Vue endocrânienne du plancher d'un crâne humain avec les trois fosses.

o      La fosse crânienne antérieure,

o      La fosse crânienne moyenne,

o      La fosse crânienne postérieure.

Le plancher est donc limité par l'os occipital en arrière et la partie supraorbitaire de l'os frontal en avant. Il est percé de trous laissant passer les différents éléments innervant ou permettant la circulation sanguine à l’intérieur du crâne. On retrouve selon un axe antéro-postérieur ces nerfs qui sont les liens informatifs avec le milieu extérieur. Cela veut dire que le cerveau seul et non relié à l’extérieur est aussi aveugle que les protagonistes de la caverne socratique. Inversement l’ensemble des informations qui sont captées par les nerfs et les sens, est déformé par les filtres qu’ils sont obligatoirement devenus. Les sens se déversent dans une cavité à perception limitée, car aucune boite à os ne peut avoir une vision globale du tout.

Passent ainsi, le 1er nerf crânien, le canal optique, les nerfs oculomoteurs, le nerf maxillaire, le nerf mandibulaire, l'artère méningée moyenne, les nerfs faciaux, la veine jugulaire interne et par le trou occipital, en continuité avec la colonne vertébrale représentative de l’axis Mundi, pars lequel passe la moelle allongée et les deux artères vertébrales, etc. Le massif facial est formé de 14 os qui identifient socialement l’individu. Le visage est cette partie que l’on masque lorsque l’on ne veut pas être reconnu, c’est aussi cette partie qu’on maquille pour jouer un rôle dans certains théâtres d’ombre et de lumière… Janus nous a appris que l’on peut avoir deux visages.

Le masque, grec ou latin est, plus encore que le costume, un procédé de caractérisation du personnage. 
Il permet d'identifier, d'entrée de jeu, le héros antique et de nos jours le personnage joué par l’individu.

Ici le moi et l’en soi, l’individu et la personnalité se retrouvent à nu, débarrassés de leurs tissus, et pourtant par leurs intitulés ils expriment les sentiments et les besoins du vivant. Ils sont l’expression même du vivant. La plupart des os du visage sont pairs : Os lacrymaux (pleurer), zygomatiques (rire), nasaux (respirer), maxillaires (goûter se nourrir), et d'autres sont uniques : Vomer, Mandibule (parler)

Face à ce descriptif détaillé, nous constatons que le Crâne est un monde en soi, avec sa géographie propre et ses continents. Il en est de même du cerveau qu’il contenait.

Le crâne-caverne dans lequel se projettent les ombres portées par les nerfs de nos sens trompe notre jugement et nous incite à agir sous de fausses informations. Ce que doit faire le franc-maçon c’est de tenter d’agir dans le monde autrement, avec l’intelligence du cœur. Sauf à rouvrir définitivement cette fontanelle soudée par l’âge et la perte de l’innocence[15], il me semble utile de réserver au vase du cœur et à ses pulsations, la décision instinctive qui contribue à la conversion du regard. Le crâne symbolise le temps destructeur et la vanité de tout attachement humain aux choses périssables. Il peut être également l'attribut de la mélancolie ou connoter la repentance, la méditation et la préparation à la mort (Memento mori). Mais le crâne figure aussi aux pieds de Jésus mort sur sa croix. C'est en référence au péché initial qu'il aurait racheté par sa crucifixion suivant la tradition chrétienne. Ce péché est celui d'Adam.

La boucle est bouclée. CRANE-GOLGOTHA.JPG

 

C’est ici le point crucial de notre démonstration. La crucifixion du christ pour racheter le péché des hommes et en premier lieu celui d’Adam qui a fauté se déroule sur le Golgotha[16] qui se traduit littéralement par le mont du crâne. L’iconographie religieuse du Moyen-âge et de la Renaissance représente abondamment la scène de la crucifixion avec au pied de la croix le crâne d’Adam.

Cette triple conjonction du crâne porteur de la mémoire fautive d’Adam, du sacrifice du Christ pour le rachat et enfin du Golgotha grotte et montagne, trouve son lien naturel dans le sang qui s’écoule du flanc du christ dans la boite crânienne d’Adam. Ainsi, le sang de Jésus en croix, Nouvel Adam, a pu s’écouler sur le crâne du premier Adam. Cette boite d’os devient alors un calice. Nous savons que la coupe et le calice sont associés par leur forme de triangle descendant, au cœur. Alors est-il possible que le crâne se représente comme le triangle montant[17] ?

Le versement du sang dans ou sur le crâne d’Adam consacre cette superposition de l’un à l’autre, comme les deux triangles superposés et entrelacés du sceau de Salomon. Le centre des deux triangles cerveau et cœur, répond à l’axe du bois de la croix plantée au Golgotha à l’aplomb de la voûte protégeant le crâne. Les deux axes de la croix et de la lance ne feront qu’un. Le percement du flanc et donc symboliquement du cœur du Christ par la lance[18] du légionnaire Longinus[19] vaut pour symétrie symbolique le dernier coup[20] asséné su la fontanelle de Hiram par le troisième des mauvais compagnons. D’ailleurs la terre du tertre du Golgotha se fendit au moment de la crucifixion ramenant l’idée de la réouverture de la fontanelle du crâne d’Adam.

Les coups ainsi portés, frappent simultanément le centre commun aux deux triangles inversés, la tête et le cœur. Ainsi est résolu le rachat du péché originel qui a fait perdre à l’homme l’âge d’Or de l’humanité. Cette relation triangulaire de cause à effets inverse la représentation du crâne d’Adam. Il n’est plus l’expression d’un reste de culpabilité occulte, mais plutôt un signe palpitant d’espoir dans la recomposition[21] des événements, cette fois-ci dans un sens cyclique heureux, ce qui correspond à la signification profonde du sceau de Salomon qui contient un cœur battant au rythme des grands cycles.

Ainsi le crâne du cabinet de réflexion n’est autre que celui du premier homme qui côtoya Dieu au point d’en perdre la proximité. C’est aussi le nôtre. Il est à la fois porteur de la faute originelle, ce qui nous en éloigne instinctivement, mais il reçut le pardon par le sang versé, ce qui nous en rapproche. À notre niveau s’exprime, enfouie dans les profondeurs de notre infra conscience, le souvenir de ces deux instants du cycle. Comme les mouvements d’un cycle, d’instinct nous nous éloignons des restes osseux et du crâne particulièrement, puis fascinés par ce qu’il signifie, nous nous en rapprochons pour n’être que lui. La clef qui ouvre le passage est en lui, mais c’est le cœur qui œuvre…

Eri\Rom\



[1]           Selon Robert Ambelain pour le REP « Cette Chambre de réflexion sera tendue de Noir et éclairée par une seule lumière rendant une faible clarté. Il y aura quelques ossements et d’autres objets susceptibles d’inspirer de la frayeur au Candidat, un crâne et un poignard disposés sur une petite nappe noire feront l’affaire, placés devant la bougie allumée. »

 

[2]              Présent dans le Régius 1399 et le Cook 1410, il fut réaffirmé par les statuts de Schaw en 1598-99.

[3]              La sainte ampoule, tout comme les restes des rois précédents sont considérés comme grandes reliques. Conservée à Reims, elle contient une huile miraculeuse qui, selon la légende, aurait été apportée par une colombe descendue du ciel le jour du baptême de Clovis par l'évêque remis. Elle est donc liée aux restes de Clovis. L'onction, faite au cours de la cérémonie avec cette huile miraculeuse, donne un très grand prestige. Le roi est oint en sept endroits différents du corps : sur le haut de la tête, la poitrine, entre les deux épaules, l'épaule droite, l'épaule gauche, la jointure du bras droit puis du bras gauche ; puis, après s'être revêtu, sur les paumes des mains. Par cette onction, le roi est roi « par la grâce de Dieu » : Dieu l'a choisi. Ed Wp Mars 2011

 

[4]              Voir ref WP Juin 2011.

