Y a-t-il un secret maçonnique initiatique ? Pourquoi le dit-on incommunicable ? Est-il professionnel, personnel ou royal ? Quelle est sa véritable origine ? Peut-on encore en lire la trace originelle ?
Avant de répondre à ces questions, il semble nécessaire de justifier le secret en tant que voile dissimulant des vérités. Le secret initiatique est incommunicable et donc reste inexprimable. Pour autant si nous ne pouvons pas l'exprimer nous pouvons décrire les mécanismes utilisés par la rituellie pour sa mise en œuvre.
L’initiation permet de lever le voile qui obère le regard, il n’est pas possible qu’une vérité soit dévoilée sans préparation préalable du candidat, ceci justifie le secret dont se pare l’initiation, car la profanation comme la vulgarisation font perdre le sens profond qui au-delà du sensible s’adresse aux limites de l’intelligible. A l’évidence il faut un état particulier de réceptivité.
L’état de réceptivité, préalable à la délivrance du secret.
L’état de réceptivité dépend d’une mise en condition du corps de l’âme et de l’esprit afin que chacun des initiés se débarrasse des nuages qui obscurcissent sa vision. Ces nuages sont les bruits et le tumulte profane du monde égotique de l’avoir et du Je.
Quel est le but final de cette mise en situation ? Offrir une vision dégagée des troubles auditifs, visuels et relationnels, des pensées régies par la contingence et la nécessité qui empêcheraient de répondre aux grandes questions inhérentes à l’être et aux fameuses causes premières. L’initiation est une connaissance de soi afin de voir la notion d’être en relation avec le début de la vie et sa fin. La dimension de ce questionnement est à la fois éthique et philosophique, mais aussi métaphysique. C’est donc au-delà du mythe que la méthode maçonnique va nous libérer de l’angoisse primitive qu'instille les mythes, pour conduire et nous confronter à la notion de cause première. La question posée n‘est pas d’où venons-nous relativement à notre parenté familiale, mais quelle est la véritable source de vie intelligente et pensante.
Potentiellement le secret initiatique des francs-maçons va répondre à la question de l’origine et de la source de vie et de pensée au même titre que la religion ou la philosophie. La voie initiatique était naguère une voie explicative du monde et de la place de l’homme, en fonction de sa vocation, de son origine et de sa fin. Donc le secret reste relatif à l'essence de l'homme en regard de son destin inscrit dans le vaste devenir de l’univers créé et incréé. Une fois définie la finalité du secret, on ne dit pas comment on le révèle. C’est le deuxième aspect du secret. Il tient tout à la fois aux modalités de sa révélation qu’à sa doctrine . Les modalités de sa révélation ne sont que la méthode maçonnique de dessillement des paupières par l’usage de miroirs symboliques herméneutiques et hermétiques qui nous font voir l’Écriture sainte et le Ciel sous un aspect essentiel.. Cette question est connue par tous les maçons pratiquant la rituellie dans le but de l’éclairement de la conscience personnelle jusqu'à la conscience universelle, et ne sera pas dévoilée ici. L’autre partie de cette révélation repose sur la doctrine, s’il en existe. La doctrine d’un rite est inscrite tout à la fois dans le rituel que l’on met en scène que dans les constitutions de la grande loge et de la loge. C’est là qu’apparaît l’état de la doctrine qui peut être déiste, théiste, christique, laïque, etc. Quoiqu’il en soit on ne se trompe pas beaucoup en affirmant que le secret maçonnique consiste à établir l’essence de l’Être et des choses et d’essayer de rétablir le lien entre l’homme et la source d’où il est né. Rétablir le lien suppose que celui-ci a disparu à notre vue profane et qu’il nous faut alors établir plus qu’un lien éthique entre les hommes, mais aussi un lien, une reliance à une donnée originelle.
Quelque soit le rite et les constitutions, le maçon reste libre de ses opinions et de sa recherche, mais la question du "qui sommes-nous et d’où venons-nous" reste une constante de la pensée éclairée.
Sans préparation méthodique typique de la franc-maçonnerie, sans dessillement des yeux, sans transport de l'influx spirituel dans une rituellie parfaite, le secret initiatique sera inaccessible.
Notion de transcendance et de source
Quel est donc ce secret caché derrière le tumulte et l’agitation ?
On peut découvrir la source cachée et le chemin dessinant le lien qui nous relie à l’ontologie par l’interrogation sur soi et le monde. Cette double interrogation semble conduire vers des vérités d’ordre supérieures qu’on recherchera par l’étude et la lecture des philosophes et autres théosophes, par l’étude des livres sacrés, par la pratique des voies d’actions et de réalisation spirituelles ou concrètes.
Lors de notre entrée en franc-maçonnerie, nous faisons serment de ne jamais divulguer le secret des francs-maçons. Ceci suppose que la franc-maçonnerie est titulaire d’un dépôt et d'un influx.
C’est un dépôt de nature transcendante, de nature traditionnelle qui touche à l’essence dans les limites de l’intelligible, nécessitant l’apprentissage des voies de l’éveil. Le secret serait alors "un état" de perception de nature transcendante et spirituelle ! C’est à cause de sa nature transcendante que nous avons des difficultés à le définir. Mais cette origine transcendante se décline en de multiples aspects secondaires qui ne sont que des dérivatifs d’une source première. Ces aspects seconds ne sont pas le secret, mais permettent de l’illustrer.
Nous n’entrerons pas dans les divers aspects du secret maçonnique pour nous concentrer sur la notion de reliance à plus haut qui marque la nature transcendante du secret. Ce point à notre connaissance n’a jamais été spécifiquement traité comme secret maçonnique initiatique. En effet on s’est toujours contenté d’affirmer son incommunicabilité et son caractère personnel pour ne pas tenter de le définir. Nous tenterons de lui donner une finalité et une origine sans pouvoir le décrire autrement que par ses contours extérieurs. Pour les autres considérations sur le secret, nous établissons une liste d’auteurs de qualité en pied d’article.
Une société discrète fondée sur le silence
Nous sommes une société discrète fondée sur le silence qui met en œuvre un système progressif de révélation à soi de vérités essentielles et de mystères dont la réalité se situe dans le strict vécu de l’initié, on y accède par la voie intérieure qui mène à la conscience éclairée.
Avec une telle définition nous admettons l’incommunicabilité « hors cadre » d’un éventuel secret, car fondé sur trois points liés a l’état de franc-maçon : Il s’agit d’un secret dont la nature profonde prend ses racines dans l’expérience individuelle qui souligne le passage du moi au soi, de surcroît dans le cadre collectif d’une loge maçonnique qui minore le « je » au profit d’une altérité charitable et dans l’exercice d’un rituel ancestral resituant l’homme dans l’archétype du mouvement cosmogonique. Ce passage se fait par le silence. Le silence est rituellement requis pour dessiller le regard de l’apprenti, ce même silence justifie un comportement extérieur discret. Dire au profane que le secret initiatique des francs-maçons passe par le silence c’est faire une réponse initiatique incompréhensible et pourtant véridique ! Le silence reste la base du processus initiatique, car il permet la mise en relief de l’invisible et de l’inapparent. C’est par cette mise en relief que se révèle le mystère des êtres et des choses. Le silence joue le même rôle que l’obscurité d’où née la Lumière. Le silence, par le recueillement et la concentration qu’il procure permet l’écoute de l’invisible. Nous sommes ici aux limites de l’intelligible, dans une recherche de l’ultime. Pour certains c’est à cette occasion et par l’exercice du silence que l’on entre dans la vision du tout ou dans la proximité du divin par l’esprit sans le saisir complètement.
