LES MÉTAUX - L’ABANDON DES MÉTAUX
I.- C’est aujourd’hui la présentation de ma deuxième planche. Il m’a été demandé de travailler sur « LES MÉTAUX - L’ABANDON DES MÉTAUX ».
J’ai d’abord cru que cela allait être relativement… aisé, avant de me rendre rapidement compte, et de l’importance et de la complexité du sujet… et donc de sa difficulté. Aussi j’en appelle à votre indulgence, mais je sais par avance que vous en ferez preuve.
II.- Depuis toujours, les métaux représentent pour l’homme une forme de puissance, synonyme de pouvoir : les armes, l’or, l’argent. Dans les tombeaux des Pharaons, parmi les objets destinés à les accompagner dans l’au-delà, on trouvait des armes, des bijoux, des parures… les symboles de leur pouvoir.
Même si l’homme, qui n’est que de passage sur la Terre, n’a pas la propriété de ces "métaux", leur possession dénature les hommes, les conduit à tous les excès, à toutes les passions… ce qui est souvent à l’origine de simples problèmes de voisinage jusqu’à de grands bouleversements mondiaux…
Alors, que faire ? Faut-il supprimer les métaux ? Est-ce seulement possible ?
Je me souviens… lors de mon initiation… le Cabinet de Réflexion… Une pièce obscure, à la décoration insolite ; j’y suis entré et resté, dans le silence et la solitude, dépouillé… le mot est fort… dépouillé / dépouille… cela évoque la mort… Entre autre chose, j’ai senti (et j’ai compris depuis), que j’étais dépouillé de ma parure de profane pour renaître différemment, et surtout, pour passer de la condition de "l’avoir" à l’état "d’être"… de "devenir" plutôt que de continuer à "paraître"…
Et puis, sur le parvis du Temple, à chaque tenue, la formule « Mes Frères un instant de silence pour l’abandon des métaux ». Là aussi, nous quittons le monde profane, nous nous dépouillons de notre "paraître"… Chaque Frère ne se décore que des insignes de son grade, parce que nous allons entrer dans un autre espace, un espace sacré… hors du temps profane, dans un autre temps. Et que ce qui compte, au sein de la fraternité maçonnique, c’est que nous considérions nos Frères en tant qu’hommes, dans leur nature profonde, et non pas par rapport à la situation ou au rang qu’ils occupent dans la vie profane…
Pourtant, en loge, au sein du Temple nous trouvons de nombreux objets métalliques, épées, équerre, ciseaux, ou des ornements et outils, qui permettent la réalisation des rites. Le métal en tant que tel est bien présent et accepté dans la Loge, mieux, il en fait partie intégrante…
III.- Il faut donc comprendre ce terme de "métaux", dans son acceptation symbolique… Que recouvre-t-il ?
D’après mes lectures, les "métaux" semblent recouvrir deux acceptations.
1. Dérivé du grec "Métallon", le mot métal est associé à la racine "mé" qui est le nom le plus ancien donné à la lune (1) corps céleste dont la symbolique est présente au sein du Temple.
2. Dans d’autres cas, ce mot désigne le produit extrait de la mine (2), le minerai, qui semble se rapprocher de la pierre brute.
Donc, une interprétation céleste et une interprétation terrestre. Comme il est écrit dans le Dictionnaire des Symboles : « Les Métaux sont des éléments planétaires du monde souterrain ; les planètes, les métaux du ciel ; le symbolisme des uns et des autres est parallèle ».
De plus, cette dualité se trouve dans de nombreuses croyances et religions, où les êtres qui forgeaient le métal étaient considérés, soit comme des êtres relevant du divin, du sacré, de la création, soit comme des êtres maudits relevant de l’enfer, du feu et du mal.
Compte tenu du temps qui m’est imparti pour cet exposé, il ne m’est pas possible d’aller plus avant dans l’étude de cette symbolique, sauf d’en dégager quelques grandes lignes, à titre d’exemples.
