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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 22:20

 trois lumieres3                                                                           La méthode maçonnique et l’entrée en la matière

 

 

        S’il n’existe pas d’enseignement de l’initiation, il existe bien une méthode de transfert des données traditionnelles. La méthode maçonnique empreinte de spiritualité est d’abord un chemin de sagesse.

La spiritualité est la vie de l’esprit humain. Elle a un rapport immédiat et absolu avec le divin et l’infini. La notion divine n’est pas nécessairement fondée sur une croyance en une vérité révélée, pas plus que la spiritualité appelle la philosophie. Pour autant la spiritualité n’est qu’une perception humanisée des concepts métaphysiques.

 

L’initiation (maçonnique) constitue la plate-forme, « une entrée en la matière » sur laquelle le franc-maçon va tailler sa pierre.

Plus que la taille, c’est être la pierre qui importe.

La méthode repose sur une progression par paliers, dans l’étude des textes et des symboles traditionnels. Ainsi une loge qui négligerait l’étude de la symbolique maçonnique au profit de questions sociales ou d’actualité, remettrait en cause la transmission des connaissances initiatiques fondamentales de l’Art Royal. Les symboles qui sont étudiés sont universels, ils accompagnent l’apprenti sur son propre chemin.

 

Travail et tablier

 

 Le travail est le moteur du cheminement initiatique. Il peut arriver que quelques frères oisifs se prélassent sur les colonnes, profitant du travail des autres et n’apportant à la loge que leur présence critique. Il convient de leur rappeler qu’ils portent un tablier, héritage des temps opératifs.

Mettre son tablier est un geste symbolique. Toutes les voies initiatiques ont leurs vêtures. L’aube et la tiare pour le sacerdoce, l’armure et l’uniforme pour la voie martiale[1], le tablier pour la voie artisanale. Le premier geste pour mettre son tablier consiste à ceinturer son corps. Avant de commencer le travail, il faut donc « faire le tour de soi », comme une mise en condition corporelle.   Le tablier de l’apprenti donne le signal du premier travail à effectuer : la taille de la pierre brute.

Il est en peau d’agneau excellent isolant, complètement blanc. Il a une bavette triangulaire qui reste tendue vers le haut et qui protège la région de l’épigastre, dans le symbolique travail de dégrossissement. La bavette levée de l’apprenti symbolise le savoir non encore pénétré dans la matière ou corps physique. La bavette abaissée du compagnon symbolise l’entrée de l’esprit dans la matière. Une telle symbolique nous la rencontrons aussi dans la superposition de l’équerre sur le compas durant les travaux au grade d’apprenti dans lequel la matière prédomine et au grade de compagnon ou la matière et l’esprit s’équilibre.

 

Liberté et collectivité

 

Le mot d’ordre est « un maçon libre dans une loge libre ». Le message délivré par les symboles s’adapte aux convictions philosophiques, religieuses et morales. Ce travail personnel repose sur une quête de soi pour certains, une dimension divine ou sociétale pour d’autres.  

C’est au contact des autres frères que s’enrichit son propre parcours. C’est ici le principe d’altérité qui produit ses effets. La Loge devient alors un lieu d’échanges réglementés et de sérénité ou s’exprime parfois des options différentes, chacun conservant son libre arbitre en ayant pris soin de bien comprendre le point de vue d’autrui. La différence dans la fraternité, construis la conscience de soi et du monde. Chacun trace son chemin de lumière en s’appuyant sur les autres. Les francs-maçons sont donc des individus interagissant qui élaborent leur pensée personnelle et non collective fondée sur l’analogie symbolique. La Loge devient l’athanor de l’accomplissement individuel. Elle reste aussi le lieu vivant de la tradition et de la transmission.

L’effort à fournir consiste à une descente en soi pour mieux se connaître et se perfectionner en rectifiant ses défauts et ses erreurs. C’est le « Gnôthi seauton »[2] d’origine grecque, qui consiste en une transformation intérieure de l’initié. La Franc-maçonnerie est une école de l’éveil se traduisant notamment en un élargissement de la conscience. Cet effort sur soi commence par la taille et le polissage de sa pierre. Il se poursuit, s’il en est capable, par une descente au plus profond de lui-même.

Enfin, l’initié répondra à l’appel de la transcendance. Ce principe est illustré par l’acronyme alchimique V.I.T.R.I.O.L[3]., Visita Interiora Terrae, Rectificandoque, Invenies Occultum Lapidem (Visite l’intérieur de la Terre, et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée). La construction de son temple personnel est un objectif qui passe par l’usage des symboles qui s’expriment autrement que dans la vie profane.

 

Trois étapes

 

Il y a donc bien trois étapes à franchir :

La première étape commence par une reliance à soi. C’est le geste symbolique de ceindre son tablier qui nous fait relier les deux extrémités de soi. C’est aussi une prise de conscience de sa propre corporalité - matérialité, perfectible jusqu’aux limites de nos possibilités.

On cherche à éclairer les zones d’ombre de son psychisme. Ainsi l’apprenti cherche à se dépouiller de la gangue de matière dans laquelle il se fige. C’est un travail sur soi ou il recherche sa véritable identité. L’animal devient homme.

