Les voyages initiatiques et rituéliques du Franc-maçon aboutissent tous à une vision, une image qui n’est autre que le tableau de loge.
Le tableau de loge est une image du monde et à un certain niveau de perception correspond au grade du maçon. Cette image est composée de symboles et au-delà recoupe un idéal. Donc le franc-maçon apprend un nouveau mot et un nouveau paysage à chacune de ses initiations graduelles. Les mots prononcés et les images-symboles ou images-paysages sont support de la transmission. Entre les mots sacrés, les mots de passe et les images, il y a une relation complémentaire qui comble l’absence et qui dépasse les expressions concrètes. La relation mot symbole / image en appelle à l’intelligence du cœur et provoque le ressenti. Lorsque le mot disparaît le paysage prend plus de signification et palie l’expression verbale par le ressenti de l’image. C’est l’évolution la plus achevée du langage que de dire sans prononcer. L’image s’en trouve renforcée et le symbole quelle contient devient une idée voir même un idéal.
Ce travail ne traite qu'un aspect de la finalité du voyage initiatique. C'est son atout principal que de nous éclairer sur un aboutissement rarement abordé dans la littérature maçonnique. Il y a donc des petites loges mênent modestement leurs travaux de recherche !!!
Sans aller jusqu'à une quête de la parole perdue, nous resterons au diapason du 5 qui est nombre de l’homme.
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« J’ai choisi pour thème : « Les paysages dans les voyages ».
Je suis parti du constat qu'au bout du voyage il y avait un paysage. J’ai pu même constater qu’a l’issue d’un périple de 5 voyages, revenu à mon point de départ entre les colonnes le paysage avait changé. J’ai donc souhaité éclaircir le mystère de l’influence du voyage sur nos sens d’une part et du rapport en miroir qui existe entre l’observant et l’objet de l’observation, autrement dit le paysage. Ainsi, je vous propose un voyage dans les paysages réfléchis au miroir de mes pensées et au fil de mes mots.
Pour accéder au grade de compagnon il m’a fallu effectuer 5 voyages au cours desquels j’ai médité sur ma qualité d’apprenti évoluant vers celle de compagnon. Alors même que je récapitulais mon état d’apprenti je découvrais un nouveau champs d’expérience, je decouvrais le monde et rencontrais les autres frères et leurs richesses. J’apprenais de nouveaux outils qui m'initiaent à l’horizontalité et la verticalité. Un nouvel apprentissage pour mieux comprendre et mieux appréhender le monde qui m’entoure.
Si mes 5 voyages étaient horizontaux, je me suis élevé de 5 marches ! J’ai dû gravir cinq marches qui m’ont permis d’accéder à une hauteur de vue et d’esprit correspondant à un nouveau « point de vue ».
Ainsi le même être voyait les choses différemment par le voyage qui élève l’esprit. Que voit cet être à l’issu d’un voyage si ce n’est un paysage ? Dans quelle mesure le paysage peut être lu différemment suivant le niveau d’élévation qui est le notre ?
Autrement dit au plan symbolique, la vision à hauteur de cinq marches n’est elle pas différente qu’a celle de trois marches ?
Les paysages sont ressentis différemment d’un être à l’autre.
Vingt personnes ayant à décrire un paysage précis, vous donnerons vingt images différentes et peut être opposées.
Plusieurs photographes obtiendraient des cliches tout à fait différents d’un même panorama. Le paysage est instantané photographique d’un voyage et donc d’une vision personnelle la vision est une affairede sens. S’agissant des cinq sens et de l’intelligence du cœur nous avons quelque chose à dire en tant que franc-maçon. Notre initiation nous à remis les sens en éveil en contact avec les quatres éléments constitutifs de notre corporalité. Nous pouvons direque la fonction principale des voyages est d’aiguiser nos sens et l’intelligence de notre perception.
Se pose alors la question suivante : Si le franc–maçon regarde le paysage, quelle est la partie de lui-même qui voit le paysage ? Le corps, l’âme ou l’esprit ? Ou se trouve le paysage que je regarde, dehors ou dedans, à l’intérieur de ma boite crânienne ?
