Tubalcain est tu là ?
Le REP ne fait pas la part belle aux métallurgistes pourquoi ? Pourquoi abandonner ses métaux et le reprendre à la fin de chaque tenue. La voie métallique est bien celle que nous fuyons, pourquoi ? L’extraction des « produits souterrains » ne sont décidément pas à l’ordre du jour. Sans doute la raison devenue intuition au fil des millénaires nous dicte que ce qui est souterrain à un rapport directe avec le cabinet de réflexion que nous avons quitté, il y à bien longtemps semble-t-il. Finalement , y-a-t-il un choix à faire entre le subterrestre et le ciel?
C’est finalement ce retour à la part obscure et souterraine de soi-même que nous cherchons, par tout l’artifice de la pensée, à fuir et à effleurer en même temps… ER
Les Métaux
LES MÉTAUX
Les Métaux.
Pour mieux comprendre ce que recouvrent ce terme et la symbolique qui y est attachée, il nous faudra explorer différentes pistes et en rejeter la plupart, étudier diverses interprétations et ne retenir que les plus cohérentes.
Ce n’est qu’une fois ce travail accompli que nous tenterons de lever les ambiguïtés et les apparentes contradictions entourant le sens et l’usage du mot Métal en Maçonnerie. Enfin nous essaierons de percer le mystère de la formule de ”l’abandon des métaux“ pour en dégager toute la portée symbolique.
- Étude d’ensemble sur les Métaux :
Pour mieux appréhender la symbolique des Métaux et leur influence au sein de notre Loge, il convient de procéder à une étude préliminaire de ce terme et les mythes universels auxquels il est associé.
Pour certains auteurs, dont René Alleau, le mot métal, dérivé du grec Métallon, est à associer à la racine mé ou més qui est le nom le plus ancien donné à la lune (“Aspects de l’Alchimie traditionnelle”, Paris 1948 p62-63).
Pour d’autres ce mot désigne à l’origine la mine puis les produits qui en sont extraits. (Confère Robert Halleux, « Le problème des métaux, dans la science antique », Paris, 1974.).
Notons dès à présent l’apparente dualité de ce mot : une interprétation étymologique le lie à un objet céleste tandis que l’autre fait référence aux entrailles de la Terre.
Cette dualité se retrouve d’ailleurs dans les nombreuses croyances et religions.
Les êtres qui forgeaient le métal étaient soit considérés comme des êtres sacrés, leur travail participant à l’œuvre divine de création, soit maudits, leur activité utilisant le feu, associé à l’enfer, était à l’origine d’armes redoutables.
Quelque soit son sens originel et les mythes qui y sont attachés, le métal ou plutôt les métaux font, en raison de leur grande richesse symbolique, partie intégrante du Rite Maçonnique, mais nous allons le voir de façon ambivalente.
§ La présence physique d’objets métalliques au sein du Temple :
Il ne s’agit pas ici de procéder à l’énumération exhaustive d’objets de nature métallique au sein du Temple. Une telle liste ne présenterait aucun intérêt en soi.
Mais l’étude de leur présence au sein du temple nous permet de dégager les contours de ce qu’il faut entendre par métaux et notamment le sens que ce mot revêt dans la formule “Mes Frères un instant de silence pour l’abandon de nos métaux”.
Que ce soit dans le cabinet de réflexion ou lors des travaux en Loge, nous sommes en présence de la matière métal.
Au sein du cabinet de réflexion, le candidat est entre autres, face à ce si particulier métal, le Mercure, dont nous tenterons d’esquisser plus loin, la symbolique.
De même au sein du Temple de nombreux objets, outils et ornements sont constitués de métal : Epée Flamboyante, Bijoux mobiles (Équerre, Niveau, Perpendiculaire…), Ciseaux…
Tous ces objets concourent à la parfaite réalisation du Rite.
Leur force symbolique n’est en rien altérée par le métal qui les compose, au contraire cet élément ne fait qu’en augmenter la puissance. De même la présence d’argent au sens monétaire du terme est dans une certaine mesure admise au sein de la Loge.
Certains auteurs ont pourtant vu dans l’abandon des métaux l’invitation à laisser aux portes du Temple toute forme d’argent monnaie. Le métal incarnant en l’occurrence l’attachement à la matérialité dont il faut absolument se débarrasser pour entrer dans le Temple.
On peut citer sur ce point Jules Boucher pour qui “Retirer les métaux monnaie à l’aspirant c’est lui enlever le plus grand corrupteur de conscience” ( « La Symbolique maçonnique » édition Dervy p.35).
