7 / La recherche d’une clef de lecture universelle
Il subsiste chez l’homme le constant désir de rechercher dans la nature les signes de la divinité. Ces signes seront la clef explicative, celle qui permet la compréhension et le retour, soit l’entrée dans les temples successifs.
En entrant en loge je me rapproche du secret de l’art royal en relation avec la construction du Temple.
Le temple de Salomon remplit parfaitement ce rôle de clef universelle. On prétendit y trouver dans les proportions le principe d’harmonie universel à l’origine du Tout. Ainsi 60, 20, 30 coudées de long de large et de hauteur seront base de proportions célestes où le ciel et la terre se conjuguent (I Roi VI,2) par des escaliers tournants dextrocentrique ou sinistrocentrique donnant accès aux trois étages ou niveau de conscience. L’acte s’y réalise dans la perfection de la pierre taillée dans un ailleurs métallique. Ici tout est perfection dans l’assemblage silencieux de la juste proportion. Les temples se superposent les uns successibles des autres. Mythiquement la franc-maçonnerie succède les temples d’Enoch, l’arche de Noé, puis le temple de Salomon jusqu'à sa destruction remplacement par le temple de Jérusalem. Nous avons ainsi une succession de temples qui se superposent. L’ultime temple ne sera reconstruit qu’à l’intérieur de soi sur les ruines des précédents. C’est ce que nous révèlent la plupart des rituels maçonniques.
Ainsi la mesure mathématique de l’édifice dont il est dit qu’il est l’expression de la volonté divine exécutée par Salomon en regard des plans donnés à Moise par Dieu lui-même. Cette relation directe entre la matière et la volonté divine ne pouvait qu’être une source et un modèle universel. Ce modèle universel sera celui d’une spiritualité construite, ce qui débouchera sur la recherche d’explications scientifiques et magiques, établissant l’influence croisée entre l’homme et la grande nature.
C’est ainsi que Isaac Newton (4 janvier 1643 – 31 mars 1727) fit de très sérieuses recherches sur ce sujet comme ses contemporains. Ainsi la plupart de ses co-cherchant étaient membre de la Royale Society et aussi franc-maçon. Faut-il préciser que Newton était lecteur assidu du Théatrum Chemicum d’Elias Ashmole rosicrucien et alchimiste reconnu, l’un des premiers francs-maçons acceptés en loge opérative dès 1648.
Newton l’alchimiste lisait les ouvrages de Michael Maier (1569 - 1622) rosicrucien et commentateur de la Monas hieroglyphica de ; cette John Dee (13 juillet 1527 – 1608). LaMonas hiéroglyphique était le symbole de l’union des mathématiques et de l’alchimie pour expliquer et comprendre le monde. Or force est de constater que la loge maçonnique héberge dans ses symboles la totalité de la Monas dans une recomposition de type Temple. Le temple, et donc la loge alchimico-maçonnique, est le contenant expressif d’une corrélation secrète entre toutes les composantes symbolisées : Lune /Soleil, les 4 éléments, le feu, le mercure, la pierre philosophale, l’axis mundi, le monde manifesté, la croix symbole du carré, la terre, le ciel etc.
La recherche scientifique découlait de cette conviction hermétique d’une lecture universelle possible par une clef : dans le nombre et les proportions résidait l’explication universelle cachée.
Copernic avait en 1511 fait de belles avancées démontrant l’héliocentrisme, Newton acheva en 1686 la démarche exploratoire avec la découverte de la Gravité que Giordano Bruno avait pressentie. Tous ces débouchés scientifiques prenaient leurs sources dans l’analyse mathématique et dans l’observation du grand temple de la nature.
On considérait que le divin mécanisme pouvait être découvert, ce que réfutait l’Église. Le refuge dans la pensée hermétisante, d’une science sacrée cachée et transmise à l’ origine des temps hantait les esprits curieux. La réponse Papale ne sied guerre aux cherchants, surtout que depuis Luther et la reforme donnent à chacun la lecture et l’analyse sans dogme des Saintes Écritures. De cette liberté de ce goût pour l’adogmatisme est né l’esprit critique qui s’abreuva aux sources hermétisante.
Des 1604 le rosicrucien Simon Studion publia le Naometria, qui se traduit « La mesure du Temple » ; Newton s’en inspira dans le but d’y lire une vérité universelle une clef majeure, une proportion idéale, qui dépassera le concept de Cornelius Agrippa où l’homme était la mesure du Tout ; ce qui est cherché ici la mesure de l’homme et du Tout inscrits dans le Temple. Ce qu’un cherchant de cette importance cherche à lire c’est le plan divin !
