Le symbolisme des Vierges noires est un si vaste sujet qu’il faut bien accepter de se limiter. Pour ce travail, nous prendrons le parti de nous fier pour une grande part à une démarche intuitive qui on le sait nous relie le plus sûrement à l’évidence archaïque des mots et des symboles. Nous explorons dans une première partie les généralités du symbolisme des Vierges noires en tentant de trouver des points de convergence avec l’initiation maçonnique. Dans la seconde partie, nous étudierons un lieu virginal célèbre, Rocamadour. C’est un endroit baigné de ferveur que l’auteur de l’étude a visité à plusieurs reprises.
L’étude s’appuie sur diverses recherches notamment celles de Jean Pierre Bayard, « Les cahiers de Saint-André » des hauts grades du REP, les notes d’instructions de la GLSREP aux divers grades et sur les compléments des FF de la L.°..
Les Vierges noires sont présentes et célébrées en de très nombreux lieux en France. Des sanctuaires ont été érigés en leur honneur, on en trouve dans les églises, dans les cryptes. Les sites dévoués aux Vierges noires font l'objet d'une dévotion ancestrale et leur couleur noire semble recouvrir d’un voile une vérité d’une nature supérieure.
Photo Chris.°.Mar.°.
Représentation et symbolisme à travers les âges
Le culte des Vierges noires est lié au culte des Déesses-mères et de la fécondité des anciens temps. Les mystères qui entourent l’enfantement ont sanctifié ses femmes symboles depuis toujours. Elles puisent leur force et leurs substances élémentaires dans la Terre Gaïa. Dans les mythes fondateurs, la caverne est le lieu de vie de la déesse-mère. « L’orifice de la caverne est comparable à l’organe générateur de la Grande Déesse et c’est aussi le lieu de sépulture. Les cadavres y sont toujours orientés […] la tête à l’Ouest afin qu’en se relevant ils se présentent face au soleil naissant ». (J.P Bayard Déesses mères et vierges noires)
À l’époque du néolithique, on retrouve une multitude de petites statuettes en l’honneur de la femme au ventre rond et aux seins bombés, célébrant le mystère de la naissance. Auparavant prédominaient des représentations sans tête ni bras, parfois limité au simple organe reproducteur considéré comme lieu d’entrée en la matière et d’extraction à la lumière.
Dans l’antiquité les Déesses-mères sont innombrables et incarnent la féminité, l’amour et la maternité. On les connaît sous les noms d’Ishtar, Aphrodite, Vénus, Diane, Junon, Rhéa sœur de Cronos, Galatée, Psyché, Danaé, Ariane, etc. Il y a aussi Déméter « la Noire », qui signifie « déesse-mère » et qui préfigure les Vierges noires. « Il ne faudra pas oublier que Déméter des mythes d’Éleusis se caractérise par un voyage au centre subterrestre annonçant le cycle alterné des saisons et des genres. Déméter s’engageant dans les profondeurs se déguise et se voile en femme à la recherche de Perséphone sa bien-aimée. Ce déguisement « voile » la réalité de sa nature pour aboutir dans sa quête amoureuse d’un cœur improbable. Cette ambivalence, nous la retrouverons constamment écartelée entre la virginité blanche et la noirceur primaire d’une non-couleur ».ER[1]
En Égypte, Isis est le symbole de la Déesse-mère. Mariée à son frère Osiris, elle le ressuscite d’entre les morts. Cela fait d’elle la divinité qui détient le secret de la vie, de la mort et de la résurrection. Isis signifie « le trône », elle est parfois représentée ailée, la tête surmontée d’un trône son nom hiéroglyphe, mais aussi ce qui est plus intéressant pour notre sujet assise, donnant le sein à son enfant sur les genoux ou en simple présence faciale sur le genou gauche, la tête surmontée d’un cercle solaire entre deux cornes de bœuf. La déesse est solaire et lunaire (« ambivalence contra-cyclique, elle reçoit symboliquement la lumière de la vie dans le croissant lunaire, coupe réceptacle représenté par les cornes ». ER[2]), elle règne sur le Ciel et la Terre, elle est principe créateur et régénérateur. Le culte d’Isis s’est prolongé dans l’Antiquité avec diverses représentations.
