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Lumière en loge et son émanation chez l’initié :
Cette parcelle de lumière qui est en nous est-elle facile à découvrir ?
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Est-elle à même d’éclairer notre béance ténébreuse ? La question n’est pas sans intérêt, car la tâche pour le profane semble immense. Ce qui nous aide c’est encore l’exemple de ceux qui nous précèdent.
Il ne peut y avoir de Lumière divine s’il n’y a pas d’homme pour la concevoir comme image de Dieu ou du Grand Architecte de l’Univers, ce qui implique que l’idée de lumière initiatique dépend de cette parcelle divine qui est en nous. Comment un concept métaphysique tel que la lumière divine d’une part et l’émanation de notre être d'autre part peut-il être compris par un apprenti ? La Loge dans son organisation et dans ces décors est tout entière organisée pour faire naître cette lueur ensommeillée.
La géographie de la Loge met en exergue l’Orient ou Debhir, séparé du Hékal par trois marches symboliques. L’Orient est source de Lumière symbolisé par le soleil levant. Tous les rituels font référence à cette lumière si particulière venant de l’Est, que les anciens ont appelé porte des Dieux. C’est par la volonté des Dieux que la lumière matinale dissipe les ténèbres et fait germer la graine.
L’O\en loge est le siège de l’astre solaire et son complément féminin et réflexif, la lune. Ces deux astres sont là pour illustrer au concret, un concept qui les dépasse et qui ne peut se résumer à la théorie des deux cycles. On y représente le soleil symbolisant l’intellect et la lune réflexive symbolisant la raison. La communion de l’intellect et de la raison est agissante dans le monde sensible, celui de la manifestation.
Entre les deux « astres » se situe la lumière totale. Elle est représentée suivant les rites et les grades par un triangle, une étoile flamboyante ou un hexagramme. Notons que cette représentation n’est apparue que vers les années 1720-1730. C’est donc bien cette représentation symbolique qui exprime la Lumière totale divine et émanente. Pour illustrer ce principe on remarque qu’il y a confusion entre regardant et regardé. La rétine est le récepteur et la lumière bien souvent assimilée au soleil. Ils symbolisent par réduction la perfection divine et sa Lumière.
Ils sont acteurs de cette relation tant et si bien que cet œil devient émetteur lui-même, c’est du moins ce qu’il ressort de l’étude du triangle centré d’un œil au REAA qui, sous une forme amoindrie reprend l’Hexagramme centré de la lettre G au REP, où du triangle trinitaire du RER. .Notons enfin que dans certaines loges ou l’athéisme règne en maître, la lumière résume l’avènement de la conscience, ce qui ne peut satisfaire une quête spirituelle.
Chacun des rites l’exprime en fonction de sa sensibilité. Pour le REP l’explication est donnée par le menu aux Comp\ avant leur passage à la maîtrise. L’O\, toujours, est le lieu où se tient l’autel du Vénérable. Sa fonction nous l’avons déjà décrite, mais nous appuierons notre démonstration sur la fonction du « Passeur ». Le Vénérable Maître est un Passeur entre les vivants et les morts, car seul habilité pour transmettre à l’Orient éternel l’hommage ou la prière au moment de la chaîne d’union. Passeur de lumière aussi, car le chandelier au REP est allumé sur les parvis par le V\M\ en présence du Maître des Cérémonies, alors même que tous les frères ont pris place dans le temple. C’est un acte sacré que de rallumer l’étoile sommitale et les deux adjacentes.
Rappelons que le temple de Salomon était orienté en sens inverse du temple maçonnique. On y rentrait par l’Orient. Dans un temple maçonnique, on y rentre par l’Occident de même que dans une église ou une cathédrale. L’explication est simple, Dieu à une demeure sur terre c’est le temple de Salomon. Par tradition, les Dieux entrent par l’Est qui est leur porte. Or le temple maçonnique où la cathédrale célèbre la Lumière et tâche d’aller la quérir là où elle se trouve. L’homme n’emprunte pas la même porte que les Dieux, il passe par le Couchant et s’adresse au divin vers le Levant.
Pour ramener ces observations à un plan architectural, nous pouvons dire que le temple maçonnique tel que nous le connaissons est l’extérieur du temple de Salomon. Preuve en est donnée par la présence des colonnes qui, autrefois, étaient à l’extérieur du Temple de Salomon et qui sont ici à l’intérieur. Autre preuve, le Lithostros où parvis était un pavage situé à l’extérieur du temple et qui se retrouve à l’intérieur et au centre d’un Hékal appelé « pavé mosaïque ». Enfin le Zénith du temple est la Voie lactée, pour une hauteur indéfinie, comme en plein air.