(Mesures du Temple de Salomon suivant le tracé de Newton)
Ainsi, la loge est et sera toujours liée et adossée au Temple, considéré dans son idéal architectural et spirituel. Cet idéal bâtisseur doit s’analyser en fonction du rôle que le franc-maçon se donne dans les progrès de l’humanisation et dans sa volonté d’atteindre une perfection lumineuse. Finalement l’œuvre du franc-maçon est au service du rapprochement entre l’homme et la lumière ! La lumière divine à sa maison dans le Temple.)
La recherche d’une clef associée à l’image du temple au-delà de ses proportions aboutira au système matinezien qui sous-entend que le Temple est l’Univers et donc un Temple Cosmique dont la loge maçonnique n’est qu’un reflet ici bas, l’homme lui-même dans sa dimension archétypale est le Temple dit de Salomon, mais l’image du Temple s’étend au Réparateur, c'est-à-dire au Christ. Donc au final l’étude du temple de Salomon revient à étudier l’homme archétypal, mais aussi l’Univers. La raison en est simple, elle repose sur l’idée que la Temple est de double naissance : Les plans du Temple de Salomon furent donnés à David son père et mis en œuvre à la demande de Salomon par Hiram l’architecte. Donc en étudiant l’image agissante du Temple de Salomon et donc son symbolisme secret, on étudie sa propre image originale et l’univers dans son entier. Le lien est indissoluble entre l’homme et le cosmos. C’est ce lien qui est la clef ouvrant le passage entre le microcosme et le macrocosme.
8 / La verbalisation du Temple en Loge, matérialisation de la pierre d’angle et de la pierre du dôme. (Principe d’élévation.)
Le refus du temple dans la loge chez certains s’analyse comme la pierre rejetée qui finalement viendra couronner l’édifice. Le rejet est donc normal et non définitif.
Nous avons ici l'expression formelle et verbale de la spéculation maçonnique: doit-on faire référence à la loge ou au temple?
Ce phénomène ne serait-il pas le fait d’une identification maçonnique de l’œuvre dont le sommet dans le langage des bâtisseurs serait le Temple.
Les arcanes du Temple seraient le secret des initiés, la loge serait le stade préalable à son accès.
Nous sommes passés dans le langage maçonnique de l'atelier à la loge pour aboutir au temple.
La verbalisation maçonnique est donc passée du stade opératif au stade spéculatif, par la morale puis par l'ordre social et son progrès universaliste pour rejoindre la transcendance pour certains ou l'immanence pour d'autres.
La verbalisation du Songe de Jacob fut une pierre dressée et ointe. L’acte est le mot. Bethel signifie maison de Dieu. La verbalisation du Nouveau Testament transformera cette pierre axiale en Pain, ce sera Bethel-lehem : la maison du Pain. Ainsi la pierre du bâtisseur devient le pain du compagnon. Or le compagnon taille la pierre et partage le pain avec ses Frères ; dans la même mesure, la Loge est le lieu de la taille (élaboration) et le Temple de lieu de l’assemblage idéal et parfait (perfection).
Le point commun à la loge comme au temple est le maçon. Le maçon pose les pierres taillées dans un ordonnancement qui suit l’exécution du Plan. Le Plan est le tracé de l’Œuvre.
Donc le point commun réside dans la finalité du travail maçonnique: la pose de la pierre angulaire qui ordonne et justifie l'ensemble des pierres d'assemblage de l'édifice, et en regard de cette première pierre d'angle, la pose de la dernière pierre, celle qui fut rejetée, à savoir la pierre du dôme ou clef de voûte. On voit bien que la première pierre est souterraine et que la dernière est aérienne. Donc l’œuvre et le plan s’expriment pour conjoindre en un lieu donné, l’état terrestre et l’état céleste.
Or c'est à partir d'une loge opérative que l'on construit une cathédrale et donc un temple! Je dirais que la loge, par ses maçons, construit le temple, c'est logique, historique, simple et imparable.
Voilà pour le modèle qui s'impose de lui-même et qui explique en grande partie le glissement sémantique qui va de l’atelier pour la taille conforme au plan élaboré dans la loge qui se réalise dans le chef d’œuvre appelé temple. Je situerais ce temple au centre de la loge en lieu et place du tableau de loge situé au point d’intersection des trois axes de l’espace. C’est aussi le lieu de la projection de la pierre du Dôme.