En Gaule romaine Isis a eu ses temples fondés dans les lieux primitifs du culte celtique de la nature, généralement près des sources d'eau. « Les vierges dites noires sont l’expression, par leur situation et par leurs dimensions, d’une pointe tellurique parfaitement située sur le réseau d’Hartmann. Au plan iconographique on ne peut être que surpris par l’identité représentative des vierges noires avec les statuettes d’Isis et de son enfant : grandes mains, enfant de face sur les genoux en trône, la couleur noire, le port haut, etc. La main[3] disproportionnée est à l’évidence celle du guérisseur de l’infertilité qui utilise le magnétisme tellurique du lieu pour établir son pouvoir »[4]
Ce culte a été importé en France par la conquête romaine, mais c'est confronté au culte gaulois de Bélisama qui était la sœur et l'épouse de Belem. La similitude avec le culte d'Isis est frappante. Il est clair que nous sommes devant un symbole universel, appartenant à la tradition primordiale, repris et adapté par tous les peuples.
Vierges noires en Occident
En Occident chrétien, la vierge peut être noire de la materia prima et blanche immaculée de l’esprit lumineux. Le moyen âge a été marqué par la ferveur des pèlerinages[5] vers les sites telluriques voués au culte des Vierges noires de l’ancien système. À travers L’Europe, il apparaît que le plus grand nombre de miracles sont attribués à ces Vierges. « Au XIIe siècle, pas moins de 80 cathédrales dédiées à Notre-Dame et plus de 500 églises, entre 1170 et 1270, seront édifiées à sa gloire ». (Fulcanelli : le mystère des cathédrales). Notre-Dame semble le pendant lumineux et terrestre d’une vierge noire subterrestre. Chaque lieu de cultes de Vierge Noire à sa propre origine, son propre mythe réadapté, mais elles sont toujours nées sur les fondations d’anciens cultes païens. Elles ont proliféré à nouveau au temps des croisades, ce qui laisse supposer une possible importation orientale par les croisés. Ce qui ajoute valeur à cette thèse, c'est la composition des statues des Vierges noires qui sont souvent faites de bois de cèdre, inexistant en Europe et très utilisé au Moyen-Orient.
Ces célébrations mariales ne sont autres que la métamorphose et le réemploi des anciennes Déesses-mères en Marie, Vierge, femme et mère de Dieu.
Pourquoi Vierge ?
Pourquoi nomme-t-on Vierge une déesse de la fécondité ? Être mère et vierge semble contradictoire. Par le terme Vierge il ne faut pas comprendre chaste, il semble que ce soit la notion de la conception miraculeuse qui prédomine.
« Ces déesses qui sont au-delà des lois humaines, au-delà de la conception de mariage, sont vénérées pour la fertilité quelles apportent. […] Elle demeure “l’Immaculée Conception” puisqu’elle est le principe ». (J.P Bayard Déesses mères et vierges noires) Le terme Vierge n’est pas en rapport de l’état physiologique, mais de la divinité acquise en étant fécondée miraculeusement par l’Esprit Saint. « La vierge quelle soit noire ou qu’elle soit immaculée participe d’une médiation entre les ténèbres et la lumière, entre la gestation des éléments dans les ténèbres et la naissance à la lumière céleste. Ce double aspect doit rappeler au franc maçon spéculatif son expérience initiatique entre le cabinet de réflexion chtonien et la loge illuminée par l’esprit. »[6]
« D'ailleurs, parmi ces “Vierges”, ces femmes qui ne se marient pas, sont choisies les prostituées sacrées, celles qui ont la garde du temple, qui célèbrent le culte divin et dont la racine ultime est toujours préservée ».(J.P Bayard Déesses mères et vierges noires)
Il faut imaginer la notion de virginité comme le renouveau de la nature, le retour de la terre vierge avant l’ensemencement cyclique de nouvelles cultures.
« Ce renouveau saisonnier nous fait pressentir le retour cyclique au cabinet de réflexion, lieu de la « recomposition élémentaire » stade préalable à la renaissance à la lumière en loge. L’initiation à la lumière ne peut se comprendre sans un retour sur soi et en soi ».ER[7]
Pourquoi noires ?
