Le hoodwink
Ce sont les loges spéculatives vers 1730 qui ont introduit la Lumière Maçonnique en tant que concept, par le truchement du bandeau. Autrefois les loges opératives faisaient allusion à la maîtrise des arts libéraux qui parfaitement pratiqués, permettaient de voir le « Soleil ». Dans ce concept Platonicien en usage au Moyen Âge, il s’agissait de gravir les échelons de chacun des 7 arts libéraux pour arriver au sommet d’une l’échelle apparentée à celle de Jacob. À ce stade de progression verticale, il était permis d’entrevoir cette lumière divine.
Les loges du XVIIIe siècle ont introduit le bandeau (hoodwink), placé sur les yeux de l’impétrant symbolisant la cécité profane. La chute du bandeau expose le candidat à une vision (exposure) qu’il est nécessaire de définir et qui peut varier suivant les rites, mais qui au REP consiste en un rapport qui peut unir l’homme à Dieu, ceci pouvant être compris dans un sens métaphysique.
C’est donc à une conversion du regard que nous invite le rituel du bandeau dans l’initiation maçonnique. La lecture du rituel du REP nous indique que le candidat à l’initiation se situe entre les colonnes au moment où on lui enlève le bandeau. À l’Ouest, soit la porte des hommes dans la Tradition, il se tient et il aspire à cette lumière dite « illuminatrice » qui vient de l’Est. Au moment où le voile tombe, c’est sa cécité profane qui disparaît.
Il est entouré de francs-maçons qui brandissent leurs épées dans sa direction illustrant la scène du parjure d’une part et indiquant aussi que le chemin vers la Lumière est hérissé d’autant d’obstacles que d’épées. L’effet visuel se veut complet : la lumière jaillit au milieu d’un cercle de lames acérées.
La vision herméneutique et oecuménique
Être initié c’est avoir reçu la Lumière. Il apparaît que la notion d’intégration de la dimension lumineuse est d’une envergure autre que la simple vision.
La Lumière dont il s’agit n’a rien à voir avec le Siècle des lumières qui est le XVIIIe siècle, brillamment illustré par l’action et la réflexion sociétale des Francs Maçons. Cette référence est en usage dans les Rites Français et au Grand Orient. Ce siècle fut le triomphe de la pensée discursive et raisonnante plaçant l’Homme au centre de lui-même. Cette situation n’apporte pas la dimension symbolique et initiatique globale, indispensable pour comprendre la Lumière-concept. Pour résumer, il faut se rapprocher de la signification mythique de Lumière-concept pour tenter de la comprendre.
Notons qu’au Rite Emulation, la lumière coïncide avec la présentation à genou des trois grandes lumières qui sont la bible le compas et l’équerre soit dans le rituel : « Les Saintes Écritures doivent diriger notre foi, l’Équerre régler nos actions et le Compas nous tracer les justes limites que nous devons observer, envers nos semblables et particulièrement envers nos Frères en maçonnerie. »
Nous sommes ici dans la notion de Révélation oecuménique bien que protestante par son origine, ce qui diffère de la Lumière -concept du REP.
Au RER, rite qui découle en grande partie du REP c’est l’aspect christique qui est mis en avant : le Christ dit dans l’évangile de Saint-Jean : « Je suis la Lumière du monde ».
Nous sommes bien ancrés dans l’ésotérisme chrétien et son herméneutique, de manière stricte, à l’exclusion d’approche plus globalisante reposant sur une Tradition primordiale qui fonde la métaphysique.
Le dévoilement a lieu en deux temps. Conduit à l’Occident après les trois voyages et la vaine tentative de monter les trois marches de l’O\, le second surveillant retire le bandeau et dans une pénombre relative lui montre les mots « Justice » puis « Clémence », le premier mot impliquant l’oubli des ses passions et intérêts, le second la faculté de pardon, puis on lui remet le bandeau, le candidat retombant dans l’obscurité médite ainsi sur la difficulté de se maintenir dans la Lumière. On lui présente à nouveau la lumière par la flamme impressionnante, mais bien éphémère de la pipe à lycopodes, associée à la sentence « Sic transit gloria mundi » qui veut dire : ainsi passe la gloire du monde. Le V\M\ de conclure : « Le fils de la Lumière s’était égaré dans les ténèbres, il a été rappelé, il a été ramené, ses yeux ont été ouverts et les ténèbres se sont dissipées ». De ces vertus chrétiennes, il découle logiquement que la Lumière est celle qui précède toutes les autres, c’est celle de la genèse, celle du commencement. « Berechit bara élohim », « au commencement Dieu créa le ciel et la terre » puis Dieu dit « Que la Lumière soit et la Lumière fut ». Au RER, la Lumière est celle des origines par la volonté de Dieu. En principe la pratique du rite suivant les loges, semble accréditer l’idée que la Lumière est révélée.
