Nous proposons une planche et la première partie d'un morceau d’architecture sur le miroir:
I / LE MIROIR et la rencontre (E.°.V.°.)
Pour écrire ce qui suit, j’ai fait l’expérience suivante : « rester devant un miroir pendant 5 minutes sans bouger».
Pendant les 5 minutes, je me suis observé, moi, « le reflet ». Ce reflet évolue dans un monde de silence. Il est ma symétrie parfaite, mais une symétrie inversée. Ce qui m’a amené à la réflexion suivante qu’est-ce que je vois ou qui je vois exactement ?
La première idée, c’est moi l’initié et le profane me tenant debout devant un axe vertical qui me bloque et me renvoyant ma propre image. Ce moi, cette image, j’ai essayé de lui parler, mais aucune réponse. Il reproduit à l’identique inversé mes gestes, mes mouvements.
La seconde idée, ce "moi" que je vois, pense-t-il ou réfléchit-il? Dès que nous ne sommes plus devant le miroir nous ne voyons plus notre reflet ou notre moi inversé. Mais lui ou est-il ? Évolue-t-il dans un autre monde ?
Le miroir nous renvoie-t-il une image pure de notre vision de nous-mêmes ?
Malheureusement, les 5 minutes sont écoulées et maintenant je vais vous parler de mes recherches sur le miroir.
La définition du miroir : Un miroir est un objet possédant une surface métallisée suffisamment polie pour qu'une image s'y forme par réflexion et conçue à cet effet.
L’histoire du miroir
Les premiers miroirs étaient très probablement des plans d'eau sombre et calme, ou de l'eau recueillie dans un récipient.
Pendant l’antiquité on utilisait des miroirs en métal poli, Au 13ème siècle on eut l’idée de fixer des feuilles d’étain derrière des plaques de verre avec une colle transparente et l’on obtint ainsi une réflexion des objets plus claire. L’étamage des glaces ne date que du 16ème siècle.
Fait purement géométrique, à laquelle nous ne prêtons pas attention : personne, en fait, n’a jamais vu son visage dans un miroir ! Cette image à laquelle nous nous fions est notre énantiomorphe (Déf : se dit de deux constituants semblables, mais ne pouvant pas se superposer.), différente de ce dont elle est le reflet comme la main droite de la main gauche.
La Symbolique du miroir
Comme l’histoire nous l’a appris, l’eau servait de miroir depuis la nuit des temps. Je pense que cet élément est le miroir primordial. L’eau est un symbole de pureté, de vie et de régénérescence. Peut-être qu’en plongeant dans l’eau, nous pouvons traverser notre reflet et changer de vision. Et s’il fallait revenir au plus profond de nous-mêmes. Nous pouvons faire le rapprochement avec le baptême religieux. A l’initiation qui a donné vie au maçon qui était à l’intérieur de nous. L’épreuve de l’eau mes BB.°. AA.°. FF.°. et SS .°. !
Nous plonger dans l’eau, lors de la première épreuve ou le premier voyage, les yeux bandés. Sur le moment nous ne nous en prenons pas conscience, mais nous traversons la matière ou notre reflet. Cet effet sur la dualité lors du voyage nous transporte et nous fait sortir de nous-mêmes et de notre ego.
Le miroir est un producteur d'images. Source de réflexion, une surface rigide sans laquelle les choses seraient absorbées dans l'oubli, il nous invite à réfléchir. Réfléchir sur quoi ? Nous-mêmes, le connais-toi toi-même, l’ego, etc. La vision du miroir est parfaite et sans limites, il voit tout et à chaque instant. Peut-on dire que le miroir est une seconde dimension ou le miroir du monde.
Le miroir est un outil qui peut renvoyer la lumière, elle ne le traverse pas et n’a pas son reflet dans le miroir. Faut-il penser ou croire que les choses visible ou invisible qui ne se reflètent pas dans un miroir sont forcément réelles ? Nous attaquons là un débat supérieur du « faut-il voir pour croire ? » Mais je ne développerais pas là-dessus ce soir.