Dans leur sens symbolique, au sein du Temple, tous les "métaux" sont purs et parfaits :
- l’Or-Soleil représente l’actif, le masculin, la perfection, la lumière (alors qu’il est l’orgueil et la richesse qui pervertissent l’homme dans le monde profane),
- l’Argent-Lune représente le passif, le féminin, la pureté, la transparence (alors qu’il est la paresse et la cupidité dans le monde profane),
- d’autres "métaux", le Mercure qui a le pouvoir de purifier (l’envie dans le monde profane), le Fer-Mars qui symbolise la puissance d’agir (la colère dans le monde profane), le Cuivre-Vénus symbole de la cohésion (la luxure dans le monde profane), d’autres encore, Etain-Jupiter la fermeté (gourmandise), Plomb-Saturne l’élévation (avarice)…
Ainsi, nous sommes toujours sous l’influence de ces "métaux". Encore faut-il que cette influence soit bénéfique. Encore faut-il que nous ne succombions pas aux sept péchés capitaux que je viens de citer. Et que ces métaux soient pour nous purs et parfaits pour nous permettre d’atteindre notre propre perfectionnement.
C’est cette quête, qui nous amène à travailler en maçonnerie pour faire vivre en nous pureté et fraternité, qui est en rapport direct avec l’abandon de nos vils et profanes "métaux", à la porte du Temple.
IV.- Pourquoi ce rite de l’abandon des "métaux" ? D’où vient-il ? Quelle est cette partie de nous-mêmes dont nous devons nous dépouiller ?
- Au seuil du Temple, l’abandon des "métaux" est précédé d’une minute de silence, pendant laquelle nous nous détachons de nos pensées et de notre vie profane, car selon l’Encyclopédie de La Franc Maçonnerie les "métaux" traduisent « la force des vices et la nocivité des passions humaines ».
Mais au-delà ? Dans l’histoire…
Dans le premier Livre des Rois de la Bible qui relate la construction du Temple de Salomon (qui a duré 7 ans) il est écrit : « On n’entendit ni marteaux, ni pics, ni aucun outil de fer. » Le caractère impur des métaux, leur interdisait l’accès à un édifice consacré à Yahvé, le Temple, l’espace sacré. Dans sa tradition, le Temple Maçonnique est le Temple de Salomon. Les pierres de notre Temple, comme celles du Temple de Salomon, sont assemblées silencieusement, par l’esprit et l’intelligence, dans une démarche d’élévation. Pierre après pierre, chaque pierre prend sa place. Non pas avec des outils de fer bruyants, mais avec des instruments de mesure, fil à plomb, équerre, compas, niveau…
Au jeune homme qui lui demandait de devenir son disciple, le Grand Initié Jésus de Nazareth dit : « Si tu veux être parfait, va, prends ce que tu as, et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; après cela, viens et suis-moi ». Il s’agit d’apprendre à n’attacher aucun prix aux choses futiles, aux richesses inférieures, et comprendre qu’on ne peut espérer recevoir sans donner. Comme le demande le premier des trois vœux monastiques : "la pauvreté" (les deux autres étant "l’obéissance" et "la chasteté").
Une autre origine de l’abandon des "métaux" à la porte du Temple, nous vient de l’ancien Régime, lorsque chacun des gentilshommes admis à l’initiation, était invité à confier son épée au Maître des Cérémonies, sur le parvis du Temple. On comprend le geste et son symbole : se désarmer équivalait à montrer à l’assemblée, tout à la fois, une intention pacifique, la pureté de ses sentiments et une totale confiance.
- Aujourd’hui notre Franc-maçonnerie nous réunit pour qu’ensemble (car un Frère seul n’est rien), par l’écoute et la parole, nous développions de hautes valeurs morales, de vertu et de dignité, de tolérance et de compréhension, d’union et de fraternité. C’est pour cela qu’à la porte du Temple chaque Frère dépose les titres dont l’a revêtu la vie profane…
Ce rite d’ouverture, loin d’être anodin, est probablement l’un des symboles les plus forts, mais aussi des plus riches comme je l’ai montré précédemment.
