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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 10:40

L’Arbre Cosmique (extrait de l’ouvrage Axis Mundi -Ed. du Maçon)

Dans l’étude générale de l’Axis Mundi, des rapprochements sont tentés par l’auteur, dans le but de démontrer l’universalisme du symbolisme axial avec pour modèle de base la roue à sis rayons, autre image de l’hexagramme. Il est question ici d’un passage sur le symbolisme de l’arbre.

 

 

 

P

our appréhender toutes les conséquences de la roue à six rayons[1], il faut aborder le symbolisme de l’arbre cosmique qui en est dérivé. Cet arbre cosmique est constitué de trois racines dans la partie basse correspondant aux trois rayons inférieurs de la roue. Les trois branches correspondant aux trois rayons de la partie supérieure de la roue, reliant racines et branches. Un trait équivalent à la longueur d’un rayon se substitue en guise de tronc au point central de la roue à six rayons.

A

insi l’hexagramme est composé de six branches et d’un point central, tout comme la roue de six rayons. Le point central ici est constitué par un tronc de l’arbre que l’on peut assimiler à la présence de l’homme reliant le monde manifesté au monde non manifesté, dès lors qu’il se tient géographiquement sur un point tellurique fort, ou qu’il possède la connaissance initiatique ultime.

 

L

’homme dans cette situation devient trait d’union ou plus précisément pontifex[2] entre ces deux mondes. Ce lien entre le domaine terrestre et Dieu se retrouve dans la mythologie germanique dans le Bilfrost[3], gigantesque pont en forme d’arc-en-ciel reliant le Midgard, demeure des hommes et le Asgard domaine des dieux germains. Cette notion de pontife recoupe l’idée d’universalité des pouvoirs spirituels et séculaires entre les mains d’un même sage « Le grand pontife ». Elle suggère aussi l’existence géographique d’un principal centre axial sur terre et de ses dérivés décentralisés.

L’arbre cosmique confirme la relation réciproque : « ce qui est en bas et comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas »[4]. Il s’agit là du principe d’analogie qui fonde la démarche symbolique, permettant l’extrapolation entre le symbole « signifiant » dans un monde perceptible et donc parfaitement représentable, et sa projection « signifiée » dans un plan supérieur de la pensée, difficilement exprimable, mais respectant les principes d’harmonie entre l’univers livré aux sens et les mondes extrasensoriels. La ligne de partage ou plan de réflexion est occupée par l’homme médiateur (tronc[5]), le monde souterrain synonyme de matière est occupé par les racines qui se nourrissent de la matéria prima, grâce à l’intervention du ciel au travers les branches. C’est aussi l’homme placé entre son passé et son avenir, riche de fruits spirituels en devenir pour les plus féconds et sans feuilles ni fruits pour les autres. Les branches, situées dans le domaine aérien au contact avec le ciel relèvent de l’esprit, de l’essence, du divin, du non visible.

 

L’identité entre le tronc et l’homme, trait d’union entre le ciel et la terre, a fait l’objet des fondements ontologiques de la Chine impériale. L’empereur de Chine a toujours été considéré depuis l’origine comme le médiateur. Tous les cinq ans, le fils du ciel rendait visite à l’empire du Milieu jusqu’en ses confins en suivant la route du soleil. Il se déplaçait dans un char carré représentant la terre surmontée d’un dais circulaire représentant le ciel, rendant visite aux cinq pics sacrés représentants les quatre points cardinaux et le centre ou culmine symboliquement la montagne Kouen Louen « nombril du monde[6] ». Plus tard ce rituel se perpétua par une déambulation dans le temple du calendrier (Ming Tang) dont la base était carrée et le toit circulaire, inaugurant rituellement les saisons et les mois à partir d’un centre activateur. L’irradiation partant du centre jusqu’aux confins de l’espace manifesté crée l’harmonie et la grande paix.

 

L’homme initié est censé par son savoir, faire le lien entre ces deux univers, macro et microcosme.  Le tronc se superpose à l’axe nord-sud, censé faire le lien entre le I majuscule de la figure, représentant l’Unique vertical et le X des quatre rayons représentant la terre cardinale en sa surface, la matière, la multitude.