Cette pratique et son interprétation sont justes s’il s’agit d’un Récipiendaire sur le chemin de l’initiation.
Il n’en est pas de même pour les initiés, car se poserait dès lors un problème d’ordre pratique : si nous bannissons de nos poches le métal monnaie comment faire nos offrandes au Tronc de la Veuve ?
Cette question en apparence triviale permet de nous éclairer sur la présence physique du métal pendant les travaux.
On a parfois pu avancer que la beauté du don suffirait à purifier et sublimer le métal monnaie pour le rendre acceptable au sein du Temple.
Cet argument bien que séduisant apparaît tout de même bien faible et contestable.
Une autre interprétation, sans doute plus juste, voudrait que l’abandon des métaux ne renvoie pas directement au métal monnaie en tant que tel.
C’est cette dernière que nous retiendrons.
De ces deux observations, on peut déduire que le métal en tant que matière est présent et accepté dans la Loge.
Que ce terme utilisé dans la formule de l’abandon des Métaux ne désigne ni l’argent monnaie ni le métal dont nombre d’objets de la loge sont constitués.
Il nous faut donc chercher ailleurs le sens profond de ce mot dans cette expression.
§ La présence symbolique des Métaux au sein du Temple et leurs influences :
Nous l’avons vu plus haut l’étymologie du mot métal est double :
Une racine l’apparente au mot “minerai” et semble le rapprocher en cela de la pierre brute. L’autre évoque la lune, corps céleste dont la symbolique est omniprésente au sein du Temple.
D’ailleurs l’analogie entre Métaux et planètes ou étoile est universelle.
De nombreuses civilisations ont fait correspondre Or et Soleil, Argent et Lune …
Des auteurs comme Hésiode par exemple dans « Les Travaux et les Jours » ont établi une correspondance hiérarchisée entre Métaux et Planètes.
Jean Chevalier et Alain Gheerbrant rappellent : “Les Métaux sont des éléments planétaires du monde souterrain ; les planètes, les métaux du ciel ; Le symbolisme des uns et des autres est parallèle. Les Métaux symbolisent des énergies cosmiques solidifiées et condensées, aux influences et aux attributions diverses” (confère « Dictionnaire des Symboles », Collection Bouquins Robert Laffont p. 629).
Si la représentation symbolique de l’Or et l’Argent à travers la Lune et le Soleil est évidente au sein du Temple, la présence symbolique des autres Métaux bien que plus discrète n’en est pas moins réelle.
En reprenant les correspondances établies entre les planètes et les métaux (correspondance présentée dans le tableau ci-dessous), on peut déduire que ces derniers apparaissent en filigrane à travers la voute étoilée.
Plomb = Saturne
Etain = Jupiter
Fer = Mars
Cuivre = Vénus
Mercure = Mercure
Argent = Lune
Or = Soleil
Selon Christian Jacq, “Chaque planète porteuse des métaux représente sept dénominations du Grand Architecte de l’Univers et correspond à un principe actif symboliquement représenté par un métal” (confère « La confrérie des Sages du Nord », Monaco, 1980, p. 217).
Il nous est impossible d’examiner dans le détail toute la richesse symbolique des Métaux présents au sein de la Loge.
Nous ne pouvons qu’en dégager les grandes lignes.
Soulignons qu’au sein du Temple ces Métaux sont parfaits, purs, débarrassés de toutes souillures. Il faut donc les considérer dans leur sens symbolique.
- L’Or-Soleil : L’or représente le principe actif, la perfection, le feu, la lumière. C’est aussi le principe masculin. Son caractère inaltérable est symbole d’immortalité. L’or est également associé à la connaissance.
- L’Argent-Lune : L’Argent représente le principe passif, le caractère féminin. Par extension l’Argent est associé à la pureté, la transparence, le psychisme, l’âme et les mondes intérieurs.
- Mercure : Symbole alchimique universel, il a le pouvoir de purifier l’Or. « Face à la double pression des pulsions intérieures et des sollicitations extérieures, il est le meilleur agent d’adaptation à la vie » (confère Jean Chevalier et Alain Gheerbrant “Dictionnaire des Symboles”, Collection Bouquins Robert Laffont p.624
- Cuivre-Vénus : Symbolise la cohésion.
- Fer-Mars : Symbolise le dynamisme, la puissance de l’agir, la robustesse.
- Etain: Symbolise la puissance d’incarnation
- Plomb-Saturne : Symbolise la base la plus modeste d’où peut partir une évolution ascendante. Le plomb agit également comme un révélateur de la nature secrète des choses.