Il semble que cet aspect suscite le plus d'interrogations, et a frappé l'imagination des fidèles. Écartons la notion de race, bien que ce soit parfois une thèse mise en avant et probable dans certains cas (à Sainte-Marie de la Mer). Le granit noir ou le bois de cèdre ont été souvent utilisés, cela pourrait valider l'origine orientale. Les Vierges noires qui sont parvenues jusqu’à nous ne sont pas toutes authentiques, et quand elles ont été reproduites elles ont été volontairement teintes en Noir. La thèse de la coloration par la combustion des cierges ou avec le temps n’est pas la raison première. On pense que c'est d'une manière soit volontaire, soit traditionnelle, que l'on a reproduit la couleur noire. À l'époque médiévale, l'art pour l'art n'existait pas, et il faut interpréter dans la couleur une référence alchimique. Il s’agissait retrouver la couleur du principe originel, de la nuit cosmique d’avant la création, de la couleur de la terre.
« Nous savons que le noir absorbe toutes les longueurs d’ondes des couleurs. Il précède la variété de la vie organisée. Ainsi le noir est la non-couleur de l’instant qui précède l’arrivée de la lumière. Il s’agit ni plus ni moins d’une sainte ténèbre qui portera et accouchera la lumière ordonnatrice. Cette vie apparaîtra dans l’arc en ciel qui n’est autre qu’une arche céleste. Le Noir est celui de la materia prima, celui du cabinet de réflexion. Il est ce noir qui porte la fragile flamme de la bougie. Le noir est moins une couleur qu’un état antérieur à la manifestation lumineuse. Sans le noir, le blanc est invisible. Nous retrouvons ici l’un des aspects complémentaires du pavé mosaïque en relisant avec précision les premiers paragraphes de la genèse et de l’évangile selon saint Jean. La lumière est née des ténèbres qui la précèdent.
Les vierges noires peuvent donc être qualifiées de cryptiques. La crypte souterraine des Églises les accueillent, comme la vierge mit au monde le christ dans une grotte (notion provençale de crèche, notion maçonnique de l’arche ou de la voûte). L’aspect cryptique obscur et noir rassemble les forces telluriques du bâtiment ou du lieu pour les focaliser vers un nouvel état : le nouveau-né procède d’une fécondation miraculeuse de nature céleste, ensemençant la materia prima. Il y a donc rencontre axiale entre le terrestre le subterrestre et le céleste ».[8]
La Vierge médiatrice dans l'Église
Les évangiles n’accordent qu’une place honorifique à Marie, alors qu’elle est aux premières places dans la liturgie Romaine et Orthodoxe. La ferveur des croyants l’a placée au premier rang. L'Église a bien été obligée de s'adapter et a essayé de contrer la ferveur historique attachée aux Vierges noires en en faisant disparaître certaines, ou encore en mettant progressivement en avant une Vierge Marie immaculée et plus céleste. L’Église a essayé de gommer l’image de la mère nourrice et les représentations de la vierge se sont métamorphosées. D’Isis assise sur un trône donnant le sein à son fils, on est passé à la Vierge noire assise avec son fils sur les genoux, puis La Vierge Marie avec son enfant Jésus dans les bras, pour aboutir à la Vierge dépourvue d’enfant à l’auréole immaculée. L'Église a ainsi effacé la mère subterrestre pour laisser apparaître la Vierge céleste. Devant la ferveur païenne pour ces divinités chtoniennes, et afin d’annexer le culte des Vierges Noires il a été avancé un passage du cantique des cantiques de Salomon : « O filles de Jérusalem, je suis brune, mais de bonne grâce, comme les tentes du Kédar et comme les pavillons de Salomon – ne considérez pas que je suis brune parce que le soleil m'a regardé ».
La force de l'église a été d'absorber les divinités païennes, de les intégrer dans le cortège des mythes chrétiens.
Le concile d'Éphèse du 22 juin 431 a déclaré Marie mère de Dieu. Il est aussi expliqué que Marie est venue réparer la faute d'Ève. L’apport symbolique de Marie est que le couple Adam-Eve soit responsable de la chute de l'homme, et le couple Marie-Jésus soit celui de la renaissance spirituelle. Marie est désignée comme celle qui a écrasé la tête du serpent. Il est parfois dit que le serpent/Satan redoute plus que tout la Vierge immaculée.
