Selon René Guénon, la FM est un réceptacle de diverses voies et influences spirituelles se rattachant à LA Tradition primordiale. En effet, Toutes les voies spirituelles conditionnées par le lieu et l’époque où elles interviennent se rattachent à Une tradition primordiale par son essence et dont toutes les autres découlent. Elles sont chacune un morceau brisé d’un même miroir.
La FM est tjrs selon René Guenon la dernière voie initiatique traditionnelle valable en occident.
La méthode maçonnique comme je me plais souvent à le rappeler dans mes planches au 1er degré, permet à travers la parabole de la construction du temple de construire sa propre spiritualité.
Après le réordonnancement des états constitutifs de son être, par sa mort symbolique et les 3 voyages qu’il a parcourus pendant son initiation, le FF apprenti va pouvoir commencer à œuvrer sur lui-même. Il est l’artisan de sa propre spiritualité et aidé par ses FF en loge, va pouvoir commencer non pas dans le vacarme assourdissant d’un chantier opératif, mais simplement dans le silence méditatif intérieur, à travailler sur sa pierre brute avec des outils symboliques.
Qui d’entre nous ne se souvient pas de sa première rencontre avec les symboles en loge, lorsque la Lumière lui a été donnée et de l’étonnement qui s’en est suivi? De l’apparition à ses yeux de tous ces symboles inexplicables, présents en loge et des questions posées à leur propos lors des premières tenues auxquelles il a assisté ?
Le REP (comme d’autres rites bien sûr) est riche dans le sens où les travaux qui s’y déroulent, dès le début de l’initiation, amènent chaque FF progressivement à des niveaux de conscience spirituelle de plus en plus élevés. La conscience s’éclaire et s’élargit au fur et à mesure de son avancement dans son parcours initiatique.
La voie maçonnique au REP est bien une voie qui ouvre la réalité à la dimension de l’esprit. Ceci nous amène à concevoir le divin, le GADLU, l’Unité primordiale (appelons cela comme bon nous semble), par un travail sur les symboles, de perfectionner sa vision de soi et du monde, de vaincre cet ego aveuglant, de se détacher de la matière afin de s’élever en esprit pour mieux intervenir dans le réel et dans la société. C’est bien le but de toute quête spirituelle: développer une vision de la réalité dans le domaine de l’esprit afin de favoriser l’humanisation de l’homme. Ainsi le développement spirituel de l’individu n’est pas sans intérêt pour l’humanité, il est la base de la liberté de conscience. Le spirituel et l’humaniste œuvrent dans le même sens. Donc, les FF et SS qui œuvrent sur des chantiers plus « sociétaux et humanistes» ont toute leur place parmi nous, ils viennent renforcer notre action. En effet rien ne sert de s’élever, si c’est pour ne pas garder les pieds sur terre et ne pas œuvrer pour le bien de l’humanité en toute fraternité. Car s’élever spirituellement en perdant de vue cet aspect peut amener à de graves dérives. Ces deux façons de travailler sont complémentaires et se rejoignent inévitablement en ce sens. Il ne peut y avoir de franc-maçonnerie spéculative définitivement « hors sol » !
Le symbole est pour moi la clé d’accès à l’éveil dans la Méthode maçonnique. Mais comment peut-on le définir ? Quel mode de lecture permettra de le comprendre, de le saisir ? Qu’est-ce que l’éveil, but ultime de la voie initiatique ?
Autant de questions passionnantes que je me pose à chaque tenue (et que vous vous posez certainement) et auxquelles je vais essayer d’apporter un éclairage.
1° Le symbole est une clé
Commençons par donner quelques définitions du symbole.
Définition selon Wikipédia :
Le mot « symbole » est issu du grec ancien sumbolon (σύμβολον), qui dérive du verbe sumbalein (symballein) (de syn-, avec, et -ballein, jeter) signifiant « mettre ensemble », « joindre », « comparer », « échanger », « se rencontrer », « expliquer ».
En Grèce, un symbole était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants. Pour liquider le contrat, il fallait faire la preuve de sa qualité de contractant (ou d'ayant droit) en rapprochant les deux morceaux qui devaient s'emboîter parfaitement. Le sumbolon était constitué des deux morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr. Le symbole est aussi un mot de passe.
Toujours selon wikipédia, le symbole est un concept, une représentation pensée chez un individu en particulier ou un groupe en général; l'association faite par la pensée est déclenchée à partir des sens humains percevant quelque chose. Un signe faisant symbole est actif chez l'individu pour soit provoquer une pensée sur un thème (par exemple la sécurité, l'autorité, l'orientation bas/haut...) et un élément (par exemple mer, terre, ciel, visage humain...), soit une sensation (par exemple joie, peur, paix, créativité, respect, etc.)
