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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 22:43

Cles de voute pierre du sommet pierre angulaire 001Loge maçonnique ou Temple maçonnique ?

Ou la Naometria maçonnique et l’apologie du centre universel lumineux.

(Note de synthèse)

Aller au Temple ou en loge semble synonyme. C’est symptomatique d’un sens évolutif qui apparente la loge et le temple dans un même dessin.

Si le Temple est la maison de Dieu, l’espace consacré, la loge est la maison du savoir-faire et du savoir-être de l’Œuvrier. Les Francs Maçons sont occupés à construire le Temple.

 Le temple est le lieu de célébration d’une religion, la loge est le lieu de transmission initiatique se rapportant à l’art de bâtir. Il se trouve que l’art de bâtir est directement lié au sacré aux lieux consacrés et religieux dont il est chargé d’illustrer le sens.

L’illustration du sens divin suppose le préalable de l’initiation. C’est ainsi que la loge et le temple ont formé un indissociable binôme initiatique et religieux.

Le Temple est l’image architecturée d’un divin archétypal dont la loge rapporte un effet miroir lisible et transmissible à l’Œuvrier. La lisibilité passe donc par la représentation mentale dont on connaît le rôle essentiel dans l’interprétation des symboles et le devoir de mémoire. Rappelons que le devoir de mémoire est ni plus ni moins un catéchisme de grade appris par cœur, découvrant les vérités fondamentales du grade et héritage scolastique de la notion de « somma ». La somma est une totalité interprétative et explicative des Saintes Écritures. Le franc-maçon héritera d’une sorte de « somma » transmise par ses aînés, consistant dans l’interprétation cohérente de l’universalité des symboles et des rites qui se déroulent dans la loge. L’interprétation restera personnelle tout en étant fondée sur une conscience collective et empruntera les chemins de la méthode maçonnique à l'image d'un plan graduel et structuré en parties successives.

Tous les symboles maçonniques ont pour finalité la recherche intuitive ou déductive d’un centre universel lumineux qui fera lien entre poussière terrestre et souffle de vie. Ce centre par son universalité peut être compris au sens traditionnel (hébraïsant, Greco-Christique, christique), associé au Temple et à la cathédrale, comme au sens humaniste (associé au Temple intérieur). Ce constat nous aidera à répondre à la question : le franc-maçon travaille dans la loge ou dans le temple ?

Ainsi, la question d’une éventuelle confusion entre le loge et le temple s’expliquerait par la nature universelle de la recherche d’un centre et d’une unité, commune aux opératifs et aux spéculatifs ainsi qu’aux courants de pensée du XVII et XVIIIème siècle.

Auparavant, la métaphysique de la lumière prônée par Denis le Pseudo-Aréopagite puis par Scots Erigène (810-877) produira ses effets dans l’apparition du style gothique qui va sortir la conscience collective de l’indistinction tellurique des modes d’expression et de pensée. Ainsi Pseudo-Aréopagite dans Hiérarchies Célestes affirme que notre Esprit peut s’élever à ce qui n’est pas matériel sous la conduite de se qu’il est. La meilleure expression artistique de cette évolution sera l’apparition de la perspective qui fait descendre le ciel sur le carré long. La représentation des tableaux de loge du XVIII et XIXème siècles portent encore témoignage de cette descente du ciel en terre par le traitement « graduel » de l’effet de perspective (accepté depuis 1330 et Giotto). Ici est représenté le non représentable : l’immatérialité du point de fuite caractérisant l’insaisissable infini et où l’observateur est renvoyé en lui-même. Il confondra son regard et son parcours final avec un centre en abîme. Ce centre en abîme est au centre de la loge.

 On comprendra alors que le principe d’élévation architectural se confonde avec l’élévation de la compréhension pour dépasser l’interprétation symbolique classique et aboutir à l’interprétation anagogique…soit une méthode interprétative, qui littéralement « conduit vers le haut » ; c’est ici l’essence même d'un message gothique classique réactualisé, dans lequel le franc-maçon opératif tends la main est passe le levier de l'interprétation anagogique au franc-maçon spéculatif.