Il nous fait entrer dans l’espace sacré, en Loge, libres, égaux et fraternels.
Libres, car non seulement nous le sommes, et de bonnes mœurs, mais parce que nous nous libérons de toutes servitudes à l’égard du monde profane. Et que l’homme libre est celui qui, après la mort des vils préjugés ou autres, renaît à cette vie nouvelle que confère l’initiation. Libre aussi, car dans sa recherche de la Vérité le Franc-maçon doit s’efforcer de penser par lui-même, l’esprit libre et le cœur à découvert, libre de toute emprise extérieure néfaste au vrai et au bien.
Egaux, car nous le sommes tous dans le Temple. Le Temple n’est pas le lieu où nous accueillons… les marchands du Temple ! Certes, chaque Frère demeure médecin, professeur, commerçant, ou autre… Chaque Frère garde sa personnalité, mais il s’est débarrassé de ses appartenances professionnelles, comme de ses appartenances communautaires, religieuses, politiques, nationales ou ethniques. Tout excès est rejeté et même si aucune opinion n’est négligée, aucune ne prévaut plus qu’une autre.
Fraternels, car nous le sommes dans la Chaîne d’Union qui relie chaque Frère, celle de la fraternité des êtres humains. Notre édifice s’élève par un travail collectif, où tout étalage de "métaux" est porteur d’inégalité et nuit à la fraternité. Cette chaîne de fraternité qui est un lien indissoluble, comme celui qui unit chaque Frère par le serment prêté. Mais une fraternité qui nous unit aussi avec tous les êtres humains, comme un cercle d’alliance entre tous sur cette terre, une chaîne de vie. Nous devons être fraternels dans et hors du Temple.
Les "métaux" font obstacles à ces grands préceptes. Ils nous amènent à penser que le "toujours plus" est le bien, comme s’il n’y avait pas d’autre alternative. Que le quantitatif prévaut sur le qualitatif. Que les héros de nos fictions, à la télévision ou au cinéma, ces héros violents, sans foi ni loi, qui amassent trésors et trahisons, sont les modèles de nos sociétés contemporaines.
Alors qu’au contraire c’est dans les qualités de cœur et d’amour que se rencontrent, et se développent, nos vertus et nos préceptes. Et c’est dans l’humilité et la prière que tout Frère, quelque soit son grade ou sa qualité, sait qu’il restera toujours un éternel apprenti ; et se doit de se comporter comme tel, en vérité et sincérité, pour atteindre son but, tailler sa pierre, et progresser vers la lumière, ce lien qui nous amène vers l’Eternel, Dieu, le Grand Architecte de l’Univers.
Soyons donc attentifs, car ces "métaux" (si nous ne les abandonnions pas) pourraient nous faire faillir à notre promesse initiatique. Et briser notre Chaîne d’Union.
V.- C’est par ce rite fondamental de l’abandon des "métaux" que nous pourrons parvenir à être ce que nous sommes (et non pas ce que nous croyons être dans le monde profane), c'est-à-dire, devenir ce que nous sommes capable de devenir.
C’est le travail, sans relâche, de tout Franc-maçon. Il faut y revenir sans cesse, comme l’ouvrage sur le métier, comme un travail sans fin.
C’est pourquoi la Tenue se termine là où elle a commencé, sur le parvis du Temple, avec la reprise de nos "métaux", pour continuer à nous purifier, encore et encore, à nous remettre en cause, avec nos préjugés, nos passions, nos idées toutes faites, pour mieux accepter les autres et leurs différences.
Et se souvenir que nous sommes tous Frères, reconnus comme tels par nos autres Frères, dans notre quête spirituelle de réaliser en nous un Temple de Lumière, avec nos cœurs et notre amour qui s’élèvent vers Dieu.
(...)
R.°.P.°. RL " Tradition Écossaise" Nice
- "Alchimie et Mystique".
- "Les métaux dans ma science antique".
- "Dictionnaire des Symboles".