9 / Le lieu et le nom, de l’affectation et la destination royale.
Le roi se caractérise par sa couronne.
Traditionnellement, le Temple est le lieu qui héberge une présence particulière que certains appellent "présence divine" et d'autres la "Shekinah" et d'autres encore "la lumière".
Cette question de la présence transcendante repose sur le ressenti lié au sacré plutôt que sur une rationalité pure. Il s’agira « d’intelligence » du cœur pour certains ou « d’intuition intellectuelle » pour d’autres. L’une et l’autre aboutissent à ce ressenti qui ne peut se départir du temple.
Nous devrons donc dépasser l'aspect matérialiste moral et organisationnel des Constitutions d'Anderson pour expliquer ce glissement sémantique de nature initiatique.
L'aspect universaliste des Constitutions d'Anderson sort renforcé par l'élaboration du terme" temple" par la communauté des cherchants.
Ainsi le temple est un endroit où ce qui est en haut rencontre ce qui est en bas (rencontre des trois axes de la loge). Mais il ne faut pas confondre le lieu qui met en scène la rencontre du haut et du bas et le point précis qui donne vie à ce phénomène.
Ce lieu de la mise en scène peut ne pas s'appeler temple, il peut s'appeler taverne ou hall voir hall de gare ou foret caverne. N'importe quel lieu appelle à considérer l'intuition de la verticalité comme une source d'interrogation ou de révélation.
Le lieu n'est dénommé qu'en fonction de l'affectation et de la mise en scène qu'on veut lui donner. Je peux, si je le désire transformer une arrière taverne en tripot clandestin ou en un lieu d'où émane une ambiance et un égrégore particulier. Dans ce cas c’est ma volonté associée à mon imagination interprétative qui affecte le lieu notamment si je lui imprime un tracé symbolique qui vaut consécration.
En revanche certains lieux architecturés et déjà « tracés » dictent une forme particulière de concentration, c'est le cas des temples et cathédrales en général. Ceux-ci furent consacrés par un tracé ou diagramme symbolique que les francs-maçons reproduisent dans leur fondation de loge.
Donc le lieu n'est à prendre en compte uniquement en fonction de l'affectation que je suis enclin à lui accorder, par un tracé qui implique la connaissance du trait. Mais je reste influençable aux lieux déjà « tracés » (ou consacrés).
Lorsque je rentre dans une cathédrale je suis enclin à considérer ce lieu comme vertical et transcendant, il ne me viendrait pas à l'idée de le transformer en fast-food!
Idem dans une abbaye romane d’où exhale un tellurisme fort, ou dans une mosquée qui évoque la présence du non représentable. Je suis ainsi sous l'influence de la volonté de l'architecte du bâtiment et de son plan, de son dessin comme de son dessein, c'est ainsi que l'art de bâtir serait un art libéral pour certain, ou royal pour d'autres! Cet art royal sera complété, couronné par l’art sacerdotal.
Le temple couronne la Loge, car le temple est la destination la finalité de la loge, c’est ce que démontrait la plupart des grades supérieurs de la Franc-maçonnerie. Nous avons ici un début d’explication à l’expression « art royal ».
Ainsi le passage de la loge au Temple sera celui des petits aux grands mystères, soit la césure entre l’apprenti-compagnon et le maître.
10 /Le lieu intérieur et consacré, notion de présence.
Donc le lieu lui-même et sa qualification doit être relativisé par sa situation naturelle exceptionnelle (centre spirituel) et par ce qu'on veut bien y apporter: en franc-maçonnerie opérative puis acceptée, le lieu fut secondaire et sommaire dès lors que les outils instruments et symboles étaient correctement disposés et le tableau de loge tracé au charbon et à la craie et orienté.
Seuls sont reconnus dans les textes maçonniques les lieux mythiques ou historiques comme le mont Heredom ou le Temple de Salomon. Il est vrai que l’apparition du grade de Maître met en scène Hiram Salomon et le temple, puis les grades suivants ont évoqué la destruction et la reconstruction de la période Zorobabel, pour conclure à l’impossible reconstruction en dehors de soi.
Le temple serait ainsi au centre de la loge comme au centre de nous même.
