Extrait de la lettre d'Épicure à Mécénée :
Même jeune, on ne doit pas hésiter à philosopher !
Ni, même au seuil de la vieillesse, se fatiguer de l'exercice philosophique. Il n'est jamais trop tôt, qui que l'on soit, ni trop tard pour l'assainissement de l'âme.
Sont donc appelés à philosopher le jeune comme le vieux. Le second pour que, vieillissant, il reste jeune en biens par l'esprit de gratitude à l'égard du passé. Le premier pour que jeune, il soit aussi un ancien par son sang-froid à l'égard de l'avenir. En définitive, on doit donc se préoccuper de ce qui crée le bonheur, s'il est vrai qu'avec lui nous possédons tout, et que sans lui, nous faisons tout pour l'obtenir.
Souvenons-nous que l'avenir, ni ne nous appartient, ni ne nous échappe absolument; afin de
ne pas tout à fait l'attendre comme devant exister, et de n'en point désespérer comme devant certainement ne pas exister.
Il est également à considérer que certains d'entre les désirs sont naturels, d'autres,
vains, et si certains des désirs naturels sont contraignants, d'autres ne sont ... que naturels. Parmi les désirs contraignants, certains sont nécessaires au bonheur, d'autres à la tranquillité
durable du corps, d'autres à la vie même. Or, une réflexion irréprochable à ce propos sait rapporter tout choix et rejet à la santé du corps et à la sérénité de l'âme, puisque tel est le but de
la vie bienheureuse. C'est sous son influence que nous faisons toute chose, dans la perspective d'éviter la souffrance et l'angoisse. Quand une bonne foi, cette influence a établi sur nous son
empire, toute la tempête de l'âme se dissipe, le vivant n'ayant plus à courir comme après l'objet d'un manque, ni à rechercher cet autre par quoi le bien de l'âme et du corps serait comblé.
Voilà pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et le but de la vie bienheureuse !
C'est lui que nous avons reconnu comme bien premier né avec la vie. C'est de lui que nous recevons le signal de tout choix et rejet. C'est à lui que nous aboutissons comme règle, en jugeant tout
bien d'après son impact sur notre sensibilité. Ainsi le plaisir, par nature, a le bien pour intime parent.
Au principe de tout cela, comme le plus grand bien : la prudence. Or donc la prudence, d'où sont issues toutes les autres vertus, se révèle en définitive plus précieuse que le philosophie : elle
nous enseigne qu'on ne saurait vivre agréablement sans prudence, sans honnêteté et sans justice, ni avec ces trois vertus, vivre sans plaisir. Les vertus en effet participent de la même nature
que vivre avec plaisir, et vivre avec plaisir en est indissociable.
L'Épicurien voit bien que la nécessité n'a de comptes à ne rendre à personne, que le hasard est versatile, mais que ce qui vient par notre initiative est sans maître.