[5]              Dans la religion grecque antique, les mystères d’Éleusis (en grec : λευσίνια Μυστήρια) faisaient partie d'un culte à mystères, de nature ésotérique. L'aspect principal de ce culte se construisait autour de la culture du blé et le cycle vie entreposage sémio renaissance des cultures. La première partie du rituel des grands mystères débutait par une procession durant laquelle on transportait des reliques sacrées (les hiéro) jusqu’à Athènes pour les placer dans l’Éleusinion, un sanctuaire à la base de l’Acropole.

[6]              Chacun des trois mondes est doté d’un plancher et d’une voûte. Il est fait référence dans toutes les traditions à cette notion de voûte dont le crâne porte témoignage. La voûte dissimule au regard profane la vision du sacré qui ne peut être découverte que par l’initié. Seul l’initié peut voir et découvrir au-delà de son monde des vérités qui seront réalités dans un cycle prochain.

[7]              L’alchimie spirituelle fait état des trois œuvres successives : la naissance, la vie et la passion ou l’exaltation dans le feu et par la suite, la mort dans la couleur noire et ténébreuse ; enfin la résurrection et la vie dans la couleur rouge la plus parfaite.

[8]              Le terme œuvre au noir désigne en alchimie l’une des trois phases dont l'accomplissement est nécessaire pour achever le magnum opus. En effet, selon la tradition, l'alchimiste doit successivement mener à bien l'œuvre au noir, au blanc, et enfin au rouge afin de pouvoir accomplir la transmutation du plomb en or, d'obtenir la pierre philosophale ou de produire la panacée.

[9]              Les « Statuts Schaw »proposent à l’échelon de tout le royaume d’Écosse - au sein de ces loges d’un type nouveau, un mode interne d’organisation hiérarchique et fonctionnelle à trois niveaux (un Surveillant ou Maître de Loge, des Compagnons ou Maîtres, des Apprentis-Entrés). Ce mode d’organisation est différent de celui des Guildes, comportant notamment des formes particulières de progression - peut-être même déjà présentes dès l’admission, formes à caractères secrets, initiatiques, centrés sur la transmission du « mot de maçon » - ouvrant sur des enseignements plus ésotériques.

 

[10]            La Rose-Croix est un ordre hermétiste chrétien légendaire, dont les premières mentions remontent au début du XVIIe siècle en Allemagne. L'existence de l'ordre, et celle de son fondateur Christian Rosenkreutz sont sujettes à controverse.

 

[11]         D'après le Bahir, « la première Sephira est appelée Kether, la couronne, parce que une couronne se porte sur la tête. La couronne fait ainsi référence aux choses qui sont au-delà de ce que l'esprit a la capacité de comprendre. » ed Wp mars 2011.

 

[12]             Si le savoir ne peut s’agréger à la connaissance, le « savoir par cœur » est le plancher et la voûte la connaissance. Cette évidence initiatique bien connue de nos aînés est la base de la transmission traditionnelle qu’on appelle en franc-maçonnerie le devoir de mémoire. Ce qu’on reçoit, on le doit. Ce principe est illustré dans la chaîne d’union avec une main qui reçoit paume vers le haut et une main qui donne, paume vers le bas.

[13]             Rappelons que le langage du cœur est celui des « fidèles d’amour », et du fameux langage des oiseaux.

[14]             L’image de l’épée associée à la voûte crânienne se retrouve dans la cérémonie de la voûte d’acier, qui honore et alerte les maçons de la venue dans le temple d’un Frère dont le niveau de connaissance initiatique est remarquable, généralement attesté par un grade, une charge, une fonction correspondant. La voûte d’acier est jointive est poreuse, comme la fontanelle du frère entrant, à laquelle elle se superpose.

[15]             Au plan symbolique la fontanelle d’Adam s’est-elle refermée lorsqu’il fut chassé du jardin d’éden ?

[16]             « Arrivés au lieu dit Golgotha, c’est-à-dire lieu du Crâne… » (Mathieu 27,33)
 « Et ils amenèrent Jésus au lieu dit du Golgotha, ce qui signifie lieu du Crâne… » (Marc 22) ;
« Arrivés au lieu dit du Crâne… » (Luc 23, 33)
 « … pour aller au lieu dit du Crâne, en hébreu Golgotha » (Jean 18,17b).
 Le nom « Golgotha » est la transcription du mot araméen Goulgotha, « lieu du Crâne », en latin « Calvaria, », d’où le nom habituel « Calvaire »

[17]             Le Kether séphirotique semble le confirmer.

[18]             Symboliquement la lance est l’axis Mundi qui traverse le sceau de Salomon, c’est la voie montante qui rencontre le triangle descendu sur terre.

[19]            Selon la bible, alors que Jésus et les deux voleurs étaient crucifiés sur leurs croix, les chefs juifs demandèrent à Pilate de casser les jambes des condamnés pour accélérer leur décès. Les soldats romains cassèrent les jambes des deux voleurs, mais Jésus lui semblait mort. Voulant s'en assurer, un centurion Longinus transperça le flanc de Jésus avec sa lance, réalisant la prophétie de l'Ancien Testament. Il était écrit que le messie n'aurait pas d'os cassé, mais que son sang coulerait. Cet acte fut connu comme étant une preuve de plus que Jésus de Nazareth était réellement le messie annoncé par l'Ancien Testament, le fils de Dieu.

 

[20]             Habituellement, il s’agit d’un outil ou instrument qui appartint au domaine terrestre, les trois frappes s’assimilent au triangle. Pour l’exactitude symbolique, il s’adresse à la tête par la règle détournée de son sens supérieur, le marteau et non pas le maillet qu’ils ne peuvent tenir, le levier dans son usage destructeur.

[21]             Il est entendu que cette recomposition via la purification de la dissolution est à entendre au sens alchimique de la coagula pour la résurrection des corps.

Partager cet article
Repost0
27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 19:00

Développement cosmogonique du centre

  13.jpg

Nous avons développé dans un précédent article, l’idée que le centre est synonyme de point primordial, c'est-à-dire à l’origine du tout. Ce dernier est considéré, au plan métaphysique, comme sans parties, non manifesté et immuable. Ceci explique sa puissance sans limites.

Seule une volonté supérieure peut en déterminer une expression limitée.

Cette volonté se traduit au niveau de la représentation par un rayon, ou un nombre indéfini de rayons, qui peuvent varier, ainsi que les cercles qui en découlent. On peut en déduire que le rayon produit et mesure le monde ainsi manifesté. Il est traditionnellement conçu comme l’expression de la puissance céleste, ce qui explique sa présence dans les loges maçonniques par l'entremise de l’épée flamboyante. Cette « épée rayon » transmet la lumière primordiale sur les colonnes et la loge qui devient une image du microcosme et du macrocosme (Imago Mundi).

 

Cette volonté ainsi exprimée est sans influence sur le point d’origine qui contient toutes les expressions potentielles de manière invariable. Au plan maçonnique, ce point primordial ou principiel peut être analysé comme la porte étroite.

Au niveau de la représentation tant graphique que mentale, il faut souligner que par nature, la représentation en deux dimensions minore la puissance illimitée du centre.

Cette minoration est nécessaire pour les compagnons traceurs que nous sommes, car elle génère toutes les figures géométriques qui produisent un sens dans un monde manifesté. (Mandorles, rosaces, quadratures, représentations tri unitaires et axiales, etc.). Les figures ainsi produites devront être extrapolées au niveau supérieur pour en retrouver la signification ontologique.