Au REAA c’est la progression intellectuelle du maçon qui le met sur le chemin de la Lumière, sur ce chemin se trouvent les trois grandes lumières. On lui présente d’abord les glaives tendus vers lui, puis dans un second temps le bandeau est enlevé alors qu’il est intégré dans le cadre de la chaîne d’union où il est définitivement reconnu comme F.\
Après la scène du miroir, on lui présente les trois Grandes Lumières sur l’autel des serments, « Le V\L\S\est symbole de la tradition, l’équerre emblème de rectitude, nous inspire la droiture dans nos pensées et nos actions ; elle est le symbole de la Loi morale, le Compas, instrument de mesure et de comparaison, nous permet d’apprécier la portée et les conséquences de nos actes, qui devront être toujours fraternels envers tous nos semblables et, en particulier, envers nos FF\« franc-maçons».
On rappellera que le V\L\S\ n’est pas nécessairement le Bible au REAA. Nous conclurons que cette progression intellectuelle mise en exergue devant l’autel des serments autorise un syncrétisme pacificateur et humaniste.
La vision du Tout
En quoi consiste la réception de la Lumière au Rite Ecossais Primitif ?
Peut on recevoir la Lumière à la manière des hommes réfugiés dans la caverne et qui soudain en sortent et viennent au monde lumineux ?
Ce concept Socratique veut-il démontrer que l’homme est ainsi apte à s’arracher à sa propre condition et à progresser et transmettre, tant sur tous les aspects sociétaux, que sur le plan de la recherche personnelle ?
La lumière est un facteur de progrès et d’avancement dans un processus évolutif quel qu’il fût, il n’y a pas d’obstruction à ce que son interprétation spirituelle ne soit pas facteur de perfectionnement par la découverte du Tout.
Cette remarque appelle une distinction entre l’externe et l’interne, entre le visible est l’invisible entre le divin et l’émanent. La Lumière serait donc à la fois visible et invisible. Cette lumière occupe le terrain divin et le terrain personnel. Logiquement on abouti à la proposition suivant laquelle la lumière divine celle du G\A\D\L\U\ éclaire le Tout et chacun d’entre nous. Nous sommes porteurs d’une parcelle de lumière divine qui vit en nous.
Être initié, c’est être capable de mettre en relation ces deux notions qui finiront au terme de notre vie par n’en faire qu’une. Il faut tenter la jonction entre le visible et l’invisible, entre l’individuel et l’absolu en mettant de coté cet ego dictateur, qui agit comme les oeillères d’un âne. L’initié s’inscrit dans la perspective d’un grand Tout, auquel il participe pour finir par s’y fondre. Sans l’intégration de cette donnée, il est impossible de tenter de bâtir son temple intérieur.
C’est aussi un des secrets de la Franc-Maçonnerie initiatique que d’apprendre à mourir. Le mythe ancestral de la lumière, qui est commun aux trois religions du Livre, est donc celui du principe créateur qui va vers la différenciation pour finalement revenir à l’unité. Soleil extérieur et soleil intérieur finissent par s’unir. Le premier travail du maçon est donc de sortir de sa caverne, de ses ténèbres intérieures, aussi profondes qu’insondables, et de naître à la lumière. Or pour naître à la Lumière, il faut mourir à son ancienne condition. C’est ce travail sur soi qui va démarrer et pour tenter de s’engager sur ce sentier lumineux, il faut être entouré et assisté par un cadre rituelique régulier qui depuis l’origine des temps et dans toutes les civilisations, est l’oeuvre des sociétés initiatiques.
(...) suite partie 3
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