Le symbolisme polaire ainsi décrit n’est pas sans rappeler le symbolisme maçonnique du fil à plomb. L’arbre par sa verticalité symbolise l’axe du monde, ses racines plongent dans l’univers souterrain et obscur, son tronc organise autour de lui la surface de la Terre et par ses branches il rejoint le ciel. La prépondérance du ciel sur la mécanique ainsi décrite explique que la kabbale dans la symbolique de l’arbre séphirotique situe les racines de l’arbre dans le ciel et les fruits qu’il produit sur la terre, c’est le principe de l’arbre inversé, attestant la causalité réciproque de la terre et du ciel. Cet arbre inversé se retrouve dans les Upanishads de la tradition hindoue « Le monde est comme un figuier perpétuel dont la racine est élevée en l’air et dont les branches plongent dans la terre ». Les racines qui sont dans le ciel représentent le principe, l’ampleur de la manifestation étant représentée par les ramures et les feuilles. L’arbre inversé est l’exemple caractéristique du principe d’analogie réciproque, fondant le rapport d’identité entre les différents mondes et ceci au moyen du tronc médiateur. L’arbre à palabre africain ou l’arbre (un chêne) au pied duquel Saint Louis rendait la justice sont des arbres sacrés représentant l’arbre cosmique qui relie la terre au ciel. C’est aussi l’arbre de la conscience totale de Bouddha. On rappellera que l’arbre, symbole vertical est présent dans la Bible par analogie avec l’homme debout sur la terre. L’arbre de Vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal[7], planté au centre du jardin d’Eden au moment de la création, confèrent l’éternité à ceux qui se nourrissent de leurs fruits.

L’arbre est fait de bois, tout comme la croix du christ et la croix de Saint André présente dans le Chrisme. C’est le bois de la vie par la sève et du sacrifice par le sang. Produit du ciel et de la terre par la photosynthèse (action descendante) et par la sève nourrissante au plan corporel et cognitif (action ascendante), la sève nourriture devenant « connaissance ».

 

L’homme dans sa sagesse à su exploiter au mieux cette notion axiale. Les populations primitives asiatiques, nord-américaines et arctiques construisaient leurs habitations autour d’un poteau central assimilé à l’arbre du monde[8] qui relie la terre au ciel et au pied duquel avaient lieu les sacrifices. (En l’absence de mât, c’est une colonne d’air qui rempli cette fonction, la fumée du foyer indiquant la fonction axiale et ascendante, on parlera alors de cheminée cosmo tellurique.)

 

Le ciel ou voie lactée, représenté par la tente dans laquelle est pratiquée une ouverture centrale facilite la communication ascendante et descendante[9]. En loge nous retrouvons la même configuration : la Voie lactée, la terre pavée (pavé mosaïque), et l’axe de communion et de communication en direction de l’hôtel du vénérable sis à l’Orient entre le soleil et la lune. La mythologie nordique vénérait Yggdrasill, l’arbre cosmique qui reliait les différents mondes de la mythologie germanique.

 

Situé au centre du monde, faisant le lien entre le monde chtonien et ouranien, ce frêne géant avait trois puissantes racines qui plongeaient sous le Midgard[10], le pays des hommes, jusqu’aux enfers où régnait la déesse Hel. Le feuillage montait jusqu’au royaume des cieux.

 

L’arbre médiateur organisait la cosmogonie scandinave tout en protégeant les neuf mondes. L’arbre était toujours vert, car il puisait sa force dans la source Urd du dieu Mimir garantissant la sagesse éternelle et c’est en ce sens qu’il est synonyme d’arbre de vie.

 

 

Il est intéressant de rappeler que Odin et ses frères créèrent les premiers humains en donnant la vie à deux troncs d’arbre, le frêne pour l’homme et l’orme pour la femme. Le symbolisme axial de l’arbre fait donc bien le lien entre l’homme créé, par nature microcosmique et l’univers macrocosmique. Le caractère cosmogonique de l’Yggdrasill est clairement énoncé dans le texte de l’Edda :

 

 « Je sais que se dresse du nom d’Yggdrasill,

 

Un frêne baigné de blancs tourbillons ;

 

Delà viens la rosée qui dans le val s’égoutte ;

 

Toujours vert il se dresse au dessus du puits d’Urde[11].

 

De là, fort savantes, sont venues des femmes,

 

Trois de cette salle sous l’arbre placée,

 

Qui firent les lois fixèrent le sort

 

Et la vie des hommes, la voie des mortels. »

 

 L’arbre du monde est commun à la plupart des traditions, il est chêne pour les Celtes, tilleul chez les Germains, figuier dans la tradition hindoue.

 

 

(Représentation de l’Yggdrasill, arbre cosmique.)

 

 

A titre accessoire on remarquera que si l’arbre a des vertus axiales sur terre, en mer c’est le mât du navire qui remplit cet office. Il suffit de relire l’Odyssée d’Ulysse. Le périple initiatique d’Ulysse durant les dix années qui suivirent la guerre de Troie. Au cours de ce voyage, ses compagnons durent l’attacher au mât du bateau, symbole axial relié au divin, pour l’empêcher de succomber au chant des sirènes, symbolisant l’attrait de la matérialité. Le sens ésotérique de ce passage implique que l’initié dans ses voyages en redécouvrant préalablement les états inférieurs de son être doit lutter pour privilégier au final le sens premier de sa quête à savoir la conquête des états supérieurs. Notons au surplus que dans la confrontation avec le Cyclope, Ulysse et ses compagnons utilisent un pieu rougi au feu pour aveugler le cyclope durant son sommeil. On ne peu s’empêcher d'établir une correspondance entre le mât et le pieu, l’épisode des sirènes étant la vengeance de Poséidon pour l’infirmité du cyclope.

