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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 23:54

Deux extraits tirés de l’étude sur l’origine des rites maçonniques  donnent un aperçu de la pensée de l’auteur, qui met le rituel au centre  de la pensée maçonnique, catalyseur d’une réaction mentale qui dépasse le simple raisonnement.

 

 

       

 

(…)

Un texte codifié et cyclique qui parle à nos sens :

 

        Si la tenue vestimentaire impose le port de tablier de cuir et de gants en souvenir de la tradition opérative, le texte codifie nos attitudes et nos comportements en loge, notamment s’agissant des procédures de prise de parole et du silence de l’apprenti.

        Le rapport du silence initiatique à la valeur cachée de la parole met en exergue l’infinie différence entre le sens profane et le sens initiatique.

        C’est de la parole1  plus que de l’écrit que naît la signifiance. Le mot prononcé à plus de valeur que le mot écrit. Il prend vie et indique la direction à prendre. Le sens caché du mot est irrémédiablement lié aux symboles et à leurs significations. Le sens caché des mots est le langage de l’initié.

        Le rituel en lui-même est structuré de manière à répondre aux différentes circonstances auxquelles la loge devra faire face. Outre l’ouverture et la fermeture des travaux, il faut prévoir un rituel d’initiation du profane c'est-à-dire de son accueil pour son initiation en loge avec les épreuves, les voyages et le jeu des questions-réponses.

        Le rituel prévoit aussi les passages de grade d’apprenti à compagnon et a celui de maître, l’installation ou l’élection suivant les cas du vénérable et du collège d’officiers, le passage à l’Orient éternel, etc…Partout on entendra et assistera au déroulement d’une scénographie précise, chaque maçon à sa place et chaque mot ayant une signification et un effet. Il faut comprendre qu’a ce stade, le moindre détail à son importance, rien n’est neutre chaque terme, chaque posture, chaque signe a une conséquence et donc une finalité précise, dont on ne découvre la signifiance parfois qu’après plusieurs années. La théâtralisation et la répétition provoquent indiscutablement un effet plus ou moins grand en fonction de la rigueur des intervenants et de l’attention, la concentration des membres présents.

        Le rituel est en fait un formidable métronome, un régulateur qui met en route et en appétit le cherchant.

 

        La loge par son entremise est « à couvert », isolée des influences extérieures, comme un espace hors du temps où nous reprenons le gigantesque ouvrage de nos ancêtres et prédécesseurs sur la voie de la sagesse.

        De cette apparente rigueur découle une totale liberté d’interprétation de chaque maçon. En effet dans ses travaux de recherche, le maçon par l’imprégnation rythmique du rituel ordonnera de la même façon le compte rendu de ses travaux et s’inspirera utilement du sens symbolique d’un rituel.

        C’est ici du langage symbolique et de son ressenti intime qu’il s’agit. Un rituel n’est rien d’autre qu’une symphonie de symboles complètement vécus par les maçons présents. Le rituel fait appel à nos cinq sens. En tout premier lieu notre audition. Il faut le vivre pour  ressentir la rythmique si étudiée avec les coups de maillet, les questions-réponses, les prières ou invocations.

        Toute cette phraséologie se situe bien au-delà de l’interprétation personnelle de chacun, s’adressant à la part non rationnelle de l’individu, cette part qui ne dépend pas de notre intellect, mais relève du monde sensible.

        La vue est aussi invitée, ainsi que le corps lui-même.

        La succession des postures assis-debout-assis, le déplacement en marquant les angles, la chaîne d’union, le salut rituel et l’acclamation induisent naturellement la notion de reconnaissance et d’appartenance à un groupe qui peut se traduire par ce phénomène si particulier dans nos tenues qu’on appelle l’égrégore.

        Ne dit on pas que la tenue réussie est celle qui met en avant l’harmonie la musicalité et l’ouverture, à l’autre comme à soi-même. Nous ne sommes pas loin de cette « harmonie des sphères » que décrivait Pythagore.

        Les cinq sens sont en action, ils vont faire florès sur la base d’un substrat où l’initié entouré des autres initiés met en œuvre, en scène, en musique le rituel. On aboutit à ce qu’on appelle l’égrégore qui n’est autre que la quinte-essence du rituel.

        Le déroulement cyclique du rituel est calqué sur le principe du temps circulaire qui s’impose à nous et permet de rentrer dans l’espace sacré et d’en sortir. L’espace sacré est irrémédiablement lié au temps sacré qui ne peut être confondu avec le temps profane ou historique.

        Ce retour aux sources, cette capacité qu’ont les francs-maçons et autres initiés de s’extirper du temps profane leur offre une vision inégalée de la globalité et de l’unité.

        Ce sentiment, cette sensation, peut s’approcher pour le non-initié de la capacité que nous avons à expliciter le mythe de l’éternel retour suivant l’emprunt que nous faisons à Platon et aux stoïciens qui consiste en une répétions incessante de destruction et de recréation du cosmos, c’est une loi des alternatives cycliques immuables, les mêmes situations se reproduisent des cycles antérieurs aux cycles subséquents2 .