À ceux qui s’interrogent sur la cohérence de la chaîne de transmission initiatique entre le moyen-âge et le XVIIème siècle, nous avons ici la réponse. Le message et le rituel initiatique de la lumière furent fixés par l’orientation et la déambulation dans l’église à construire puis dans la cathédrale par les opératifs porteurs d’outils et les clercs porteurs de paroles et lecteurs de l’évangile selon saint Jean. Cette déambulation « lumineuse » se faisait en regard d’un centre à atteindre. La ritualisation de l’entrée et de la sortie du bâti sacré, n’était pas liée à la religion exotérique, mais conçue comme une véritable expérience initiatique dont il nous reste de manière très visible le labyrinthe qui deviendra pavé mosaïque en loge. La déambulation initiatique dans l’église ou la cathédrale, n’était qu’un exercice vécu et pratiqué en d’autres lieux plus adéquats pour la voie artisanale. À l’époque, l’église dotée d’une voie sacerdotale complète dispensait encore cet enseignement ésotérique. Divers mouvements et confréries réunis autour d’un saint intercesseur ont  procédé à la célébration du saint dans l’enceinte même réservée au sacerdoce. Par leurs offrandes et célébrations et par les déambulations en cortège, ils ont ainsi perpétué ce message anagogique d’élaboration alchimique et de construction lumineuse jusqu'à en remettre le dépôt dans cette franc-maçonnerie de transition du XVIIem siècle puis spéculative du XVIIIème Siècle. La pratique initiatique et la transmission ne furent point perdues ou dissipées comme certains le pensent, elle survécut en divers mouvements et organisations et nous revinrent en loge spéculative.

La Loge du franc-maçon, où la forme parfaite reste une « œuvre de l’esprit », deviendra réceptacle de toutes ces variantes traditionnelles (parfois secondaires) qui expliquent et célèbrent l’alchemia de la lumière née du Centre (hermétistes, rose croix, alchimistes, gnostiques, cabalistes, astrologues, etc.). Ici l’Esprit et la lumière seront synonymes.

La « franc-maçonnerie-réceptacle », fût-elle spéculative (de "speculum" le miroir), n’aurait donc subi aucune rupture dans la chaîne de transmission lumineuse ainsi que l’affirmait René Guenon (les historiens sont dubitatifs sur ce point, car la documentation fait défaut). La franc-maçonnerie de l’art de bâtir "spéculatif" ou "en miroir" resterait la dernière organisation initiatique authentique en occident qui transmet le « savoir-faire » ritualisé et méthodique et le « savoir-être » lié à la découverte et l’expérience intérieure d’un centre universel lumineux. C’est le sens de la démarche initiatique.

 

Un état d’esprit commun, distillé dans l’inconscient collectif, abouti à une matérialisation possible d’un centre lumineux. L’homme avait la capacité de le représenter physiquement pour mieux le ressentir intérieurement. Ainsi la lumière se confondait avec le divin centre et avait un aspect créé et concret et un aspect non concret voir incréé. Le signifiant (sculpture ou cathédrale) produisait le signifié (lumière), qui à son tour devenait signifiant appelant un signifié (lumière incréée).

 Ce mouvement se traduit par une esthétique de l’élévation et du cheminement méthodique et hiérarchisé et parfois intuitif, mettant l’art de bâtir au service d’une élévation de l’âme.

 Cette élévation se structura sur le plan d’une conscience collective façonnée par l’école de type scolastique qui tente d’associer Aristote et le Christ. Ainsi s’établit au moyen âge un fond commun de vérité greco-christique, une « somma » induisant une représentation mentale alliant une métaphysique de la lumière et le principe trinitaire. Ce phénomène qui influencera l’architecte et le clerc, était déjà dessiné et mis en pratique dans les loges de constructeurs. En effet, la tradition voulait que depuis la nuit des temps le bâti sacré fut orienté en vis-à-vis de la lumière solsticiale et en direction d’un centre lumineux dédoublé en terrestre et céleste (lever du soleil et étoile du Nord). C’est cette volonté de « mise en œuvre » par imitation traditionnelle de l’école (scolastique) et du maître que va revitaliser un schéma inconscient et collectif autour de la lumière. Ce schème était déjà connu des Égyptiens. On redonne du sens à la tradition conservée dans les rites célébrant la lumière. Ces rites de célébration de la lumière ont toujours été conservés dans la voie artisanale. La chaîne de la transmission se perpétuera entre le maçon opératif « initié » à la lumière et sous la rose et le franc-maçon en quête d’une vérité universelle.

La scolastique donnera au moyen-âge une méthode répétitive et planifiée de la lectio, du discours, des arguments, du raisonnement et de la disputatio. Cette méthode se perfectionnera et aboutira à concilier les contraires dans une lecture de niveau supérieur qui donnera plus tard l’esprit de synthèse (rassembler ce qui est épars). La méthode scolastique, par imitation de raisonnement, se retrouvera en architecture et en sculpture et donc dans les loges de bâtisseurs et dans les cathédrales en construction.