Le miroir sur un plan vertical est le principe fondateur de ce qui est en haut et comme de ce qui est bas. Il ne nous montre aucune limite, on peut donc parler d’infini.
Ce soir vous l’aurez tous compris, je pense que le miroir ne triche pas il nous renvoie la vérité, à nous de l’accepter ou de la refuser.
Pour conclure, je citerai un poème sur le miroir.
"Miroir, cette surface plate et lisse
sur lequel, sans obstacle, mon regard glisse...
Simple objet physique ? Ou porte secrète métaphysique ?
cherchant dans l'infini des jeux de glaces, les premiers principes
Réfléchissant avec simplicité, la lumière dans son contraire
ou me faisant réfléchir à la vérité qui se cache derrière...
Selon l'angle de réflexion,
différente sera la direction
Ce reflet inversé de moi-même
comme un ennemi rempli de haine...
ne fait que confronter ma dualité...
De ces 2 images, où se dissimule l'unité ?
Il n'est guère flatteur, ni enchanteur
Trop fidèle, ce visage qu'il renvoie et que je cache au monde
Ce masque de comédien aux odeurs nauséabondes
Il dévoile mon paraître et me montre mes erreurs
tout en m'invitant au cheminement intérieur
Je suis mon ennemi...
et je le vois ici,
dans cet écho renvoyant à l'ego,
Vivant symbole de tous mes maux
Par l'Alchimie des reflets,
il me conduit aussi à l'invisible
en me donnant consciemment la clé
pour m'inviter à le traverser
Il devient nécessité irrépressible
Me montrant la voie
de la pierre cachée
Plonger au plus profond de soi
pour espérer la trouver...
Le double que je vois dans la psyché
symétriquement est opposé, mon inversé
Le blanc, le noir, comme un échiquier
Mosaïque de Positif et négatif...
Pour changer l'ennemi
Il faut transmuter..
Reconnaître l'ami...
Jeux de bataille pour L'Ego
Je est accusatif
Je est vindicatif
confronté à sa peur de disparaître...
tenter le tout, résister, c'est son dernier mot
Au final, il n'y a rien à vaincre, il n'y a que l'Être
Pour atteindre l’indivisible
Le miroir est le liant de mes dualités
Il capte mon âme invisible
concilier le tout pour atteindre l'unité
Suis-je virtuel ou réel ? Souffle le squelette
Lequel des 2 mondes et le mien
Quel reflet est lié à mon destin?
Passage de l'un à l'autre en va et vient
Pour me renvoyer une image juste et parfaite
Pour que je puisse l'apercevoir
Pour qu'elle se laisse entrevoir
Faut-il le briser?
ou le traverser?
S'il te plaît, dis-moi miroir..."
E.°.V.°. R.°.L.°. "Les Ecossais de la Saint Baume"
II / Le miroir hermétique (E.°.R.°.)
Il faut un cerveau pour interpréter l’image et se reconnaître, car, si le reflet de l’image est une « inversion », alors l’individu ne peut saisir la réalité de l’image. Il faut un travail de conversion de l’image-objet vers l’image-sujet.
Le sujet ne voit qu’un objet-image, sans vie propre, et qui doit être traité. C’est l’absence de traitement analytique et de qualification de l’image qui donne l’illusion de la présence d’un double de soi dans le reflet du miroir.
Le reflet-dédoublement peut être vu et ressenti à plusieurs niveaux qui supposent une prise de conscience graduelle. C’est sur cette illusion évocatrice d’un dédoublement polysémique que se fondent les rituels maçonniques de présentation du miroir en présence du parrain. Mais ceci n’est qu’un point de départ à une interprétation puissamment hermétique à laquelle nous vous invitons.
Outre le rétablissement du réel, nous verrons que le miroir permet aussi de donner à la réalité une profondeur de vérité par une sorte de dématérialisation de l’image, lui donnant une transparence dépassant le strict cadre de l’apparence. C’est donc par l’abandon de l’appropriation égotique et superficielle de sa propre image et des écorces de l’avoir qu’il sera possible d’entamer une remontée dans l’invisible.