 

Ce qui nous intéresse est donc l’intériorité de ce cercle que nous tenterons de qualifier en fonction de ce que nous pouvons mesurer, en l’occurrence son rayon. En effet, le périmètre-circonférence du cercle est la manifestation du point d’origine via le compas ou le cordeau pour nos glorieux ancêtres. Il se manifeste géométriquement sur notre feuille de papier (en deux dimensions), ce qui nous fait dire que chacun des points en nombre indéfinissable qui constituent cette circonférence a les mêmes qualités de puissance que le centre du cercle. A ce titre, par la duplication qu’ils représentent, ils peuvent recevoir l’application du compas en sa pointe. Reste à définir l’ouverture du compas souhaitable qui en loge varie en fonction du degré d’éclairement du grade considéré.

 

Le point dupliqué sur la circonférence ne peut être autre que la volonté initialement exprimée. Cette volonté initiale est concrètement appliquée par le compas sur notre feuille de papier et se traduit par le rayon.

C’est donc le rayon qui sera la longueur d’onde dans l’expression de la manifestation géométrique sur notre feuille. Le compas reprend sa course circulaire à partir d’un point choisi sur la circonférence, pour faire naître un cercle identique au premier.

Les deux cercles se croisent à deux points d’intersection qui sont à la fois, la production du point primordial et de son jumeau dupliqué. Il convient de réitérer l’opération jusqu'à ce que le cercle soit entièrement entouré de cercles du deuxième rang. On notera que la duplication des successibles implique une notion temporelle liée à l’espace, qui n’a pas lieu d’exister au sein du point primordial. 

Cette situation nous donne six points qui, reliés de proche en proche par une ligne droite de même longueur que le rayon, nous révèlent un hexagone.

Si on relie par une droite chacun des six points au centre originel on obtient un Chrisme, soit une croix tridimensionnelle indiquant les six directions de l’espace bien connues du franc-maçon.

Il est important de poursuivre nos constatations jusqu’au bout.

 

Chacune de ces directions est jointive en ligne droite avec son opposée. Les opposées de mêmes naissances se situent sur trois droites appelées diamètres dans notre représentation.

On en déduit que la totalité du centre s’exprime en trois axes subdivisés chacun en deux directions.

On en conclut que la manifestation se fonde sur le trois axes. Il faut donc rechercher la figure géométrique qui exprime le trois et le sens inverse.

Le trois est représenté par un triangle montant. Sa valeur inversée existe aussi, c’est le triangle descendant.

Si on hémisphérise le cercle en fonction d’une ligne de partage entre le haut et le bas, on obtient deux triangles entrecroisés, l’un montant, l’autre descendant. L’un est le miroir inversé de l’autre.

Les 6 angles et points de contacts avec le cercle sont une production de la puissance du centre.

La puissance se traduit par le rayon (la règle divine) et l’ouverture du compas (l’Esprit Saint).

 

On conclura aussi que la puissance est double et inverse dans son diamètre.

6 représente la totalité manifestée sur la feuille de papier (il correspond aux 6 jours de la création) et le 6 est deux fois trois.

Le trois est racine axiale de la manifestation, ce qui explique la présence du delta lumineux ou de l’hexagramme en loge.

 

Le trois-double est donc l’expression d’une manifestation originelle que l’on peut représenter soit par le chrisme pour sa triple expression axiale et volumétrique, soit par l’hexagramme pour sa double représentation plane. Les deux points de vue sont identiques par leurs significations correspondantes dans deux états différents.

Sur un plan individuel de la représentation de l’homme dans la figure, on remarquera que l’universalité cosmogonique de l’hexagramme s’associe à l’image de Saint André en Croix, les membres en X représentent les quatre directions sur le plan. L’Axis Mundi passe du sacrum jusqu’à la fontanelle dans une version à deux dimensions et par le nombril qui le relie à la terre  (ombilic axial) dans une version chrismique à trois dimensions.

 

Dans ce dernier cas, l’hexagramme peut être représentatif de toutes les dimensions, en représentant le point principiel au centre de la figure par une certaine lettre. Le point principiel étant sans parties ni limites ne peut être dessiné. C’est une universalité qui n’existe pas dans d’autres figures comme le pentagramme.

 

 

La production de la manifestation à partir d’un centre ontologique, remets l’individu dans un état de conscience intuitive qui le relie à un vaste ensemble au-delà de tous raisonnements relatifs.

 

1er étape : le point primordial exprime sa puissance dans toutes les

 

 dimensions de l’espace, ici représenté sur une dimension.

                                      P …………………………P1

 

2ème : Chacun des points de la circonférence possède la même puissance et donc le même rayon d’action. Deux points d’intersection apparaissent comme des appuis pour renouveler l’opération.

 

 deux-cercles-secants-mandorle.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3ème : l’opération se renouvelle 6 fois faisant apparaître une rosace, six rayons formant chrisme formé de trois droites axiales et un hexagone.

 

RAYON-AU-CERCLE-HEXA.JPG

 

 

6.jpg 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 4ème : l’effet miroir du chrisme établi la valeur 3 au double, ainsi trois directions de l’espace ont leur opposées. Le trois est donc la base, représentée par le triangle en deux dimensions qui doit lui aussi avoir son double. Il peut se concevoir en ligne de partage hémisphérique, selon l’effet miroir (le haut et le bas) ou cosmogonique par l’expression identique inversée et solidaire, à savoir le double triangle inversé, entrecroisé.

 

Eri\Rom\

Partager cet article
Repost0
21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 09:56

Confusion of Tongues[1]Perfection et reconquête du langage initiatique

 

… ou le retour d’Hermès Trismégiste et de Pythagore.

 

Il ne s’agit pas ici de développer de savante notion sur l’art du langage.

 

 

 

Je tente simplement de faire apparaître un dimensionnement, en relation directe avec la tradition ésotérique occidentale. Toute doctrine traditionnelle dispose d’un double langage, l’un exotérique l’autre ésotérique. Le but est de transmettre sur deux registres.

Le langage ésotérique à son tour se subdivise en au moins deux langages. Le premier niveau reste symbolique, il est une pratique quotidienne du franc-maçon qui permet de lever le premier voile, et un dernier niveau par analogie, plus réservée encore, à caractère métaphysique, qui en toute hypothèse est plus large que l’interprétation intérieure d’une religion[1].

 

Entre ces deux extrêmes, des langages intermédiaires sont apparus, dissimulé derrière un aspect concret comme l’architecture, l’alchimie, la cabale, les séphiroth, et sous un angle différencié et populaire, les tarots, la numérologie, l’astrologie spirituelle, etc. Les aspects concrets ou différenciés ne sont que des développements inférieurs d’un sens qui touche aux états supérieurs de l’Être.

Pour atteindre ces états, on peut user de tous les langages ésotériques. Tous ont trait à la révélation intérieure pour les chrétiens, à l’illumination ou à l’intuition supra individuelle pour d’autres. Il s’agit toujours d’apercevoir une synthèse unitaire, une vision ontologique du tout.

 

Nous partons du postulat que le premier langage est sacré, car il est donné par Dieu pour le nommer, ainsi que tout ce qui est de nature sacrée (la manifestation née du Verbe). Il ne nommait rien de profane. Puis vient l’épisode de la tour de Babel qui cristallise la diversité et la confusion des langues[2]. De cette période, il ne reste plus que des langues sacrées, réminiscences de la parole divine perdue et des langues profanes qui caractérisent la contingence et la matérialité. De la période adamique nous avons le souvenir légendaire de la parole originelle et perdue, représentée en franc-maçonnerie par la légende d’Hiram.

 

Les sens qui sont donnés aux mots sont très largement dépassés par le sens hiéroglyphique ou idéographique. Il ne s’agit pas ici d’un cours d’Égyptologie encore que par certains aspects, les hiéroglyphes, furent des précurseurs dans l’association des images et des sons. Il s’agit plutôt d’une prise de conscience que chez l’initié, le langage de la connaissance est sans frontières étatiques ni limites civilisationnelles. C’est gravé dans la pierre ou la tablette d’argile que les « mots-images » étaient conservés. Le tailleur de pierre et le scribe avaient le même pouvoir : graver et transmettre l’image traditionnelle du mot qui devenait alors parole avec une représentation mentale[3].