On peut en conclure que l’allumage du chandelier sur les parvis du temple maçonnique au REP se fait symboliquement à l’intérieur du Temple de Salomon ; Temple aussi mythique qu’intemporel. Cette Lumière venant de l’ancien Temple va rentrer dans le nouveau Temple celui des Maçons, créant symboliquement l’unité temporelle absolue impliquant que le temps n’est plus une succession d’instant ; reliant passé présent et futur en une seule totalité. Au plan historique, nous remarquons que l’allumage du chandelier du M\ de Cér\ sur les parvis est assimilé à l’allumage de la menora, chandelier à sept branches, dont la flamme est allumée en permanence et représente la présence divine au milieu du peuple d’Israël.
Rappelons que cette Lumière est aussi celle d’Allah assimilé à la lumière totale (macrocosme), celle des cieux et de la terre, alors que les croyants sont la Lumière de l’Humanité (microcosme). Dans la Bible le Christ est la Lumière de l’Humanité (microcosme), soit pour certains le Grand Architecte de l’Univers, qui est le diminutif du Sublime Seigneur Dieu, lui-même représentant le Tout (macrocosme). Cette déclinaison est très nette l’invocation de la chaîne d’union au REP.
C’est ici une remarque que l’apprenti ne perçoit pas dans sa totalité, mais il doit en garder l’image en mémoire et, le moment venu, celle-ci déclenchera en lui la perception d’un des plus précieux trésors de l’initié : la lumière du passé, venant du Temple de Salomon bâti comme la maison de Dieu, par la volonté des rois David, c’est la Lumière originelle. Elle est associée à la création cosmogonique ici référée dans la construction du Temple de Salomon.
Il y donc assimilation volontaire de la Lumière initiale et de la création du monde, d’ailleurs le secrétaire date ses planches en relatant le début des temps :
« En ce x-ième jour du y-ème mois de la vraie Lumière 6010 » ; qui correspond d’après la bible à la création du monde.
Cette Lumière est parfaitement décrite dans le prologue de l’évangile selon Saint-Jean de 1-1 à 1-14 :
« Au commencement était le Verbe
Et le Verbe était auprès de Dieu
Et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement auprès de Dieu.
Tout fut par lui,
Et sans lui rien ne fut.
Ce qui fut en lui était la vie,
Et la vie était la Lumière des hommes,
Et la lumière luit dans les ténèbres »
C’est sur cette page que l’équerre est posée sur le compas, l’ensemble étant posé sur l’autel des serments ou l’autel du vénérable. Il revient donc au V\M\ d’ouvrir la Bible d’y apposer le compas et l’équerre irradiant la totalité de la loge de cette lumière fondatrice. Notons qu’à cet instant il est muni de son épée flamboyante, tenue à main gauche celle du cœur, image symbolique et agissante du rayon de lumière qui pourfend la ténèbre. Il le fait juste après avoir par lui-même ou par le maître de cérémonie, suivant les rites, fait allumer les lumières d’ordre Sagesse, Beauté, Force. Tout part du V\M\ vers les colonnes et tout y revient comme un écho. Ici les trois étoiles du Débhir font échos au trois étoiles du Hékal. La dichotomie des trois étoiles du Débhir et des trois étoiles délimitant le pavé mosaïque rappelle que c’est la lumière inaccessible et Divine de l’O\ qui anime la loge et l’ordonne. C’est seulement à ce moment-là que la lumière interne au maçon fait écho à la lumière divine. Cette parcelle divine qui est en nous, microcosme par excellence, est symbolisée et délimitée par les lumières d’ordre qui entourent le pavé mosaïque au centre du Hékal.
Le Hékal est donc le siège de la manifestation, symbolisée par le pavé mosaïque et par l’émanance de l’initié ; le Débhir via le V\ M\, reste la source de la lumière qui fait naître l’apprenti à l’éveil initiatique.
La Lumière initiatique ne peut se décrire, elle se vit et se rencontre par le processus initiatique. L’initiation fait éclore cette lumière aux yeux du candidat. La vision qui en découle est strictement subjective tout en étant de nature transcendantale.
Elle réveille cette parcelle divine qui est en nous. Ainsi on peut dire que la conversion du regard, qui est le but avoué de toute initiation, dépend de la sensibilité de chacun et qu’aucune généralisation et aucun dogme ne peuvent s’emparer de la Lumière en tant que concept de vérité. Il s’agit bien d’un secret, incommunicable par sa nature intime, mais transmissible par le truchement du rituel initiatique.
C’est donc sur la transmission que je conclurais en rappelant combien il ne sert à rien de trouver la Lumière en soi sans se préoccuper d’en transmettre la modalité initiatique. Nous n’avons pas à nous réfugier dans le splendide isolement de l’anachorète, dans sa montagne qui incarne la sagesse et sans doute la lumière, mais qui a fait le choix de l’extinction de celle-ci avec son dernier souffle.
Prenons exemple sur l’homme sorti de la caverne socratique qui a vu la Lumière et s’en retourne au péril de sa vie, chercher ses anciens compagnons incrédules.
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