Nous retiendrons que le miroir reflète une « projection » d’une réalité ou/et d’une intention signifiante nécessitant dans les deux cas interprétation du sens et du signe.
L’apprentissage de la vision du réel – le sens et le signe -
Le miroir pose la question de la vision. La vision pose le problème de l’association du réel (le sens) à l’intention signifiante (le signe).
On ne peut se voir comme on est réellement et c’est tout le travail de l’initiation que de traduire et rétablir l’image originelle du sujet primordial comme on recherche une vérité éternelle.
L’initiation est, notamment, une technique d’interprétation des apparences en vue de rétablir ce qui est, par interpolation ou par extrapolation. L’initiation part de la recherche du centre en soi (V.I.T.R.I.O.L,), puis du centre d’Union (Fraternité) pour aller quérir la lumière au sommet de l’axe (Chambre du Milieu). Il est entendu que la finalité de la démarche initiatique est de réussir à faire correspondre les trois centres en les superposant (lois de correspondances). Ce cheminement peut se faire dans la matière (voie artisanale), par la projection du corps à cheval dans une quête d'un idéal situé entre terre et ciel ou dans la mêlée (voie chevaleresque), ou par la parole interprétée, médiatrice et opérante (voie sacerdotale). Dans les trois voies, le miroir, fût-il intérieur, est indispensable à la progression, car il permet de voir Soi, le Monde et le Tout.
On résumera l’intérêt de cet instrument à ses effets démultipliant l’image-reflet en trois sous-couches de la représentation mentale liées par la triple puissance de l'allégorie, du symbole, et de la révélation mais aussi du geste, de la parole et de l'écrit ou du tracé :
- La représentation mentale de l’image construite ou intuitive
- La perception conceptuelle des principes éternels ou archétypes
- Élaboration du réceptacle de la grâce ou de la révélation.
Son usage s’adresse aussi bien à l’initié dans la voie prométhéenne, qu’au scientifique cherchant positiviste, mais encore à celui qui, en position réceptive, développe une sensibilité mystique. Le miroir est l’instrumentum parfait du plan humain translucide, et permettrait ainsi d’explorer des domaines considérés, à tord ou à raison, comme non humain...mais possibles. Donc le miroir à partir du réel permet d’introduire ou de rétablir la notion de totalité.
Au-delà de l’apparence
L’apparence est parcellaire et trompeuse elle encombre notre vision et dissimule la totalité. Le réel ne doit pas se limiter à la fausse apparence et au faux semblant.
C’est notre implication égotique dans l’image reflétée qui fausse la perception : L’image de soi est insaisissable, seule demeure ce que voudrait voir Narcisse : une image toujours trompeuse et parfois flatteuse d’un moi soumis à interprétation subjective. Plus on se rapproche de son image-reflet plus on risque de sombrer dans l’apparence trompeuse.
Pour maquiller ses traits et son apparence dans le but de flatter notre ego il faut l’usage d’un miroir docile, à défaut de miroir on utilise le regard de l’autre à qui l’on donne une certaine image séductrice. On perçoit alors une image avantageuse qui flatte notre ego. L’ensemble des civilités sociales se plient à cette exigence d’un reflet flatteur du moi. C’est l’ego qui se mire dans le regard de l’autre ; le regard de l’autre sur soi-même est lui-même faussé par l’empreinte de son ego..
En l’absence d’observateur, l’image reflétée par le miroir est neutre et sans existence réelle ni persistance, c’est donc que le miroir ne crée pas, ne pense pas et ne vit pas, tant que la conscience de l’homme ne l’utilise pas comme instrument d’observation du moi, du soi et du tout.
Le miroir est un objet non doué de vision, mais producteur de reflet qui inverse la réalité sur un plan donné et qui doit être latéralisé pour rétablir l’état initial. C’est par latéralisation de l’image-objet que le miroir devient un puissant instrument d’exploration du réel et de ses possibles.