Le secret était déjà présent dans les Anciens devoirs, et il fut préservé et accentué dans le rituel de Mot de maçon et confirmé par les constitutions d’Anderson de 1723 : « Vous serez circonspects dans vos paroles et votre maintien de façon que l’étranger le plus pénétrant ne puisse découvrir ou deviner ce qui ne convient pas de donner à entendre ; et quelquefois vous détournerez la conversation et userez de prudents ménagements pour l’honneur de la vénérable confrérie ». On constatera que se passage n’aborde le secret que dans son versant extérieur et sociétal, car rien ne peut s’expliquer en dehors du contexte interne à la loge.
Du secret opératif au secret opérant
Le secret avait pour finalité première de conserver les "savoir-faire" opératifs à l’ abri des regards et depuis le XVIIème Siècle le "savoir-être" liés à la perception herméneutique du symbolisme constructif de la Bible et à l’hermétisme rose croix qui infusaient les loges fréquentées par les "acceptés". Du tour de main secret nous passerons à la vision de l'hermète.
Ainsi, outre la méthode maçonnique qui offre une véritable initiation, les conditions de l’admission, les délibérations et les mots et signes de reconnaissance seront gardés secrets en vue de protéger la communauté des maçons et d’en préserver l’unité dans la diversité d’opinions et de religion en créant ainsi un sentiment d’appartenance et un esprit de corps. Ici le secret d’appartenance est un puissant liant social.
Le drame du meurtre d’Hiram par trois mauvais compagnons qui exigeaient de lui le mot du grade supérieur vient encore illustrer vers 1730 une certaine dimension du secret sans être le secret lui-même. Cette dimension repose sur la fidélité au principe personnel du secret et par conséquent de son incommunicabilité par effraction. Ainsi un mot de grade divulgué sans qualité pour le recevoir n’a pas en soi de réalité agissante. Autrement dit, le mot qui est volé reste silencieux ! Ici nous confirmons que le mot n’est pas le secret, mais il l’illustre et en permet l’accès seulement auprès de celui qui a la qualité pour lui donner sens et reliance.
N’oublions pas que plusieurs fois les loges et corporations furent condamnées par le Pape puis observées comme lieu de confusion ou conspiration par les pouvoirs politiques (voir l’action du Cardinal Fleury et l’activisme des loges jacobites au XVIIIème Siècle) ou mieux encore comme une secte religieuse naissante qui faisait de la lecture directe de la Bible son pain et son vin donnant au maçon un enseignement métaconfessionnel par sa dimension symbolico-philosophique et méta-ecclésial suite à l’interprétation johannique 4,24 « Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité ».
C’est donc par l’appropriation directe de la Bible et sa mise en pratique par un Culte en Esprit et en vérité que le franc-maçon du Mot de maçon se détache de l’autorité ecclésiale. En Écosse, la Kirk presbytérienne craignait qu’on y procède à des actes de sorcellerie, ou à l’élaboration d’une secte (voir dans ce sens notamment en Écosse pour le rite du Mot de maçon : Patrick Négrier « les raisons du secret » La Tradition Initiatique-éd Ivoire- Clair 2001 p 87)..
Nous nous appuierons sur les manuscrits le Régius de 1390 et le Dumfries de 1721, les constitutions Roberts de 1722, pour établir le lien initiatique entre les maçons opératifs et spéculatifs dont le secret, le silence et le sacré sont des constantes traditionnelles propres à cette voie. Nous essaierons de démontrer que le secret du mestier né dans les Anciens devoirs du XIVème Siècle s’est préservé dans le nouveau rite du Mot de maçon dès 1637 et reste accessible au franc-maçon contemporain.
Le secret du savoir-faire s’est mué en savoir-être sous l’influence du mot de maçon et sous l’empreinte rose croix. Il devient un secret personnel né de la résonnance intérieure d’une lecture directe du livre saint et de son interprétation symbolique, le tout se traduisant en vision personnelle aussi symbolique et puissante que celle des meilleurs opératifs gothiques. Cette vision toute personnelle s’est toujours appuyée sur des archétypes qu’il est facile de retrouver dans la Bible.
Ainsi ledit secret, loin d’être communicable au profane extérieur au processus initiatique, devait être protégé des regards extérieurs trop prompts à condamner le lien direct et autonome avec le divin dans une voie initiatique consacrée au travail de la matière, voie délégataire de la puissance royale.
Le mot de passe devient une règle protectrice signifiant l’appartenance à une communauté initiatique. Celle-ci pratiquait la mort du Je et la renaissance à Soi par la pratique fraternelle des vertus et la conservation de la connaissance ancestrale qui liait l’image de la pierre de fondement et la pierre dressée (Bethel) à l’érection de la maison de Dieu. La construction du Temple de Salomon, perçu comme archétype de l’œuvre du divin, fait de la main de l’homme sur la base des "plans" remis au Roi David, se mua en Temple de l’Homme fait lui-même à l’image de Dieu. Cette corrélation anthropomorphique de l’œuvre divine confine le secret à une relation intime avec le centre de l’homme, le tout superposé à l’origine de la création et de la manifestation. Cette anthropomorphisation implique la ressemblance de la partie au tout conformément à l’ancienne tradition de l’entrée dans le cercle, du passage des petits mystères (pentagramme) aux grands mystères (hexagramme).
Le secret initiatique est donc essentiellement lié à un point de passage qui inaugure une vision plus éclairée qui va de la partie au tout. Ce passage se déclinera en de multiples secrets dits conventionnels (7 au total) qui vont naturellement du mot de passe, au geste signifiant l’état intérieur de progression, aux signes de reconnaissance, etc. Tous ces dérivatifs du secret initiatique sont hautement symboliques, mais ne sont pas le secret lui-même, ils n’en sont qu’un reflet (nous avons déjà évoqués ces secrets conventionnels dans « le Livre de l’Apprenti » paru aux éditions du Maçon auquel nous renvoyons nos lecteurs).
Il semble que le secret maçonnique, qui est initiatique et donc hermétique, ne soit descriptible que par son extériorisation rituelique. Cette extériorisation est certes accessible par divulgation, mais n’emporte pas sa révélation au sens de la théophanie. Autrement dit la divulgation est sans effet transformateur de l’être et du regard. Pour faire naître l’image en soi il faut vivre le drame dans certaines conditions relatives à la reliance. Il faut savoir distinguer et relier les éléments apparents du secret. Cette capacité à la reliance découle d'une approche de la connaissance et du désir d’élévation de l’esprit. La reliance à plus haut, établi un lien entre le sacré le silence et le secret et relève du principe d’unité bien connu en franc-maçonnerie.
On comprend combien le secret sous sa forme initiatique pouvait être lié à l’art de l’architecture et de la géométrie. Cet art axial est celui qui relie la terre au ciel et fut l’apanage des Rois. Or l’art dit « royal » porte en lui le secret dit « royal » qu’il délègue à l’architecte, c’est-ce-que nous verrons en conclusion.
Nous tenterons de démontrer que le secret maçonnique est lié au sacré et au silence (1), et que le secret peut être approché extérieurement par « divulgation » (2), et sanctionnée par le serment (3), mais ne peut être « révélé » en dehors du cadre de la loge(4).
Enfin nous tenterons de définir l’essence du secret lié à l’art Royal en évoquant le secret royal et « la reliance à plus haut »(5) typique des bâtisseurs du sacré (6).
1/ Le secret, le sacré, le silence, la source cachée, le mystère.