C’est l’acception bourgeoise et nobiliaire en franc-maçonnerie devenue « acceptée » qui créa le Hall comme un palais que nous voyons « gravé » sur le frontispice de l’exemplaire original des Constitutions d’Anderson. Cette institutionnalisation immobilière endetta matériellement et éroda spirituellement la Grande Loge de Londres puis d’Angleterre. C’est la course au « confort institutionnel » qui fit oublier le plan et l’œuvre à accomplir. (Ce phénomène de l’endettement matériel au détriment du spirituel semble toujours bien présent dans nos diverses Grandes Loges)
On oublia en effet que le temple puisse être intérieur. On eut besoin de construire des palais spéculatifs à force de capitations bourgeoises. La spéculation devient une culture de l’entre-soi bourgeois. Ainsi naquit le conflit des Anciens et des Moderns avec l’éviction des Irlandais et des Écossais de culture provinciale.
(Il fallait un « Hall »majestueux pour accueillir le théorème de Pythagore et la lumière venue d’en haut)
Le Temple est donc synonyme d’espace consacré. C’est sa première définition.
En loge, cette espace consacré serait suivant le type de consécration de la loge, l’espace tracé du tableau de loge, ou l’espace du pavement compris entre les trois piliers.
En l’homme l’espace consacré serait le lieu de résidence de l’âme soit le cœur, or je remarque que la loge est un terme médical affecté au corps humain et synonyme de cavité. Donc nous pourrions en déduire que le temple dit intérieur est hébergé par une cavité close et couverte appelée loge.
A minima et à la source, c'est donc la réalisation du tracé, ou l’orientation du diagramme symbolique, fût-il sommaire, qui fait potentiellement le lieu de la "présence" qui anime la vie. Le lieu n'est que l'exécution du plan de l'architecte, et donc du tracé qui est d’origine spirituelle. C'est sur cet aspect qu'il faut affiner l'approche corrélative des termes "loge" et "temple":
Il est vrai que le tracé du diagramme se fait en écho de l'environnement que l'on veut, en franc-maçonnerie, retirée des regards profanes. ("Nous sommes à couvert et à l'abri des regards profanes!") c’est le lieu du templum, espace tracé et consacré, réceptacle du ciel.
C'est donc l'orientation et la disposition des symboles, furent-ils sommaires, qui font la loge, et non pas le bâti matériel : les premières loges militaires Stuartistes qui pratiquaient un rite écossais "primitif" en deux grades dès 1688, se réunissaient sous la toile de tente, avec très peu de décors. Une toile de tente militaire n'est pas un temple, c’est une loge (cavité-athanor) spéculative au sens de l’élaboration alchimique et de la prise de conscience; donc le temple est dans un ailleurs!
Ce temple n'est évidemment pas à prendre uniquement dans un sens religieux et exotérique. Il est à considérer sur un plan immatériel, c'est-à-dire spirituel et ésotérique, et pour certains, lieu de médiation entre le haut et le bas.
Le Temple dans une franc-maçonnerie des trois premiers grades ne peut être qu’un Temple intérieur (à l'image du cœur) .
Ce Temple intérieur met le franc-maçon en présence d'un autre lui-même, de cet autre soi débarrassé de son ego esclavagiste.
Le franc maçon est supposé s'être dénudé (cœur à nu), s'être débarrassé de ses métaux sur les parvis et surtout dans le cabinet de réflexion, il est donc prêt pour se rencontrer dans un lieu intérieur et aussi sacré que le cœur. C’est aussi dans ce « Sacré-Cœur » qui lui vient l’intuition de la « présence ». La Shekinah habite aussi ce lieu. C’est un lieu magnifique.
Donc le lieu dans sa dénomination n'est pas sans importance, car il faut considérer celui-ci comme extérieur ou strictement intérieur à soi-même. En ce sens, pour un franc-maçon universaliste le terme « Temple » ne se justifie qu'en nous même, quelque soit l'endroit du déroulement de la cérémonie maçonnique. Lorsqu’une cérémonie d'allumage des feux ou une cérémonie de consécration à lieu, ce n'est pas un temple de matière qui est consacré, mais un point de rencontre spirituel commun à tous les FF et SS présents.
Ce point de rencontre des trois axes de l'espace n'est visible qu'avec les yeux du cœur, c'est aussi le point de jonction entre le ciel et la terre. Ce lieu est aussi en nous.
11 /Double schème du temple de l’homme en loge et du temple en l’homme
Il ne faut pas confondre le doigt qui montre le ciel et l'étoile.
Donc le terme "temple maçonnique" dans les trois premiers degrés de la franc-maçonnerie n'est pas représenté par un lieu matériel et concret, il reste quasi-immatériel et spirituel et surtout intérieur à soi. Tout juste arrive-t-on à le tracer.