Pratiquement tous les signes de base y compris les lettres et les chiffres sont des déclinaisons du point, de la droite et du cercle. (Les maçons opératifs témoignent de cette tradition géométrique en utilisant la règle et le compas).

Ces trois signes sont fondateurs du symbole figuré. On peut dire que les sens dérivés dépendent pour leurs origines de ces trois sens premiers. Ils ont, par cette origine, un lien direct avec le divin manifesté. C’est ainsi que le mot associé au signe a trouvé sa prononciation, s’est « chargé » de sens. En se reliant les uns aux autres, ils constituent un vocabulaire lié par des règles appelées grammaire.

 

Le langage est né de la valeur symbolique du signe.

  BOSCODON-SIGNES.JPG

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


(Hiéroglyphes pierre sphérique de Myrvalder, doc abbaye de Boscodon, cahier n° 4. Tout commence par un point, il est le départ de toute expression.)

 

 

Les anciens devoirs (Ms Cooke 1410 Lgn 255-306) font état que la Connaissance fût gravée sur deux colonnes l’une de marbre l’autre de brique. Le déluge pouvait survenir la connaissance serait sauvée[4]. C’est Hermès et Pythagore (Lgn 321-324) qui retrouvèrent chacun une colonne qu’ils purent déchiffrer. Ainsi depuis cette époque notre approche de la connaissance balance entre la Gnose et son mystère de la parole universelle et la géométrie et les secrets du grand architecte.

Nous sommes tous convaincus que la puissance évocatrice de l’image, du signe et du sens figuré, est directement liée aux archétypes antédiluviens de la pensée. Nous sommes pris entre deux sensibilités, gnostique et géométrique. En cela le langage initiatique du franc-maçon d’aujourd’hui est probablement le même que celui de ses ancêtres. Cette évidence nous interpelle au point de constituer la base même de la régularité maçonnique qui dépasse la forme pour atteindre le fond.

Sur la forme, le symbolum est une tesselle ou une tablette d’argile gravée, cassée en deux. Chacun des protagonistes se saisit de la demi-tablette et part pour un périple. Quelques années après ils se rencontrent à nouveau et se reconnaissent en réunifiant les deux parties, constituant un tout bien plus grand que la seule addition des fractions.

Sur le fond, c’est la perte de la  fraction sœur[5] qui crée l’errance ou l’exil[6]. Un frère est toujours à la recherche de son jumeau, cette fraction perdue par la chute. Caïn manque à Abel, Romulus manque à Remus. La franc-maçonnerie tente cette réunification dans une forme d’expression particulière, en épelant le mot sacré. C’est à deux que s’égrène le mot, lettre par lettre, comme un chapelet.

C’est dans l’altérité réparatrice que les deux Frères retrouvent une forme de langage, puis à trois ils trouveront les syllabes et une forme de mot substitué. Ce langage sacré n’est pas accessible à notre condition, on ne peut que l’effleurer en l’épelant à plusieurs. C’est le principe de l’invocation ou de la prière. Sa compréhension appartient à un état supérieur de l’être[7].

Pour finir nous pouvons affirmer que le mot et donc la parole sont symboles, pure production de la pensée en rapport constant au Verbe et à cette Parole qui était au commencement.

 

Je m’adresse aux seconds surveillants, pour leur indiquer que la vulgate sociale n’élève l’individu que dans ses devoirs envers autrui. Ceci est probablement une bonne chose. Mais le sens moral n’est en aucune façon une fin en soi, il n’est qu'une étape et la conséquence dérivée de la sagesse. Inutile d’être franc-maçon pour être bien conscient du sens et de la portée des lois bioéthiques et encore moins pour apprécier les avancées sociales d’une société en retour de fortune. Si la perfection de soi est le chemin naturel de l’initié ; il doit dépasser cette contingence tout en montrant l’exemple.

Cet effort appelle un travail quotidien pour y parvenir. Il ne faut pas céder à la facilité d’une expression vidée de son sens sacré.

 

Que faut-il faire ?

 

Il faut maîtriser le sens du langage de nos anciens, qui sous des travers abscons, dissimule une réelle profondeur de la connaissance traditionnelle.

Déchiffrer et comprendre, suppose un effort qui ouvre l’accès à la compréhension d’un langage supérieur. Cet authentique travail glorifie l’âme du cherchant, c’est ce qu’on appelle la gloire[8] au travail. Il faut redécouvrir Hermès et Pythagore.

Le rituel maçonnique régulièrement mené, par des officiers dévoués et compétents, ouvre à une communication avec ces éléments primordiaux. Ils offrent, au même titre que les mantras et le dhikr, par leur rythmique répétitive et la versification poétique qu’ils développent, un potentiel de réalisation spirituelle dans les états supérieurs. Il n’est donc pas incongru qu’un lien soit établi à partir du rituel maçonnique avec le langage intermédiaire à caractère mystique, même si ce ne doit pas être une priorité. C’est le langage des oiseaux pratiqués par les fidèles d’amour[9], appelé aussi langage angélique[10]. À toutes fins utiles il est bon de rappeler qu’on ne modifie pas les rituels maçonniques et notamment les prières et invocations qu’ils contiennent. Ces prières sont des échelles ascensionnelles pour l’âme du maçon, au-delà de toutes croyances.

Le rituel maçonnique doit remplir sa mission d’exaucement des âmes, et d’élévation de l’esprit. Il n’est pas seulement un ciment catégoriel et social.

 

Il est d’usage de reconnaître à la légendaire table d’émeraude, « tabula smaragdina » du VIe siècle, attribuée à Hermès Trismégiste, des vertus hiéroglyphiques et gnostiques incontestables.

 

Sous le voile d’un langage qualifié d’alchimique, Hermès le Grec et son homonyme romain Mercure, est assimilé à Thot l’Égyptien.

Le hiéroglyphe trouve à s’exprimer formellement en Égypte. Tôt est le dieu de l’écriture et du sens donné à celle-ci. La lecture n’est pas uniquement phonétique, elle est de nature sensuelle, car elle parle à un niveau supérieur de la conscience, un peu comme la poésie nous parle des profondeurs. L’écriture devient magie et d’ailleurs il ne serait pas étonnant que, pour déchiffrer les hiéroglyphes, il soit nécessaire d’être un peu magicien. Rappelons à ce sujet que le mage est celui qui interprète les signes et les images[11].

Il y a une forme de magie dans la lecture d’un texte, car celui qui lit interprète et joue le rôle que l’auteur a voulu donner au texte sacré. Du texte sacré on tire le langage sacré et non l’inverse. C’est donc notre travail que de donner du sens aux traces, aux signes, aux emblèmes et aux symboles.

La gloire au travail n’inaugure rien d’autre que notre capacité à lire les symboles.

 

La science de l’herméneutique consistant en l’interprétation des textes sacrés, ne peut donc être passé en profits et pertes par les 1ers et 2nd Surveillants. Elle met en perspective la quadrangulaire suivante :

 

-La part de nature agissante et sa correspondance surnaturelle, pénétrante pour l’initié.

 

-La dimension humaine et sa correspondance divine. Il   fallait bien être un Dieu pour se saisir d’une telle totalité.