Si depuis Kant on admet une différence notable entre ce qui est sensible et ce qui est intelligible. En matière initiatique on constate que ces deux notions sont liées et se déploient sous couvert d’un secret personnel et immémorial qui se traduit généralement par la reconnaissance du franc-maçon comme une fraction fondue dans un tout traditionnel et incommensurable. C’est à ce stade que le secret personnel se révèle à nous comme archétypal. Dans la RDM 2 nous abordions à travers la litanie des 12 S, l’effet propice à l’intériorisation vers la découverte de son propre centre, des mots commençants par S dans notre maçonnerie continentale.
Ainsi le secret, le sacré (qui partagent la même racine) et le silence notamment, annoncent une convergence vers le centre de soi, soit la découverte de la pierre philosophale en soi. Découvrir son centre n’a d’intérêt que si on peut le relier à l’origine, à l’ontologie qui nous donne la notion de début et de finalité. Donc la découverte de son propre centre appelle intuitivement une reliance à plus haut. Cette démarche se fait sous couvert du silence qui est l’écrin de la parole originelle. Point de parole sacrée sans le silence en soi. La parole perdue serait de ce point de vue, la perte du silence des origines qui a vu naître le logos.
C’est ici la première source du secret initiatique qui du fait de sa nature est toujours relatif au passage de l’inintelligible à l’intelligible, et donc relié à la notion de vision ou, si on préfère, au don de double vision, celle du sensible et celle de l’intelligible (voir en ce sens RDM 5 « pourquoi rester en franc-maçonnerie ? Où il est question de la métamorphose du regard.). C’est ici que s’exercent les fonctions analogiques, anagogiques, herméneutiques et comparatistes qui donnent accès, par un certain cheminement graduel, à la fameuse représentation mentale universelle dont le fondement reste le symbole.
La graduation du cheminement initiatique des Anciens devoirs reposait déjà sur les arts libéraux formant échelle ascensionnelle à 7 grades. À cela s’ajoutaient l’orthodoxie et l’orthopraxie des vertus (cardinales et théologales) propres à la conduite du bon chrétien. Le passage du sensible à l’intelligible se faisant au sommet de l’échelle où le maçon voyait le visage du divin (lumière) et redescendait pour appliquer et transmettre. Il y avait là une réadaptation du mythe lumineux de la caverne Socratique d'une part et du feu Prométhéen d'autre part, sous l’angle, non plus de la naissance à la lumière du subterrestre au terrestre, mais plus précisément de l’éveil initiatique faisant lien entre le terrestre et le céleste…
L’accès à la vision lumineuse, universelle sous l’angle éthique comme métaphysique, reste de nos jours comme hier une fin "en soi". (Soit une finalité constitutive du centre de soi et donc de nature immanente qui sera complétée par une vision transcendante ...)
Cette vision à la fois éthique et métaphysique de l’homme, tend finalement vers une fusion en un tout. Cette vision à la fois dédoublée et unitaire, est le propre des initiations aux Petits et Grands Mystères. Donc la franc-maçonnerie est une société à mystères, c'est-à-dire qu’elle conserve cachée derrière la porte du temple une vérité qu’il faut vouloir chercher et c’est la deuxième condition du secret, qui repose sur le clos et le couvert : la source cachée aux yeux profanes.
Le mystère est synonyme du secret et le secret découle à la fois du silence requis auprès de l’apprenti qui permet le passage du sensible à l’intelligible, mais aussi du sacré relatif au clos et couvert de la loge qui préserve les mystères liés à l’intelligible de la source. Le mystère se reçoit comme tel, comme immuable et inexprimable et se contemple en silence.
Ces deux notions du silence et du sacré liés par le secret sont ancestrales et immémoriales et font, à partir de la distinction du profane et du sacré, une ligne de partage symbolisée par la porte du Temple franchie par l’impétrant et figurée au tableau de loge. Donc le secret est dans la nature de la voie non pas extérieure et profane, mais intérieure et donc cachée. Voilà le troisième terme du secret lié à l’intime de la voie intérieure.
Le secret s’attache d’abord à ce qui est caché au regard extérieur, il est donc livré au regard intérieur et à ce titre accessible à ceux qui ont franchi la porte.
(Pour poursuivre sur la notion de secret initiatique, car c’est d’initiation qu’il s’agit, il faut revenir sur la lecture du texte « la porte sur l’invisible » parue à la RDM 4).
Le secret est donc lié à ce qui est caché et d’ailleurs on brise le serment du secret et donc du silence dans deux circonstances, la première, la moins élégante est celle de la divulgation qui n’est autre qu’une tentative de vulgarisation du secret (2) et la seconde celle qui est le propre de l’initiation s’appelle la révélation donnée dans un cadre clos, couvert et sacré(3)
2/ La divulgation et ses limites
C’est l’action de rendre publique une information. Cette information est donnée comme secrète au lecteur qui nous semble-t-il, ne peut la lire en profondeur. La question qui est posée : le lecteur profane d’une divulgation rituellique peut-il en saisir le sens secret ?
C’est une spécialité historique des francs-maçons en crise qui dès le XVIIIème Siècle ont abondamment publié les rituels prétendant délivrer à leurs lecteurs, les secrets de la franc-maçonnerie.
Il semble que toute divulgation auprès de profanes, confine ces derniers à un niveau de spiritualité de type parodique ou caricaturale. On ne retient du drame que les faits saillants sans en voir les fondements. Ainsi l’interprétation profane se retranche dans l’anecdotique. Donc de ce point de vue toute divulgation à une personne non qualifiée n’est que pure illusion. Le secret est par sa nature transcendante incommunicable car avant d'aborder la transcendance il faut avoir l’expérience (initiatique) de l’immanence.
Pouvait-on révéler un secret par la lecture d’un texte sans orthopraxie ?
L'exercice de la divulgation fut un échec en terme de révélation initiatique, car rien de strictement initiatique, reposant sur l’expérience, ne peut être révélé. Le rituel doit être joué avec des FF habilités (détenant l'influx de la transmission) et un cadre consacré. Donc ces divulgations servent plus les historiens. Les curieux et les non-initiés ne peuvent vivre réellement le secret maçonnique. Ici il faut souligner que le secret initiatique doit être vécu, or un simple lecteur n’est que spectateur ou lecteur d’un témoignage écrit et aucunement acteur du drame initiatique. Donc une divulgation de rituels maçonniques ne révèle pas un secret maçonnique et ne fait qu’apparaître la trame dramatique.
Le lecteur d’une divulgation n’est pas « initié » par cette lecture, il est simplement sensibilisé, mais il n’accède pas à cette fameuse frontière de l'intelligible qui suppose le don de double vue.
Nous en concluons que le secret ne peut être transmis par lecture extérieure, mais par expérience intériorisée.
Une deuxième question se pose s’agissant des divulgations volontaires et autres publications de textes historiques sur les rituels maçonniques et leurs règles et devoirs : peut-on affirmer que la transmission du secret et son processus y sont décrit ?
L’apport des divulgations et des publications universitaires sur les rituels maçonniques laissent entendre l’existence d'un secret maçonnique qui aurait toujours existé comme associé à la transmission d’un savoir technique assorti d’une connaissance, mais n’en décrivent pas la profondeur agissante ni la modalité de transmission. Certains historiens finissent par douter de la composante "connaissance" associée au savoir-faire, car vue de l’extérieur elle n'est pas accessible.
Au mieux on décrit le rituel avec les questions-réponses.
Au temps des Anciens devoirs gothiques le Regius fait état en 1390 d’un secret sous l’intitulé de la ligne 279 « le secret de la chambre » soit le secret des délibérations en loge comme en chambre du trait suivant l’art libéral (géométrie) et on précise la ligne 576 s’agissant des arts libéraux et donc notamment la géométrie « elle permet de discerner le vrai du faux » soit la vérité, mais on ne dit pas comment, et ajoute pour les arts libéraux « qui s’en sert correctement peut gagner le ciel » sans dire comment s’en servir ! (voir en ce sens : Franc-maçonnerie : documents fondateurs, éd de l’Herne éd 1992-2007 p 45 et 59). La méthode maçonnique n’est donc pas révélée, elle n’est que divulguée dans sa forme extérieure.