Le Temple est universel comme la franc-maçonnerie, car il est en partage chez tous les francs-maçons (parfois sans qu'ils s'en soient rendu compte).
Cette assimilation du Temple à l’homme est véritablement universelle
La loge des trois premiers degrés n'est pas le temple matériel: la loge est tout simplement le lieu de mise en œuvre de modalités organisationnelles et ritualisées . Ces modalités vont agir à l'intérieur d'une cavité ou d'un lieu à couvert et favoriser une forme maçonnique de « concentration ». Ceci qui nous donnera la fameuse méthode maçonnique de l’introspection-ascension et du « connais-toi toi-même (descente) et tu connaîtras l’univers et les Dieux (remontée) ».
Ce qui distingue le temple et la loge, c'est la spiritualité et la matérialité: je suis "présent en loge", la loge est le
temple de l’homme "concentré" pour entrer dans mon temple intérieur, soit « le temple » en l’homme. Nous passons ainsi de temple de l’homme en loge, au temple en
l’homme !
N’oublions pas que le dessin du Temple se superpose au dessin de l’homme lui-même à l’image de Dieu aussi bien dans la Genèse hébraïsante que dans la genèse hermétique. Ce Temple est donc aussi le temple de l’homme. C’est ici que le discours du Chevalier Ramsay en 1736 prend tout son sens s’agissant du maçon et du Temple et introduit une double lecture : « Le nom de franc-maçon ne doit pas être pris dans un sens littéral, grossier et matériel, tout comme si nos instituteurs n’avaient été de simples ouvriers de pierre…mais aussi de nos prince religieux et guerriers, qui voulurent éclairer édifier protéger les « Temples vivants » du Très-Haut »:.
(Représentation de l’homme face au Temple de Jérusalem)
Le plan au sol de l’édifice représenta avant tout, le corps de l’Homme cosmique. La correspondance Homme/Plan/Temple crée un état d’identification et de «sympathie vibratoire» entre l’homme et le cosmos. L’entrée dans le temple représente l’entrée dans corps de l’Homme, c’est-à-dire une introspection. Or, l’introspection prend appui pour commodité représentative sur la structure de la loge qui emprunte au Temple la représentation de l’univers. Au moyen-âge chaque partie de la cathédrale possède les qualités transférables aux parties du corps humain.
Le Cercle absidial représente la tête, la croisée de la nef et du transept, le cœur, c’est-à-dire la vie qui bat dans l’édifice. C’est le fameux cardo dont on dit qu’un enfant frappant le clou du cardo d’une canne pouvait au rythme de son cœur faire vibrer l’édifice, etc. il y a donc identité vibratoire entre l’homme et le temple.
(Mise en relation de l’homme au Temple, et principe d’harmonie entre le terrestre et le céleste. Le centre du transept correspond au cœur de l’homme.)
La méthode maçonnique permet d'entrer en soi et de rencontrer l'autre, aussi bien le frère que le JE.
La loge est orientée EST-OUEST/NORD-SUD soit les points cardinaux matériels alors que le Temple est en rapport avec des dénominations spirituelles : entre le haut et le bas à savoir le Zénith et le Nadir, l'Orient et l'Occident, le Septentrion et le Midi. Il y a donc dans nos rituels un double langage celui de la loge et celui du Temple spirituel intérieur.
Autrement dit la loge se limite aux murs (matérialité-cavité), le temple est sans limites (spiritualité) particulièrement vers le ciel. Le frère se situe dans ce double lieu en vertu de sa double nature matérielle et spirituelle.
L'atelier enfin est l'endroit où on manipule et entrepose les outils et instruments des maçons qui transformeront la matière brute en matière burinée à l'image ou à la forme de l'esprit.
C’est au maçon de faire dans la loge son temple, son athanor où s’élabore son intériorité.
Ainsi la loge maçonnique propose un double schéma en miroir, une image du temple dans la proportion humaine et un écho du temple dans le cœur de l’homme.
La franc-maçonnerie propose une méthode pour relier les différents centres que nous avons évoqués.
12 / Le travail intérieur : centre et concentration.
Se pose alors la question suivante :
Quel est le point commun entre le Temple, la Loge, l'Atelier? : Le travail pour accéder au Centre appelé aussi concentration.
La réponse repose donc sur la méthode maçonnique qui veut favoriser par l’expérience vécue et la mise en situation, la "concentration" circumambulatoire et lumineuse du maçon. C’est aussi le parcours du croyant dans la cathédrale ou le pèlerinage de « la lieu de Jérusalem » sur le labyrinthe. Tout est concentration pour passer d’un niveau terrestre à un niveau céleste..