C’est donc par suggestion que les mots et les textes agissent sur notre compréhension, il en est de même pour les allégories et les symboles. Le langage dans sa dimension sacrée inonde la totalité des arts. Le symbole n’est pas en reste, car il porte en lui la seule dimension véritablement universelle et intercivilisationnelle. Ce langage se retrouve dans tous les domaines de la poésie au romantisme, en passant par le surréalisme et l’idéalisme. Peu accessible il nécessite un redoublement d’effort et de concentration. Le langage par l’image ne révèle rien au premier abord. Il faut l’effort d’une scrutation et d’une évaluation volontaire pour en déchirer le voile. Ce dernier est fait pour appeler le juste effort à fournir et faire passer l’interprétation symbolique non par l’encéphale, mais par le cœur.

 

Le voile est l’apanage de la langue secrète et du sens caché. C’est la définition de l’ésotérisme.

Relire Jacob Bohème donne alors un dimensionnement et une saveur à ses écrits qui ne peuvent s’oublier. Lire la table d’émeraude en fonction de ses principes, inonde le cœur et comble l’esprit. À défaut de cet effort premier, rien n’est accessible en dehors du sens moral qui est l’expression d’une contingence sociale.

À partir de cette grille de lecture, il est possible de retrouver dans les textes sacrés, un tronc commun universel. L’universalité est associée à l’idéal maçonnique.

Nous retrouvons le sens premier dans l’universalité du langage des sages. Il se transfère de Dieu à Adam puis Moïse, de Zoroastre à Pythagore et Platon, depuis Hermès Trismégiste. Langage codé et sacré à la fois, dont la sapience se mérite. Il est universel et s’oppose à la confusion des langages de l’ère babylonienne.

Les alchimistes sont l’illustration de cet état hiéroglyphique. L’écriture secrète protège du regard profane le savoir primordial qui fut sauvegardé d’après les anciens devoirs par la gravure sur les colonnes antédiluviennes.

Il y eut un malentendu au XVIIe siècle entre les alchimistes qui rompirent la globalité de leur vision universelle pour la scinder en deux langages. D’un côté les praticiens analytiques qui versèrent dans l’alchimie des souffleurs opératifs, ancêtres des chimistes et de l’autre les théosophes de la synthèse, dans la lignée des roses croix et qui conservèrent le sens spirituel en l’intégrant dans le champ de l’initiatique maçonnique.

L’Or des uns n’était pas l’Or des autres. La tradition des bâtisseurs était largement préparée à cette fusion. La démarche spéculative favorise le questionnement au-delà de l’apparence et du credo. Elle s’appuie sur le symbolisme et les mythes.

Ainsi la boucle se referme. La grande tradition se conserve dans le cénacle des initiés. On comprend à quel point le langage maçonnique ne peut faire l’économie d’un dimensionnement profondément symbolique en relation avec des états supérieurs. Le franc-maçon est le dernier porteur de la flamme initiatique dans le monde occidental. Face à la perspective quadrangulaire[12] de l’esprit hermétique on complètera avantageusement ce dévoilement par l’étude de la Gnose c'est-à-dire, par la prise de conscience graduelle d’une connaissance à vision globale. C’est l’élaboration d’un système interdisciplinaire qui va connaître au travers des siècles des évolutions remarquables.

Loin d’être un épiphénomène face à la révélation ecclésiale, le gnostique forme un syncrétisme fondé sur le symbole dont nous avons encore une expression en loge avec le pavé mosaïque.

Le travail de synthèse du maçon s’oppose assurément à la vision manichéenne. Pour autant la voie de la sagesse est celle du juste milieu, de la conciliation et de l’embrassement du tout.

Le vieux fond animiste se marie à la quadrangulaire. Le divin habite l’âme qui est emprisonnée dans un corps de contraintes et de tentations. La matière est un lieu d’exil pour notre fraction divine. Les sens sont induits en erreur par des apparences trompeuses. Notre pire ennemi est nous même. C’est ce que nous enseigne l’épisode du miroir à certains rites, l’épreuve de nos sens lors des voyages et le silence rituel de l’apprenti. C’est l’épreuve des sens (terre, eau, air, feu, oblitération de la vue puis de la parole) qui doit nous apprendre à nous libérer de cette matière corporelle.

Le syncrétisme gnostique recoupe la philosophie grecque, l’apport égyptien et juif. Cette convergence mixte l’alchimie, la cabale et la magie astrale. Les cultes à mystères et la tradition orientale fusionnent.

L’incertitude d’une perfection lointaine entache le système gnostique d’une vaine espérance. La tentative de synthèse ne fut pas complète. Le monde aristotélicien et ptolémaïque organise notre vision occidentale en une partition micro et macrocosmique. Ainsi le monde sublunaire et changeant est soumis à la contingence de l’éphémère alors que le ciel éthérique protège la permanence d’un macrocosme. Nous sommes loin d’une vision unitaire. Le système va se développer sous la forme d’une pyramide à degré d’une plus grande cohésion. L’unité est tout en haut et se développe en se dégradant dans la création.

Cette chute poursuit une forme d’harmonie des sphères chère à Pythagore. Cette harmonie vient lisser la dichotomie du bien et du mal, du haut et du bas. On développe alors un monde des idées immuables face aux réalisations temporaires et terrestres. Il y a sept échelons à cette pyramide qui correspondent aux sept planètes connues du monde Ptoléméen. Le chiffre 7 est bien connu du maître.

À chacune correspond un métal. Nous allons du cercle extérieur saturnien représenté par le vil plomb, état grossier dont on se libère par une mort et une renaissance. C’est la putréfaction de la matière qui fait germer la graine dans le cabinet de réflexion, c’est la mort et la putréfaction du corps du maître qui libèrent et font renaître l’étincelle divine dans le corps du nouveau maître. Les cercles à traverser sont ceux notamment, de Jupiter associé au zinc, de mars et du fer, de mercure et du vif argent, de la lune et de l’argent et enfin du soleil et de l’or. La progression vers le centre est une démarche de perfection et c’est aussi ce que nous sommes venus chercher en franc-maçonnerie. Nous pensons que l’homme est perfectible.

Les lois de la correspondance donnent une identité structurelle entre le corps de l’homme et le monde dans lequel il s’insère, appelé microcosme. L’homme peut être un corps agissant. Il manipule le corps, l’âme et l’esprit. La région astrale contenait l’âme du monde, l’intellect et les idées dans leur permanence occupaient les régions supérieures et agissaient dans les régions inférieures où règnent la matière, la contingence et l’éphémère marquées par le sablier et le crâne dans le cabinet de réflexion. C’est alors qu’on émet l’hypothèse qu’il était possible d’agir ici-bas par l’intermédiaire d’une région médiane entre l’esprit et la matière. L’homme se rapproche du démiurge. Cette région médiane dans la tripartition chrétienne est occupée par l’âme.

Apparais autour de l’homme, un corps astral, invisible qui devient la zone de contact entre le haut et le bas. Les moyens d’action sont la magie les talismans. L’homme communique avec son corps astral ce qui fait de lui un médiateur entre le microcosme et le macrocosme. Paracelse confirmera la tripartition agissante : la dominance de l’astre intérieur sur l’imagination, la force solaire agissante sur le monde dit réel et enfin la force lunaire agissante sur l’apparence trompeuse. C’est aussi la prophétie et la prémonition qui se structurent sur cette tripartition et qui justifient la cabale.

Ainsi la vision de l’échelle de Jacob s’explique d’une manière gnostique et structurée.

L’influence des astres extérieurs est présente à l’Orient de toutes les loges maçonniques. On se contente souvent d’explications fonctionnelles du soleil de la lune et de l’étoile flamboyante et on oublie commodément que la franc-maçonnerie fut le réceptacle de la grande tradition gnostique, hermétique et alchimique. On a longtemps glosé, avec raison sur l’influence Rose-Croix...

Le Corpus Hermeticum traduit en 1463 par Marcille Ficin est le traité gnostico-néoplatonicien qui témoigne de la pensée et de la sagesse antique des premiers siècles du Christianisme. On le pensait rédigé par Hermès Trismégiste, « Hermès les trois fois grandes ». Son style ressemblant à celui du Nouveau Testament semblait témoigner de cette sagesse antique, héritage des chrétiens des premiers siècles. Une science antique, la Cabale, y était développée mise en évidence par pic de la Mirandole.