Définition Larousse :
Signe figuratif, être animé ou chose, qui représente un concept, qui en est l'image, l'attribut, l'emblème : Le drapeau, symbole de la patrie.
Personne qui incarne de façon exemplaire une idée, un sentiment, etc. : Il est le symbole de la générosité.
Il existe pléthore de définitions du symbole dans les autres dictionnaires et autres ouvrages…
Si le symbole est défini selon tant de niveaux de lecture et qu’il y à tant de définitions possibles, c’est que justement sa définition est par essence très complexe.
Le symbole sur lequel je vais travailler est évidemment le symbole présent en loge.
Ce symbole ne doit pas être rapproché du symbole au sens profane qu’est le signe : le signe n’a qu’une seule signification par registre de lecture, alors que le symbole en loge a des significations multiples (polysémique) se rejoignant en un même archétype. Le signe se décode par analogie (définition en annexes) alors que le symbole maçonnique se vit par l’anagogie (définition en annexe).
Le symbole, entité vivante et flamboyante :
Le symbole est vivant et n’a pas besoin de l’esprit humain pour exister. Lors d’une récente visite dans une loge travaillant au Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm, lors d’une initiation, le serment lu par le nouvel initié finissait par « et qu’en cela… le Sublime Architecte des Mondes…et les Vivants Symboles que je touche de ma main…me soient en aide ».
D’ailleurs chaque FF ou SS n’est il pas lui-même en temps que nouvel initié un symbole vivant ? En effet dès son initiation, on lui fait faire son premier travail en frappant trois fois avec le couple maillet ciseaux sur la pierre brute qui n’est d’autre que le symbole de lui-même dans son imperfection. Ensuite, chaque FF ou SS doit épeler le mot sacré, se faire connaître par les signes et attouchements auprès des surveillants; les deux FF ne seraient-ils pas dans ce cas signifiant et signifié comme un sumbolom ? Le premier signifié étant le signifiant du second et inversement. Le rappel des deux parties à conjoindre dans le symbole fait échos a l’idée de rassembler ce qui est épars et de retrouver l’unité mythique et originelle.
Rappelons-nous de ce qui a été évoqué précédemment : en Grèce antique au sens originel, un sumbolom était un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants qui permettait de prouver la qualité d’ayant droit au contrat: l’initié en serrant la main du surveillant est ainsi reconnu comme ayant la qualité pour accéder au plan symbolique et aux états supra humains associés au sens supérieur du symbole et à l’unité retrouvée. « Nous pouvons avancer l’hypothèse suivant laquelle la méthode maçonnique permet « l’incorporation du symbole a soi » et donne à celui qui incorpore le symbole en lui, la faculté d’être symbole lui-même permettant d’accéder aux réalités supérieures. » C’est la puissance de l’esprit qui fait le symbole , c’est donc l’homme qui augmente son champ de vision du réel dans un point de vue supérieur. C’est ce que les grades dits symboliques nous enseignent."Le symbole augmenterait le domaine de l’intelligible humain par des facultés cognitives à développer en chacun de nous, ou à redécouvrir, comme l’apprentissage d’une réalité augmentée" (selon E.°.R.°.), mais certains philosophes grecs ont voulu rendre le symbole autonome et vivant dans la puissance divine.
J’ai parcouru un travail du FF J.L BIASI qui m’a largement éclairé sur le symbole et son caractère vivant parfois indépendants de l’intellect humain. Il cite dans ce travail les visions du symbole par Platon et Jamblique.
Le symbole dans le monde des idées selon Platon :
Pour Platon, le monde contient des idées (les archétypes de la réalité) d’où la matière naît et dont les objets du monde visible sont issus. Dans cette vision platonicienne, les idées sont vivantes et existent par leur propre fait. Il est possible à tout un chacun d’accéder à ces idées en s’élevant de notre monde manifesté et sensible vers le monde intelligible. Le symbole est une clé de lecture du monde intelligible, car il est l’apparence visible de l’idée. Le symbole est comme un miroir à 2 faces distinctes mais reflétant une réalité supérieure Unique.
Cette perception du monde des idées et des symboles sera reprise par Le philosophe néoplatonicien Jamblique.