Il semble que le secret dans la voie opérative ne pouvait ainsi se limiter en la transmission d’un tour de main, mais plutôt par l’intégration de l’esprit dans la matière, de sorte que l’acte même de concevoir (soit la pensée et la volonté) l’architecture ne se départit pas d’une vison pratique, et donc de l’agir. Nous avons donc dans la voie artisanale déjà un secret qui fait le lien entre la pensée (céleste), la volonté (humaine) et l’action dans la matière (terrestre). Le secret repose sur la médiation et donc ne peut être que vécu. Ceci confirme "qu’il n’y a pas d’autre initiation que dans le réel", comme aimait à le rappeler Robert Ambelain.
Le secret serait donc relatif à la reliance d’éléments comportementaux et techniques dûment décrits ou énoncés dans les rituels et les divulgations, à une source ontologique que les légendes de la profession vont tenter d’évoquer, sans, là non plus, révéler.
Décrire est une démarche extérieure, révéler est une démarche intérieure.
L’initié fait lien entre la terre et le ciel. Cette fonction médiatrice nécessite une mise en place ritualisée. Ceux qui vont placer l’initié dans cette situation réceptive sont justement ceux qui vont lui transmettre la tradition du regard éclairé. Donc la divulgation ne révèle ni la parole ni l’image détenue par ceux qui savent transmettre et mettre en situation d’être relié (voir à ce sujet notre article sur religare et tradere « religion et tradition en franc-maçonnerie » RDM 9.) seule la révélation de l’image ou de la parole et du geste portent la transmission de l’initiation. Pour faire cette révélation, il faut avoir à sa disposition le cadre d’exercice et de franchissement qui est la loge et la connaissance de l’artifex qui œuvre par l’art du trait : le maître maçon est l'homme de l'art qui révèle dans un cadre consacré.
3/ Conséquences de la divulgation - notion de serment.
Appliquée à l’interprétation du serment de secret du franc-maçon, on constate que ledit serment fait sanction à celui qui « divulgue » le secret à des non-maçons, d’avoir:
a/ la gorge tranchée : ceci correspond au signe pénal. On tranche le lien existant entre la langue qui exprime la pensée et formule le langage et le cœur qui notre propre centre et le siège de l’âme. Autrement dit l’homme en divulguant le secret rompt le lien avec le siège de celui-ci qui est le centre de soi représenté par le cœur. C’est aussi l’intelligence du cœur qui fait l’homme qui est perdu, renvoyant celui-ci à un état qui n’est plus celui de l’homme créé dans la toute-puissance du divin.
b/ Généralement la sanction se poursuit par le cœur arraché, soit la perte de la qualité d’homme centré sur son âme.
c/ les entrailles déchirées et répandues, etc. C’est donc une dispersion centripète, une dissolution ! La divulgation du secret pour atteindre le centre et la conscience éclairée produit un effet inverse de celui de la révélation (opposition entre l'attraction centripète et la dissolution centrifuge). Le profane n’étant pas dans les conditions de réception requises, dévoie l’information sur le chemin du centre pour en faire quelque chose de contre initiatique, traduisant une vulgarisation de l’image de l’homme et de son comportement (c'est la définition du regard profane). Sachant que toute initiation tend vers la notion d’unité retrouvée, la contre initiation par vulgarisation tend vers la dispersion, rendant l’homme à sa nature animale et vidant le centre de sa force d’attraction, qui anime et rend l’homme à sa cohérence corporelle animatrice et spirituelle. C’est donc le centre en soi qui unit le corps à l’âme et à l’esprit.
On retrouvera le résultat du dévoiement et de vulgarisation du chemin menant vers le centre dans l’épisode bien connu de la tour de Babel, soit la confusion des « langues », la « dispersion » des hommes, la perte du centre et la perte de l’unité. La divulgation soumet l’initié à la sanction d’une force centrifuge qui détruit l’union de l’Homme au Tout.
Nous concluons que la divulgation du chemin à un profane (et donc sur les parvis) est de nature dissolvante et contre initiatique, d’où le sens du serment qui nous averti des conséquences en des termes symboliques conformes à la tradition des sociétés à mystères. Il est d’ailleurs remarquable de constater que ce point est complètement escamoté dans les séminaires donnés aux apprentis, ce qui laisse songeur sur la perte du sens traditionnel dans la franc-maçonnerie du XXIème Siècle. Nous verrons que, conformément à l’origine royale du secret (art royal), le serment fait appel à la puissance du divin ou du GADLU pris au sens d'une conscience supérieure et surplombante.
Pour le texte complet du serment et des explications complémentaires, voir « Le livre de l’Apprenti »
4/ la révélation du secret initiatique
Il y a deux types de révélation : la révélation "en soi" de type intérieure, et la révélation "à soi" de type extérieure. La révélation intérieure est de nature initiatique, la révélation extérieure sera de nature religieuse, car découlant d’une autorité surplombante, d’une déité. Mais nous verrons que dans ce dernier cas c’est toujours l’homme qui dans l’infini des possibilités cérébrales, intervient pour « initier », créer et interpréter la vision surplombante. La révélation "en soi" serait le réveil d’une image archétypale et la mise en place des éléments de la vision par la transmission du sachant-initié.
C’est ici qu’interviennent deux éléments : la transmission du sachant et la révélation intérieure de l’image. On imagine que la révélation repose sur le choix d’un « élu » par celui qui va prononcer la parole. L’élu va entendre la parole ou recevoir l’image (théophanie) du sachant.
En 1722 les constitutions Roberts qui sont des Anciens devoirs, nous déclarent « vous garderez secrètes les Parties obscures et complexes de la Science, ne les révélant qu’a ceux qui les étudient et les utilisent » (cité par Patrick Geay « critique de l'historiographie maçonnique contemporaine » in LRA n°23, et Villard de Honnecourt n°9- 1984). On peut se demander si au-delà du mot et du geste, ce n’est pas plutôt la "mise en état" de réception à "plus haut" qui est l’initiation même. Cette "mise en l’état" constitue le préalable à la reliance que nous étudierons plus loin.
La révélation a au moins deux aspects. C’est d’un coté la révélation prophétique qui repose sur la lecture du signe et l’inspiration, et de l’autre l’apparition, la révélation personnelle.
La révélation est, pour une religion monothéiste, la connaissance qu'elle affirme détenir directement de Dieu. Les manifestations divines par lesquelles cette connaissance est parvenue aux hommes sont tantôt des apparitions (théophanies), tantôt l'inspiration par des prophètes de textes considérés comme sacrés. Les religions abrahamiques comme le judaïsme, le christianisme et l'islam, en particulier, sont dites révélées. Mais la voie initiatique à pour fonction d’atteindre à la révélation en dehors de la voie sacerdotale. En effet la représentation mentale issue de l’interprétation des symboles et des mythes est la base de toute révélation « personnelle ». C’est pour cette raison que la tradition maçonnique s’attache à l’étude de la géométrie qui fait apparaître des images, qui permet l’élévation du plan et qui associe dans la matière l’action de l’esprit par le Compas et de la loi divine par la Règle. Elle s'appuie aussi sur l’hermétisme qui permet réinterprétation de l'image ou du texte. Il y a donc une recherche « active » voir prométhéenne de la vérité chez l’initié qui se retrouve notamment dans la révélation de la parole (divine) au sommet de la montagne. La recherche de la parole perdue est donc "en soi" une quête intérieure (à rapprocher de la quête gralico-chevaleresque) de la lumière, comme s'il s’agissait de retrouver une trace en soi de la parole divine originelle.