Cette dernière se voulait la science secrète des Hébreux. La période de la renaissance favorise un renouvellement de la structure scolastique qui reposait sur une hiérarchisation Ptoléméenne du monde.

La vision devient alors plus directe moins hiérarchisée, plus énergétique. Son accessibilité sera concrétisée par le protestantisme, qui outrepasse la hiérarchie ecclésiale pour relier directement le croyant à Dieu ; l’étincelle divine est alors en chacun de nous.

L’alchimie se développa sur ce fond et sur ces textes. Elle suit le mouvement gnostique dans le refuge des chrétiens orthodoxes d’Orient et d’Alexandrie pour nous revenir traduit par les Arabes en Espagne et en Provence. S’élabore alors un langage imagé fondé sur l’empirisme. Les maximes et les allégories sont les véhicules de cette connaissance. L’Art Royal est la conjonction des trois influences, en plus du travail de la matière et des formes qui est son fondement opératif. Entre terre et ciel, l’Art royal s’est développé alimenté par quatre fleuves, ce qui explique sa complexité et sa richesse.

La tradition chrétienne alexandrine est le fondement, la base de départ de cette architecture. Son développement pratique, sa formulation et son imagerie sont le résultat de son passage aux mains des savants philosophes arabes, et enfin la toile de fond philosophique repose sur la philosophie de la nature des Grecs.

Ce sont deux soleils qui éclairent notre chemin correspondant à l’or philosophique et l’or matériel. Par la bipolarité le monde avance. Le soleil et la lune, le mercure et le soufre, mal et femelle, bien et mal, l’amour et la haine, etc.

Tout ceci se retrouve dans le même creuset, la même coupe. C’est de la synthèse et l’union que naît le grand œuvre, la dissolution permet la fixation et le solde autorise le coagulum. C’est ce que revit lors de son initiation le futur apprenti dans les épreuves et voyages ou il rencontre séparément les 4 éléments d’Empédocle, sorte de proto-matière assimilé au Chaos initial.

En les recomposant, les manipulant, il les assimile et en redécouvre les sens. Au grade de compagnon, c’est le cinquième élément qui apparaît, la fameuse quintessence d’Aristote.

La mystique gnostico-hermétique est arrivée en franc-maçonnerie il y a trois siècles. Les apports, les dépôts sont si nombreux qu’ils constituent ce trésor initiatique sans équivalent dans le monde profane. C’est aussi cette profusion de nouveaux langages qui crée le malentendu. Difficile d’accès pour tous ceux qui s’empressent de franchir les grades et les degrés, ces derniers tentent de marginaliser cette lecture ésotérique et initiatique des textes, symboles et hiéroglyphes. Ils ont peu d’intérêt pour les discussions symboliques ou hermétiques. Ils sont voyageurs clandestins d’un monde qu’ils ne peuvent comprendre. Cette différence d'approche explique la distorsion et finalement le cloisonnement justifié entre les filières pauvres et celles mieux dotées en instructions.

Les hauts grades ont donc intérêt à diversifier la provenance de leurs membres. Ce qui compte notamment, c’est leur capacité à lire les images, signes et symboles. C’est la seule façon d’éviter l’appauvrissement par nivellement des ressources. C’est cette différence qui créera l’émulation nécessaire au maintien d’un haut niveau de transmission.

 

N’oublions pas que le langage initiatique est traditionnellement réservé à une élite et qu’il se transmet. L’exigence se satisfait de la différence, celle-ci entretenant l’émulation identitaire gardienne des traditions. Les carences dans la maîtrise du langage initiatique dégénère la transmission en une forme de nivellement qui ferme l’accès ésotérique des textes sacrés.

 

Eri\Rom\

 

 



[1]              L’ésotérisme chrétien est plus ample dans ses interprétations que la duplication réservée et secrète d’une croyance religieuse.

[2]              La première chute découlait de l’Adam chassé du jardin d’Éden, cette première génération disparait par le truchement du Déluge. La tour de Babel est la deuxième chute de l’homme face à ses prétentions de démiurge, cette génération est la nôtre.

[3]              En héraldiste autre science traditionnelle. Il en est de même pour le Hérault d’armes qui blasonnait les chevaliers entrants dans la lisse.

[4]              Seuls les initiés pourraient lire et interpréter les symboles cachés dans la gravure de la pierre, grâce à la tradition transmise par Noé et sa descendance.

[5]              La perte du Frère vaut pour la perte d’une partie de son intégrité adamique. C’est encore la chute d’Adam, le père premier qui se perpétue dans la fratrie.

[6]              L’exil est un thème de certains grades supérieurs. Il est mis en valeur relativement au signe et à la parole.

[7]              Il est troublant de constater que Pythagore et Hermès, deux grands initiés, ne pouvaient déchiffrer que leur colonne respective, autre aspect d’une gémellité, donnant deux aspects de la voie initiatique. C’est aussi au pied des deux colonnes que s’épèlent dans la franche maçonnerie française, les mots d’apprenti et de compagnon. 

[8]              La mise en « Gloire » est une notion symbolique qui repose sur un espace de médiation entre l’univers manifesté et le point originel dont il n’est qu’une duplication. Ainsi le Christ en Gloire est représenté au tympan de nombreuses églises construites de manière traditionnelle.

[9]              Rappelons que les lacs d’amour de la corde à nœuds sont un héritage de cette organisation, qui avait Dante parmi ses membres.

[10]             Les élus Cohen dans la mouvance de Martinez de Pasqually influencèrent la Franc-maçonnerie du XVIIIe siècle.

[11]             C’est d’ailleurs ce sens qui doit être rapporté aux rois mages de la tradition chrétienne.

[12]             Nature et surnaturel ; humain et divin.

Partager cet article
Repost0
15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 18:05

voyage.jpg 

Les voyages initiatiques et rituéliques du Franc-maçon aboutissent tous à une vision, une image qui n’est autre que le tableau de loge.

Le tableau de loge est une image du monde et à un certain niveau de perception correspond au grade du maçon. Cette image est composée de symboles et au-delà recoupe un idéal. Donc le franc-maçon apprend un nouveau mot et un nouveau paysage à chacune de ses initiations graduelles. Les mots prononcés et les images-symboles ou images-paysages sont support de la transmission. Entre les mots sacrés, les mots de passe et les images, il y a une relation complémentaire qui comble l’absence et qui dépasse les expressions concrètes. La relation mot symbole / image en appelle à l’intelligence du cœur et provoque le ressenti. Lorsque le mot disparaît le paysage prend plus de signification et palie l’expression verbale par le ressenti de l’image. C’est l’évolution la plus achevée du langage que de dire sans prononcer. L’image s’en trouve renforcée et le symbole quelle contient devient une idée voir même un idéal.

Ce travail ne traite qu'un aspect  de la finalité du voyage initiatique. C'est son atout principal que de nous éclairer sur un aboutissement rarement abordé dans la littérature maçonnique. Il y a donc des petites loges mênent modestement leurs travaux de recherche !!!

Sans aller jusqu'à une quête de la parole perdue, nous resterons au diapason du 5 qui est nombre de l’homme.

(…)

« J’ai choisi pour thème : « Les paysages dans les voyages ».

Je suis parti du constat qu'au bout du voyage il y avait un paysage. J’ai pu même constater qu’a l’issue d’un périple de 5 voyages, revenu à mon point de départ entre les colonnes le paysage avait changé. J’ai donc souhaité éclaircir le mystère de l’influence du voyage sur nos sens d’une part et du rapport en miroir qui existe entre l’observant et l’objet de l’observation, autrement dit le paysage. Ainsi, je vous propose un voyage dans les paysages réfléchis au miroir de mes pensées et au fil de mes mots.