Pour lui également dans « les mystères d’Égypte II, 11», les symboles sont également vivants par eux même et indépendants de notre intellect. Il dit, je cite, « C’est pourquoi ce n’est pas notre pensée qui opère ces actes [le pouvoir des symboles muets] ; car alors leur efficacité serait intellectuelle et dépendrait de nous ; or ni l’un ni l’autre n’est vrai. Sans que nous y pensions, en effet, les signes eux-mêmes, par eux-mêmes, opèrent leur œuvre propre, et l’ineffable puissance des dieux, que ces signes concernent, reconnaît ses propres copies elle-même par elle-même sans avoir besoin d’être éveillée par l’activité de notre pensée. Nos pensées ne provoquent donc pas, en les prévenant, les causes divines à s’exercer ; mais elles doivent, avec toutes les dispositions excellentes de l’âme et avec notre pureté, préexister comme causes auxiliaires ».
Enfin dans la symbolique maçonnique de Jules Boucher, ce dernier cite Jean C.M Travers qui dans son ouvrage valeur sociale de la liturgie d’après St Thomas d’Aquin nous dit :
« le symbole se découvre comme un être sensible, ayant sa consistance propre, mais à travers lequel d’aperçoit une relation de signification. Avant de signifier, il déjà possède par-devers soi sa nature propre. Il se présente comme un être connu pour lui-même, ensuite seulement comme un être ayant une relation de signification à un autre terme ».
« Quoiqu’il en soi le symbole qu’il fut émanation du divin insaisissable ou émanation de l’esprit humain en devenir, constitue un territoire riche qui occupe la pensée et les déterminations et aspiration de l’homme depuis les périodes les plus reculées. Le symbole au-delà de la contingence fertilise l’esprit et la pensée de soi et du monde. Il fut le ferment de l’immanence chamanique et de la transcendance spirituelle, il est encore le moteur de la recherche conceptuelle en matière scientifique».
2°La lecture par le cœur
Les travaux se déroulent en loge, hors la loge en médecine est également la cavité où se trouve un organe.
Parmi ces organes se trouve évidemment le cœur dont la loge: est délimitée latéralement par les poumons, en bas par la coupole diaphragmatique, en avant par le sternum et le grill costal, en haut par la trachée et les gros vaisseaux et en arrière par le médiastin postérieur contenant l’œsophage.
Ainsi le symbole ne se décode pas avec l’intellect discursif. « Il s’agirait d’un surintelligible, d’une intuition supérieure ». Pour moi le monde des idées, le GADLU, le divin, etc… ne se perçoit dans la méthode maçonnique qu’en lecture des symboles par le cœur : d’ailleurs dès l’initiation, le FF au REP accomplit ses 3 voyages avec une épée contre le cœur et prête serment la pointe du compas dirigée vers le cœur également : l’épée reproduit ce rayon de lumière sacrée au REP (de conscience éclairée dans les voies humanistes) qui partant du centre initial de la création, perce l’enveloppe corporelle de chaque FF. Le compas par son écartement donne à l’initié le sens de la lumière spirituelle selon les plans du GADLU et le degré d’ouverture du cœur à opérer en soi.
La tenue en loge comme dans tout espace sacré permet que se rejoue la création de l’univers et la propagation de la lumière dans le temps présent. Cette expérience initiatique est autant extérieure à soi qu’intérieure à chacun. Je me plais souvent à dire également que je suis autant dans le temple que le temple est en moi. La compréhension d’un symbole par le cœur ne se révèle parfois intérieurement qu’au bout d’un certain temps variable d’un FF à l’autre. Cette appropriation intérieure du symbole est propre à chacun d’entre nous et ne reflète pas une vérité unique, bien au contraire. Cependant, toutes les expériences initiatiques induites par la perception d’un même symbole, même si elles peuvent être perçues différemment d’un FF à l’autre, relèvent d’un principe archétypal de même nature.
L’intuition par le cœur se révèle chez chacun des FF ou SS en loge par le centre de cette dernière où repose sur le pavé mosaïque le tableau de loge et où figurent tous les symboles.