C’est ainsi qu’on ne peut, par la nature même du secret initiatique, le révéler à l’extérieur. Donc la révélation d’une donnée éminemment intérieure et cachée ne peut être faite à un spectateur ou à un lecteur qui ne participe pas physiquement au drame initiatique et qui n’y a pas été préparé par une réflexion sur lui-même.
L’impétrant doit donc subir une série d’épreuves dont le but est de le faire passer du domaine sensible au domaine de l’intelligible. Il est donc mis en accord par la parole et le geste, en corps, âme et esprit. Le geste est révélateur de « l’incorporation » (et donc de la compréhension) du secret.
Il faut, pour une transmission efficace du secret initiatique, un transmetteur qualifié qui s’inscrit dans une chaîne ininterrompue, un rituel traditionnel qui reprend les secrets de la gradation du sensible à l’intelligible, un lieu consacré par son orientation cosmogonique et sa relation au céleste.
La divulgation est faite sans les conditions sus-énoncées. Elle fait abstraction du cadre initiatique impliquant un transmetteur ainsi que de la mise en l’état de l’impétrant. Inversement, une révélation initiatique en soi s’appuie sur un cadre cosmogonique et une chaîne de transmission.
La fonction de la révélation initiatique est de faire apparaître l’image en soi, c'est-à-dire que le rituel dans sa transmission rend visible l’image ou la théophanie. Il fait appel aux fonctions analogiques et anagogiques qui sont le propre d’un cerveau humain et de l’intelligence d’un cœur. C’est donc une représentation mentale qui révèle l’image.
Peut-on dire alors que la perception du divin et sans doute son élaboration conceptuelle, relèvent d’une capacité de l’homme éveillé à élaborer une autorité surplombante dirimante des Petits et Grands mystères, témoins tangibles d’un ordonnancement du chaos naturel, dont la traduction éthique se fera par l’octroi des Tables de la Loi ?
Avec la pratique de l’exercice ritualisé, cette aptitude devient vision.
La vision est le propre de l’initié depuis la nuit des temps, c’est donc à cette aptitude d’une lecture de l’invisible et du caché que l’initiation maçonnique nous invite. L’homme se grandit par la connaissance de soi et du monde, c’est ici que la connaissance croise le chemin de la tradition prophétique.
La corrélation, l’analogie symbolique, l’herméneutique et la capacité de lire les écrits sacrés et de faire état des signes et symboles semblent une aptitude propre à l’initié sur le chemin de l’étoile.
5/ Le royal secret, le roi maçon et la reliance.
À quel niveau se situe le secret maçonnique ?
Le secret est dit "royal" par son origine divine transitant par celui qui dans les trois ordres initiatiques a la responsabilité d’aménager l’espace : le Roi. C’est donc la version traditionnelle du Roi-bâtisseur qui détient le royal secret suite à l’enseignement reçu de son prédécesseur et relié au divin par le sacre diligenté par l’église et par la couronne. David détenait par la remise de Plans que lui fit l'éternel, le secret initiant la construction du Temple maison du divin, mais c'est Salomon héritant des plans qui le construisit en déléguant une partie de l’œuvre et du chantier à Hiram. Héritiers d'Hiram nous sommes aussi les délégataires chargés de conserver et transmettre le secret initiant la mise en Œuvre des plans! Les plans et les proportions y figurant seraient ainsi associés au secret.
Le secret est dit aussi « royal » par la science qu’il met en œuvre en vue de conjoindre le divin sur terre. C’est donc l’inspiration venue de plus haut qui via la couronne inspire les grands actes d’architecture. Le secret royal deviendra art royal pour l’usage qui en est fait, en vue de relier symboliquement la terre au ciel. L’art royal se distingue des arts libéraux par sa reliance directe au divin, les arts dits libéraux n’étant qu’une échelle graduelle et progressive vers la lumière. La classe artisanale des constructeurs est donc détentrice dans son savoir-faire et sa tradition, des secrets initiant la "mise en Oeuvre".
Nous avons compris que ledit secret se basait sur la connaissance de soi et du tout, dans une reliance à établir avec une source originelle et ontologique. C’est le Dumfries de 1710 qui nous met sur la voie du secret royal de la construction universelle liant conception haute et réalisation bassement matérielle.
Traditionnellement c’est le roi qui remplit la fonction de l’art de bâtir. Le pouvoir royal et l'art de bâtir sont légitimés par l'autorité spirituelle. L’art de bâtir célèbre le Centre et la jonction avec le Ciel. C’est donc en cela que l’art est dit royal, car en relation avec le plus haut, cet art organise l’espace terrestre en fonction d’une origine céleste. Cette relation entre la terre et le ciel pouvant être exercée hors l’emprise de la voie sacerdotale ou avec l’appui du clergé. Ceci implique une relation directe entre le bâtisseur et l’écriture ce qui met potentiellement la puissance ecclésiale et son interprétation en position de servante de l’acte opératif. Ce sont les contraintes techniques liées à l’art de bâtir qui dominent la volonté du Roi et du Pape. L’affranchissement relatif du pouvoir temporel en regard de l’église donne au roi dans l’exercice de l’art royal une dimension sacerdotale que nous retrouverons dans certains rites maçonniques. On comprend la tradition des moines soldats devenus bâtisseurs qui unifient les trois voies initiatiques : art de bâtir, chevalerie et sacerdoce. La franc-maçonnerie écossaise en est une synthèse à la suite du discours de Ramsay et de l'origine stuartiste des rites continentaux. Finalement contrairement a ce que l'on pense, c'est la pierre qui s'empare de Roi et du Pape. Le roi s'assied sur le trône de Salomon lui même fondé (ou "enchâssé") d'une pierre cubique née de la voie artisanale pour enfin être couronné par la voie sacerdotale. Tout est fondé sur la pierre cubique depuis l’Église de Pierre: "tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église". (Voir notre article sur la pierre de Scone illustrant ce qui précède RDM 4, "Le franc-maçon et le chevalier"). Nous avons donc un alignement axial:une pierre de fondement superposée d'un trône qui intronise le roi médiateur qui reçoit la couronne descendue du ciel. Le pouvoir sur la pierre descend de la couronne et la pierre fonde la couronne. Ceci correspond au symbolisme axial de l'arbre dont le secret repose sur la sève montante qui est mue par la lumière.
Le secret est donc en relation avec la mission déléguée au roi par le divin suivant les principes opérants : de force, de beauté et de sagesse, ou de la foi de l’espérance et de la charité, ou encore de gomer, oz et dabhar. Cette relation au divin justifie chez le Roi sa couronne et son droit de bâtir. C’est une fonction divine déléguée au roi et on verra celui-ci en sub-déléguer l’exercice à son architecte en chef qui aura en charge la responsabilité des loges de bâtisseurs.
Donc le maitre maçon devient maître de la Loge et de l’œuvre à bâtir, il est aussi le chevalier qui défend l’œuvre et le Prince qui inspire l’œuvre.