Il ne s’agit pas tellement de la fidélité de l’objectif de l’appareil, mais plutôt de l’homme qui le manie. L’homme à une acuité visuelle qui varie tout au long d’un jour ou d’une vie. Notre capacité à voir dépend de notre expérience. Hors pour acquérir de l’expérience il faut voyager. Nous savons que les voyages aiguisent nos sens, notre sensibilité et surtout notre ressenti. Si la sensibilité est du domaine corporel, le ressenti est un retour d’expérience acquis dans un voyage des sens en relation avec l’esprit. Le ressenti fait le chemin de la spiritualité.
Notre voyage fait partie de nous-même et porte notre sceau, notre Signature sous forme d’un ressenti du paysage. Il y a donc un ressenti personnel dans la vision, la vision dépend moins de l’impression rétinienne que de l’ouverture d’esprit, comme de l’ouverture de la focale. L’impression rétinienne flatte nos nerfs optiques, l’ouverture d’esprit nous donne la profondeur de vue et le don de double vue. (intérieure et extérieure)
Le compagnon règle son pas et sa profondeur de champ sur le chiffre 5.
Mon voyage identitaire a démarré dans mon Berry natal, ma terre nourricière, celle qui donne le blé, le maïs et tant de céréales qui nous font vivreet nous font grandir et vivre bien entendu. Cette terre redistribue les éléments et donne la vie à cette graine et qui arrosée peu à peu et récoltée nous font partager le pain. Tout comme la vigne et son raisin nous fait partager le pot de l’amitié. Ce paysage de mon enfance est donc similaire au blé et l’eau retrouvés dans le cabinet de réflexion.
Rappelez-vous mes frères que lors de nos voyages initiatiques nous avons passés les épreuves de la terre, l’air, l’eau et le feu.
De mon Berry natal j’ai conservé un peu de brouillard et beau temps à l’intérieur de moi. Ils sont comme des impressions diffuses, des filtres d’amour, ou la lumière joue un rôle primordial.
Point de paysage sans lumière - Point de lumière sans rencontre.
Ici c’est bien plutôt la relation de deux paysages ou de deux voyages qui m’importe. Le paysage des formes et le paysage des symboles. Le premier est celui du peintre le second celui du franc-maçon.
Comment se compose un paysage ? Il y a trois plans, un premier un second et un troisième plan. Il en est de même de notre puissance interprétative. L’immédiateté du concret, précède le moyen terme accessible et la ligne d’horizon inatteignable. Le paysage se compose de vallées de lacs pour s’abreuver de montagnes à gravir jusqu’au ciel et d’un horizon. L’horizon appartient au plan en deux dimensions ce qui nous rappelle le niveau, la montagne nous évoque le fil à plomb et cette verticalité transcendante. Que n’ai-je rêver enfant d’escalader les montagne, de tutoyer le ciel et le soleil et de voir la terre d’en haut ! Cette quête vers l’absolu vertical succède à la marche vers l’horizon infini. Je constate que l’horizon et la montagne sont des « traits d’union » entre la terre et le ciel, le premier est horizontal, le second axial.
Si le paysage se projette en moi, alors j’ai en moi ces deux voies de communication entre la terre et le ciel. Le paysage auquel on accède par le voyage prône l’absolu et l’inatteignable. Par conséquent le voyage reste un effort permanent vers le bout d’un paysage, vers une image idéale d’une totalité.
Tout voyage permet de mieux se connaître. Le fait de partir implique le fait de revenir, de mieux se situer et ainsi conforter nos expériences de l’extérieur et de l’intérieur pour nous permettre d’évoluer. Il faut savoir s’éloigner pour pouvoir se rapprocher.
Me connaître serait de réaliser les contours du monde et du milieu dans lequel je vis; les relations d’ordrepratique, l’atmosphère, les éléments affectifs et symboliques. Ces contours de mon intériorité sont constitutifs d’un paysage. Jamais le voyageur ne doit oublier que dans les paysages qu’il rencontre, il est à la fois l’observateur et l’observé. En vérité en visitant l’extérieur c’est l’intérieur de soi que l’on explore.
Parce qu’on les associes à l’aventure, les voyages ont toujours inspirés la plume des écrivains et fascinés les hommes avides d’aller à la découverte pour mieux connaître cette terre si belle sur laquelle nous avons le privilège de séjourner.
Qui n’a pas rêvé un jour de visiter tel ou tel pays ? S’approcher de telle ou telle civilisation ayant laissé son empreinte au travers des siècles ?
Notre curiosité de la découvrir, le besoin de dépaysement, mais aussi la recherche du contact humain qui justifie le ou les voyages. Ne sont-ils pas source de découverte intellectuelle et dépassement de soi ?
