Découverte du pavé mosaïque par l’apprenti
Lorsque j’ai commencé à réfléchir au sujet de ma première planche, je dois avouer que plusieurs sujets m’ont traversé l’esprit tant ma soif de recherche est grande et les sujets passionnants.
Toutefois, deux objets dans le temple ont interpellé ma curiosité dès le départ, car leur symbolisme n’est pas d’une clarté limpide. Ce sont la corde à nœuds (ou houppe dentelée) et le pavé mosaïque. Je ne dis pas que les autres objets maçonniques ont trouvé une signification dans mon esprit, mais pour l’instant ils retiennent moins ma curiosité que ces deux-là.
Lorsque l’on m’a proposé de traiter le pavé mosaïque c’est avec une grande joie que j’ai accepté. Déjà des idées confuses, mais nombreuses se mettaient en place dans mon esprit. Je n’ai pas la prétention de vous apporter une réponse au mystère de ce décor, mais je voudrais vous faire part plutôt du cheminement de mes pensées et du résultat de mes réflexions face à ces interrogations.
Tout d’abord pour moi le pavé mosaïque est le symbole de l’initiation de l’apprenti par excellence. Pourquoi ? Car je trouve une similitude entre mon état de profane enfermé dans le noir cabinet de réflexion et la lumière aveuglante lorsque le bandeau me fut ôté lors de mon initiation. De plus c’est le premier objet que j’ai identifié dans le temple lorsque j’ai baissé les yeux pour fuir ce flash aveuglant. Mon regard s’était alors accroché à ces carrés noirs et blancs que j’avais devant moi. Le fort contraste de ce décor était le seul objet auquel ma vue avait pu facilement se raccrocher. J’avais besoin à ce moment de voir ou d’identifier quelque chose de connu. Même si c’était abstrait, le côté binaire de cet objet m’avait interpellé. Même maintenant encore, c’est le pavé mosaïque qui me fascine le plus, car je sens qu’il cache une multitude de secrets que pour l’instant je ne connais pas.
Je disais précédemment que ce décor de loge avait un côté binaire au sens littéral du mot. En effet si l’on remplace le blanc par le 1 et le noir par le 0 nous obtenons du codage binaire qui pour moi aurait pu signifier quelque chose, soit en additionnant entre eux les résultats des lignes ou colonnes, soit en décalant les suites numériques, soit en les juxtaposant, soit encore en les combinant. Mais en comparant le nombre de cases qui composent le Pavé dans le temple D’Ollioules et celui d’Hyères, j’ai constaté que ce nombre n’est pas constant. Donc il ne doit pas y avoir de signification binaire, car les résultats obtenus sont différents. J’ai peut-être fait fausse route en voulant utiliser cette branche des mathématiques ou alors je n’ai pas su décoder...
binaire 0 1 0 1 0 1 0 1 0 è 170 décimal
1 0 1 0 1 0 1 0 1 è 341
0 1 0 1 0 1 0 1 0 è 170
1 0 1 0 1 0 1 0 1 è 341
. . . . . . . . .
Je me penche maintenant sur une interprétation algébrique de cet objet. En effet un carré peut être décomposé en deux ou quatre triangles rectangles isocèles.
Selon que l’on trace une ou deux diagonales
Si on ajoute un deuxième carré de mêmes dimensions, nous obtenons un carré long. Nous pouvons à ce moment les combiner ensemble et en plus d’obtenir des triangles rectangles isocèles vus précédemment, nous obtenons 2 ou 4 triangles rectangles qui répondent au théorème de Pythagore.
J’en déduis donc que le pavé mosaïque peut être un outil utilisé dans différents calculs en maçonnerie. Un « boulier » carré en quelque sorte. J’ai quelques idées de la façon dont on peut l’utiliser, mais je me suis dit que cette approche était trop facile et trop « matérielle » pour que ce soit la vraie et seule signification du Pavé. C’en est peut-être une parmi d’autres…
Je me suis alors intéressé au côté ésotérique. Que pouvait signifier cette alternance de blanc de noir ? Un symbole de la philosophie chinoise me vient alors à l’esprit : le Yin et le Yang. Peut-il y avoir une corrélation entre ces 2 symboles ? Le pavé mosaïque est-il le pendant occidental du symbole oriental ?
Quelques recherches m’inspirent : pour les orientaux le Yin et le Yang représentent bien une dualité, mais toujours sous forme de complémentarité. Le Yin représente entre autres, le noir, le féminin, la lune, le sombre, le froid, le négatif…. Le Yang lui, représente entre autres, le blanc, le masculin, le soleil, la clarté, la chaleur, le positif. Il me semble que nous sommes en terrain connu.
À culture différente, représentation différente, mais le symbolisme reste le même. Je n’irai pas jusqu'à dire que le « Yin et Yang » est la résolution métaphysique de la quadrature du cercle, mais on peut pourquoi pas, l’envisager.
Un point m’interpelle dans cette représentation orientale, c’est l’inter pénétrabilité des couleurs. On ne sait où chacune commence et où chacune s’arrête. Si nous transposons ceci sur notre pavé mosaïque, cela voudrait-il dire que cette limite perçue par nos yeux n’existe pas ? Tout est une question d’échelle. Si nous prenons une loupe pour voir la séparation de nos cases, on s’aperçoit que cette frontière est moins nette. Je pense que si nous utilisions un microscope, nous constaterions alors l’inexistence de cette frontière. Est-ce là le chemin du maçon ? Doit-il se déplacer entre ces deux contrastes ? Doit-il réconcilier les contraires qui semblent opposés ? Est-ce le symbole de la fraternité ? Toutes ces questions amenèrent à une déduction : Le but du maçon est d’unir tout ce qui a priori s’oppose.