On voit ainsi en 1599 en Écosse William Schaw élaborer des statuts pour d’organiser les loges calvinistes refusant les Anciens devoirs gothiques, en leur imposant le devoir de mémoire qui donnera le rituel du mot de maçon. « William Shaw était Maître des Travaux du roi Jacques VI d'Écosse ( Master of Work to the Crown of Scotland.) Il succéda en 1583 à sir Robert Drummond en tant « Surveillant général des maçons d'Écosse », devenant ainsi responsable de la construction, de la réparation et de l'entretien des palais royaux, des châteaux et de toute autre propriété du royaume d'Écosse.. On voit aussi Christopher Wren Surveyor-General of the King's Works, qui fut chargé de reconstruire Londres après le grand incendie de 1666. En 1683, Christopher Wren est vénérable de la loge de Saint-Paul, il est élu Grand-Maître de la « Très ancienne et vénérable confrérie des Maçons libres et acceptés d'Angleterre ». Il sera réélu à cette charge en 1698, mais s'en démettra après avoir été destitué de ses fonctions d'architecte de la Couronne par le roi Guillaume d'Orange » (sources wp). L'architecte du roi rendu à sa charge de Grand Maître, prit soin de mettre de l’ordre dans les rares loges de Londres en expulsant du métier les loges fédérées par Anderson pour non-respect des rituels anciens… ne laissant à celui-ci que la voie spéculative pour se développer. (Ce dernier avait importé de la loge de son père sise à Aberdeen, un rituel Écossais de Mot de maçon avec devoir de mémoire de type calviniste, cette novation à Londres n’était pas du goût de la Craft et des quelques loges de tradition opératives qui subsistaient péniblement.)
Nous voyons que la sub-déléguation de la mise en œuvre des plans (et du secret du bâti et des proportions divines) dans la lignée de Salomon, est octroyée à l'architecte patron des loges. Celui qui détient les plans détient le secret.
Le niveau auquel se situe le secret maçonnique n’est normalement pas accessible au simple maçon, mais il demeure accessible au maître maçon qui est l’équivalent ancien de l’architecte. C’est l’architecte délégué par pouvoir royal pour l’érection du Chef d’œuvre qui détient le secret de la mise en œuvre de la reliance. Cet aspect nous donnera naturellement l’apparition œcuménique du « Grand Architecte de l’Univers » par assimilation de l’acte matériel au « Plan universel ». Donc le plan étant un schéma, c'est le schéma de la manifestation et de la vie qui est le secret. D'un certain point de vue ce secret serait ce que cherchent nos scientifiques depuis 400 ans, secret déjà révélé il y a 4000 ans. Notons que ce goût particulier pour la recherche de l'universel lié au potentiel des facultés représentatives et intellectuelles de l'homme est né dans le sillage de la sensibilité rose-croix du siècle précédent. On note une identité interprétative et représentative entre la lecture d'un plan et la lecture d'un texte sacré. La lettre le trait et la parole, participent à l'élaboration d'une image, puis à la révélation d'une image.
La reliance au divin dessin par la transmission de la méthode maçonnique symbolique et herméneutique est donc le secret du maçon. Cette méthode aboutie par divers moyens mémoriels et de représentations mentales, à l’élaboration d’une image et d’une vision totalisante. Nous retrouvons ici le don de « double vue » (don de "seconde vue" relaté par Adamson en dans "The Muses threenodie" en 1638) qui nous renvoie à la perception éclairée aux frontières de l’intelligible.
Conclusion, suivant la tradition, c’est au roi couronné d’aménager l’espace et de bâtir le sacré par délégation de droit divin (remise des plans du temple de Salomon au roi David qui transmettra ceux-ci à son fils le roi Salomon). Il délègue cette charge à l’architecte (Hiram), ainsi l’architecte initié lit le plan divin (don de double vue) qui est en fait le secret des bâtisseurs.
Savoir lire le plan est en faire élévation médiatrice entre la terre et le ciel est le secret des bâtisseurs. C'est le secret de la reliance. Se pose alors la question de savoir si le secret est relatif à une connaissance inhérente aux capacités de l’homme et donc endogène, ou exogène venue du ciel comme la lumière d’une étoile.
6/ Les bâtisseurs du Sacré – notions herméneutiques - modalités de "l'en soi" et de "l'à soi"
« La double vue » implique sans doute des qualités prophétiques et certainement une herméneutique symbolique propre au bâti sacré
Le Chef d’Œuvre du maître maçon comme de l’architecte est de réaliser sur terre une image concrète de la Jérusalem céleste comme une sorte de cité idéale. L’acte de bâtir se prépare donc en esprit et s’inspire naturellement de la lecture des passages vétero et néotestamentaire qui parlent de symbolisme constructif :
Psaume 118 : 21 : Je te loue, parce que tu m'as exaucé, Parce que tu m'as sauvé. 22 La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle. 23 C'est de l'Éternel que cela est venu: c’est un prodige à nos yeux.…
Ce passage est donc relatif à la pierre rejetée, car illisible quant à sa forme et sa fonction. La lecture de la fonction, ainsi que l’essence symbolique de la forme, sont la base de tout symbolisme constructif dans sa dimension initiatique. L’enseignement initiatique de la forme doit recouper l’essence élévatrice de la construction et ne pas se limiter à sa "banalisation" matérielle.
Corinthiens 3 : 10 Selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée, j'ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. 11, Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. 12 Or, si quelqu'un bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, 13 l’œuvre de chacun sera manifestée; car le jour la fera connaître, parce qu'elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu'est l'œuvre de chacun. 14 Si l’œuvre bâtie par quelqu'un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense. 15 Si l'œuvre de quelqu'un est consumée, il perdra sa récompense; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu. 16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? 17 Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous êtes.
Il s’agit ici de la pierre de fondement d’origine divine qui est la base de toute construction où la pierre et le temple sont assimilés au corps de l’homme. Le bâtisseur en matière et en esprit s’inscrit dans la perspective du divin. La forme dans son essence rejoint la destinée de l’homme créé à l’image de Dieu, ou plus précisément d’un homme qui abrite et héberge la notion divine. (Se pose la question de savoir si le divin n’est pas produit par la conscience éclairante de l’homme ?) Mais qu'elle est la nature de cette conscience éclairante si ce n'est cette vision totale qui transporte l'initié sur les plus hauts sommets?
Ézéchiel-40
…2 « dans le pays d'Israël. Il m'y transporta, dans des visions divines, et me déposa sur une montagne très élevée, où se trouvait au midi comme une ville construite. 3 Il me conduisit là; et voici, il y avait un homme dont l'aspect était comme l'aspect de l'airain; il avait dans la main un cordeau de lin et une canne pour mesurer, et il se tenait à la porte. 4 Cet homme me dit: Fils de l'homme, regarde de tes yeux, et écoute de tes oreilles! Applique ton attention à toutes les choses que je te montrerai, car tu as été amené ici afin que je te les montre. Fais connaître à la maison d'Israël tout ce que tu verras. »
Ce passage induit le mécanisme de l’initiation où par une mise en l’état préalable (attention) et par transport élévateur de l’esprit (montagne très élevée) vers le centre (midi) (concentration) est communiqué (yeux, oreilles) par le sachant, la mesure secrète du temple et du tout (cordeau et canne). La porte est celle de la communication des secrets de l’initiation au « fils de l’homme » qui se traduiront par une révélation-vision "en soi". Ladite vison devra être transmise à son tour à la multitude mais cette fois sous la modalité du "à soi" (« fais connaître à la maison d’Israël »)
L'initiation nécessite ce double puis triple mouvement de "l'en soi" qui nous fait découvrir notre propre centre (transmission verticale des données) et à partir de celui-ci nous cheminons vers l'autre c'est "l'à soi" (altérité-rencontre-transmission horizontale des données) puis vers ce qu'il y a de plus élevé pour l'esprit c'est à dire l'unité de l'homme "au tout". "Au tout" fait la synthèse du double mouvement de "l'en soi" à "l'a soi".