J’ai en mémoire mes fréquents voyages sur une île, un véritable coin de paradis ou les couleurs de la mer et du ciel changent à chaque heures du jour. Outre la diversité des paysages, les odeurs qui effleurent, ne seraient pas si envoûtantes, sans la beauté de ceux qui l’habitent. L’esthétique et l’harmonie propre à mon grade trouvent un écho naturel dans ces paysages mémoriels. Ils se transforment en même temps que j’épuise mon corps à le faire marcher sur le chemin. Plus je vieillis plus l’écho s’harmonise au point de saisir mon cœur. Le paysage devient souvenir, la lumière devient irréelle.
J’ai en mémoire une réflexion venue du fond de mon cœur : « la beauté de votre île, c’est vous les îliens, votre bonté, votre gentillesse me demande de revenir sans cesse ». Le voyage c’est la rencontre et la rencontre devient paysage ou image. La rencontre crée une impression qui sous un angle esthétique entre au plus profond de moi. Par un effet miroir je deviens l’autre et moi-même. Finalement c'est une chance pour le compagnon de découvrir le monde et les autres et de s'enrichir dans un travail interieur.
Un jour, mes facultés mémorielles vont s’amenuiser. Je poursuivrais encore ces paysages de mon enfance, ces souvenirs de jours heureux, mais je n’arriverais plus à tout embrasser, à tout réunir dans un même tableau. Comme une photo jaunie, les personnages disparaissent, il ne restera que des contours celui des formes et de pâles couleurs. Je serais alors à l’image de cette photo, l’écho épuré des formes et des couleurs. Cette épure des sens me fera peut être entrevoir le chemin caché, celui qui mène à la dernière porte.
En fait le milieu se trouve ainsi étroitement lié et associé à la personne et donc appelé à jouer un rôle primordial et essentiel dans la connaissance de soi. Ainsi, chaque homme ne peut-être approché que dans le paysage qui lui est propre, paysage qui fait partie intégrante de son être. Je suis le Paysage.
Le paysage organise la médiation entre la terre et le ciel, si je suis le paysage je suis donc à mon tour médiateur entre la terre et le ciel.
Le « MI-LIEU » de chaque vie personnelle se présente comme une appartenance, une zone « inter-médiare » entre l’homme et la nature, interférence de l’homme et des choses alentours.
S’il y a une histoire qui fait la vie d’un homme au fil du temps, il existe aussi une « geo-grahie » personnelle, une inscription de l’être dans la société humaine et plus généralement sur la surface de la terre faite de mers et de continents.
Le milieu se trouve ainsi étroitement associe à la personne et donc appelé à jouer un rôle essentiel dans la connaissance ou plutôt dans la « re-création » initiatique du soi.
Un changement soudain de paysage matériel ou spirituel ne permet pas à la personne de s’adapter. Je serais tenté de dire que le décalage apparaît consécutivement à l’accélération du temps. La vitesse détruit le paysage. Le voyage du pèlerin se fait à pied en fonction de son rythme cardiaque, en égrenant le chapelet on se met en phase avec la vision profonde. Le cœur est au diapason de son ressenti, et donc du paysage.
Le rythme naturel de la marche harmonise l’homme et son milieu. La vitesse et l’accélération du temps rompent l’équilibre et la puissance de la forme.
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage (Joachim du Bellay 1522 /1560).
Cet ouvrage constitue un outil de transformation personnelle à l’aube de bouleversements dans la structure de notre planète et dans ses consciences. La beauté s’associe au voyage comme au paysage.
Elle permet de suivre les étapes d’un grand voyage. Les poètes eux ont vu la possibilité d’utiliser le voyage pour échapper quelques instants au réel, pour se mouvoir sans se déplacer en laissant à l’esprit et à l’imagination le soin de pérégriner dans le pays du rêve et de l’imagination. Le voyage peut donc être immobile, il constitue la somme de libération de l’esprit, face à la pesanteur du corps.
En fait il suffit de fermer les yeux………………… L’image-paysage devint un ressenti, quelque chose qui se situe au-delà des sens.
Arrêtons-nous maintenant sur le voyage initiatique en prenant quelques exemples tirés de la mythologie, de l’histoire ou de la religion et qui, tous révèlent une importante signification symbolique.
Bouddha puis jésus qui parcoururent leurs pays, Moise emmenant son peuple vers la terre promise.