Papesse du Tarot et Vierge zodiacale
Dans le livre symbolique du Tarot, Isis ou la Vierge est personnalisée par la 2e lame majeure, La Papesse. Aucun rapport avec une fonction christique, il s’agit de l’incarnation de la prêtresse des mystères. Elle est assise sur un trône, le visage en parti voilé, et porte dans la main non pas un enfant comme les Vierges Noires, mais le livre des secrets que nul ne peut connaître, a moins de posséder les clefs qu’elle tient dans sa seconde main. On retrouve là une correspondance avec le voile d’Isis qu’aucun humain n’a osé soulever et qui recouvre les secrets de tout ce qui a été, est et sera. Les clefs qu’elle détient sont d’Or et d’Argent correspondant au symbole du Soleil et de la Lune.
La Vierge, c’est le sixième signe du zodiaque, symbole de la moisson. Terme du cycle annuel de l’élément Terre, avant l’équinoxe d’automne. Le cycle végétal s’achève sur une terre nouvelle devenue Vierge. Sa Sixième place dans le zodiaque la fait participer au symbolisme du nombre six et du sceau de Salomon. Elle est le symbole du foyer. (Dictionnaire des Symboles)
Enfanter le monde
Il est intéressant de souligner que, malgré sa toute-puissance, Dieu créateur du Ciel et de la Terre a eu besoin du ventre d’une mère, Marie, pour envoyer sur terre son fils sauveur des hommes. Elle a ainsi offert à Dieu le fruit de ses entrailles. La Déesse-mère est le réceptacle qui fait germer la graine divine, tout comme Isis elle ressuscite Osiris et transmet la vie à Horus. Elle est le lien matriciel avec le divin. Selon Bernard de Clervaux : « Le passage obligé pour joindre les lois terrestres aux lois célestes ».
Une question que peut-être vous vous posez est : que vient faire une étude sur la vierge noire dans une loge Masculine ? Il faut mettre les choses au point, toute loge masculine que nous sommes, nous avons tous dans nos cœurs nos mères, nos épouses, nos filles et nos sœurs. Nous sommes une loge dédiée aux symboles et il est important de les aborder tous. « Faut-il rappeler que les chevaliers partis pour les croisades, à la reconquête du centre ontologique, avaient pour emblème la vierge Marie qui était leur Dame sous le vocable Notre-Dame! » ER
Autres questions : n’y a-t-il point de représentation « secondaire » de la vierge dans la loge ? Ce principe matriciel ancré dans les religions les plus anciennes aurait-il pu échapper au symbolisme du R.E.P. ? La réponse nous vient des travaux de Da.°.Dub.°. sur le thème « la loge : matrice initiatique et symbolique ». La représentation de la Déesse-mère, c’est le cabinet de réflexion, d’où germent de nouveaux hommes qui poussent et grandissent à la lumière de la loge.
Selon ER dans Cahiers de Saint-André « la vierge noire est l’expression ancestrale d’une société qui assume l’incarnation de l’âme. Cette société est matriarcale par nature. La transmission de l’appartenance et de l’identité se fait par la mère en l’absence d’un père simplement putatif. Nous comprenons ici, tout l’intérêt de la distinction entre l’initiation féminine et l’initiation masculine. Le REP conserve en son sein cette archaïque tradition d’un athanor commun pour un assemblage d’éléments à chaque fois unique et original comme la molécule d’ADN qui relie le présent au passé. En vérité cette vierge noire est présente en loge, dans le voile noir que nous enlevons du tableau de loge à l’allumage des lumières d’ordre. C’est le symbolisme du voile d’Isis qui pour le premier et le second degré dissimule l’organisation du monde et son ordonnancement à partir de l’imago mundi éclairé par la sagesse la beauté et la force. Ainsi à l’ordonnancement du tableau de loge suit la conception et la gestation du cabinet de la réflexion. Au troisième degré ce voile d’Isis enveloppe le catafalque dans la fosse laissant paraître la « forme » de l’âme qui animait le corps d’Hiram. Cette âme semble condamnée à rester en terre.
Ainsi l’Isis, la vierge noire et le voile du deuil, participe à l'incarnation de l’Âme dans l’homme. Cette âme attend la lumière.
Ici nous est révélé le véritable sens du voile associé à la vierge au voile non déchiré (hymen) et à l’Isis de la recomposition des corps morcelés (ou décomposés lorsque la chaire quitte les os). Cette « incarnation » de l’âme exilée[9] depuis la chute doit trouver un lieu d’accueil pour opérer.