Donc l'initiation marque ce double mouvement individuel puis collectif pour tendre enfin vers l'unité. C'est l'aspect collectif qui pèche par son hétérogénéité et le message incertain de "l'à soi" du fait de la non préparation du centre individuel. Il fallut trouver un facteur unifiant les individualités dans un périmètre commun, une autorité supérieure qui commande aux individus et qui ne soit pas l'un des leurs, ce fut une déité qui par son statut extérieur et dominant pouvait imposer la structure sociétale en l'approuvant par des signes. C'est ainsi que naquirent les charges de prêtres et les fonctions de rois de droits et de lignées divines les distinguant du collectif par leur légitimité hors d'accès pour les profanes. Ces charges et fonctions détentrices du secret formerons des castes et des lignées coopératrices puis héréditaires prétendant garantir la qualité de la transmission et la protection de l'arche.
On note que l’initiateur premier est une autorité surplombante au sens propre comme au sens figuré (« montagne très élevée »), et que le processus d’initiation maçonnique se servira des différents niveaux du Temple (nombre de marches) et de son orientation solaire et céleste (lumière orientée puis illuminatrice) pour établir le surplomb d’une conscience supérieure d’un point de vue terrestre (éthique-petits mystères) et céleste (métaphysique-grands mystères). Cette conscience individuelle éclairée a vocation par la transmission à devenir collective. Le collectif se référa aux deux étoiles des bâtisseurs qui sont le pentagramme pour le compagnon et l'hexagramme pour le maitre maçon.
La collectivité doit se référer à plus grand que soi pour la cohérence et le respect de la règle et de la mesure (norme symbolique), c'est la modalité du "à soi" figuré par la présentation par Moise des Tables de la Loi à son peuple. Moise par contre a reçu les Tables au sommet de la montagne caractérisant la modalité de "l'en soi". Cet "en soi" de la transmission se caractérise par la présence de cornes qui le relient au ciel. La distorsion entre "l'en soi" et le "à soi" se résoud par les Tables brisées, ou par les problèmes liés aux clefs de lecture. Il y a discordance en le centre intérieur de Moise l'initié témoin d'une théophanie et le centre de gravité spirituel inexistant du groupe profane accaparé par des idoles de pierre, ou un veau d'or!
C’est ici que l’initiatique auto-entretient la notion divine comme extérieure à soi du fait de la modalité collective de transmission et en considérant l’œuvre dans sa définition collective voir sociétale.
Tant que l’initiation reste individuelle, le divin est une production personnelle mais dès lors que l'initiation devient collective (cadre collectif de la loge) il faut l’extérioriser (triangle lumineux, pentagramme, hexagramme, GADLU) car la mesure et la règle qu’elle soutient doivent être dirimantes de l’éthique et asseoir la légitimité spirituelle et ontologique du pouvoir de réglementer et de transmettre (trône du Roi couronné considéré de droit divin, Table de la Loi s’imposant à tous, Rituel signifiant un modèle individuel et collectif, morale et vertus, etc.). Donc la vision initiatique individuelle est recadrée à la fois par l’autorité et le cadre éthique fondé sur l’altérité. On passe d’une révélation "en soi" unique par nature à une révélation "à soi" commune et organisatrice. Il y a souvent déphasage entre ces deux notions et l'oubli de la méthode, de la technique qui pour l'initié a rendu obligatoire l'usage de la déité en vue de garantir la stabilité sociétale. L'outil de l'autorité surplombante (déité) est devenu idole et institution créatrice, renvoyant l'initiatique dans un processus primitif et individuel. Le collectif oublia l'initiation pour se référer à la croyance en une déité surplombante. C'est ainsi que toutes les religions primitives ont conservé de manière secrète une dimension initiatique à l'aune de leur élaboration. Leur point commun entre l'initiation et la religion est de relier l'homme dans sa quête initiatique de l'unité, au point de l'origine première (voir notre article sur le "tradere" et le "religare" http://www.ecossaisdesaintjean.org/2014/12/tradition-et-religion-en-franc-maconnerie.html ). Par méconnaissance de ce processus, certains ont pu dire que la franc-maçonnerie était une nouvelle religion, ce qui est parfaitement faux. C'est la religion qui était un outil né de l'organisation collective de l'initiatique et c'est la religion qui par facilité idolâtre, par hégémonie sociétale et son accès simpliste, a supplanté l'initiatique, reléguant celui-ci dans des lieux clos et à l'abri des regards. Se livre alors une concurrence entre le pouvoir temporel qui conservait la dimension initiatique et le pouvoir dit spirituel qui voulut nier l'initiatique, le considérant comme incapable de faire les rois. Toute voie est initiatique si elle conserve et transmet sa tradition, son double mouvement et sa tension vers l'unité..mais aussi sa foi en l'homme et ses capacités de progression vers toujours plus de conscience et de lucidité.
Donc, la lumière intérieure personnelle et incommunicable devient par l’altérité, collective et contributive dans une version surplombante uniquement. L’initiation a donc deux aspects : la révélation "en soi" qui illumine la conscience individuelle et la révélation "à soi" normative dans un cadre partagé d’une conscience collective. La déité-outil se confond alors avec la conscience surplombante, puis relèguera l'initiatique. La déité se fondera moins sur la foi que sur la croyance, la croyance sera justifiée par le dogme et la lettre à laquelle il faut adhérer, la foi reste un phénomène vital qui touche à l'essence, fondée sur la force de l'esprit humain. Il n'y a pas de croyance maçonnique, il y a une foi maçonnique.
Suit le descriptif du Temple en vue de la représentation mentale propre à faire surgir l’image révélée et archétypale aux yeux des bâtisseurs.
Apocalypse 21 (…)« Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne et me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel (…)
suit la description de la Nouvelle Jérusalem, aboutissement ultime dans l’art de bâtir fondé sur un transport « en esprit ». Pour en comprendre la portée en matière initiatique on se référera aux 5 articles publiés sur le passage de la Loge au Temple qui feront l'objet d'un ouvrage : http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-ma-onnique-ou-temple-ma-onnique-121502525.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-ma-onnique-ou-temple-ma-onique-2em-partie-121602051.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-maconnique-ou-temple-maconique-3em-partie-121712268.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-loge-ma-onnique-ou-temple-ma-onique-4em-partie-121820787.html , http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-le-temple-ou-la-loge-5eme-partie-122576991.html ,
Le royal secret serait donc cette sagesse propre à l’art de bâtir, sagesse trouvant son origine dans le divin délégataire (l'architecte), suggérant cette fameuse capacité de lire ce qui est en haut et de le transcrire en bas (plan du temple). C’est ici le sens originel de l’hermétisme, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. C’est aussi la définition de base de l’art dit "royal", établissant la reliance avec le divin né "en soi" d’une spiritualité « construite » et le divin né "à soi" d’une spiritualité « révélée ».
Les francs-maçons opératifs et spéculatifs conservent consciemment la reliance par l’objet signifiant : l’attachement légendaire aux colonnes antédiluviennes, à la porte du Temple, à la sanction du Déluge, à la lumière, à la parole, aux gestes, aux Tables de la Loi et à l’Arche, à la loi d’amour, au principe de fraternité, etc. Cette reliance s’incorpore au plan comportemental par la pratique d’une morale fondée sur les vertus individuelles ayant un effet collectif et par la prière adressée à l'autorité surplombante. Le rituel du Mot de maçon plaça Yakin et Boaz en colonnes axiales et mot de passe. Elles sont intégrées dans un catéchisme reposant sur la mémoire liée à l’altérité miroir (système de la question-réponse et du mot partagé) et ayant pour objectif final l’entrée dans le Temple de Salomon. L’entrée dans le Temple se fait par l’échange du mot et de la griffe ou poignée de main imitant en cela la voie de la grâce et de la transmission tracée par Paul dans Galates2 :
« …8 car celui qui a fait de Pierre l'apôtre des circoncis a aussi fait de moi (Paul) l'apôtre des païens, - 9 et ayant reconnu la grâce qui m'avait été accordée, Jacques, Céphas et Jean, qui sont regardés comme des colonnes, me donnèrent, à moi et à Barnabas, la main d'association, afin que nous allassions, nous vers les païens, et eux vers les circoncis ».