L’instrument d’exploration et de lecture du plan et des possibles
On utilise le miroir pour voir la voûte étoilée, ce qui fait du miroir un support de projection de mondes inaccessibles, mais possibles, c’est-à-dire que le possible est lié au réel par son éloignement ou sa dissimulation au regard.
Le miroir permet de scruter le ciel à partir de la terre, établissant la relation hermétique entre ce qui est en haut et ce qui est en bas. Le miroir rend donc le possible présent et influent au milieu de l’apparence.
Les bâtisseurs du Temple sont en charge d’évoquer le ciel sur terre et d’en représenter l’essence dans une maison de Dieu en suivant les plans donnés à David. Le modèle du Temple né du Templum est alors un miroir du Ciel et d’une totalité dans son origine céleste et divine. Le réel additionné d’un possible céleste ou Divin nous donne une totalité.
C’est ici que les plans du temple et le céleste (ou le divin) se confondent dans une même représentation. Donc le miroir rend possible le reflet d’une pensée divine réinterprétée par l’observateur. L’instrumentum du miroir permet de voir au-delà et plus loin. Nous comprenons intuitivement que le miroir permettrait de percevoir la pensée originelle, ce qui équivaut au rétablissement du fameux lien ontologique. (C’est aussi ce à quoi parviennent les astronomes qui à l’aide de miroirs électroniques s’approchent de l’instant zéro, celui du Big Bang, établissant un lien entre le réel et l’origine par une représentation mathématique du possible ! Sur un plan optique, le télescope Hubble peut, grâce à son miroir, remonter la vision d’un passé fondateur et le rendre visiblement présent.)
Ce qui fait fonction de miroir de projection pour un bâtisseur, c’est la loge dans laquelle on dresse le plan du temple à bâtir. L’exercice consistera à passer de la pensée divine, représentée par le plan du Temple, à la réalisation humaine dans un alignement de pierre qui part de la pierre de fondement jusqu'à la pierre du dôme. Donc la loge est un miroir de projection qui reflète une volonté divine filtrée par la fenêtre-vitrail et en toute hypothèse, l’image d’un Temple idéal en relation avec un plan supérieur.
La loge miroir et le temple inversé
La loge qui est adossée au temple à bâtir en soi est aussi une chambre des reflets d’une totalité humaine, terrestre et céleste.
La loge est un miroir des trois mondes ou si on préfère une chambre noire qui par trois ouvertures donne 1/le reflet inversé du temple de l’homme qui est le temple intérieur, 2/du temple terrestre sur le plan manifesté et 3/ par une troisième ouverture donne le reflet inversé du temple céleste dans la verticalité.
En quelque sorte le « miroir juste » nécessite trois rétablissements consécutifs à trois inversions, en soi dans le plan et dans l’axe.
C’est du changement de plan que née l’inversion. Nous en trouvons un exemple, bien connu et mal compris dans le positionnement des colonnes Jet B (mais aussi des colonnes antédiluviennes) que seul le sage sait lire et « rétablir ».
Rétablir l’ « orientation » c’est lire et comprendre le sens premier.
Aussi le duo Jakin- Boaz dans sa situation dedans-dehors faisant césure entre le Temple et la Loge reste une entrée commune aux deux plans de la loge et du temple.
Ces colonnes ambidextres (la fin d’un cycle solsticial se confond avec le début de l’autre) et bifrontales (Janus) offrent une réelle perspective de l’entrée du Temple en relation symétrique avec l’entrée dans la Loge. Pour aller de la Loge au Temple, il faut « rétablir » l’entrée. La notion d’entrée est donc commune à la Loge et au Temple et les deux plans organisent le passage de l’un a l’autre dans l’inversion du sens : sens humain: entrée par le couchant, sens divin: entrée par le levant.
Le fait de « rétablir » suppose symboliquement un retour à l’origine, une remontée vers une situation, celle qui précède la chute de l’homme ou la destruction du Temple, ce qui confirme que l'image du Temple en général a vocation de rétablir l’état originel qui se traduira au final par la vision d’une Jérusalem céleste.
Ainsi peut-on dire que la Loge est adossée au Temple qui est l’œuvre à accomplir en soi pour avoir la vision.