 

La deuxième étape consiste à rentrer en fraternité active avec les autres. C’est le principe bien connu des voyages du compagnon, qui en découvrant le monde découvre et partage le pain avec autrui. Dans cette reliance aux autres, le compagnon accomplit la réalisation du Moi. Il doit voir la présence de l’esprit prisonnier de la matière et trouver en lui le moyen de dénouer les blocages. Peut-il alors y avoir confrontation dans la fraternité? Naturellement, l’aboutissement de cette rencontre de l’autre dans un lieu clos et couvert doit se faire dans la conciliation des contraires, comme les cases noires et blanches du pavé mosaïque. C’est ce consensus qui donne naissance à l’égrégore. C’est un phénomène transcendant inexplicable qui couronne la rencontre et l’effort sur soi. Symboliquement aux agapes les Frères partagent le pain de la Sagesse. C’est le même pain qui nourrit la communauté. Enfin, la Loge est assimilée à un miroir: les Frères s’entraident dans l’élimination de leurs défauts.

 

Enfin la troisième étape s’attache tout particulièrement à la libération de l’être dans l’aspiration à plus haut.

C’est l’étape de la reliance à la totalité, à l’universalité. L’homme microcosme devient macrocosme. Le Maître accompli l’intégration du soi, premier pas vers la sagesse et l’harmonie. C’est le relèvement du maître de sagesse qui est en lui.

La méthode consiste donc à la mise en pratique d’un langage non discursif. Il n’est compréhensible qu’au prix d’une volonté agissante sur le corps et l’esprit, visant l’épanouissement personnel dans le cadre d’un groupement humain usant de rituels et parlant le même langage symbolique. Le groupe est indispensable, car il est un miroir pour soi-même. Il permet d’avoir un écho de soi plus révélateur que la simple conviction que l’on peut en avoir.

Progressivement le maçon acquiert pour lui-même une meilleure connaissance de soi, apportant par ses avancées un enrichissement de la loge. L’échange s’effectue donc dans les deux sens. L’apport mutuel par sa nature collective devient le 2ème trésor de la loge[4].

 

Les degrés et la conjugaison

 

Il existe plusieurs degrés de connaissance initiatique, traduits par des grades qui donnent lieu à de nouvelles initiations et donc de nouveaux commencements. Les trois grades de base de la franc-maçonnerie initiatique sont l’apprenti, le compagnon et le Maître.

Graduellement le franc maçon pratique le « solve » et « coagula » des alchimistes : il s’agit dans un premier temps, de dissoudre les imperfections de son être, fondées sur des mécanismes propres qu’il convient de réinterpréter pour enfin s’améliorer. À la suite il faut bâtir en soi la sagesse.

Oeuvrer sur le chantier de son temple intérieur, c’est participer à une immense chaîne de chercheurs d’absolu qui remonte à la nuit des temps. L’initié ritualise sa recherche, à l’aide d’outils qui sont des symboles dont la fonction finale est la quête de soi sur un plan mythique. Il s’appuie aussi sur l’ésotérisme consistant en l’approche découverte du « divin » par la lecture des textes sacrés dans leur sens intérieur.

En des termes plus concrets le franc-maçon tout en admettant la rationalité comme principe de base à tous les raisonnements, fait une place aussi grande à son intuition. Il joue sur la complémentarité des deux termes en les conjuguant. Il agit de la même façon en évitant les oppositions entre deux termes. En prenant de la hauteur, il tente la conciliation en recherchant la meilleure des deux propositions. Cette politique du juste milieu fait de lui un juste conciliateur en toute occasion. De la même façon qu’il a appris à bâtir son temple intérieur en alliant la matière à l’esprit, il réitère en conciliant le blanc et le noir, les ténèbres et la lumière suivant un axe médian. On dit que le franc-maçon se tient entre l’équerre (symbole de la matière) et le compas (symbole de l’esprit). Il se doit de réaliser l’harmonie entre les réalités matérielles et les spéculations de son esprit.

Enfin il nous semble utile de rappeler que l’Art Royal est une logique de l’interprétation, qui repose sur le bon usage symbolique des outils des frères opératifs[5]. C’est un aspect concret et architectonique où la volonté s’impose à la matière, et l’herméneutique des textes sacrés ouvre à la métaphysique et aux règles de l’harmonie.

 

R\L\ Ecossais de Saint-Jean

Eric R\

 

 

 



[1]              Sans parler de l’habit de lumière du torero, la corrida étant une forme dégénérée d’un cheminement initiatique de type minoen.

[2]              « Connais toi toi-même », inscription gravée au fronton du temple d’Apollon à Delphes et que Socrate avait choisi pour devise.

[3]                L’inscription V.I.T.R.I.O.L figure dans le cabinet de réflexion dans lequel est enfermé l’impétrant au cours de son initiation. La signification de l’acronyme lui est inconnue, mais il vit pendant quelques minutes cette interrogation salvatrice sur lui-même.

[4]              Le premier trésor d’une loge est la transmission de son influence spirituelle de générations en générations. La généalogie initiatique de la loge et des frères qui la compose est indiscutablement plus importante que l’appartenance à telle ou telle obédience. L’évocation des anciens passés à « l’Orient éternel » est d’une importance capitale en la matière.

[5]              Le bon usage des outils au plan opératif équivaut à la bonne interprétation symbolique. La polysémie des symboles n’implique ni l’anarchie ni le contresens.

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