Nous cherchons à cerner les modalités de représentation mentale de la partie invisible du symbole. Nous pensons arriver à contenir sa représentation par le truchement du système ternaire axial propre un symbolisme constructif de nos loges.
Ce système ternaire axial est très présent dans nos Tableaux de loge. Il résulte de notre étude précédente que l’apparente opposition des éléments et objets symboliques (dualité), ouvre une dynamique de synthèse par la venue d’un troisième terme (tenarité) et que ce troisième terme se situait dans un plus haut axial qui à son tour produit un plus bas axial (ce qui est en haut et comme ce qui est en bas). C’est ainsi qu’une polarité sur un plan donné crée une nouvelle polarité dans une direction axiale orthogonale.
Ce ternaire axial, est la base de toute construction opérative et spéculative, il permet entre deux polarités, de traverser plusieurs plans successifs.
Ce jeu d’oppositions duales et de polarités s’exprime dans l’aspect le plus opératif comme en soi même: c’est le jeu des miroirs qui engage l’homme dans son rapport au monde comme dans son rapport à l’invisible.
Il convient d’analyser ce qui est aussi un phénomène de représentation mentale pour tenter d’accéder à la fameuse partie invisible du symbole.
Cette part invisible doit sa puissance évocatrice, moins au sens discursif de l’objet symbolique, toujours sujet à interprétation et contresens, mais plutôt à sa dimension essentielle. Le symbolisme constructif superpose dans un bel isomorphisme l’Homme à la Pierre et au Temple. Il serait donc logique que nous trouvions par le jeu des miroirs un dédoublement réalisateur tant intérieur (la pierre cachée), qu'extérieur (la forme nommée et le Temple).
Ainsi, les mystères de la franc-maçonnerie pourraient se situer dans la représentation mentale liée à la verbalisation, la geste et l’image, associées à la construction du Temple. C’est ce jeu des miroirs et reflets qui suscitent les lois dites de correspondances, les combinatoires des langages des états spirituels et tous les potentiels liés à l’immense gamme de l’introspection réalisatrice.
La finalité de la représentation mentale reste et restera liée à la lecture de l’invisible ce qui permet à la fois les plus belles réalisations artistiques et les plus grandes avancées scientifiques. C'est l’apport principal des sociétés initiatiques d’avoir su conserver, comme un trésor, la modélisation de la représentation mentale en regard de schèmes liés ici à l'art de bâtir. La dimension abstraite et structurelle de la pensée , tout à la fois traditionnelle et progressiste reste fondée sur un schème structurant. Ce schème se construit en s'appuyant sur une dualité de base qui grâce au ternaire axial, permet d'accéder à d'autres plans. La base de la représentation spirituelle repose sur une bonne pratique du ternaire axial en commençant par déterminer les pseudo-oppositions liées au système dual.
III - Voir la partie invisible du symbole par triangulation axiale
1 / Réalisation de soi et réalisation de l’œuvre : le secret du ternaire axial
La Réalisation de soi par la taille de sa Pierre brute et la réalisation de l’œuvre commune par la taille de la Pierre parfaite, sont les buts secrets de la dynamique née de l’opposition binaire. Dans le ternaire réalisateur, le Tableau de loge joue le rôle du miroir. Il illustre un cheminement qui passe par soi et l’action transformatrice d’intérêt général.
Ci-dessous : processus de transformation avec les 3 stades de progression la Pierre brute de l’Apprenti, la Pierre Cubique à Pointe du Compagnon, la Table à tracer des Maîtres. Ces trois stades se trouvent dans la partie du Tableau réservé à l’acte transformateur et à l’acte transformant. Habituellement et pour le cas du tableau REAA - GLDF, et celui du REP - GLSREP, le tableau de l’Apprenti donne une représentation du processus de transformation correspondant aux voyages en état d’Apprenti au Septentrion puis en état de compagnon pour la Pierre Cubique à Pointe sur la colonne du Midi.
Les trois stades de progression de la Forme au Plan de l’Architecte qui empruntent la croix tridimensionnelle (ternaire axial).
Méthodologie dans l’approche du ternaire axial:
L’art de la triangulation consiste à montrer l’invisible au-delà et en deçà de la forme…
Toute la loge est « orientée » et le Tableau de loge est situé à la croisée des axes et polarités Orient /Occident, Septentrion /Midi, Zénith /Nadir. Donc tout maçon en loge est soumis à l’influence des polarités. Nous définirons l’action du ternaire en vertu de la polarisation de la Loge et du maçon et de l’objet symbolique. Les trois axes se retrouvent dans la structure géométrique de la pierre taillée et plus encore dans la pierre cubique à pointe.