 

 

 

Ulysse attaché au pied du mât pour échapper au chant des sirènes.

 

 

L’arbre séphirotique s’identifie à l’arbre de vie reliant ciel et terre, en passant par les trois monts des émanations, des créations et des formations pour aboutir au monde des formes au-dessous duquel se situe le monde souterrain des enfers et de l’arbre de mort.

 

 

L’arbre séphirotique s’exprime en loge de la manière suivante : la colonne[12] du septentrion est celle de la rigueur (sagesse, grâce, victoire.) Elle correspond à l’idée de chute biblique d’Adam, celle du midi consacre la miséricorde (Intelligence, force et gloire) et correspond à la réconciliation de l’homme, en recherche de lumière, avec son créateur et enfin celle du milieu est celle de l’équilibre axial ouvrant la voie céleste. Cette colonne part de l’entrée du royaume « Malkuth » assimilée à la porte du temple et au couvreur, jusqu’a  la couronne « kether[13] » représentée à l’orient, suivant les rites, par l’hexagramme, le pentagramme, le triangle, surplombant la personne du vénérable. La voie du milieu dite voie céleste et celle qui est axiale et polaire, la colonne de la rigueur et celle de la miséricorde n’agissant contrairement a leurs apparence que dans le plan horizontal territoire de reconquête du moi appelé aussi microcosme.

         Notons enfin que l’arbre de vie et ses innombrables feuilles qui symbolise la création et les êtres est situé d’après la Genèse au centre du paradis d’où partent les quatre fleuves l’ensemble représente les 6 points cardinaux. En relisant l’Apocalypse de Saint-Jean, on retrouve le pendant polaire de l’arbre de vie dans le livre sacré scellé de sept sceaux surmontés de l’agneau et duquel partent aussi quatre fleuves. Ce livre sacré c’est aussi le « Liber mundi » des Roses- Croix, Liber Vitae de Saint Jean.

Ici chaque feuille du livre et chaque caractère (sacré) de celui-ci sont censés aussi représenter l’espace crée sans nombre, la manifestation et son espace, sous l’égide des sept sceaux. On rappellera que le chiffre sept symbolise la croix tridimensionnelle, mais aussi l’hexagramme et son centre. Dans les deux cas, le centre de la figure représentant l’unité génératrice du tout.

         A l’évidence l’hexagramme dans sa plénitude symbolique décrit et suggère en quatre dimensions l’inclusion du microcosme dans le macrocosme.              

 

Er.:Rom. :

 



[1]              Symbole solaire, la roue peut être aussi à 4 rayons représentant les 4 points cardinaux, à 8 rayons symbolise la régénération et implique le mouvement circulaire autour d’un moyeu immobile..

[2]              L’homme constructeur de ponts. Lire René Guenon « Le roi du monde ».

[3]              Cet unique point de passage était gardé par le dieu de la lumière Heimdall.

[4]              Expression tirée de la table d’Émeraude attribuée à Hermès Trismégiste dans la tradition hermétique.

[5]              Le tronc est un élément constitutif de l’homme, du sacrum à la fontanelle passe un axe fluidique, particulièrement sollicité dans la pratique du yoga.

[6]              L’ésotérisme chrétien approche le nombril comme centre de l’Homme, dans l’image de Saint Andrée en croix. Le nombril le relie à la terre nourricière par le cordon ombilical. Il est donc en croix X représentant les quatre points cardinaux. L’axe passe de la terre au ciel par son centre de gravité. L’ensemble constitue une croix tridimensionnelle.

[7]              Genèse 2,9. Ces deux arbres constituent les deux latéraux de l’arbre séphirotique, dont le tronc principal se situe à équidistance.

[8]              Mircea Eliade « Traité d’histoire des religions ».

[9]              Le rite vaudou haïtien reprend ce symbolisme : la demeure de l’éternel est représentée par une tente dressée autour d’un mât, le « poteau mitan »

[10]             « La demeure du milieu ».

[11]             Ce puits est le pendant de l’arbre dans les états inférieurs, au-delà des racines qui s’y abreuvent. Ce puits est favorable aux oracles comme l’omphalos et la pythie en Grèce.

[12]             Notons que la colonne, l’axe, le mât, l’arbre sont parfaitement synonymes dans le symbolisme axial.

[13]             Malkuth et Kether sont à rapprocher des extrémités du tronc humain, sacrum et fontanelle.

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