Rétablir le sens du réel
Rétablir l’image, la colonne dans son sens axial ou le temple détruit, semble la mission du sage, de l’initié qui connaît le sens réel de l’écriture sacrée. Donc notre propre image, comme la réalité, est insaisissable dans sa globalité, car l’apparence reste trompeuse. On ne peut voir dans le miroir ce que nous sommes réellement sans transposition de l’apparent au réel.
C’est ainsi qu’on peut affirmer qu’il n’y a pas de plus grande initiation que la perception juste de la réalité, car la réalité suppose un effort de vision au-delà des apparences.
Le sage a son miroir qui est aussi bien l’instrumentum matériel que symbolique. Ce miroir peut donc être « en soi » comme une chambre de projection, ou comme un temple véritable réceptacle intérieur d’une totalité visible, invisible et possible.
C’est donc le miroir des sages qui établit les correspondances dans différents plans et dans les trois axes et les six directions. Là où le profane voit une image qui le trompe, l’initié rétablit le sens interprétatif de l’image par transparence des plans, il a donc la vision.
La lecture juste, lecture totale des trois Temples - miroirs
La lecture juste de l’image venue d’ailleurs ou du sujet-image au-delà de l’objet-image suppose une métamorphose du regard. Cette métamorphose est une capacité à l’analogie et à la correspondance et, pour certains rites, une capacité à l’anagogie.
En effet le sujet devient objet-image qu’il faut réinterpréter, car le reflet n’est pas la réalité du plan concerné, mais l’image inversée dans un plan inférieur ou supérieur ou en vis à vis. Si toute la loge maçonnique est le reflet dans le domaine humain d’un temple à bâtir, alors ce temple est présent dans les trois niveaux ou plans superposés : intérieur et humain (temple intérieur), terrestre et socio-historique (Temple de Salomon et suivants), ou céleste telle la Jérusalem céleste de la révélation de Jean.
C’est donc avec l’instrument miroir que l’on « voit » ou que l’on a une vision du ciel et de soi-même, au-delà de la dimension spatiale et temporelle.
L’image du temple qui concentre une universalité, nous renvoie à un non-lieu et a un non-temps propre aux images éternelles. (Archétypes et mundus imaginalis)
Un rite est dit « hermétique » s’il autorise une technique de latéralisation du regard d’une part, et la navigation représentative sur les plans superposés d’autre part.
Superposition des mondes lumineux- notion d’ouverture ou de « brèche » -
La superposition des grades et des imago mundi représentés par les trois tableaux de loge des trois premiers grades est saisissante.
Nous pouvons alors dire que la loge est un miroir du monde symbolique attaché au niveau d’éclairement du maçon et de la loge. On ne voit en effet le monde qu’en fonction de notre niveau de conscience de l’être et du réel qui variera dans le cheminement initiatique des grades.
Or l’esprit humain cherche la lumière et sa source et il se trouve que la lumière pénètre dans la chambre noire de la loge par une ouverture, une brèche symbolique à l’Orient, puis la loge diffuse cette lumière par l’homme au sortir de la loge. Ceci constitue le plan de la manifestation, mais on peut tenir le même raisonnement à partir de l’ouverture située au zénith de la voûte étoilée en regard du plan de la loge (symbolisme lié à la clé du dôme ou clé de voûte en regard de l’arche et de la cavité). Enfin, s’agissant de l’individu lui-même on comprendra l’intérêt illuminateur de l’esprit de toutes les techniques visant à relier le corps et la boîte d’os a l’axe terrestre-céleste, reprenant en cela le symbolisme de l’arbre de vie dans son orientation vers « en sof ». Ici au niveau de l’homme se joue son état de médiateur entre la terre et le ciel, et c’est la circulation de l’esprit-lumière (notion de conscience éclairée) qui permet de régler la superposition des trois plans. Le réglage se fait donc à l’aide de miroirs qui vont chercher la lumière par les ouvertures de la chambre noire (notion de conscience orientée).