Ce lieu primaire subterrestre est au plan exotérique une caverne ou une crypte, une voûte ou une arche, où naît la forme en présence d’une bougie ou d’un rayon lumineux venu du ciel, et au plan ésotérique le réceptacle utérin, athanor des éléments de l’âme et de l’esprit. Nous avons alors la tripartition classique d’un corps recomposé dans le cabinet de réflexion, assorti et animé d’une âme de terre noire qui n’attend que la venue et la descente lumineuse de l’esprit en son sein.
L’âme anime le corps et les sens dénués de perception totale (bandeau) dans les trois voyages jusqu'à l’arrivée de la lumière illuminatrice. L’esprit est représenté par la lumière reçue et « dévoilée » en loge qui illumine l’âme et réchauffe le corps. C’est ici l’expression humanisée d’une vitalité accordée par les dieux à un animal évolué. Toute l’Humanisation de Cro-Magnon repose sur le concept de tripartition de l’être. Nous sommes rendus au carrefour subterrestre de l’évolution chtonienne et de l’étincelle supra humaine, dont la grotte socratique n’est qu’une version exotérique. L’âme implore la descente de l’esprit, afin que les enfants de la veuve (l’âme) deviennent fils de la lumière (l’esprit).
La vierge noire et son voile[10] intérieur, hymen exprimant une fidélité à l’esprit, sont donc bien présents en loge, dans les trois premiers degrés. Elle transparaît sous d’autres formes et correspondances avec d’autres appellations que le maçon ne pourra ignorer. Cependant rien dans la transmission traditionnelle de la lumière ne doit éliminer cet aspect ancestral de la manifestation de l’âme en un corps régénéré dans la cavité matricielle du cabinet de réflexion. »[11]
Finalement à toute chute malheur est bon.
La dispersion dans la matière est le propre de l’homme vénal, oublieux de son paradis perdu. C’est encore à la femme d’enfanter l’union plutôt que la dispersion, le retour au centre lumineux plutôt que son éloignement.
La noire et la blanche
« La mise en gloire chrétienne d’une Marie des évangiles dans sa version terrienne et traditionnelle, trouve sa source secrète dans vierges noires chères aux peuples nomades dont l’aspect souterrain depuis la grotte de la nativité est immédiat.
Suivant le principe de géométrie sacrée, sculptée aux tympans de nos cathédrales, la transcendance par la mise en gloire dépend toujours d’un centre secondaire en relation ontologique avec le centre des centres. Ici avec la vierge noire, ce centre secondaire serait subterrestre en un point tellurique connu des temps immémoriaux alors que Marie immaculée en serait le pendant céleste. Ce sont ni plus ni moins les deux points, le haut et le bas, formant l’intersection des deux cercles de la mandorle[12] qui porte l’axe ou l’échelle initiatique.
C’est la dévolution céleste qui porte la paix dans la transcendance alors que la vierge noire porte l’immanence à partir du chaos. Au final ce sont deux aspects d’une seule et même vierge que nous décrivons. La vierge noire reste affectée aux Petits Mystères et la vierge immaculée aux Grands Mystères.
C’est en effet, le deuxième aspect de Marie mère du Christ est d’apporter la paix maternelle du chant et de la caresse dans les cheveux de l’enfance agitée. Le peuple nomade guerrier et frondeur issu de la materia prima trouve recomposition et repos en se ressourçant au sein premier. La vierge noire sédentarise l’expression du sacré, comme l’arche d’alliance quitta les tentes pour le Saint des Saints du temple de Salomon. C’est « la paix est en toi» ou « dieu est en nous »soit l’aspect immanent qui prévaut. Marie fût la Notre-Dame de la chevalerie templière pour son double aspect. Cette Marie était comme le beauceant, noire et blanche. Cette paix concerne strictement l’univers manifesté avec l’homme est ses possibles. La Shekinah apparaît à la jonction entre les deux termes : immanence de la vierge noire et transcendance de Marie l’immaculée. Comme une évidence elles détiennent dans leur matrice la présence divine transformatrice, comme l’acacia de l’arche d’alliance fidèlement gardée par les chérubins dans le Saint des Saints.