Ceci nous fait dire qu'on ne rentre pas seul dans le Temple, tout comme il faut être deux pour épeler . Ainsi par la poignée de main, la voie apostolique de Paul fit l’ouverture aux non-juifs.
C’est ici la preuve de la reliance au divin qui s’énonce dans l’échange rituel de la poignée de main en droit fil de la tradition paulinienne. C’est aussi la base manuelle et symbolique de la transmission ritualisée de la relation à plus haut. À partir de ce rite se développa un catéchisme d’images verbales en remplacement des images plastiques des Anciens devoirs. Pour entrer dans la reliance, il faut franchir la porte faisant référence aux colonnes et au Temple de Salomon.
Roi 6,7 « Lorsqu'on édifia le Temple, on n'employa que des pierres déjà entièrement taillées, de sorte que, pendant la construction, on n'entendit aucun bruit de marteau, de pic ou d'autre instrument de fer dans le Temple ».
Le secret résiderait derrière la porte du Temple, il réside dans la lecture du Plan divin, dans l'assemblage silencieux de chacune des pierres ordonnées dans un but de reliance collective. Le secret est bien lié au silence, au sacré, au bâti et à la reliance !
Cette reliance à plus haut se met en pratique sans difficulté dans sa dimension éthique sous une forme progressive. Tout acte éthique est en fait un acte de reliance, reliance avec autrui, reliance avec les siens, reliance avec la communauté, reliance avec l'humanité et, en dernière instance, insertion dans la reliance cosmique (voir en ce sens l’étude d’Edgard Morin sur la reliance et la synthèse au plan sociologique que nous adaptons au plan initiatique sous notre intitulé « reliance à plus haut » : E Morin, ‘La Méthode T I V, L’Ethique’, 2004, Ed du Seuil).
La franc-maçonnerie dite universelle témoigne du phénomène de reliance par la fraternité et la notion d’unité dans la diversité. La reliance de l’Art royal est donc bien présente dans la dimension sociale de l’art de bâtir.
À l’évidence le secret maçonnique est inhérent au chemin de « la reliance à plus haut » et pour poursuivre sur la notion de reliance, lire notre article déjà parut sur : http://www.ecossaisdesaintjean.org/2014/12/tradition-et-religion-en-franc-maconnerie.html
Le secret maçonnique initiatique est une aptitude acquise et conservée par la méthode maçonnique ritualisée dans un cadre sacré, à percevoir et voir la globalité et l’origine. Ce regard se fonde à la fois sur une reliance interdisciplinaire et humaniste, mais aussi sur une reliance transcendante rétablissant le lien avec l’ontologie.
Conclusion provisoire
Ne perdons pas de vue que la reliance à plus haut est une démarche humaine, née des capacités de l’homme à concevoir et représenter la perspective transcendante. L’image ainsi projetée devient révélation qui pour des raisons d’efficacité est conçue comme extérieure à soi par l’homme lui-même. Pour que la révélation soit parfaite et efficace, elle doit être reçue d’un plus haut que soi, relativement inaccessible. Il convient que l’homme oublie qu’il en est l’auteur, l’image révélée ou le texte doit venir d’une autorité surplombante. Ce système devenu institution sera conforté par la notion de mystère exprimé par le récit, la légende et le mythe qui tous se rattachent aux deux mystères principaux qui sont le mystère de la vie et le mystère de la création. L’accessibilité à l’autorité créatrice sera structurée sous la forme d’une échelle avec des médiateurs. Serait-ce le secret ?
Ainsi le passage du secret à la divulgation puis à la révélation met en relief le rôle exclusif de l’homme dans ses aptitudes à concevoir, symboliser, imaginer, représenter et croire.
Apparaît derrière les portes du Temple, la lisibilité des trois voies initiatiques traditionnelles qui bien qu’autonomes au plan organisationnel, n’ont de justification et de complémentarité que dans cette fameuse reliance mutuelle à plus haut. Le tressage initiatique des trois voies, artisanales chevaleresques et sacerdotales, est donc ascendant.
Il serait intéressant d’étudier « le tressage initiatique », protégé par le secret qui établi les trois reliances : 1/celle qui provient de l’orthopraxie organisant le passage du savoir-faire au savoir-être associé à une chaîne opérative devenue spéculative, 2/celle qui légitime le pouvoir royal (symbolisé par la clef d’argent) 3/celle qui justifie le pouvoir sacerdotal (symbolisé par la clé d’or) apostolique ou gnostique. Les clefs ouvrent les portes sur la révélation du secret, il s’agit souvent de mots et de gestes qui imitent ou évoque la renaissance ou la relation au divin.
Le secret dans les trois voies initiatiques est celui que l’homme peut élaborer et transmettre. Ce secret est donc d’origine humaine et exprime une volonté de reliance, de retour vers l’origine. Pour élaborer et organiser le secret, l’homme doit être l’auteur et metteur en scène du mystère. Cette affirmation est vérifiable dans tous les rituels de la franc-maçonnerie qui organisent les passages graduels vers le sommet de la reliance.
Le tressage du secret apparaît dans l’ambivalence du symbolisme constructif de la Bible, où le Temple de Salomon serait construit par le roi, le prêtre et l’architecte. De ce constat, une nouvelle ligne de partage viendrait enrichir le bloc initiatique, située entre une interprétation du symbolisme constructif au concret rapproché de Céphas, celui de l’église de Pierre, et une interprétation engagée dans la voie de l’esprit, celle de Jean. Au final, on percevrait à nouveau la ligne séparant l’éthique et la métaphysique, les Petits et Grands mystères, etc.
On peut ainsi transposer cette recherche à la franc-maçonnerie spéculative du XXIème Siècle : conserve-t-elle son chaînage ininterrompu qui donne le savoir-faire et le savoir-être ? Conserve-t-elle la reliance éthique et métaphysique par l’entretien et la transmission hermétique du secret royal comme décrit plus haut ?…
E.°.R.°.
En complément de cet article, sur d’autres aspects du secret maçonnique :
Yves Hivert Messeca l’encyclopédie de la franc-maçonnerie-pochothèque ed livre de poche 2000, celui de Philippe Colaneri paru au « dictionnaire de la franc-maçonnerie » sous la direction de Daniel Ligou éd PUF 1987, et enfin celui de Philippe Lhomme paru au dictionnaire thématique illustré de la franc-maçonnerie éd du Rocher 1993.
L'indispensable René Guénon pour revenir aux bases traditionnelles du secret initiatique: Règne de la Quantité et les Signes des Temps chap XII et Aperçus sur l'initiation chap VIII-éd Traditionnelles
Sur les Ancien devoirs et les arts libéraux: Franc-maçonnerie : documents fondateurs, éd de l’Herne éd 1992-2007 p 45 et 59
Patrick Geay « critique de l'historiographie maçonnique contemporaine » in LRA n°23, et Villard de Honnecourt n°9- 1984
Pour l’herméneutique appliquée au symbolisme constructif lire "L'éclectisme maçonnique- herméneutique maçonnique et philosophie Biblique" Patrick NEGRIER éd Ivoire Clair 2003.
Sur "la reliance à plus haut" faire des rapprochements avec E Morin, ‘La Méthode T I V, L’Ethique’, 2004, Ed du Seuil