Latéralisation en loge et en-soi – « le point de conjonction » et l’étoile -
L’ouverture de la chambre noire fait passer la lumière et l’image.
Le point de passage est aussi le point d’inversion du dehors-dedans, une sorte de frontière constituée par un point de conjonction où la totalité de l’image se concentre avec la lumière avant de se répandre dans la chambre-loge.
C’est par ce point de conjonction que la droite devient gauche pour le plan et que le haut devient bas pour l’axe. On retrouvera ce point de conjonction au sommet de la montagne, comme dans les tréfonds de la caverne, ce point de conjonction est souvent représenté par un Triangle d’or (lame d’or) pour le plan de la manifestation, une étoile à cinq branches pour le plan humain et une étoile à six branches pour le plan supérieur qui s’applique au plan inférieur. Ainsi la concentration dans le point de conjonction du monde en vis-à-vis ou en plus haut prend l’allure et l’aspect rayonnant et diffusant d’une étoile.
C’est donc la latéralisation qui rétabli ce que le miroir a inversé d’un monde à l’autre, entre deux plans, du moi au soi.
Ainsi mon image dans le miroir doit être rétablie par mes fonctions cérébrales, c’est cet attachement à établir la lumière ( la conscience éclairée) et rétablir la vérité ( la vision juste et orientée) qui anime le franc-maçon.
L’hermétisme n’a donc rien de magique, il est une technique ancestrale de représentation mentale juste et lumineuse, attachée aux aptitudes fondatrices et exploratrices de l’esprit humain.
On trouve en loge de multiples preuves de ce phénomène de latéralisation suivant la nature du rite pratiqué (c’est la place des colonnes qui donne l’orientation hermétique du rite [voir notre étude sur la place des colonnes dans le Livre de l’Apprenti]) :
On notera une relation naturelle de symétrie en X avec les facultés de l’hémisphère cérébral droit et la main gauche [épée flamboyante et soleil feu, illumination-action éclairante], entre l’hémisphère gauche et la main droite [maillet et lune, eau, malléabilité-action transformatrice]. Cette double latéralisation aboutie toujours à un point d’intersection
On retrouve cette latéralisation croisée dans le croisement du chemin de la lumière et le la prise de parole des colonnes solsticiales J et B et les colonnes des apprentis et Compagnons (au REP). Ce croisement est dû à la position plus ou moins éclairée de l’apprenti et du compagnon en relation avec la colonne solsticiale de leur salaire. Cet aspect croisé est aussi présent dans le signe et contresigne qui équilibre le geste de la main droite par le geste de la main gauche, etc.
En réalité , la latéralisation et donc le croisement implique un point de conjonction réalisant l’union [et l'équilibre de la droite et de la gauche, du Roi et de la Reine, du Soleil et de la Lune], comme le corps calleux fait la jonction et unit l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche.
Il faut donc rechercher, dans le phénomène du miroir et de la symétrie inversée, où se situe le point de conjonction qui fait naître l’inversion. Il y a un point de conjonction entre les parvis et le Hékal puis un autre entre le Hékal et le Débhir, nous sommes ici dans l’axe de la lumière venue de l’Orient et nous pourrions établir un point de conjonction dans l’axe Nadir Zénith …mais aussi en nous.
Une brève analyse des points de conjonction nous renvoie étonnamment dans le tracé central d’un arbre de vie que l’on retrouve dans le schéma séphirotique.
La loge est comme une chambre photographique, elle inverse l’image des temples auxquels elle s’adosse, dans un plan donné ou dans un axe donné, et les tableaux de loge sont alors des lieux de projection qui donnent lieu à des interprétations symboliques et au rétablissement hermétique du réel.
La loge est donc symétriquement « adossée » à l’œuvre à accomplir et c’est l’œuvre qui fait la jonction avec les plans supérieurs et inférieurs, ceci explique l’inversion du couple Loge-Temple dans l’axe de la lumière venue de l’Orient et leurs entrées différenciées [par l’Ouest pour la Loge, par l’Est pour le Temple]. Quoi qu’il en soit l’œuvre apparaît donc comme une échelle réalisatrice pour atteindre et relier le triangle et les deux étoiles.