Ainsi la noire subterrestre et la blanche céleste se posent en médiatrices sur un même axe reliant le subterrestre, le terrestre et le céleste ».[13]
La fraction Osirienne manquante
« Réunir ce qui est épars comme le fit Isis avec les 13 morceaux d’Osiris, nous donne à penser que la perte du 14ème morceau manquant, avalé par les poissons, est symptomatique d’un manque freudien. La transmission par les voies basses sans l’esprit associé à l’âme déjà incarnée aboutit à une perte. La reconstruction de la fraction perdue à l’aide de l’esprit divin permettra l’enfantement. En franc-maçonnerie la perte de la parole par la mort d’Hiram et sa reconstitution se fait aussi par la convocation de l’esprit. C’est aussi en ce sens spirituel que s’entrevoie le concept de virginité qui renvoie au divin. Nous sommes bien proches de la tradition maçonnique spéculative de la parole perdue qui nous restitue la vierge noire en une Ruth (veuve de la tribu dissidente) rassembleuse des tribus dispersées. La vierge noire accueillante est une Isis rassembleuse des chrétiens et des cultes païens de la renaissance, conforment à la Tradition primordiale faisant état du verbe... Mais pour rendre cette relation à l’esprit divin plus parlante, plus exotérique, il fallut mettre en avant Marie l’immaculée. Incontestablement Marie l’immaculée et transcendante s’éloigne du paganisme et des cultes de la nature plus immanents ».[14]
Vierge noire de Rocamadour
Pour ceux qui ont visité Rocamadour dans le département du Lot ce qui frappe c’est l’ingéniosité des constructeurs du sanctuaire à épouser la grotte originelle et à sublimer le lieu. Certains chercheurs y ont détecté des traces d’habitations Magdaléniennes 15 000 ans avant notre ère. On y retrouve également une source. Nous sommes en présence de tous les éléments matriciels indispensables à la renaissance chtonienne.
Le mythe du sanctuaire : Amadour sauve la vierge ainsi que l'enfant Jésus lors de leur fuite en Égypte afin d'échapper aux persécutions d'Hérode. Poursuivi par des soldats Romains Jésus pris une poignée de blé dans le sac d'Amadour et le jeta a la volée. Aussitôt le blé germa et les hauts épis cachèrent les fugitifs. Amadour quitta tout pour suivre la Sainte Famille. Marie lui confia le soin d'évangéliser la Gaule et Amadour établit son siège dans le Quercy. Saint Amadour sculpta une statuette de Marie et l'enfant Jésus au Ier siècle. Une autre tradition veut que le saint homme ait ramené avec lui, d'Orient, une statue de couleur noire sculptée par St Luc l'évangéliste.
Cependant, la statue qui se trouve actuellement à Rocamadour a été datée du XIIe siècle. On conçoit que c'est une reproduction de la première statuette reproduite à l'identique.
Le succès de ce lieu est dû au nombre très élevé de miracles qu'on lui attribue. Le premier est lié à la dépouille de Saint Amadou retrouvée intacte en 1166. Les textes ajoutent que le corps était dans un parfait état de conservation. Le corps fut offert à la dévotion des fidèles jusqu'en 1562, date à laquelle les protestants mirent la cité à sac et brûlèrent la sainte dépouille. Plus tard, on attribua comme miracles de ranimer des nourrissons mort-nés le temps qu'ils obtiennent le sacrement du baptême, de redonner la vue, ou encore de rendre féconde une femme infertile. Les marins l'ont également sanctifié, les nombreux ex-voto témoignent de leur adoration, les marins bretons et québécois l'on fait leur protectrice.
Rocamadour retient notre attention, car tous les ingrédients archétypaux des Vierges noires y sont réunis. Sa taille, environ 70 cm par 30 cm soit un rapport 7/3 commun à beaucoup d'entre elles; la date de sa réalisation le XIIe siècle, même si comme beaucoup de Vierges Noires on retrouve des traces de Culte avant cette époque, Matériellement très peu datent d’avant le XIIe siècle. La Vierge noire est couronnée et assise sur un trône preuve que le lien avec le divin est établi. Les bras écartés symbolisent l’accueil matriciel et le rassemblement de ce qui est épars. L'enfant Jésus sur le genou gauche se situe côté cavité cardiaque[15] où réside traditionnellement l’âme. Tout rappel la statue d'Isis : le lieu, une grotte près d'une source ; l'implantation sur les fondations d'un culte païen antérieur, la couleur, le trône et l’Horus.