(…)

 

Penser soi et le monde : Microcosme et Macrocosme.

 

        Le rituel organise la pensée ontologique et eschatologique du maçon.

        Si le mythe reste une construction élaborée, voire amendée au travers des âges, il repose toujours sur une base historique véridique. C’est à Schelling dans « Essais sur les mythes » en 1793 que nous devons cette première constatation. Le mythe est de prime abord un récit symbolique, il est avant tout un assemblage subtil d’éléments qui parle à l’individu comme aucun texte ou récit ne peut le faire.

        Il se crée dans l’esprit de l’auditeur et du spectateur une alchimie si particulière que d’éminents spécialistes comme Lévis Strauss et Carl Ernest Jung ont voulu étudier, tant sous l’angle de l’anthropologie que de la psychologie. Il en découle que les mythes se décomposent en de multiples mythèmes, qui construisent le récit et que les images qui y sont décrites sont si anciennes, qu’elles sont communes à de nombreuses civilisations particulièrement distantes les unes des autres. Ces représentations mentales sont des archétypes qui ont une action dynamique sur notre comportement. Ils appartiennent pour certains spécialistes à notre inconscient collectif.

        Pour ceux qui ne considèrent pas la psychologie comme déterminante dans la science sacrée, le mythe est perçu comme la trace , la preuve, d’une tradition primordiale commune à toutes les civilisations et qui ne touche pas au soubassement de la conscience, mais bien au contraire réfère à une supra conscience. Cette supra conscience est présente chez l’homme et participe d’une pensée transcendante, laquelle fait le rapprochement entre microcosme et macrocosme. Elle devient à la fois explication ontologique de l’homme et eschatologique du monde. C’est ici un des sens de la pensée métaphysique de René Guénon grand défenseur de la Tradition. Il est constant que le mythe repose pour son élaboration sur les phénomènes cycliques qui marquent le renouvellement, la renaissance : la vie, la mort, le jour, la nuit, les saisons, les récoltes, etc. .

        Chaque phénomène se traduit en rapport direct à l’homme, c’est ce qu’on appelle la vision anthropomorphique. L’homme a toujours eu ce besoin de ramener à lui l’ensemble des phénomènes qu’il constatait, réalisant ainsi le lien, l’unité d’une vision globale de l’homme et de l’univers.

        Bien souvent, faut il le préciser, la dualité constatée et subie se mue en unité salvatrice3  et probablement transcendante. C’est ainsi que fonctionne le raisonnement analogique qui à pour fonction de mettre en avant des points communs entre différents objets et situations de tailles et de natures différentes.

        C’est aussi à ce moment qu’apparaît de manière simultanée pour ne pas dire magique (au sens de l’image suggérée) le phénomène symbolique.

        Le symbole, heureux événement de la pensée, n’est autre que l’abécédaire, le refrain du récit mythique. Le couple mythe et symbole ne pourraient se prévaloir d’une réelle portée transcendante et initiatique s’ils n’étaient mis en musique et dynamisés par l’action du rituel.

        Il y a donc parti lié entre le rite, le mythe et le symbole, chacun renvoyant à l’autre et dépendant de l’autre pour son efficience. Ainsi les légendes que l’on rencontre dans les rituels maçonniques, qui pourraient n’être que de simples récits, trouvent leurs portées démultipliées bien au-delà des termes utilisés. Ils induisent une résonance qui dépasse le point de vue moral, psychologique ou philosophique, pour atteindre les sommets de l’intuition appelée aussi l’intelligence du cœur.

        C’est cette conjonction bienheureuse du rite mettant en mouvement les mythes et les symboles que naît l’imagerie métaphysique, l’imago mundi. Cette vision totale ne peut être circonscrite par une explication de texte ou une exégèse, et je dirais qu’elle est si personnelle qu’elle ne peut être décrite, mais tout juste transmise dans la résonance qu’elle offre aux autres initiés.

        C’est cette résonance qui est l’objet de la transmission et non pas un code de la route. L’éveil de l’initié sur le chemin suffit à sa perception.

(…)

\

Er\Rom\

1  Le savoir ésotérique et donc initiatique, de Platon et avant lui des pythagoriciens, était transmis verbalement et excluait l’écrit.

2  Le Judaïsme innovera en brisant le temps cyclique où la fin n’est pas définitive, en lui donnant un début et une fin définitive cette fois. C’est un temps qui n’est plus cosmique, mais historique, ou l’intervention divine ne marque plus le début ou la fin du cycle, mais tout simplement la volonté divine. Le Christianisme reprendra ce thème d’un temps historique, devenu temps liturgique avec l’avènement du Christ incarnation du cosmos, en temps zéro et un calendrier fait de multiples saints qui recycle et écarte les anciens temps mythiques de l’origine des temps,

3 Phénomène illustré par l’expression maçonnique : « Rassembler ce qui est épars »

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