La quête du graal par Perceval et Lancelot
Le pèlerinage de saint jacques de Compostelle
Nous pouvons multiplier les exemples, mais une chose est sûre, il n’y a pas de héros sédentaire. les grands sages de l'humanité ont tous entrepris un grand voyage, ils ont tous franchis un fleuve pour atteindre une autre rive. Ils connaissent tous le "mot de passe".
Plus près de nous, nous connaissons les périples des compagnons du tour de France et dans la franc-maçonnerie, les voyages des apprentis, des compagnons et des maîtres.
Ce voyage initiatique est une expérience fondamentale pour l’homme. Il est même une nécessite ; l’outil de son émancipation et l’occasion de découvrir d’autres aspects de sa personnalité comme évoqué précédemment.
Mais ce voyage est également une épreuve car il suppose une confrontation avec soi-même et l’on sait que cet exercice est difficile.
Le vrai voyage est toujours intérieur, une plongée dans notre être profond sur lequel nous allons tous poser un regard neuf.
Je comprends mieux l’acronyme alchimiste et maçonnique V I T R I O L
Visite de l’intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ou, descends dans les entrailles de la terre, en distillant tu trouveras la pierre de l’œuvre.
Cette pierre que le profane doit trouver n’est autre que la pierre philosophale des alchimistes et celle-ci se trouve au plus profond de chacun d’entre nous. Elle ne se dévoile qu’a ceux qui par un cheminement intérieur sincère, sont arrivés au parfait équilibre pour ne faire qu’un. Ce qui est recherché c’est l’harmonie très bien représentée par l’étoile à cinq branches.
L’étoile flamboyante, pentagramme à cinq branches nous rappellent que nous suivons la voie qu’elle nous trace sur le chemin de la connaissance et de la vraie lumière. Mais l’étoile comme la ligne d’horizon est inatteignable. L’harmonie universelle serait une illusion ?
J’aimerais vous faire partager l’un de mes poètes préférés en l’occurrence Charles Baudelaire, j’ai choisi le plus naturellement l’invitation au voyage.
Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
L’invitation au voyage est un poème qui consacre l’idéal. Nous dépassons le symbole pour aller à l’idéal. Aspirer vers une beauté supérieurequi entrouvre la porte à la spiritualité et de l’unité fusionnelle. Il faut bien entendu rapporter l’Oeuvreà sa plus simple expression, la notion de liberté de pensée et d’agir. Ce poème nous donne au-delà son coté musical, une belle définition du voyage : le voyage intérieur au centre de nous même.
Le voyage est un outil de connaissance, de liberté, mais aussi et surtout une quête, celle de notre réalité, de notre vérité.
Les voyages du compagnon sont à la fois une récapitulation de ses états passés et la mise en harmonie de l’homme dans son environnement, l’homme harmonieux et l’homme microcosme.
Il maîtrise les deux dimensions du plan, sans oublier la vision verticale que lui dicte le fil à plomb. Trouvant son propre centre il rayonne comme l’étoile flamboyante dans toutes les directions.
Finalement le voyage et le paysage ont parties liées. Aucun des deux n’est véritablement achevé. Quelque chose d’ineffable nous échappe. C’est justement la promesse de l’infini dans un paysage qui nous appelle au voyage ; il faut se mettre sur le chemin, c’est l’idée fondatrice de l’initiation.
Qui suis-je dans ce paysage, suis-je un élément du Tout ou le Tout lui-même ? C’est ici que se pose la question de l’immanence et de la transcendance., passer de l'une à l'autre c'est franchir le fleuve. Un fois de plus l’observant est l’observé se retrouvent devant le miroir. Si je suis le paysage, alors le but de tout voyage est la connaissance de soi. Le compagnon à la fin des ces 5 périples pédagogiques découvre l’image du monde qui est le sien. Il se résume au tableau de loge au centre du Hékal. Tout y est décrit. Tous les symboles figurés interagissent dans son coeur. C’est une imago Mundi composée de trois parties, un premier plan composé des 5 marches de la porte du temple et des deux colonnes, puis un second plan avec tous les outils de la construction du soi et les styles d’architecture et plus loin un troisième plan occupé par l’Orient, le soleil et la lune et la lumière inatteignable. L’Orient, la montagne et l’horizon sont les sources mythiques de la lumière.
Le tableau de loge du compagnon est mon paysage initiatique. »
(…)
Her.°. M.°.