Depuis la nuit des temps, nous percevons l’influence des planètes, étoile et satellite sur les êtres et les choses (Marées, vents solaire…).
Il en est de même en Loge, nous travaillons sous l’influence directe, combinée et bénéfique de tous ces corps célestes, ces Métaux.
Chacun d’entre eux nous inspire et nous transmet, un principe positif, une force qu’il faut sans cesse chercher à faire vivre en nous.
Cette quête n’est évidemment pas sans rapport avec la nécessité de l’abandon de nos vils Métaux aux portes du Temple.
- Quid de l’abandon des « métaux » aux portes du Temple…
Pour la première fois entendue à la sortie du cabinet de réflexion, l’invitation à l’abandon de nos « métaux » nous est rappelée à chaque début de Tenue, aux portes du Temple.
Tentons de percer les mystères de cette formule, et essayons d’appréhender toute la signification du mot "Métaux “.
Dans la littérature maçonnique, on utilise indifféremment l’expression “abandon des métaux” ou “dépouillement des métaux”. Dans cette dernière l’emploi du terme “dépouillement” est très fort et révélateur. Son usage nous amène à penser que nous devons nous séparer d’une partie de nous-mêmes, qu’il s’agit de la mort (la dépouille étant comme chacun sait le corps du défunt) de notre être tel qu’il était dans le monde profane.
Au seuil du Temple, le dépouillement des métaux est d’ailleurs précédé d’un instant de silence. Ce silence apparaît comme un moment de recueillement, durant lequel nous nous détachons progressivement de toute pensée profane. Ce qui renforce encore l’idée de mort, nous quittons ainsi notre “vieille peau”, en référence à la mort du vieil homme, pour en endosser une nouvelle, celle de Frère.
Mais quelle est donc cette partie de nous-mêmes, ces Métaux, dont nous devons nous défaire au seuil du Temple.
L’Encyclopédie de La Franc Maçonnerie indique que le terme métaux “ traduit la force des vices et la nocivité des passions humaines” (« Encyclopédie de La Franc Maçonnerie », Paris 2000 p. 570).
Ces Métaux dont nous devons nous défaire ce sont donc, toutes les noirceurs de notre âme, les travers de notre esprit, la petitesse de certains de nos actes.
Si les Métaux sont purs au sein du Temple, ceux du monde profane incarnent parfois le reflet de nos bas instincts :
L’Or peut aussi être symbole de l’orgueil, l’Argent celui de la paresse et de la cupidité…
Se détacher de nos métaux c’est aussi sortir des stéréotypes stériles dans lequel la société ou nous-mêmes nous nous cloisonnons. Ne pas se conformer aux idées préconçues, mais en éprouver la valeur, ne pas suivre aveuglément les dogmes ou baser sa réflexion sur des préjugés.
”Celui qui se présente aux purifications doit donc être dépouillé du vil métal de l’existence, de tout ce qui fait de lui un individu borné par des conditionnements, des prétentions et des chimères. Lors du dépouillement des métaux on retire à l’être ses rigidités, ses a priori et ses entraves afin de recréer un être neuf, délivré de ses pesanteurs“ (Confère François Aries « Le Dépouillement des Métaux et l’alchimie du temple » Maison de Vie Editeur 2009, p 36).
Plus que l’abandon ou la mort de notre nature la plus sombre, le dépouillement de nos métaux semble nous renvoyer à la purification de l’ensemble de notre être ou pour reprendre une formule alchimique de « transmuter le vil métal en or pur ».
Ce n’est qu’une fois cette purification accomplie que l’individu devenu Frère pourra pénétrer dans le Temple.
- …et de leur reprise
Comme nous venons de le voir, l’abandon des métaux est un acte de purification.
Une fois épuré pourquoi devenons nous reprendre à la sortie du temple nos vils métaux ?
Oswald WIRTH nous livre une première explication : “Le faux brillant des choses ne doit plus faire illusion à l’homme qui a été purifié intellectuellement et moralement. ” (Confère « La Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes » édition Dervy p.113-114)
En somme la purification nous fait changer notre perception des choses. Au sortir du Temple nous regardons avec plus d’acuité nos faiblesses ce qui permet de mieux s’en détacher.
A chaque Tenue il nous est demandé de procéder de nouveau à l’abandon de nos métaux, car la purification doit sans cesse être renouvelée.
Ce travail est sans fin, c’est pourquoi nous devons reprendre nos Métaux pour continuer à les affiner encore et encore.
Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons faire de nouveaux progrès en maçonnerie.
(…)
Chr.°. Chi.°.