Les maçons opératifs habitués à conjuguer la matière et la lumière, furent témoins de cette conscience commune fondée sur la lumière métaphysique et le ternaire qui aboutira à montrer ou démontrer par le visible l’invisible.

Le jeu scolastique consiste à donner à voir les arguments qui en architecture mènent la lumière à l’intérieur du bâti. Ce jeu se retrouvera dans l’élaboration des idées et des constructions qui devront faire apparaître les modalités de raisonnement et de planification, partant de la pierre de fondation jusqu'à la croisée d’ogives. Ainsi deviennent visibles les nervures de la construction et les dentelles de lumières, les rosaces et les arcs brisés. L’ombre colorée et diffractée de la lumière filtrée par le vitrail fit le passage entre l’apparent et le caché, laissant entendre que la lumière se décline en plusieurs niveaux subtils à partir d’un centre (distinction maçonnique du rayonnement lumineux et du flamboiement du centre). Cet état multiple projeté et manifesté sur le pavement justifie la quête d’une remontée vers la cause première.

L’architecture gothique deviendra le lieu du raisonnement structurant l’idée lumineuse et la réalisant dans l’élévation du plan sur trois niveaux et plus. Aussi l’apologie du centre (le prêche de Saint Bernard réveille dans l’inconscient collectif de la quête du centre lumineux) aboutira aux 8 croisades (1095/1270) pour sa reconquête, aussi extérieures et matérielles que vaines.

Cette reconquête du tombeau de Christ se confondit géographiquement avec celle du Temple et s’affirmera sur un fond de représentation collective de « libération du centre », et reactivera l'idée de reconstruction du Temple. Le centre, alias la Jérusalem terrestre, était le point ultime du pèlerinage chrétien. Ce centre des centres sera traduit par le géomètre par un point commun au cercle, au carré et surtout au triangle, soit le point de contact absolu entre le bas et le haut, entre la matière et l’esprit entre la Jérusalem terrestre et céleste.

   

Le centre universel se confondra avec l’unité retrouvée, soit un point de vue métaphysique qui correspondra au désir d’unité, voire de réintégration avec le principe originel. Il y aurait ainsi superposition du centre dit « initiatique » et du centre dit « religieux »; autrement dit du Temple même. Cette superposition est due, qu’on le veuille ou non, au fait que l’art de bâtir soit une voie initiatique complète qui atteint le même sommet, ou centre, que l’art sacerdotal ou chevaleresque. Ce sont trois voies initiatiques et la religion dans son versant ésotérique oublié, possédait sa méthode initiatique complète. Or ces trois voies ont le Temple en source commune.

Il semblerait que tous les points de vue concourent à la recherche d’un centre universel. On retrouve dans l’art martial de la chevalerie, à travers le Graal, l’idéal ultime d’une réalisation volontaire et maîtrisée de soi jusqu'au sacrifice du corps du combattant. Ce centre de réalisation de soi deviendra une porte libératrice pour le chevalier.

 

Qu’ils soient avoués et reconnus sur le plan de la recherche personnelle, ou déclinés dans le point de vue collectif et social, les notions d’unité et le centre ont trouvé en Franc-Maçonnerie des moyens d’élaboration qui font de la loge un athanor pour la découverte de notre Temple ou Église intérieure. Cette idée d’un centre dénommé « Temple » nous sortira de l'impasse idéologique se bornant à exclure le Temple « religieux » de la loge. Il s’agirait donc d’un Temple initiatique commun à la voie artisanale, à la voie sacerdotale et chevaleresque.

La franc-maçonnerie n’est pas une religion, car on ne célèbre pas de culte en loge, mais elle ne s’interdit pas d’étudier le nomen, la source métaphysique et la traduction phénoménale du nom de Dieu.

Je tenterai de démontrer que chaque loge quelque soit son rite héberge un Temple en son Saint, dès lors quelle abrite un espace consacré (templum), tel que le carré long et le tapis de loge ou équivalent.

Nous concentrerons notre réflexion sur les trois premiers grades, en notant cependant que dans certains degrés dits « supérieurs » la rituelie se déroule clairement dans le temple. À ces grades la question est donc sans objet, mais affirme clairement le désir de faire exister le Temple en franc-maçonnerie.

 

Les prolégomènes ainsi posés, nous tenterons de répondre en 12 points à la question : le franc-maçon travaille-t-il en loge ou dans le temple ?  (Développement à suivre)

E.°.R.°.     

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