Le décorum du Cabinet de Réflexion
Seule et immobile, l’ambiance est alors propice à l’introspection.
Ce cabinet, qui se trouve sous terre et dans une semi-obscurité, représente un caveau dans lequel va mourir le vieil homme et, de par la présence de la bougie qui scintille, va pouvoir renaître. Tous les symboles que nous allons rencontrer ont une double vision qu’il convient d’étudier. Ainsi donc, tout commence dans les rites les plus anciens par un isolement et une sorte de privation. En tout temps, les hommes en devenir devaient prouver leur capacité à devenir homme en s’écartant de la communauté, sans ressource matérielle avec pour seul outil leur esprit. Le retour en terre est donc synonyme de mort, mais également de vie ; sans support la vie ne peut germer.
L’obscurité qui peut faire peur peut être perçue comme un élément de tranquillité, la nuit où tout est calme, reposant. Certains disent que le sommeil a les vertus de la mort sans son léger inconvénient. La nuit est propice au sommeil, à la récupération, c’est là où nous nous ressourçons, ainsi que très tôt le matin lorsque la nature s’éveille. C’est un moment où nous pouvons laisser tous nos sens s’ouvrir.
Là, dans le Cabinet de Réflexion, nous nous trouvons dans le noir face à nous-mêmes, libre de partir ou de rester afin de réfléchir sur notre démarche. Pour éclairer ou tout du moins attiser notre réflexion, nos Sœurs et Frères passés nous ont laissé de quoi méditer.
LE BLÉ
Élément primordial, il est une des clefs des deux Saint-Jean. Il s’agit d’un produit de base servant à l’élaboration du pain qui fut l’un des premiers aliments cuits. Il est un composant central de l’alimentation humaine – tout du moins en Occident et au Moyen-Orient – et il a été mentionné dans de nombreuses écritures. Il symbolise aussi le cycle de la germination.
LE MIROIR
C’est celui qui reflète, qui réfléchit. Il nous invite à réfléchir sur les raisons qui nous ont menées ici, pourquoi nous sommes là ? Il nous apprend à nous regarder non pas d’une façon narcissique, mais à nous regarder pour mieux nous connaître. Le miroir reflète notre image, ce qui doit donc nous aider à réfléchir qu’il n’y a pas de vérité, car l’image renvoyée par le miroir n’est pas vraiment la nôtre puisqu’elle est inversée. Nous pouvons donc imaginer que notre introspection ne finira jamais.
C’est la confrontation à nous-mêmes, si bien que dans certain rituel (Français notamment) lors de l’initiation, il est demandé au profane d’être vigilant aux différents écueils qu’il pourra rencontrer et qu’à ce moment-là, il est retourné face à un miroir qui lui renvoie son image. L’homme doit faire face à son ego.
Tout cela est fort bien repris dans Blanche Neige où la reine a le besoin impérieux de s’en remettre à son miroir qui ne lui répond uniquement sur un élément superficiel et égotique qu’est l’apparence. Le Cabinet de réflexion est un miroir qui permet de voir en soi au-delà des apparences.
L’EAU
Élément purificateur que l’on reçoit lors du baptême. C’est la base de la vie. Ne sommes-nous pas baignés pendant neuf mois dans le liquide amniotique ? L’eau peut évoquer la transparence et varie inlassablement entre précipitation et condensation, entre le ciel et la terre. Sans elle, aucune vie n’aurait pu se développer. Mais l’eau peut aussi engloutir…
LE SEL
Saveur (vous êtes le sel de la terre évangile selon Saint-Mathieu), le sel à une vertu purificatrice et protectrice. C’est un agent de conservation. Il fut aussi une monnaie. Mais le sel peut aussi ronger, attaquer. Partager le sel est un lien de Fraternité. Il possède aussi des qualités alchimiques.
LE CRÂNE
Il nous rappelle à quel point notre existence n’est que temporelle. C’est ce qui reste de l’homme après sa mort. C’est l’homme dépouillé de tous ses artifices ; c’est un appel à nous dévoiler, à nous mettre à nu. Le crâne est le siège de la pensée, expression de l’esprit, de l’intelligence. Dans certaines légendes, le crâne humain est considéré comme homologue de la voûte céleste.
LA DAGUE
Elle sert à fixer et clouer la matière (c’est en quelque sorte le clou qui servi à crucifier le Christ sur la croix). Elle peut être l’arme pour se défendre, pour tuer, mais aussi l’ustensile de survie, et peut être aussi là pour trancher. Trancher dans le sens prendre une décision. Quoi de plus utile, car l’indécision est un malheur pour l’homme. La dague représente la part animale de l’homme. En alchimie, le couteau servira à ouvrir la matière et, particulièrement, lorsqu’elle est à travailler ou à purifier. Encore une fois nous n’avons eu de cesse de l’entendre lorsque nous étions enfant et que nous écoutions des histoires comme celle du Petit Chaperon Rouge où le chasseur éventre le loup pour en sortir le petit chaperon et le remplacer par… une pierre lourde.