En entrant en loge, en passant entre les 2 colonnes, chacun d’entre nous passe autant extérieurement qu’intérieurement du monde profane au monde sacré. La cérémonie débute et le Vénérable, passeur de lumière aidé des autres officiers, ordonne le chaos et fait jaillir la lumière en chacun de nous. Le voile obscur de l’ego et de la matérialité est levé par le FMC qui laisse apparaître au centre de la loge, donc au centre de nous même, le tableau de loge posé sur le pavé mosaïque. Le rituel guide notre conscience sur le chemin de lumière et imprime au plus profond de chacun tous les symboles qui y sont présents. Le tableau de loge concentre en lui tous les symboles et donc les idées accessibles à chacun des FF en fonction du niveau de conscience développé par chacun. Il contient donc au grade d’apprenti tous les possibles envisagés dans ce degré. Il est entouré par les 3 colonnettes c'est-à-dire la lumière trine, l’unité primordiale rendue intelligible au cœur de l’homme par le ternaire dans le monde sensible qu’est le pavé mosaïque, le tout en Sagesse, Beauté et Force, qualités par laquelle se manifeste l’œuvre sacrée à celui qui sait s’ouvrir à elle. Alors dans un temps symbolique de midi à minuit, nous allons tourner autour du centre où se trouve le tableau de loge: nous nous mettons donc à marcher autour de cet axe et les symboles prennent vie dans le cœur de la loge et dans le cœur de chacun qui lui-même est mis en relation avec celui des autres FF et SS ainsi qu’avec le centre ultime, celui de l’unité, donnant naissance notamment à l’égrégore en loge. Il y à une correspondance des centres d’après E.°. R.°.. La vie est mouvement et nous allons pouvoir rejouer le grand œuvre !
3°L’éveil
Si le symbole est une clé, c’est pour ouvrir une porte, celle qui mène à l’éveil.
Par cette originalité de la méthode maçonnique semblable parfois à un empilement de poupées russes, de stratifications d’idées et de symboles en analogie et en anagogie les uns envers les autres, dans un sens ou dans l’autre, chaque FF qui vit en lui-même et en loge le symbole, franchit à nouveau à chaque tenue la porte du temple (la porte des initiés) et vit l’éveil spirituel en pleine conscience. Dans un même endroit, par le truchement des symboles à divers grades, il arrive donc à vivre une expérience initiatique différente. Ayant visité un autre atelier pratiquant un autre rite et se réunissant au même endroit que notre loge mère à Ollioules, j’ai vécu quelque chose de très différent alors que j’étais pourtant au même endroit et au même degré!
Les symboles associés aux rites sont donc agissants en chacun de nous.
L’initiation et les trois premiers degrés relèvent des petits mystères. Les petits mystères antiques sont les différentes élévations spirituelles vécues sur le strict plan humain dans sa totalité. Je suis d’accord avec René Guenon lorsqu’il explique « qu’il n’y a pas là des genres d’initiation différents, mais des stades ou des degrés d’une même initiation, si l’on envisage celle-ci comme devant constituer un ensemble complet et être poursuivie jusqu’à son terme ultime ; en principe, les petits mystères ne sont donc qu’une préparation aux grands mystères ». Les grands mystères ne seront pas abordés ce soir.
« L’éveil » au grade d’apprenti serait plus tôt pour moi un « réveil » de l’initié du moins au tout début du parcours maçonnique. « Ce réveil est celui de la récupération de la totale vision du monde et de soi, de la conscience éclairée et rayonnante d’un centre retrouvé ».
En effet le but de la quête initiatique de l’apprenti est un réordonnancement de lui même comme déjà évoqué, ayant pour but de partir à la recherche de son « être » véritable, de sa pierre philosophale - son centre intérieur où brille sa lumière le reliant au TOUT. D’où le sens évidemment du fameux V.I.T.R.I.O.L.
La lumière naissant d’elle-même, chacun d’entre nous l’a en soi, mais l’a simplement oubliée; dans le prologue de l’évangile selon St Jean où sont posés le compas et l’équerre sur l’autel du VM il est dit : « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu ». Donc, partir à la recherche de cette pierre philosophale, c’est à travers la gangue des métaux et le voile obscur de l’ego, et grâce aux symboles, pérégriner dans le labyrinthe représenté par le pavé mosaïque comme Thésée parti tuer le Minotaure. C’est partir à la redécouverte de cette parcelle de lumière divine qui luit en chacun de nous. Atteindre ce centre, essence de l’être, c’est se retrouver ni nu ni vêtu et dépourvu de tous métaux comme lors de l’initiation et comme cela est décrit dans le rituel.
L’éveil spirituel de l’APP ou plus tôt le « réveil » de la lumière en chacun de nous vise donc au 1er degré à se remettre dans l’état d’origine tel l’homme primordial, l’Adam avant la chute afin, comme il est dit dans l’invocation pendant la chaîne d’union, que puisse se faire « le retour de nos Âmes en Ta Lumière ».
D.°.D.°. R.°.L.°. « Les Écossais de saint Jean »