La pointe "visible" est le sommet de la forme poussé à son paroxysme : c’est l’extra polarité ; nous sommes sortis du cadre de la pierre cubique.
La contrepartie « invisible » est l’interpolation : nous sommes à l’intérieur de la pierre dans son intimité non visible. Donc nous avons une extrapolation qui est la forme portée hors du cadre et une interpolation qui est une intériorisation de l’acte.
2 / Interpolation et extrapolation pour définir l’invisible.
Nous avons compris que la voie réalisatrice se déroule simultanément en deux niveaux de correspondance dans la représentation mentale :
a /pour « réaliser » l’œuvre en soi ou « incorporer» le symbole en soi, c’est l’interpolation de nature personnelle (VITRIOL), (en deçà). C’est une action opérante de nature individuelle,
b/ensemble avec les autres maçons et hors cadre apparent ou rationnel en vue de réaliser le chef-d’œuvre collectif, c’est l’extrapolation [1]où l’opératif poussé dans un niveau « essentiel » à la frontière de l’éthique ou de la métaphysique (ÉTOILE), (au-delà).
Cet opératif « en essence » est une représentation mentale collective fondée sur la possibilité d’agir sur le réel, ou du moins de se représenter un réel au-delà du visible par extrapolation de la structure interne à la forme. Cette voie axiale réalisatrice entre soi, la forme et au-delà, est un instrument à usage individuel et collectif, au même titre que le VLS, le Ternaire de base, et les outils de transformation et instruments de mesure.
L’intérêt de conjoindre l’opératif et l’opérant repose sur l’idée que la fraction visible de l’objet-symbole retrouve dans une belle unité sa part invisible. Le mythe ou le virtuel se superpose à l’objet visible. Les deux morceaux de tesselle sont enfin réunies…La représentation mentale produit enfin son plein effet.
À ce sujet on prendra garde de ne pas verser dans les visions subites, révélations sublimes et autres croyances illuminées, il faut rester dans l’analyse d’une représentation mentale qui enrichit le réel. Cet enrichissement est plus qu'un supplément d'âme, c'est un dépassement du sens pour aller à essence, c'est-à-dire une ouverture du champ des possibles, une extension du domaine du réel.
[1] L'extrapolation est un calcul qui consiste également à estimer la valeur inconnue d'une des deux variables étudiées. Contrairement à l'interpolation, ce calcul est réalisé en dehors du domaine d'étude (hors cadre) fourni par l'échantillon en utilisant le modèle mathématique obtenu.
La pointe visible résume la totalité de la forme et des formes en un point pour le Tout (extrapolation – Clef de voûte - Pierre angulaire)
Le Centre invisible est la part cachée du symbole de la pierre taillée (interpolation - pierre cachée), cette part cachée s'associe à l'image de l'homme sous l'égide du gnothi seauton .
3 / Mise en pratique du ternaire axial par interpolation et extrapolation pour la Pierre brute
La réalisation du symbole, c'est-à-dire son unité retrouvée, consiste à déterminer par triangulation le côté invisible du triangle puis de faire apparaître sa correspondance sur un autre plan (ici pour l’apprenti au-delà de la forme extérieure, il s’agira de lui-même, son plan intérieur, sa pierre cachée…).
Le regard de l’homme porte sur l’opération « opérative sur la forme » et « opérante en soi ». L’interpolation renvoie à la Pierre cachée en soi (VITRIOL), la racine de l’invisible en soi, l’extrapolation renvoie à la pointe de la Pierre Cubique, sommet unique de toute réalité visible. À l’échelle du Temple la Pierre cachée est la pierre de fondement « Eben Schetiya ». C’est donc entre la Pierre cachée et la pointe de la Pierre Cubique que s’établira l’axe de l’essence symbolique. Les rites sans Pierre cubique à Pointe, lui substituent le Cube parfait, « sous représentation » de la Jérusalem céleste, ou la Clef de Voûte "sous représentation" de l'axis mundi.
Prenons l’exemple du tailleur de Pierre brute, nous avons une succession d’étapes qui permettent la « réalisation » par incorporation du signifié symbolique:
Dans une prochaine parution nous étudierons le langage symbolique dans ses dimensions essentielles en prenant appui sur les objets symboliques communs aux Tableaux de loge et la loge. La redondance dans l'organisation des symboles entre la loge et son Tableau s'appuie sur la constante du ternaire axial. Nous prendrons appui sur les colonnes J et B pour illustrer cette combinatoire axiale.
E.°.R.°.