Pour accéder au grade de compagnon il m’a fallu effectuer 5 voyages au cours desquels j’ai médité sur ma qualité d’apprenti évoluant vers celle de compagnon. Alors même que je récapitulais mon état d’apprenti je découvrais un nouveau champs d’expérience, je decouvrais le monde et rencontrais les autres frères et leurs richesses. J’apprenais de nouveaux outils qui m'initiaent à l’horizontalité et la verticalité. Un nouvel apprentissage pour mieux comprendre et mieux appréhender le monde qui m’entoure.

Si mes 5 voyages étaient horizontaux, je me suis élevé de 5 marches ! J’ai dû gravir cinq marches qui m’ont permis d’accéder à une hauteur de vue et d’esprit correspondant à un nouveau « point de vue ».

Ainsi le même être voyait les choses différemment par le voyage qui élève l’esprit. Que voit cet être à l’issu d’un voyage si ce n’est un paysage ? Dans quelle mesure le paysage peut être lu différemment suivant le niveau d’élévation qui est le notre ?

Autrement dit au plan symbolique, la vision à hauteur de cinq marches n’est elle pas différente qu’a celle de trois marches ?

Les paysages sont ressentis différemment d’un être à l’autre.

Vingt personnes ayant à décrire un paysage précis, vous donnerons vingt images différentes et peut être opposées.

Plusieurs photographes obtiendraient des cliches tout à fait différents d’un même panorama. Le paysage est instantané photographique d’un voyage et donc d’une vision personnelle la vision est une affairede sens. S’agissant des cinq sens et de l’intelligence du cœur nous avons quelque chose à dire en tant que franc-maçon. Notre initiation nous à remis les sens en éveil en contact avec les quatres éléments constitutifs de notre corporalité. Nous pouvons direque la fonction principale des voyages est d’aiguiser nos sens et l’intelligence de notre perception.

Se pose alors la question suivante : Si le franc–maçon regarde le paysage, quelle est la partie de lui-même qui voit le paysage ? Le corps, l’âme ou l’esprit ? Ou se trouve le paysage que je regarde, dehors ou dedans, à l’intérieur de ma boite crânienne ?

Il ne s’agit pas tellement de la fidélité de l’objectif de l’appareil, mais plutôt de l’homme qui le manie. L’homme à une acuité visuelle qui varie tout au long d’un jour ou d’une vie. Notre capacité à voir dépend de notre expérience. Hors pour acquérir de l’expérience il faut voyager. Nous savons que les voyages aiguisent nos sens, notre sensibilité et surtout notre ressenti. Si la sensibilité est du domaine corporel, le ressenti est un retour d’expérience acquis dans un voyage des sens en relation avec l’esprit. Le ressenti fait le chemin de la spiritualité.

Notre voyage fait partie de nous-même et porte notre sceau, notre Signature sous forme d’un ressenti du paysage. Il y a donc un ressenti personnel dans la vision, la vision dépend moins de l’impression rétinienne que de l’ouverture d’esprit, comme de l’ouverture de la focale. L’impression rétinienne flatte nos nerfs optiques, l’ouverture d’esprit nous donne la profondeur de vue et le don de double vue. (intérieure et extérieure)

Le compagnon règle son pas et sa profondeur de champ sur le chiffre 5.

Mon voyage identitaire a démarré dans mon Berry natal, ma terre nourricière, celle qui donne le blé, le maïs et tant de céréales qui nous font vivreet nous font grandir et vivre bien entendu. Cette terre redistribue les éléments et donne la vie à cette graine et qui arrosée peu à peu et récoltée nous font partager le pain.  Tout comme la vigne et son raisin  nous fait partager le pot de l’amitié. Ce paysage de mon enfance est donc similaire au blé et l’eau retrouvés dans le cabinet de réflexion.

Rappelez-vous mes frères que lors de nos voyages initiatiques nous avons passés les épreuves de la terre, l’air, l’eau et le feu.

De mon Berry natal j’ai conservé un peu de brouillard et beau temps à l’intérieur de moi. Ils sont comme des impressions diffuses, des filtres d’amour, ou la lumière joue un rôle primordial.

 

Point de paysage sans lumière - Point de lumière sans rencontre.

Ici c’est bien plutôt la relation de deux paysages ou de deux voyages qui m’importe. Le paysage des formes et le paysage des symboles. Le premier est celui du peintre le second celui du franc-maçon.

Comment se compose un paysage ? Il y a trois plans, un premier un second et un troisième plan. Il en est de même de notre puissance interprétative. L’immédiateté du concret, précède le moyen terme accessible et la ligne d’horizon inatteignable. Le paysage se compose de vallées de lacs pour s’abreuver de montagnes à gravir jusqu’au ciel et d’un horizon. L’horizon appartient au plan en deux dimensions ce qui nous rappelle le niveau, la montagne nous évoque le fil à plomb et cette verticalité transcendante. Que n’ai-je rêver enfant d’escalader les montagne, de tutoyer le ciel et le soleil et de voir la terre d’en haut ! Cette quête vers l’absolu vertical succède à la marche vers l’horizon infini. Je constate que l’horizon et la montagne sont des « traits d’union » entre la terre et le ciel, le premier est horizontal, le second axial.

Si le paysage se projette en moi, alors j’ai en moi ces deux voies de communication entre la terre et le ciel. Le paysage auquel on accède par le voyage prône l’absolu et l’inatteignable. Par conséquent le voyage reste un effort permanent vers le bout d’un paysage, vers une image idéale d’une totalité.

Tout voyage permet de mieux se connaître. Le fait de partir implique le fait de revenir, de mieux se situer et ainsi conforter nos expériences de l’extérieur et de l’intérieur pour nous permettre d’évoluer. Il faut savoir s’éloigner pour pouvoir se rapprocher.

Me connaître serait de réaliser les contours du monde et du milieu dans lequel je vis; les relations d’ordrepratique, l’atmosphère, les éléments affectifs et symboliques. Ces contours de mon intériorité sont constitutifs d’un paysage. Jamais le voyageur ne doit oublier que dans les paysages qu’il rencontre, il est à la fois l’observateur et l’observé. En vérité en visitant l’extérieur c’est l’intérieur de soi que l’on explore.

 

Parce qu’on les associes à l’aventure, les voyages ont toujours inspirés la plume des écrivains et fascinés les hommes avides d’aller à la découverte pour mieux connaître cette terre si belle sur laquelle nous avons le privilège de séjourner.

Qui n’a pas rêvé un jour de visiter tel ou tel pays ? S’approcher de telle ou telle civilisation ayant laissé son empreinte au travers des siècles ?

Notre curiosité de la découvrir, le besoin de dépaysement, mais aussi la recherche du contact humain qui justifie le ou les voyages. Ne sont-ils pas source de découverte intellectuelle et dépassement de soi ?

J’ai en mémoire mes fréquents voyages sur une île, un véritable coin de paradis ou les couleurs de la mer et du ciel changent à chaque heures du jour. Outre la diversité des paysages, les odeurs qui effleurent, ne seraient pas si envoûtantes, sans la beauté de ceux qui l’habitent. L’esthétique et l’harmonie propre à mon grade trouvent un écho naturel dans ces paysages mémoriels. Ils se transforment en même temps que j’épuise mon corps à le faire marcher sur le chemin. Plus je vieillis plus l’écho s’harmonise au point de saisir mon cœur. Le paysage devient souvenir, la lumière devient irréelle.

     J’ai en mémoire une réflexion venue du fond de mon cœur : « la beauté de votre île, c’est vous les îliens, votre bonté, votre gentillesse me demande de revenir sans cesse ». Le voyage c’est la rencontre et la rencontre devient paysage ou image. La rencontre crée une impression qui sous un angle esthétique entre au plus profond de moi. Par un effet miroir je deviens l’autre et moi-même. Finalement c'est une chance pour le compagnon de découvrir le monde et les autres et de s'enrichir dans un travail interieur.