Nous avons dit précédemment que la dualité de ce symbole se joue toujours dans la complémentarité et non pas dans l’opposition. Voilà quelque chose qui mérite réflexion et qui pourrait être une bonne piste concernant l’étude de notre Pavé. Si nous regroupons par deux les cases qui le composent (blanches et noires) et en considérant ma réflexion du début estimant que le pavé mosaïque est le symbole par excellence de l’apprenti, cela nous donne autant d’initiés qu’il y a de paires ; considérant également que le Pavé est peut-être la représentation miniature de l’univers, nous avons là quelque chose de fort intéressant.
Maintenant nous allons nous positionner dans un monde Euclidien (si cher aux architectes) qui est défini par une notion de droite, de plan, de longueur ou d’aire. Si nous considérons que notre pavé mosaïque a une réalité en deux dimensions et que nos cases blanches en surface peuvent être noires dans leur deuxième dimension et vice-versa, nous avons donc une complémentarité totale au niveau de l’individu lui-même, de par sa conception blanc/noir unitaire, mais également par sa complémentarité au niveau de ses semblables.
Je suis maintenant face à un dilemme : que vient faire notre pavé mosaïque en deux dimensions dans le monde ternaire du Maçon ? -Monde que j’estime ternaire en fonction de mes très modestes connaissances en Franc-maçonnerie.
Peut-être que d’autres acquis ultérieurs m’éclaireront sur ce sujet.
On laisse de côté les interprétations mathématiques, ésotériques et nous examinons notre pavé sous un œil religieux. La première chose qui nous frappe c’est que notre pavé est composé d’une multitude de croix latines.
En continuant à scruter, il apparaît toutes les croix que l’on peut imaginer à condition qu’elles soient composées d’angles droits : tels la croix latine, la croix potencée, le svastika, la croix de Lorraine…
J’ai mis le svastika, car avant de représenter ce que nous savons tous, il était utilisé de l’Europe à l’Océanie depuis bien des siècles et même au néolithique on en trouve trace. (Vous noterez d’ailleurs que mes branches sont dirigées vers la gauche et non vers la droite).
Le symbolisme hindou y voit la représentation de l’éternité. Cette définition pourrait coller à notre pavé : il pourrait représenter une multitude d’éternités.
Le jeu des rois –c'est-à-dire le jeu d’échec, se jouant sur un « pavé mosaïque » à 64 cases aurait-il une symbolique identique ? Nous placerions- nous dans un contexte d’infini de par les coups qui peuvent y être joués ? Ou alors de par cette légende très connue et que je vais vous rappeler ? « Un calife propose pour remercier son vizir d’avoir inventé ce jeu, de mettre autant de pièces d’or qu’il y a de cases sur l’échiquier. Le vizir refuse l’or, mais accepte, en revanche, qu'on remplace les pièces d'or par des grains de blé et qu'on mette, non pas un grain de blé sur chaque case, mais un grain de blé sur la 1ère case, le double sur la 2ème case, le double de la 2ème case sur la 3ème case, le double de la 3ème case sur la 4ème case, et ainsi de suite jusqu'à la 64ème.
On sait que le calife ricane, mais que le vizir ricane encore plus parce sur la 64ème case, il y aura des tonnes de grains de blé. » (Ce qui représente un nombre à 20 chiffres de grains de blé) soit environ 650 milliards de tonnes de blé ! Nous avons donc bien une notion sinon d’infini, tout au moins d’infiniment grand.
Un autre aspect du pavé mosaïque peut être étudié : ne peut-il être considéré comme un émetteur d’énergie ? Ne rayonne-t-il pas ? Pourquoi tous les symboles du tableau de grade sont-ils posés sur lui ? De même que l’ancêtre des émetteurs fonctionnait avec une anode (positif) et une cathode (négatif), le pavé avec ses cases positives et négatives ne participe-t-il pas à la diffusion de la vibration des symboles ? Nous pouvons penser que lorsque nous faisons la chaîne d’union autour de lui, il favorise aussi la circulation de ce flux que nous nous transmettons et de ce fait aide à l’entretien et l’enrichissement de l’égrégore de la loge.
Jusqu'à maintenant, je me suis penché sur le symbolisme du pavé mosaïque vis-à-vis de son environnement. Si j’essayais désormais de voir quelle peut être sa relation vis-à-vis de l’homme lui-même. Représente-t-il l’alternance de nos humeurs, l’ambivalence de notre vie, la dualité qui caractérise l’être humain ?
Représente-t-il également le labyrinthe de notre vie, les alternances de nos situations, la multiplicité de notre parcours de vie ? Un homme peut traverser des épreuves de vie « noires », d’autres « blanches », il peut également ne sauter que de case « blanche » en case « blanche » ou au contraire de case « noire » en case « noire ».
Par analogie au jeu d’échec, si le pavé mosaïque était lui, le jeu de la vie ?
Nous voici au terme de mes réflexions qui ne s’arrêteront pas là, mais au contraire, reviendront lorsque j’aurai intégré d’autres données complémentaires qui me permettront d’apporter des réponses à mes interrogations.
Lorsque j’ai commencé à préparer ma planche, le titre de cette dernière était « Étude du pavé mosaïque ».
Au fur et à mesure de mon cheminement, je me suis rendu compte que ce titre était bien trop prétentieux en regard de mes découvertes. De ce fait, le titre est devenu « approche du pavé mosaïque ». Ce dernier me semble bien plus adapté, car mon travail n’a pas apporté de vraies réponses réellement satisfaisantes et probantes sur le sujet, mais apporte par contre, une multitude de questions auxquelles je n’ai pas encore de réponse ou tout au moins aucune certitude.
R\L\La Lumière Ecossaise
Thierry V\