V.I.T.R.I.O.L. / VISITA INTERIORA TERRAE RECTIFICANDOQUE INVENIES OCCULTUM LAPIDEM
… ou encore visite l’intérieur de la terre et en (te) rectifiant tu trouveras la pierre cachée, symbole de notre véritable identité qu’il faudra chercher à éclairer. Il convient donc de mener une profonde introspection. Le mot rectifiant prend à mon avis deux sens : celui de rectifier l’existant (notre pierre brute) ou alors de changer de comportement. Dans les deux cas, ce processus intervient après une première opération. Rectifier doit être étudié comme une première chance. Ce sera le prix de la pierre cachée qui se trouve déjà en nous. Il est donc inutile d’attendre que quelqu’un nous la donne. Charge à chacun de nous de la trouver en soi, ce qui revient à dire :
« Descends au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable, sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau ». Le vitriol, quant à lui, est un sulfate ferreux ou acide sulfurique qui attaque les métaux. C’est le début d’un processus d’oxydation, autrement dit la mort de la Materia Prima. C’est la synthèse exprimée des opérations alchimiques aux divers niveaux de transformation considérés, que ce soit celui des métaux ou celui de l’être humain. Dans ce dernier cas, le symbole va plus profond : il s’agit de se reconstruire soi-même, à partir de divers degrés d’inconscience, d’ignorance et de préjugés, par quoi l’homme peut découvrir la présence immanente et transformante du Grand Architecte de l’Univers.
VIGILANCE ET PERSÉVÉRANCE
La vigilance appelle à être attentif, à nous et à ce que nous allons vivre. La persévérance peut être abordée de deux façons : la première est de demeurer toujours dans la même façon d’être, de penser, de rester figer, entêter, obstiner ; la seconde serait de percer pour voir ce qu’il y a derrière le voile, sortir de sa caverne. Par vigilance, on peut aussi entendre l’ouverture de tous nos sens, ce qui a pour but d’avoir une autre vue, un autre ressenti sur ce que nous vivons. Mais, elle désigne pour moi la patience, la détermination : tout mettre en œuvre malgré des difficultés pour demeurer constant dans la fidélité de ce que l’on a entrepris et de ce que l’on croit juste, et la vigilance peut nous aider à élargir notre champ de conscience, pour justement changer de cap ou le garder. Dans les évangiles selon Saint-Mathieu il est dit « le secours d’en haut n’est jamais refusé à celui qui cherche avec confiance et persévérance ».
LE SOUFRE
Le soufre, placé à gauche, associé avec le sel placé à droite, symbolise le principe de l’alchimie spirituelle. Le soufre était connoté négativement dans les temps anciens. Il représentait les scories, les déchets. Il est souvent associé aux enfers et nous renvoie à Lucifer, qui n’est autre que le porteur de Lumière (lux = Lumière, feris = porteur). Il nous faut donc fouiller nos déchets pour y trouver notre pierre. Il me semble important de noter, comme je l’ai cité plus haut, que la gauche représente la direction de l’enfer ou le passé ; et la droite celle du paradis et de l’avenir. Le soufre est associé à l’air, à l’âme et à l’intellect.
LE MERCURE
Il est plus noble puisqu’il permet de purifier l’or et l’argent en les débarrassant de leurs impuretés. Avec le soufre, ce sont donc deux éléments que tout oppose. Nous pouvons dire qu’ils forment une noce alchimique souvent représentée par deux personnes qui se disputent. Il s’agit de l’opération alchimique de séparation du subtil et de l’épais. Ce qui permettra de réunir le mercure et soufre (les contraires) sera le sel qui fera émerger la quintessence. Le mercure est associé à l’air, à l’eau, à l’esprit et à la pensée.
LE SABLIER
Il représente le temps qui passe, ce qui est cyclique. Hermétiquement, il représente la maxime « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Une fois un cycle terminé, il faut nécessairement l’intervention de l’homme, une volonté agissante pour démarrer un autre cycle. Le vide et le plein doivent se succéder. Il y a donc passage du supérieur vers l’inférieur, c'est-à-dire du céleste dans le terrestre et ensuite par le renversement du terrestre vers le céleste. Telle est l’image du choix mystique et alchimique. Symbole du temps qui s’écoule de l’éphémère. Lamartine a écrit « le sablier symbolise la chute éternelle du temps. » Le crâne et la faux qui y sont associés sont la mort qui fauche les vies.
LA BOUGIE
Plongée dans cet environnement obscur, la flamme vacillante de la bougie peut nous suggérer que même dans les lieux ou les périodes les plus sombres, nous pouvons toujours nous orienter vers la lumière. Lumière toujours présente, elle représente également le feu agissant, la chaleur. La lumière a donc sa place au milieu de ce tableau. Il convient juste à l’impétrant de daigner d’ouvrir les yeux pour l’accueillir. Lumière qui nous aide à voir plus clair en nous. Tout cela signifie que pendant son ensevelissement dans la terre le profane se morfond, autrement dit, se fond dans la mort.
Mais dans le Cabinet de Réflexion, nous subissons notre première étape de transformation, notre œuvre noire. C’est l’endroit où nous laissons l’homme profane mourir, afin que ce dernier puisse démarrer un nouveau parcours.
Marie
R.°.L.°. « Roses et Croix d’Écosse »
O.°. Saint Étienne