Un jour, mes facultés mémorielles vont s’amenuiser. Je poursuivrais encore ces paysages de mon enfance, ces souvenirs de jours heureux, mais je n’arriverais plus à tout embrasser, à tout réunir dans un même tableau. Comme une photo jaunie, les personnages disparaissent, il ne restera que des contours celui des formes et de pâles couleurs. Je serais alors à l’image de cette photo, l’écho épuré des formes et des couleurs. Cette épure des sens me fera peut être entrevoir le chemin caché, celui qui mène à la dernière porte.

En fait le milieu se trouve ainsi étroitement lié et associé à la personne et donc appelé à jouer un rôle primordial et essentiel dans la connaissance de soi. Ainsi, chaque homme ne peut-être approché que dans le paysage qui lui est propre, paysage qui fait partie intégrante de son être. Je suis le Paysage.

Le paysage organise la médiation entre la terre et le ciel, si je suis le paysage je suis donc à mon tour médiateur entre la terre et le ciel.

Le « MI-LIEU » de chaque vie personnelle se présente comme une appartenance, une zone « inter-médiare » entre l’homme et la nature, interférence de l’homme et des choses alentours.

S’il y a une histoire qui fait la vie d’un homme au fil du temps, il existe aussi une « geo-grahie » personnelle, une inscription de l’être dans la société humaine et plus généralement sur la surface de la terre faite de mers et de continents.

 Le milieu se trouve ainsi étroitement associe à la personne et donc appelé à jouer un rôle essentiel dans la connaissance ou plutôt dans la « re-création » initiatique du soi.

Un changement soudain de paysage matériel ou spirituel ne permet pas à la personne de s’adapter. Je serais tenté de dire que le décalage apparaît consécutivement à l’accélération du temps. La vitesse détruit le paysage. Le voyage du pèlerin se fait à pied en fonction de son rythme cardiaque, en égrenant le chapelet on se met en phase avec la vision profonde. Le cœur est au diapason de son ressenti, et donc du paysage.

Le rythme naturel de la marche harmonise l’homme et son milieu. La vitesse et l’accélération du temps rompent l’équilibre et la puissance de la forme.

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage (Joachim du Bellay 1522 /1560).

Cet ouvrage constitue un outil de transformation personnelle à l’aube de bouleversements dans la structure de notre planète et dans ses consciences. La beauté s’associe au voyage comme au paysage.

Elle permet de suivre les étapes d’un grand voyage. Les poètes eux ont vu la possibilité d’utiliser le voyage pour échapper quelques instants au réel, pour se mouvoir sans se déplacer en laissant à l’esprit et à l’imagination le soin de pérégriner dans le pays du rêve et de l’imagination. Le voyage peut donc être immobile, il constitue la somme de libération de l’esprit, face à la pesanteur du corps.

En fait il suffit de fermer les yeux………………… L’image-paysage devint un ressenti, quelque chose qui se situe au-delà des sens.

  Arrêtons-nous maintenant sur le voyage initiatique en prenant quelques exemples tirés de la mythologie, de l’histoire ou de la religion et qui, tous révèlent une importante signification symbolique.

 Bouddha puis jésus qui parcoururent leurs pays, Moise emmenant son peuple vers la terre promise.

La quête du graal par Perceval et Lancelot

Le pèlerinage de saint jacques de Compostelle

  Nous pouvons multiplier les exemples, mais une chose est sûre, il n’y a pas de héros sédentaire. les grands sages de l'humanité ont tous entrepris un grand voyage, ils ont tous franchis un fleuve pour atteindre une autre rive. Ils connaissent tous le "mot de passe". 

Plus près de nous, nous connaissons les périples des compagnons du tour de France et dans la franc-maçonnerie, les voyages des apprentis, des compagnons et des maîtres. 

Ce voyage initiatique est une expérience fondamentale pour l’homme. Il est même une nécessite ; l’outil de son émancipation et l’occasion de découvrir d’autres aspects de sa personnalité comme évoqué précédemment.

Mais ce voyage est également une épreuve car il suppose une confrontation avec soi-même et l’on sait que cet exercice est difficile.

Le vrai voyage est toujours intérieur, une plongée dans notre être profond sur lequel nous allons tous poser un regard neuf.

Je comprends mieux l’acronyme alchimiste et maçonnique V I T R I O L

Visite de l’intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la pierre cachée    ou, descends dans les entrailles de la terre, en distillant tu trouveras la pierre de l’œuvre.

Cette pierre que le profane doit trouver n’est autre que la pierre philosophale des alchimistes et celle-ci se trouve au plus profond de chacun d’entre nous. Elle ne se dévoile qu’a ceux qui par un cheminement intérieur sincère, sont arrivés au parfait équilibre pour ne faire qu’un. Ce qui est recherché c’est l’harmonie très bien représentée par l’étoile à cinq branches.

L’étoile flamboyante, pentagramme à cinq branches nous rappellent que nous suivons la voie qu’elle nous trace sur le chemin de la connaissance et de la vraie lumière. Mais l’étoile comme la ligne d’horizon est inatteignable.  L’harmonie universelle serait une illusion ?

J’aimerais vous faire partager l’un de mes poètes préférés en l’occurrence Charles Baudelaire, j’ai choisi le plus naturellement l’invitation au voyage.

L'invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

 

L’invitation au voyage est un poème qui consacre l’idéal. Nous dépassons le symbole pour aller à l’idéal. Aspirer vers une beauté supérieurequi entrouvre la porte à la spiritualité et de l’unité fusionnelle. Il faut bien entendu rapporter l’Oeuvreà sa plus simple expression, la notion de liberté de pensée et d’agir. Ce poème nous donne au-delà son coté musical, une belle définition du voyage : le voyage intérieur au centre de nous même.

Le voyage est un outil de connaissance, de liberté, mais aussi et surtout une quête, celle de notre réalité, de notre vérité.

Les voyages du compagnon sont à la fois une récapitulation de ses états passés et la mise en harmonie de l’homme dans son environnement, l’homme harmonieux et l’homme microcosme.

Il maîtrise les deux dimensions du plan, sans oublier la vision verticale que lui dicte le fil à plomb. Trouvant son propre centre il rayonne comme l’étoile flamboyante dans toutes les directions.

Finalement le voyage et le paysage ont parties liées. Aucun des deux n’est véritablement achevé. Quelque chose d’ineffable nous échappe. C’est justement la promesse de l’infini dans un paysage qui nous appelle au voyage ; il faut se mettre sur le chemin, c’est l’idée fondatrice de l’initiation.

Qui suis-je dans ce paysage, suis-je un élément du Tout ou le Tout lui-même ? C’est ici que se pose la question de l’immanence et de la transcendance., passer de l'une à l'autre c'est franchir le fleuve. Un fois de plus l’observant est l’observé se retrouvent devant le miroir. Si je suis le paysage, alors le but de tout voyage est la connaissance de soi. Le compagnon à la fin des ces 5 périples pédagogiques découvre l’image du monde qui est le sien. Il se résume au tableau de loge au centre du Hékal. Tout y est décrit. Tous les symboles figurés  interagissent dans son coeur. C’est une imago Mundi composée de trois parties, un premier plan composé des 5 marches de la porte du temple et des deux colonnes, puis un second plan avec tous les outils de la construction du soi et les styles d’architecture et plus loin un troisième plan occupé par l’Orient, le soleil et la lune et la lumière inatteignable. L’Orient, la montagne et l’horizon sont les sources mythiques de la lumière.

 

Le tableau de loge du compagnon est mon paysage initiatique. »

(…)

Her.°. M.°. 

Partager cet article
Repost0