C’est la signification de l’expression centre de l’union, qui est un lieu clos et couvert, où règne la lumière, à l’abri des profanes.
Le terme "concentration" implique que le maçon dirige son regard et son action vers le Centre et la lumière. Le centre en soi devient lumineux pour certains, illuminé pour d’autres.
(Le labyrinthe à sortie verticale est l’illustration parfaite du travail de concentration.. Ici Laby de Chartres.)
Ainsi nous avons une construction en poupées russes autour d’un centre:
Le centre de l'atelier ou du chantier est la loge, le centre de la loge est l'image mentalement représentée du temple de Salomon (archétype /plan/ tables de la loi / loi-règle), le centre du temple mentalement représenté est le Temple intérieur, soit le Centre de soi ou le cœur.
La lumière est au centre de soi ; ce centre se superpose à d’autres centres comme un retour vers l’unité. C’est ce Centre qui nous réunit.
Ce Centre comme la Lumière qui y réside sont donc au sens propre comme au sens figuré universel.
Nous retrouvons la vocation universaliste des Constitutions d'Anderson par delà les religions.
Le temple n'est pas la loge ni le Hall ou la taverne, mais la loge, le Hall et la taverne peuvent devenir le lieu de concentration pour entrer dans notre temple intérieur!
C'est une affaire de méthode, de ritualisation et de concentration adaptées à la mesure du tracé, du plan ou du tableau de loge.
Enfin si tout ce qui est bâti dans la matière à vocation à être détruit puis spirituellement rebâtit suivant l’expression de Marc XIV, « détruisez ce Temple et je le rebâtirai en trois jours », il semble donc logique que s'il on est homme de désir, que la construction se vive en soi et au-delà de soi, ainsi que la destruction et la reconstruction. La reconstruction sera dans la tradition chrétienne une résurrection. C’est ici le point central, le point de concentration et de liberté par lequel l’homme peut "se frayer un passage vers la lumière en cherchant le ciel et le souffle céleste" (Sonnets mystiques de Philip Sidney 1586).
Conclusion: Le franc-maçon travaille en loge ou dans le Temple?
Si le passage du Templum au Temple s’explique par la métonymie et la magie cérémonielle, l’adossement de la loge au Temple explique la dichotomie, et l’aboutissement dans un même sommet des voies initiatiques artisanales et sacerdotales. L’ensemble de ces espaces sont consacrés en qualité d’écrin du Centre. Ce centre en fonction de la sensibilité de chacun s’interprétera comme le centre ontologique, le centre divin, le centre source de lumière ou de vérité. Ce centre est au plan humain un axe ou une échelle qui permet de traverser un certain nombre de plans. Sur chaque plan est à nouveau représenté Temple suivant des modalités d’expressions différentes, mais concourant d’une même unité reproduite à l’infini. C’est ici que l’infini et l’unité se rejoignent d’un point de vue hierologique.
Au final la Loge et le Temple constituent une architecture du conjointement de l’humain au divin. Ceci nous ramène comme une évidence à la double nature de l’homme. Le franc-maçon qui fréquente les deux lieux en un seul accepte d’envisager en lui-même la présence de la loge et du temple, soit sa nature humaine et divine à la fois. Celui qui ne fréquente que la Loge ne maîtriserait que les règles de la morale de sa classe et tendrait naturellement vers un « entre soi » philanthropique. Donc l’idée de la loge pour elle-même ne peut suffire, elle débouche obligatoirement sur la notion d’œuvre de l’esprit, autrement dit de chef d’œuvre.
Enfin, sur le plan du vécu et de l’expérience maçonnique, nous pouvons donner la réponse suivante:
Le franc maçon entre en loge, s'y "concentre" en s’orientant rituellement pour enfin entrer et visiter son temple intérieur (son cœur) et entrer en partage (amour-fraternité). Cette entrée est faite hors du temps et hors de l’espace. Nous sommes ici littéralement dans un "non-lieu" où les travaux sont perpétuellement ouverts et à couvert de la profanation.
Une tenue en loge réussie est celle où nous entrons dans le temple intérieur par un travail de concentration, afin d’atteindre un lieu de liberté à l'abri de l'ego. Dans ce lieu je retrouve mes FF et SS "coedificamini"(bâtis ensemble) réunis pour bâtir ensemble le chemin vers le centre et l’universel.
E.°.R.°. Loge de recherche "Le cherchant Ecossais" GLSREP