La réalisation de l’œuvre repose sur l'épaule du bâtisseur, mais la pensée et la volonté qui précédent la réalisation sont affectées à une autorité surplombante qui légitime et rend nécessaire la mise en œuvre. C’est donc Dieu qui pense et « trace » les Plans du Temple, c’est les rois couronnés et médiateurs, David et Salomon, qui en « expriment la volonté » et fournissent les moyens et c’est Hiram Abif qui « met en forme" l’Œuvre.
Le miroir de l’initié, miroir de l’unité
Le miroir est associé à la lumière et à la représentation du réel en différents niveaux d’interprétation.
Le bon usage du miroir passe par la maîtrise de l’analogie et la connaissance des lois de correspondance. Il y a donc une lecture qui naît d’un apprentissage hermétique du regard, car reposant sur une vérité au-delà de l’apparent. Celui qui dispose ce cet enseignement est plus que jamais dans la réalité, car il voit au-delà des apparences. Il voit et sépare le vrai du faux, il est « séparateur » au sein du réel en vue de l’unité, c’est le séparé qui travaille à former l’unité.
Le premier sujet sur lequel on doit apprendre à utiliser le miroir, c’est sa propre image pour en finir avec l’ego et l’apparence.
Le second exercice se fera en regard de l’autre et du plan de vie et enfin le troisième exercice s’appliquera à la projection du céleste au terrestre dans la recherche d’une autorité surplombante liée à la conscience la plus éclairée de l’humanité souvent confondue avec l’antériorité ontologique.
Le miroir ainsi intériorisé par l’initié, comme un instrument de lecture, permet les projections mentales et les représentations dans les trois mondes : terrestre, humain, céleste et plus sans doute. Il est entendu que l’initié devient par sa vision « dédoublée » un médiateur capable au terme de son élévation représentative, d’une vision et d’une lecture totale (à caractère spirituel et éthique comme il se doit). C’est pour cette raison que les prophètes furent rangés au rang des initiés, et que l’initiation fait correspondre la connaissance de soi avec une vision totalisante, où le vrai, le beau et le bien se côtoient dans une unité ontologiquement réintégrante.
En travaillant en Loge de Saint Jean, le maçon travaille dans une loge universelle qui est un lieu unique de réflexion (reflet) des mondes pour tous les cherchants. C’est un lieu de projection, d’interprétation et de superposition des tracés de lumières intérieures, temporelles et spirituelles.
L’initié lit et interprète l’image traversée de lumière.
C’est ainsi que, pour nos anciens, l’image et la lumière irisée et colorisée venant d’un autre plan, traverse le vitrail de la rosace. La rosace elle-même est une interprétation déclinée de l’étoile- miroir à cinq ou six branches reflétant le trait directeur de l’au-delà. Cette lumière ainsi filtrée se projette sur le labyrinthe de la cathédrale. Le labyrinthe est pour les anciens la « Lieue de Jérusalem » soit le chemin à parcourir pour atteindre le centre spirituel. Le pèlerin en cheminant vers le centre du plan découvre en même temps son propre centre et entre finalement dans la lumière transcendante de l’axe.
L’étoile-rosace étant le point de conjonction du monde d’en haut qui se déploie et rayonne dans le monde inférieur, joue le rôle de miroir qui projette une image sur le sol du temple. Cette image et cette lumière irisée viennent frapper en oblique, ou « latéralement », le centre spirituel représenté par la Jérusalem terrestre. Elle sert à son tour de miroir pour le cherchant. C’est ainsi que dans une même vision, le centre de soi se superpose au centre spirituel du monde représenté par la Jérusalem terrestre, qui elle-même est en correspondance lumineuse avec la Jérusalem céleste. C’est ici que le miroir de l’initié devient miroir de l’unité et nous renvoie systématiquement à la notion de centre, d’axe, de latéralisation et de point de conjonction ou d'étoile.
(à suivre)
E.°.R.°. "Les Ecossais de Janas"