La chaîne des mères.
Notre attention a été retenue par un article de la revue française du National Géographic de mars 2006, un article de James Shreeve (page 5), qui présentait une enquête mondiale sur l’épopée humaine qui a conquis tous les continents au travers de l’ADN des hommes d’aujourd’hui. L’auteur explique comment à travers les infimes différences génétiques des chercheurs ont découvert de quelle façon et dans quel ordre les humains se sont déployés dans le monde. Mais ce qui a retenu notre attention est le court paragraphe : « les spécialistes estiment aujourd’hui que tous les êtres vivants sont apparentés à une seule et même femme, qui a vécu en Afrique il y a quelque 150 000 ans : une Ève mitochondriale. Ce n’était pas la seule femme à vivre à cette époque-là, mais, si les généticiens ont vu juste, l’humanité entière est reliée à cette Ève par une chaîne ininterrompue de mères ». C’est une manière de constater que la source primordiale qui inspira les mythes peut avoir un écho dans la réalité scientifique, dixit le mythe d'Isis : « chaque être humain est une goutte de sang d’Isis... »
Conclusion
Le personnage de la vierge n’est certes pas un élément directement visible dans corpus maçonnique. On ne l’aborde que par le truchement de l’analogie. L’analogie reste la base de l’interprétation symbolique. C’est le symbolisme lié à la « conception » qui affecte l’athanor du cabinet de réflexion et la réception intime de la lumière en loge. Cette similitude « conceptuelle » autorise des rapprochements qui sont communs à toutes les voies initiatiques, soit une alchimie de l’intime provoquée par la descente de la lumière dans le réceptacle.
Nous pourrions énumérer les lieux et les mythes qui célèbrent les Vierges dans leurs versions noires ou blanches. Ils témoigneraient de l’universalité symétrique du symbolisme matriciel. Nous avons donné un aperçu du symbolisme des Vierges noires dans une transcription symbolique accessible aux francs-maçons questeurs de l’universel.
Nous retiendrons qu'à travers les âges, les cultes se succèdent, mais reflètent une même origine traditionnelle: celle de la célébration de la terre mère Gaïa et le mystère cyclique de la fécondité reliant la terre et le ciel.
Ch.°. MAR.°.
04/03/2013 R.°.L.°. « Les Écossais de la Sainte Baume »GLSREP- SAINT MAXIMIN
[1]Étude sur la vierge, l’âme et la voûte. Cahiers de Saint-André. Éditions du Maçon.
[2]A ce propos on fera l’analogie entre lune réceptacle d’une lumière solaire et le Graal ou le crâne d’Adam recevant le sang du Christ crucifié sur l’intersection du monde manifesté et l’axis mundi. Voir en ce sens RDM 3 « Le crâne d’Adam »
[3]La main pour le maçon spéculatif est le moyen de la realisation. Sa « surproportion » annonce une aptitude à la réalisation initiatique dans la matière.
[4]ibid 1
[5]Le pèlerinage était pour les anciennes confréries de métier un voyage initiatique avec un retour au point de départ qui s’effectuait sous l’égide du saint intercesseur choisi par la confrérie.
[6]Ibid 1
[7]Voir dans ce sens « La marche à reculons et le retournement » RDM4 p 128.
[8]Ibid 1
[9]Sur l’exil de l’âme en terre après la destruction du Temple ou la perte de la parole, le rapprochement doit se faire aux grades supérieurs traitant de retour d’exil, de voûte ou d’arche. Voir notamment Le Maître Parfait Ecossais, REP, aux Éditions du Maçon.
[10]Sur le voile masquant le cœur ou l’athanor, lire « la porte sur l’invisible » RDM4 p 54
[11]Ibid 1
[12]Sur la mandorle et sa finalité lire « dernière mission » « Le Chevalier de Saint-André » par ER aux éditions du Maçon p 104.
[13]Ibid 1
[14]Ibid 1
[15]L’enfant Jésus côté cavité cardiaque indique où se situe l’Âme dans le corps, on situe l’esprit dans la boîte crânienne. La rencontre des deux initie l’ascendance spirituelle représentée par ce fils de la lumière.